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Lundi 13 janvier 2025, SANTÉ FUTURE reçoit Eric Chenut (président, Mutualité Française) , Jean-Marcel Mourgues (vice-président, Ordre des Médecins) , Raphaël Dachicourt (médecin généraliste et président, syndicat REAGJIR) , Matis Ringdal (CEO et cofondateur, Pixacare) et Hervé Bonnaud (Président, Nex&Com;)

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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Santé future, votre rendez-vous dédié à l'innovation
00:21et à l'avenir de la santé. A mes côtés, Hervé Bonneau est présent comme toujours, médecin de
00:26formation et président de Nexencom, toujours fidèle au poste pour nous livrer son édito. Salut Hervé.
00:31Salut Alix. A l'image des difficultés auxquelles est confronté le système hospitalier, difficultés
00:37déjà évoquées dans cette émission, l'accès à la médecine de ville se positionne parmi les
00:42préoccupations majeures des français. Les inégalités d'accès aux soins sont une réalité
00:47dans tous les territoires et toutes les spécialités médicales. Délai de rendez-vous, pénurie de
00:52médicaments, manque de médecins, quel est le constat ? Quelles solutions envisager ? Quel rôle
00:57peuvent jouer les professionnels de santé ? En somme, un modèle français est-il encore possible ?
01:03C'est le thème de cette émission et nous l'abordons en compagnie de Raphaël Dachicourt, médecin
01:07généraliste, président du syndicat Réagir, Jean-Marcel Mourgue, vice-président de l'Ordre des
01:13Médecins et Éric Chenu, président de la Mutualité française. Bonjour à tous les trois et merci
01:19d'être avec nous. Dans son édito, Hervé nous confie son ras-le-bol. Il en a assez d'entendre
01:25parler du manque d'accès aux soins depuis des décennies et évoque une situation qui se
01:31voyait pourtant venir de loin. Et dans la pépite santé, le chasseur de têtes de dirigeants dans
01:36l'industrie de la santé, David Mercier recevra Mathis Rindal, CEO et co-fondateur de Pixacare,
01:42une startup strasbourgeoise spécialisée dans la gestion des photos médicales et le télésuivi des
01:49plaies. C'est parti pour une nouvelle émission. Hervé, on commence cette émission avec ton édito
01:58et tu nous dis que le manque d'accès aux soins était prévisible et ce depuis longtemps. Oui,
02:04merci Alix. Effectivement, quand j'ai eu le thème de l'édito, le marronnier. Vraiment,
02:09l'accès aux soins, c'est le cauchemar des éditorialistes. J'en entends parler depuis que
02:12j'ai fini médecine en 1988. Ça date un peu et j'ai l'impression que c'était assez facile à
02:18prévoir. Déjà à l'époque, on pouvait se dire que la population était en train d'augmenter en taille
02:23et qu'elle allait vieillir et fait encore plus troublant que les médecins allaient eux aussi
02:27vieillir. Mais à l'époque, il y avait un numéro de scolose serré et il ne fallait pas en déroger.
02:31Donc évidemment, on se retrouve aujourd'hui avec une situation où on a en Ile-de-France 50 % des
02:37médecins généralistes qui ont plus de 60 ans. Et on s'étonne qu'il y ait plus de départs en
02:41retraite que de jeunes médecins généralistes qui s'installent. On m'a dit une fois,
02:45gouverner c'est prévoir. Je ne sais pas ce qu'ils gouvernent exactement, mais c'est étonnant. Et le
02:51numérosus clausus qui est devenu apertus. Ce qui m'a plu, c'est qu'au moins, je me suis dit,
02:55les énards qui nous dirigent ont fait du latin. Mais le minimum de postes, ça ne répond pas
03:01vraiment à la question. Ils ont oublié qu'il fallait 10 ans pour former un médecin. La pénurie,
03:06elle est maintenant. C'est là qu'on a un problème d'accès aux soins. L'accès aux médecins
03:09généralistes, ça commence à venir. L'accès aux spécialistes, c'est fait. Mais en même temps,
03:14ils rajoutent une quatrième année de médecine générale. Évidemment, parce que ça fait tourner
03:18les hôpitaux pour pas cher. On a bien tous compris la technique. Mais les médecins qu'on
03:23forme maintenant, ils seront donc en piste, si j'ose dire, en 2035, à une époque où il n'y aura
03:28plus de pénurie de médecins, puisque ça y est, le pic des retraites sera passé. Donc c'est bien
03:35pensé tout ça. Et nos chers gouvernants oublient aussi quelque chose, je pense, c'est que les
03:41générations qui s'installeront en 2035, ce seront donc des X, Y, Z, ou peut-être que A, on repartira,
03:47et le chasseur de tête nous en reparlera, je ne sais pas. Mais je ne suis pas certain que ces
03:51jeunes médecins voudront travailler 70 heures par semaine quand la règle, c'est 35 heures pour tout
03:57le monde, que le départ en retraite, on parle de 60 ans. Je ne crois pas pourquoi ça soit 70 ans
04:01pour un médecin généraliste, etc. Et la paperasse, et la paperasse. Les médecins sont débordés et on
04:08leur colle maintenant, en moyenne, 7 heures de paperasse par semaine. Ce qui fait une journée,
04:12ça n'aura échappé à personne. Donc AMG perd une journée par semaine à faire de la paperasse,
04:17à l'hôpital, pour avoir vu un médecin coté des actes de T2A, ça prend un temps fou aussi,
04:23c'est vraiment la bonne idée. Donc on se dit, on ne comprend pas, il y a un surrecours aux urgences.
04:29Bah tiens, évidemment, les médecins sont débordés en ville, ils ne peuvent pas, ils ne peuvent pas
04:33accepter plus de patients, ils ne peuvent pas faire plus d'heures, ça serait même dangereux. Et
04:37on se dit, ah bah oui, comment on fait ? SOS Médecins, ça a été créé en 66. Tout le monde
04:42n'était pas né. Déjà, on anticipait ce problème en disant, ah bah ça va coincer. Bah oui, ça va
04:48coincer, c'est sûr. Donc on a plein d'études, plein d'études, et Alix en parlera d'une tout à
04:53l'heure, qui sont plus ou moins alarmantes, qui disent, l'accès aux soins en France, ça se durcit,
04:58ça devient compliqué d'avoir un ophtalmo, un dermato, voire d'avoir un médecin traitant. Donc
05:03dans toutes les études qui existent, il y en a une qui m'amuse, on va dire, parce qu'elle est un petit
05:07peu modérée, c'est celle du FC Que Choisir, qui porte plainte auprès du Conseil d'Etat contre le
05:12gouvernement, qui fait une pétition, j'accuse l'Etat, accès aux soins. Bon, tout ça, ça va bien
05:17faire avancer le débat, c'est de la politique. Alors on a des Mozart de la Santé Publique qui
05:23nous proposent des solutions, toutes formidables. Il n'y a qu'à augmenter les effectifs à l'hôpital,
05:29en augmentant les salaires. Moi, je suis entièrement d'accord. Il y a juste un petit problème de budget,
05:33je crois que c'est d'actualité. Mais bon, il suffit d'obliger les médecins généralistes à refaire
05:38des gardes de nuit, ben voyons. Déjà qu'ils font 70 ans par semaine, il faut qu'ils bossent la nuit,
05:42on ne sait pas trop comment ils seront payés, puis ce n'est pas dangereux tout ça, donc c'est parfait.
05:46Donc ce n'est pas pour rien que ça avait été supprimé en 2002 par Jean-François Matei.
05:50Autre très belle idée, il n'y a qu'à développer les centres de santé. Vous vous souvenez, c'est
05:56Roselyne Bachelot qui a fait ça, et puis Mme Buzyn est repassée après en disant on va assouplir
06:02le dispositif, on va permettre l'organisation de centres de santé à but lucratif, non dirigés par
06:08des médecins, avec une volonté très claire peut-être de mélanger les soins et le business.
06:16Il y a eu quelques petits scandales, on en parle à la télé, la Complément d'Enquête l'autre jour a fait
06:20une émission sur la sommet d'Allianz Vision, des gens qui surfacturaient des actes. Alors on parle
06:26de ça plutôt que de parler du vrai boulot, des vrais médecins qui font tout ce qu'ils peuvent.
06:29Autre sujet qui est à la mode, ce sont les cabines de téléconsultation, nées pendant la pandémie.
06:36C'était une bonne idée à la base, et tout le monde se dit oui, les mettre dans les pharmacies,
06:40pourquoi pas ? Et pourquoi la HHS traîne à dire là on a le droit, là on n'a pas le droit ? Pourquoi
06:45on dit on va installer dans les gares ? C'est la SNCF qui dit ça, on va en ouvrir 300 d'ici
06:502028. Je sais que l'ordre râle en disant une gare ce n'est pas forcément un lieu de santé.
06:56Edouard Leclerc, Michel Edouard Leclerc, trouve que cette initiative de la SNCF est une très bonne
07:01idée, et que d'ailleurs il voudrait ouvrir des centres de soins dans ses supermarchés, bien sûr
07:07avec des parapharmacies et des pharmacies qui vendent des médicaments pas chers, on voit bien
07:11son histoire. Autre point qu'on entend partout, il n'y a qu'à obliger les jeunes médecins à s'installer
07:17dans des zones sous-denses, bien sûr. Moi je suis né avec 103 ans, je n'ai pas forcément envie de
07:22m'installer à Limoges, c'est ma vie, c'est mon choix et ce n'est pas une critique. Alors pourquoi
07:27est-ce qu'on garde ce classement national de l'internat ? On se retrouve à choisir une spécialité
07:31qu'on a plus ou moins désirée dans une région qu'on n'a pas choisie du tout. Il y a peut-être un
07:35truc à régler là, en fait c'est du bon sens. Et puis autre sujet que j'entends, la
07:41délégation de compétences. Autre marronnier qui pose des questions. Alors on invente les IPA,
07:47les infirmières de pratique avancée. Belle idée, cinq ans d'études, c'est-à-dire autant qu'un
07:51ingénieur. Mais c'est quoi leur rôle exactement ? On donne des actes à faire aux pharmaciens,
07:56on va rien demander d'ailleurs, mais ils ont été formés quand à faire certains actes qui
08:01relevaient de la médecine. Donc tout ça pour dire, voilà, j'ai quelques préoccupations sur la
08:07gouvernance qui nous entoure. Alors j'ai une bonne nouvelle pour finir, parce que je ne voudrais
08:11pas être que négatif. Nous avons une super ministre et c'est son titre qui me plaît. Elle
08:16est ministre de la Santé et de l'accès aux soins. Donc comme disait Jacques Lacan, le mot tue le
08:23monstre. C'est-à-dire que maintenant qu'on parle du problème, on a réglé le problème. Je ne suis
08:27pas certain que ça suffise exactement. Donc elle est ministre de la Santé, Geneviève Dariussecq,
08:31formidable. Le seul truc intéressant, c'est qu'elle travaillait tout près d'ici avant,
08:35au ministère de la Santé, juste à côté de là où on est, au ministère des armées. Donc elle est
08:40sans doute assez bien placée pour faire la guerre aux déserts médicaux. On va voir ce qu'elle peut
08:44faire. Mais le problème, c'est l'admivie des ministres. Je vous rappelle que c'est la sixième
08:48ministre depuis 2022 et la huitième depuis l'élection de Macron. Donc Geneviève, pour
08:56combien de temps es-tu là ? Merci beaucoup Hervé. Ce n'est pas encore le moment d'entamer le débat,
09:03néanmoins, petite question pour vous messieurs. Vous partagez le même constat qu'Hervé,
09:09le manque d'accès aux soins. C'était facile à prévoir ? Oui, c'était évidemment facile à
09:17prévoir. Sur les éléments démographiques qu'a rappelé Hervé, tout était connu, planifié. Il n'y a
09:26pas de surprise. On ne sait pas trop ce qui va se passer en économie. On ne sait pas trop ce qui va
09:31se passer en termes d'invention scientifique, etc. Mais en démographie, on s'est relativement bien
09:38planifié. Donc on savait que la population allait vieillir, on savait que la population allait
09:42augmenter et on savait que les médecins allaient partir. Et c'est vrai que là, il y a une impéricie
09:46dans les politiques publiques et dans la manière dont ces réponses ont été construites qui posent
09:53question. Aujourd'hui, l'Académie de médecine estime que pour remplacer un médecin qui part
10:00en retraite, il en faudrait 2,1. Donc on voit bien que ce n'est pas en passant de 8500 où il y a
10:06un médecin formé quand il y avait le numerus clausus à 11 000 avec l'apertus qu'on va répondre
10:13aux besoins. Le temps médical va continuer de baisser, Hervé le disait, jusqu'au milieu de la
10:17décennie prochaine. Et au mieux, on retrouvera le temps médical de 2020 en 2040-42. Sauf que d'ici là,
10:25la population, elle va continuer d'augmenter et elle va surtout continuer de vieillir. Donc le
10:29besoin en santé, lui, va considérablement augmenter. Et là où je ne rejoins pas Hervé, par contre, c'est
10:35que si on continue de penser le système de santé comme il est aujourd'hui, on continuera de gérer
10:40la pénurie. Et c'est pour ça que nous, on pense qu'il faut vraiment changer. Mais après, je voudrais
10:45quand même, parce que oui, il y a un problème d'accès aux soins. Il y a, comment dire, 6 millions
10:51quasiment de nos concitoyens qui n'ont pas de médecin traitant. Même si l'assurance maladie a
10:57beaucoup travaillé pour que ceux qui sont en infection de longue durée aient un médecin
11:00traitant, il en reste quand même encore un certain nombre qui n'en ont pas. Donc il y a des
11:04difficultés. Il y a des délais. Il y a du renoncement aux soins du fait des délais, du fait de l'offre
11:10dans les territoires. Mais il y a quand même tous les jours un million de consultations qui sont
11:15faites grâce à la mobilisation des médecins sur tout le territoire. Donc il ne faut pas non plus
11:21laisser penser à nos concitoyens qu'on est au Moyen-Âge et qu'il n'y a pas de solution pour se
11:27soigner dans le pays. Il y a des soucis. Il faut y réfléchir. Il faut y travailler collectivement.
11:32Mais quand même, grâce à la mobilisation des professionnels de santé, des médecins en
11:36premier lieu, les gens ne sont pas laissés à l'abandon quand même. Il faut quand même rester
11:43raisonnable. Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a pu être dit. Tout d'abord, le point de
11:51rupture, ça a été il y a déjà 30 ans avec une vision trop exclusivement comptable de la politique
11:58de santé. Avec l'ONDAM, le vote de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie avec
12:04une Standing Ovation le 15 novembre 1995. C'était Alain Juppé qui proposait cela. Il y a eu la loi
12:11HPST, dite loi Bachelot. Madame Bachelot est bien mieux connue pour sa politique des masques que sur
12:19l'effet délétère qu'elle a pu avoir sur la vision entrepreneuriale des hôpitaux. Et pourtant, on
12:25en porte encore les mots. Qu'est-ce qui s'est passé en 50 ans ? La population française a augmenté
12:32d'un tiers et elle a vieilli. Qu'est-ce qui devrait se passer, même s'il faut être toujours prudent,
12:40dans les projections démographiques d'ici 2070 ? 2070, c'est intéressant parce que c'est ce qui
12:46conditionne la formation des étudiants aujourd'hui. La population, en revanche, devrait stagner mais
12:53surtout elle devrait vieillir. La population des plus de 75 ans devrait doubler. Les vieux de demain,
13:01comme je dis de façon un peu expéditive, on les connaît puisqu'ils sont déjà parmi nous. Donc,
13:07plus de 5,5 millions de personnes âgées de plus de 75 ans qu'ils ne sont aujourd'hui. Or,
13:14on est dans une situation où les besoins n'ont pas été anticipés. Ça, c'est très cruel. Donc,
13:22il faut vraiment revenir à une dimension, pas revenir, venir à une dimension qualitative de
13:30la politique de santé. Et souvent, on parle de l'accès aux soins. Mais permettez-moi d'y rajouter
13:36le parcours. Parce que ce n'est pas parce qu'on a une clé à l'accès que le parcours de soins sera
13:42pertinent, adapté. Comme je le dis souvent, le patient esselé, non sachant, est souvent,
13:48trop souvent, en situation de devoir coordonner son propre parcours de santé. Ça, ce n'est pas
13:54admissible. Oui, je ne peux que partager ce qui a été dit dans les constats et mes collègues. Et
14:02en introduction, au final, le seul point de désaccord que j'aurai avec vous, c'est que
14:07certainement, les éléments démographiques étaient prévisibles. Ce qui n'a pas été anticipé et ce
14:12qui était difficilement anticipable, c'était l'évolution en passant d'une pathologie aiguë
14:18aux pathologies chroniques. Et finalement, c'est ça aussi qui vient faire que tout le système de
14:22santé doit être repensé. Et là, encore une fois, je vais avoir un point de désaccord avec vous.
14:26C'est le fait d'avoir, sur le fronton du ministère de la Santé, le terme accès aux soins. Il peut
14:31être vu d'une façon positive, mais il peut aussi être vu d'une façon négative en disant qu'on a
14:36retiré le terme de prévention, qui est quand même essentiel si on veut pouvoir une refondation de
14:41notre système de santé autour de cette prévention pour répondre non plus aux besoins de soins,
14:46mais vraiment aux besoins de santé de la population et du coup pouvoir diminuer la
14:50pression d'accès aux soins et avoir une meilleure santé publique. Et on va pouvoir développer tout
14:55ça. Tout de suite le débat. Il y a quelques mois, la Fondation Jean Jaurès a sondé plus de
15:038000 Français sur leur vision d'une société idéale, tant sur le plan politique que sur le
15:09cadre de vie souhaité. Les résultats de cette enquête sont sans appel. 66% des participants
15:14expriment le besoin urgent d'accéder facilement à des services et des professionnels de santé,
15:20un souhait qui transcende les catégories sociales, les âges et les environnements de
15:25vie. La traditionnelle fierté des Français pour un système de santé qu'ils considèrent comme
15:30l'un des meilleurs au monde semble avoir évolué vers une source d'inquiétude. Aujourd'hui nous
15:36décortiquons ces enjeux ensemble. Quelles solutions concrètes envisager ? Quel rôle
15:40les professionnels de santé peuvent-ils jouer pour répondre à ces attentes pressantes ? Je
15:46suis ravie d'accueillir nos invités pour ce débat sur l'avenir de l'accès aux soins en
15:50France. Jean-Marcel, j'aimerais commencer avec vous. Hervé l'a dit, le thème de l'accès aux
15:55soins, c'est un marronnier en France. Il revient régulièrement dans le débat public. Aujourd'hui,
16:01rapidement, quels constats peut-on faire sur l'état de l'accès aux soins ? Il concerne
16:07quasiment l'ensemble des territoires. Même s'il n'y a pas de définition des déserts médicaux,
16:13on considère que 90% du territoire maintenant est concerné par des difficultés d'accès aux soins.
16:20Il concerne l'entièreté des soins, toutes spécialités confondues, spécialité médecine
16:26générale, mais aussi toutes les autres spécialités, hôpital, ville. Donc c'est un constat qui s'impose
16:34et qui, hélas, s'aggrave au fil du temps. Il n'y a pas de spécialité plus concernée,
16:39plus touchée ? Il y a, mais c'est plus de l'ordre de la nuance. On va dire plutôt qu'il n'y a pas
16:44de spécialité qui ne soit pas concernée. Alors si vous prenez la psychiatrie, par exemple,
16:49elle est particulièrement concernée par les inégalités théâtrales, mais il y en a bien
16:54d'autres. Raphaël, les chiffres montrent une légère augmentation du nombre de médecins en activité
16:59régulière. Pour autant, est-ce que cette hausse est suffisante pour répondre aux besoins ? Alors
17:05cette hausse du nombre de médecins, de façon générale, elle cache quand même certaines
17:09disparités. C'est que finalement, on a une hausse du nombre de médecins sur les spécialités
17:14hors médecine générale, mais finalement, sur la spécialité de médecine générale, on stagne,
17:19voire on a tendance à diminuer. Et ça, on a des données également de l'Adresse qui viennent
17:23compléter, en plus celle de l'Ordre des médecins, et qui montrent que non seulement on a une
17:27diminution de l'exercice en ville, libérale notamment, et une augmentation de l'exercice
17:33salarié, et une diminution du nombre de médecins généralistes. Donc on se rend compte que,
17:37forcément, on va avoir un souci sur les soins qu'on appelle de premier recours, c'est-à-dire
17:42le médecin traitant en priorité, puisque finalement, en diminuant ce nombre, on va
17:47avoir du mal à faire face à l'augmentation de la population, et au vieillissement, et à
17:52l'augmentation des pathologies chroniques. On l'a évoqué au sortir de l'édito d'Hervé,
17:58l'impact du vieillissement de la population, c'est une émission concrète. Aujourd'hui,
18:04à quelle solution on peut penser pour anticiper la demande en soins spécialisés ? Je crois que
18:11c'est une boîte à outils. Il n'y a pas une solution, une seule, sinon elle aurait été appliquée.
18:16Il faut d'abord décloisonner le système de santé. On est dans un système polyarchique,
18:22avec des frontières entre la ville, l'hôpital, entre le sanitaire, le médico-social, et entre
18:30les différentes spécialités. L'hôpital va mal, la ville va mal, on a injecté avec le Ségur la
18:36santé des sommes astronomiques, mais c'est le tonneau des Danaïdes. Si on ne sépare en amont et
18:42en aval deux patients, dont 13 millions maintenant ont une infection de longue durée, 35% prennent
18:49un traitement quotidien, si on ne sait pas mieux prévenir, dépister, diagnostiquer suffisamment
18:56tôt, voir le maintien à domicile, le retour d'hôpital, on chargera la barque de l'hôpital
19:03sans pour autant avoir un parcours de qualité. Le défi dès aujourd'hui, c'est améliorer la qualité
19:11des soins, en en contenant le coût, puisque le système de santé français est essentiellement
19:17basé sur la solidarité, c'est une dépense socialisée, et il faut à ce moment-là effectivement
19:24redéfinir, je crois, les choses à parcours de ce qu'est un parcours de soins coordonnés et de
19:31qualité. Et là, force est de constater que nous sommes très très loin de ce qui serait un parcours
19:37vertueux. Eric, justement, le système de protection sociale est en difficulté, dans quelle mesure ça
19:45pourrait aggraver les inégalités d'accès aux soins ? Moi je rejoins ce qui a été dit, je pense
19:52qu'il faut d'ailleurs qu'on soit attentif aux éléments statistiques et pas résonner en nombre
19:57de médecins, mais bien en temps médical, parce que Hervé le disait dans son édito, les médecins qui
20:04arrivent aujourd'hui n'ont plus envie de travailler 65-70 heures par semaine, et c'est peut-être tant
20:11mieux d'ailleurs pour leur vie personnelle bien sûr, mais aussi pour avoir aussi d'autres temps,
20:18parce qu'à un moment donné, à travailler autant, on peut aussi avoir un certain nombre de complications
20:25à moyen et long terme. La vraie difficulté dans laquelle on est, et je rejoins le docteur Bourg qui
20:33vient de parler à l'instant, c'est que parce que les soins de ville aujourd'hui ne vont pas bien,
20:39on transfère à l'hôpital, notamment par les passages aux urgences, compte tenu des difficultés
20:46sur la permanence de soins, et du coup l'hôpital absorbe des choses qui ne sont pas son coeur de
20:53prise en charge, parce que sur les 23 millions de passages aux urgences, on a une bonne partie,
20:57ce n'est absolument pas des urgences, et il nous faudrait organiser les prises en charge autrement,
21:04ça coûte très cher, ça coûte très cher à l'hôpital, ça coûte très cher au système de santé,
21:08ça coûte très cher à la protection sociale, à la sécurité sociale, comme aux complémentaires
21:13santé ou mutuelles, et donc la question c'est aussi comment on remet des moyens sur les soins
21:18de ville pour que les médecins, les paramédicaux, les pharmaciens, au travers d'équipes de soins
21:25traitants à l'échelle des territoires, puissent organiser des parcours, puissent prendre en charge
21:32au travers de la compétence partagée, les assurés sociaux, qui sont pour maintenant une bonne partie
21:39d'entre eux, 13 millions d'entre eux, porteurs de pathologies chroniques, et donc qui ont des
21:44besoins, en termes d'éducation thérapeutique, en termes de suivi de long cours, très différents des
21:49besoins de prise en charge que l'on connaissait dans les années 70-80, où les gens étaient ou en
21:55bonne santé ou avaient des pathologies aiguës, mais il y avait beaucoup moins qu'aujourd'hui des
21:59pathologies chroniques. Pourquoi est-ce qu'il y a des pathologies chroniques ? Parce qu'on a fait
22:02d'énormes progrès médicaux, scientifiques, pour pouvoir faire en sorte que ces gens ne meurent plus,
22:09soient soignés, se remettent de pathologies lourdes, type cancer, etc. Et donc la question,
22:17c'est comment on adapte, comment on transforme le système de santé à ses besoins en santé très
22:23différents de ceux qu'ils étaient précédemment. Et c'est cela qu'on n'a pas suffisamment anticipé.
22:29Est-ce qu'on a une idée de la proportion de patients contraints de renoncer à des soins ?
22:3560% sur l'étude que nous avons rendue publique début septembre, le carnet de santé sur l'état
22:42de la France que nous publions chaque année. Essentiellement, c'est renoncer ou différer
22:49des soins. C'est sur les deux aspects. C'est des gens qui, sur les 12 mois qui précédaient
22:57l'étude, l'étude avait été menée en juin, n'ont pas pu faire les soins au moment où ils le souhaitaient.
23:05Là aussi, il faut modérer parce qu'il faut aussi regarder ce qu'est le niveau d'attente,
23:10d'exigence de nos concitoyens. Et là, il y a peut-être aussi à redéfinir une forme de contrat,
23:15c'est-à-dire sur ce que notre système de santé est capable de faire, c'est quoi ses missions
23:21principales pour que dans la relation entre les professionnels de santé, les assurés sociaux,
23:28la puissance publique, les choses soient claires quant aux missions des uns et des autres et la
23:36manière dont ça fonctionne. Messieurs, vous qui êtes sur le terrain, en termes de renonciation
23:41aux soins, c'est des échos que vous avez aussi, c'est un vrai ressenti ? Moi, je suis installé
23:47en maison de santé dans un territoire urbain, y compris dans un territoire urbain proche d'une
23:53grande métropole. On le voit quand même, cette problématique de renoncement aux soins, que ce
23:58soit du premier ou du second recours, c'est-à-dire que ce soit de la médecine générale ou alors sur
24:04d'autres spécialités. On fait face à des délais d'accès qui s'allongent du fait du manque de
24:11possibilité d'accueillir ces patients. Donc forcément, on voit ces patients en difficulté.
24:16Finalement par contre, et c'est vrai que je rejoins sur le fait qu'il faut le tempérer, c'est que
24:21l'objectif n'est pas forcément de répondre à une demande tout de suite, mais plutôt un besoin de
24:27santé. Et là finalement, on a un pan aussi à travailler qui est celui de l'éducation à la
24:31santé et qui rentre dans cette stratégie globale qui va être nécessaire pour répondre aux
24:35difficultés d'accès aux soins. C'est qu'on ne peut pas avoir une solution unique, il faut pouvoir
24:40agir sur tous les leviers qu'on a à notre disposition et c'est ça qui manque actuellement
24:44dans les politiques de santé, c'est cette planification long terme pour dire comment
24:49est-ce qu'on va résoudre ce problème à court terme, à moyen terme, à long terme, agir sur
24:54l'offre, agir sur la demande et agir sur l'organisation. Comment garantir un accès aux
24:59soins quand plus de la moitié des médecins spécialistes sont inscrits en secteur 2 et
25:03pratiquent des dépassements de l'horaire ? Alors vous avez aussi une modération, l'Octam, qui permet
25:13de prendre en charge avec une prise en charge du système complémentaire, même si
25:19effectivement je n'appelle pas ce qu'il y ait une augmentation de la charge sur le système des
25:25complémentaires. Ensuite ceux qui ont la complémentaire solidaire santé, si vous voulez
25:34CMU-CMUC, ont eux un accès sans que le médecin puisse leur imposer des dépassements d'honoraires,
25:47heureusement. Mais effectivement il faut très certainement avoir une vision en partie
25:55décentralisée de la politique de santé avec des objectifs nationaux mais en sachant que les
26:01territoires sont très hétérogènes, très différents dans leur réalité. On ne peut pas, si vous voulez,
26:08la Seine-Saint-Denis est un département jeune, 16% de plus de 60 ans seulement, mais avec des très
26:14grandes précarités sociales, de difficultés linguistiques, sans compter une population en
26:21situation irrégulière. Vous prenez la Creuse, c'est 40% de cette population âgée mais qui va avoir
26:28d'autres défis de proximité de la médecine dite spécialisée, c'est à dire hors médecine
26:35générale. Donc il faut vraiment avoir cette agilité, cette plasticité de solution qui s'est
26:44faite au tout début de la pandémie Covid-19 où les hôpitaux finalement, lorsque les gens arrivaient
26:49dans les urgences réanimation, ont répondu à l'urgence finalement en sortant d'un tout
26:57administratif. Donc là il faut vraiment être très inventif pour prendre au mieux les réalités des
27:06territoires qui sont extrêmement disparates et avoir en quelque sorte contractualisé un accès
27:13aux soins selon les réalités de chacun des territoires. Je rebondis sur cette question de
27:17l'accès aux soins financiers qui me paraît vraiment importante. Actuellement on a 95% des
27:22médecins généralistes qui sont conventionnés en secteur 1. Donc finalement on a quand même un
27:26socle qui est assez solide sur cet accès aux soins primaires. Après la question aussi territoire par
27:33territoire est variable. Quand on prend par exemple une ville comme Paris où les loyers sont
27:38particulièrement élevés, on a une difficulté à faire tourner une entreprise libérale et à financer
27:44cette entreprise avec des tarifs qui sont les mêmes que des zones où les loyers ne sont pas
27:48les mêmes. Donc il y a aussi cette problématique là et ensuite plus largement on le voit dans les
27:53questions actuelles, on voit que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale il
27:58est question d'augmenter le ticket modérateur et d'avoir un transfert de l'assurance maladie
28:03vers les complémentaires d'une part pris en charge actuellement par l'assurance maladie.
28:07Donc forcément nous on s'oppose à cette mesure qui justement va aller en piété sur l'accès aux
28:12soins financiers pour la population. Il y a quatre gros axes qui préside au choix de
28:23l'installation secteur public ou privé du médecin. L'origine géographique de l'étudiant,
28:30ensuite l'aménagement d'un territoire, l'attractivité d'un territoire et là il y a
28:38vraiment des ruptures en termes d'attractivité territoire, tous services confondus, scolarité,
28:43culture, désenclavement etc. Troisième pavé, la qualité sanitaire du réseau dans le territoire.
28:52Est-ce qu'un médecin va pouvoir finalement exercer en bonne qualité, ça peut être pour certaines
28:59spécialités les plateaux techniques, pour le médecin généraliste aussi l'intégration à une
29:04équipe de soins, la fluidité avec d'autres professionnels de santé, d'établissement de
29:09santé publique et privée etc. Et le quatrième pavé effectivement c'est aussi des items plus
29:17spécifiques à certains territoires que d'autres qui sont pêle-mêle la sécurité, l'immobilier,
29:24les temps de trajet. Voilà. Moi je rejoins complètement sur les critères, c'est pour ça
29:32que nous on a l'appel à une refonte complète de l'aménagement du territoire des services
29:38publics de santé autant hospitaliers, sanitaires, médico-sociaux que en lien avec les soins de
29:47premier recours parce que en fait la dernière grande loi d'aménagement sur ces sujets là
29:53elle date de 30 ans et or en 30 ans les évolutions de population sont absolument
29:58majeures, il y a eu des mouvements de population à l'échelle du pays, il y a eu des mouvements de
30:03population plus âgées encore plus important à l'échelle du pays et qu'aujourd'hui nos
30:09organisations ne répondent plus du tout aux besoins et donc là dessus il y a une vraie
30:13une vraie difficulté. Oui je rebondissais sur ce que disait le docteur Dachico sur le projet de
30:21loi de financement de la sécurité sociale qui une nouvelle fois ne répond absolument pas à
30:27la réalité des besoins et une nouvelle fois on est sur des arbitrages comptables, court-termistes,
30:32technocratiques, la vie est belle sous Excel et on bascule de la dépense de l'assurance
30:38maladie vers les complémentaires et on a l'impression qu'on va régler quelque chose, on
30:41règle rien. La problématique aujourd'hui à laquelle notre pays est confronté c'est qu'en 2024
30:47on aura dépensé 315 milliards pour le système de santé entre l'assurance maladie, les complémentaires
30:54santé et le reste à charge des ménages. On n'aura jamais autant dépensé pour se soigner dans ce
30:59pays. Pour autant les professionnels de santé ne sont pas satisfaits parce que leurs conditions
31:04de travail sont compliquées que ce soit à l'hôpital comme en ville, les assurés sociaux ne sont pas
31:08satisfaits donc à un moment donné si on met de plus en plus d'argent et que personne n'est content
31:14et qu'en plus on ne règle pas la question des inégalités de santé dans notre pays
31:19c'est peut-être quand même qu'il y a quelque chose à changer et c'est ça que nous on appelle,
31:23parce que si on est sur les tendances sur lesquelles on est aujourd'hui, la dépense de santé elle évolue
31:30deux fois et demi à trois fois plus vite que la richesse nationale ces dernières années. On ne
31:35tiendra pas, c'est à dire qu'à un moment donné le système va se fracturer, il ne sera plus
31:39finançable. En 20 ans, juste pour qu'on mesure ça, la dépense de santé elle a augmenté de 130 % donc
31:47il y a un sujet et il faut investir sur la prévention, investir sur l'innovation. On a
31:53des besoins d'investissement qui sont colossaux, on a des sources d'inefficience qui sont importantes
31:59dans notre organisation et aujourd'hui dans les propositions qui sont faites par le gouvernement,
32:06et bien on ne s'attaque pas du tout à ces sources d'inefficience pour pouvoir redéployer des moyens
32:12sur la prévention, sur l'innovation et donc pour nous on n'est absolument pas à la maille. Débattre
32:18de la répartition de la dépense entre l'assurance maladie et les complémentaires santé n'est
32:22absolument pas à la hauteur des enjeux. Raphaël, vous avez 31 ans, quel est l'état d'esprit de la
32:29nouvelle génération de médecins ? Merci de la question parce que je pense que c'est un point
32:33important. Ça a été dit en introduction et je ne peux que confirmer ça, les nouveaux médecins,
32:40les jeunes médecins n'ont pas envie d'exercer comme avant. Il y a une évolution sociétale qui
32:45n'est pas seulement propre aux médecins, c'est à dire qu'ils ont une volonté primaire de pouvoir
32:51beaucoup mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle. Donc certes ça va
32:56passer par une diminution du temps de travail comme dans le reste de la société, mais par contre
33:00ils ont aussi une autre volonté et qui peut être intéressante celle-là, c'est de mieux concilier
33:06différents types d'exercices, c'est à dire finalement d'aller plus vers des exercices
33:10mixtes avec des évolutions dans leur carrière. Et c'est là où justement peut-être on va avoir
33:14une possibilité de décloisonner les différents systèmes en favorisant l'exercice à la fois en
33:21hôpital et en ville et en structure médico-sociale et par un système de vacations à droite à gauche
33:27parce que les besoins sont partout et il n'y a pas une carrière où on va s'installer et rester
33:3330 ans chevillé et menotté à son cabinet de consultation, on va pouvoir sortir des cabinets
33:39et mener une vraie démarche de soins, d'aller vers les populations et de décloisonnement, de partage
33:46entre les différentes professions de santé, les différents types d'exercices. Jean-Marcel a un
33:51meilleur salaire, ce n'est donc pas si on écoute Raphaël la seule solution pour attirer les
33:56professionnels, il faut repenser entièrement la culture du travail dans ce secteur. Oui,
34:02à partir de valeurs positives, donner du sens, une vision, des perspectives positives à des
34:10professionnels de santé dont les médecins qui sont en souffrance et qui ont des patients en
34:16souffrance. Je crois qu'il y a un constat commun, je parle souvent d'alliances à construire et non
34:21pas d'opposition entre ce qu'on appelle, j'aime pas beaucoup le terme, les usagers de la santé,
34:25les patients et les médecins parce que finalement personne n'est heureux dans l'affaire et
34:32effectivement une des plus grosses sources de gisement c'est repenser l'organisation du soin
34:38et de la prévention en France. Là il y a des gains considérables et c'est pas finalement donner des
34:45ersatz en disant finalement c'est un accès direct, vous avez tant de couloirs, une téléconsultation,
34:51une cabine puis un jour vous irez chez le pharmacien puis finalement un centre de
34:55consultation non programmé ou à la permanence des soins ou le service des urgences etc. Mais au
35:00bout du compte il n'y a pas de coordination, faut pas se leurrer. Et puis je veux dire la
35:04téléconsultation, je suis pas contre la télémédecine, entendons-nous, mais la téléconsultation elle a
35:10eu un essor considérable dans une période très particulière qui était celle du début de la
35:16pandémie Covid où nous n'avions même pas les moyens de nous protéger. Alors vous imaginez que
35:22tout le monde était content d'avoir au moins ce moyen là, mais alors où on fait un peu la part
35:28des choses dans l'usage des réseaux sociaux, il y a un besoin très fort que le soin reste une
35:34activité humaine avec un contact physique si j'ose dire du soignant au soigné, ça c'est quelque
35:43chose de très fort. C'est pas pour ça qu'entre confrères, entre professionnels, entre structures
35:50de soins il peut pas y avoir de la téléexpertise, c'est pas pour ça que dans le suivi il peut pas
35:55y avoir des téléconsultations, mais il faut harmoniser tout cela. Je pense quand même qu'il
36:06faudra quand même évoluer sur la manière d'organiser le système de santé. Nous on plaide
36:13pour des équipes de soins traitants avec des médecins généralistes, spécialistes, mais aussi
36:18des pharmaciens, aussi des infirmiers, des sages-femmes, des psychologues, etc. Et pour que à
36:24l'échelle territoriale le patient, choisissant son équipe, puisse avoir aussi différentes portes
36:32d'entrée dans le système de santé. Je pense pas que ce soit un souci honnêtement aujourd'hui que
36:40les pharmaciens aient obtenu la possibilité de vacciner. Ça ne retire rien aux médecins,
36:47je pense que le temps médical est éminemment précieux et si on ne concentre pas le temps
36:54médical là où la plus-value est médicale, où il n'y a personne d'autre que le médecin qui peut le
36:58faire, on aura de plus en plus de difficultés. Je vais prendre un exemple pour me faire comprendre.
37:02Dans notre pays, si on fait un sondage, tout le monde nous dira qu'il n'y a pas assez d'ophtalmo.
37:09En vrai, si, il y a assez d'ophtalmo. Si, les ophtalmo font ce pourquoi leurs 13 ans d'études
37:14les ont amenés, c'est-à-dire les pathologies de l'œil. Par contre, si les ophtalmo continuent
37:18à être la porte d'entrée pour la prescription des lunettes, oui ça ne marche pas. Là où des
37:23organisations entre ophtalmo et orthoptiste font, les délais de prise en charge c'est un
37:28mois et donc ça fonctionne très bien. L'orthoptiste, c'est un spécialiste de l'acuité, etc. Et quand
37:34il y a une pathologie, il oriente vers l'ophtalmo, etc. Par contre, ça ne peut pas fonctionner si
37:41on ne rebasse pas le niveau tarifaire auquel sont payés les ophtalmo. Parce que la consultation
37:46d'ophtalmologie au prix où elle est payée, vu le temps qu'on passe pour une DML1, une
37:51rétinique pigmentaire, le cas mix horaire, le docteur Dachicourt disait qu'il faut un minimum
37:57quand même de ressources pour faire fonctionner une entreprise médicale et il a totalement raison.
38:02Si on est sur les bases de remboursement de la sécurité sociale telles qu'elles sont aujourd'hui,
38:06ça ne peut pas fonctionner. Donc si on veut décrisper le modèle, le système aujourd'hui,
38:13il faut qu'on rebase les tarifs des consultations médicales, paramédicales. Parce que si on demande
38:19aux paramédicaux d'assumer davantage de responsabilités, il faudra aussi les augmenter.
38:23Et donc ça suppose aussi de dégager des ressources. C'est pour ça qu'il faut
38:27travailler sur l'inefficience pour pouvoir réinvestir dans le système et utiliser les
38:32compétences au maximum de ce que les professionnels de santé peuvent faire de par leur formation. Les
38:40médecins, là où leur plus-value est réel, les paramédicaux sur tout ce qu'ils peuvent faire,
38:43comme le font d'autres pays. Ah mais non, mais entendons-nous, il n'y a pas d'opposition,
38:48il ne faut pas avoir d'opposition où il n'y en a pas. Mais quand on vous dit accès direct mais
38:52le médecin sera informé, c'est une gâcheur. Parce que l'espace numérique santé, le dossier
38:57médical partagé n'est trop souvent pas alimenté. Il y a un certain nombre de patients qui ne savent
39:05pas ce que c'est, certains qui l'ont fermé et certains dossiers médicals partagés qui sont
39:11finalement parfois alimentés pour des faits, des compte-rendus relativement secondaires et qui ne
39:17le sont pas pour l'essentiel. Donc il faut simplement savoir, si vous voulez, staffer,
39:24coordonner sur un projet de soins personnalisés, si vous voulez, les différents acteurs, quitte à
39:32réviser les modes de rémunération, parce qu'effectivement les modes de rémunération conditionnent
39:37les modes de coopération, même si ce n'est pas du rôle de l'ordre, c'est une réalité. Mais il faut
39:43donner du sens à ce qui est un parcours coordonné de soins. Or, trop souvent, il n'y a pas de
39:50coordination et en cela c'est délétère. Et donc c'est-à-dire qu'il y a une vraie responsabilité
39:56de la part des professionnels de santé ? Il faut faire en sorte de donner les outils.
40:01Coordonner, ça prend du temps et si on ne paye pas le temps de coordination, c'est compliqué.
40:07Moi je me suis occupé de centres de santé pour la mutualité, on a voulu que les professionnels
40:12de santé passent plus de temps en coordination, on a payé le temps de coordination. Alors c'est
40:18un autre détriment, parce que c'est aujourd'hui malheureusement pas bien nomenclaturé, donc c'est
40:24là-dessus, je pense, et là je vous rejoins docteur, c'est là-dessus qu'il faut avancer. Et effectivement,
40:29les outils, même s'ils ont progressé, mon espace de santé c'est quand même un beau progrès,
40:34mais il n'y a que 11 millions de nos concitoyens insurrés sociaux, patients, qui l'utilisent,
40:40c'est insuffisant, et il n'y a que 29% des médecins qui mettent des comptes rendus,
40:47des documents. Donc il faut que ce travail de conviction, on le fasse pour que la grande
40:55majorité des professionnels de santé y entrent, et que la majorité des insurrés sociaux y aient
41:00recours. Je pense que c'est quand même un enjeu clé aussi pour les années qui viennent,
41:05en continuant d'améliorer les fonctionnalités, et notamment les liens entre les éditeurs et mon
41:12espace de santé. Je vous rejoins sur un terme qui pour moi est important, c'est celui d'équipe. Et
41:19finalement la question c'est qu'est-ce qu'on met derrière ce mot d'équipe, puisqu'on voit en fait
41:24dans les débats politiques qui ont lieu, on essaye d'éclater complètement cette équipe qui pour
41:29autant est censée être un travail formalisé entre des professionnels. C'est-à-dire qu'une équipe,
41:34ce n'est pas des professionnels qui se rencontrent tous les 36 du mois. Une équipe, c'est un ensemble
41:40de professionnels qui contractualisent ensemble un mode de fonctionnement précis. Et ça, ça existe
41:45déjà. Ça s'appelle des équipes de soins primaires, ça s'appelle des maisons de santé pluriprofessionnelles,
41:49ça s'appelle des centres de santé. Quand on parle par exemple de CPTS, de Communauté Professionnelle
41:54Territoriale de Santé, on n'est plus dans cette notion d'équipe de proximité, on est dans quelque
41:59chose sur un territoire qui peut être très large avec des centaines de professionnels de santé,
42:04qui adhèrent à une association. Donc finalement, la logique, ce n'est pas d'ouvrir les vannes à tout
42:10va et d'avoir plein de portes d'entrée, mais c'est de garantir que ces portes d'entrée se fassent au
42:15sein d'une même équipe. Et c'est pour ça que nous ce qu'on plaide, c'est finalement de laisser
42:20aux équipes la possibilité de s'organiser comme ils veulent. Et il y avait une possibilité qui
42:24avait été ouverte qui était les protocoles locaux de coopération pour faciliter l'innovation et
42:30laisser la main à ces équipes. Et finalement, on n'a même pas eu le temps de s'en saisir et de
42:35commencer à innover, que déjà, on a transféré à tout va. Et l'exemple des pharmaciens est assez
42:41frappant. Le problème n'est pas que les pharmaciens vaccinent. Il n'y a aucun souci là-dessus. Moi,
42:46j'ai une pharmacie à côté de chez moi. Il n'y a aucun problème. On travaille avec eux là-dessus.
42:49Le souci, c'est que je n'ai jamais l'information. Jamais, jamais. Donc finalement, je me retrouve à
42:56devoir avoir un rôle de chef d'orchestre, de manager. On peut appeler ça comme on veut,
43:01mais sans avoir tous les outils à disposition. Par contre, si je travaille avec la kiné qui est
43:06dans ma maison de santé, je la croise tous les midis. On échange tous les midis. On a le même
43:10logiciel. On a les mêmes outils. La transmission se fait simplement parce qu'on a travaillé là-dessus.
43:15Ça, je vous rejoins sur le fait qu'aujourd'hui, les outils sont insuffisants et ne permettent pas
43:19assez le partage d'informations entre vous, les infirmiers, les pharmaciens, etc. Ça, je vous
43:24rejoins complètement. Il y a encore du boulot à faire. Je suis navrée, messieurs. C'est déjà la
43:29fin. On aurait pu continuer encore longtemps. Je pense. Merci à tous les trois d'avoir partagé
43:34votre expertise. Raphaël Dachicourt, médecin généraliste, président du syndicat Réagir.
43:39Jean-Marcel Mourgue, vice-président de l'Ordre des médecins. Et Éric Chenu,
43:43président de la mutualité française. On passe à la pépite santé.
43:47Et on termine cette émission avec la pépite santé. Bonjour David. Bonjour Alix. Ravie de te
43:57voir rejoindre l'émission. Et David, merci. Tu es chasseur de tête de dirigeants dans le secteur
44:03de la santé. Et ton premier invité est Mathis Rindel, CEO et cofondateur de Pixacare. Merci
44:11pour cette introduction, Alix. Alors aujourd'hui, nous allons parler de numérique en santé avec la
44:17société Pixacare. Alors Pixacare, c'est une solution numérique qui permet le suivi de la
44:25cicatrisation d'une plaie chronique. Une plaie chronique, c'est un escar, un ulcère, une plaie
44:30chirurgicale. Et Pixacare s'attaque à un vrai sujet de santé globale, mais aussi économique,
44:39parce que les plaies chroniques, c'est un coût de 3 milliards d'euros pour la sécurité sociale.
44:46Et Pixacare vient véritablement apporter une solution innovante sur ce sujet. Alors,
44:55bonjour Mathis Rindel. Bonjour David. J'ai envie d'aborder le côté humain, parce que j'ai
45:06regardé ton parcours, j'ai été étonné, peut-être même choqué en fait, parce que tu ne viens pas du
45:14tout du domaine scientifique, tu ne viens pas du domaine médical, tu n'as aucun réseau dans
45:19l'industrie medtech de la santé, ni dans les banques d'affaires, ni dans les fonds d'investissement,
45:25tu n'as pas non plus d'expérience entrepreneuriale. Alors si, tu as fait quand même une société qui
45:32s'appelle Cagette avec un K, mais c'était dans l'agroalimentaire et ça a duré dix mois. Et en
45:38fait, tu as tous les ingrédients pour échouer sur une société comme Pixacare, et en fait,
45:44tu es en train de nous faire une masterclass, parce que tu as fait deux levées de fonds
45:49successives, tu as réussi à convaincre Fifty Partners, tu as réussi à convaincre Elia,
45:54qui est le fonds majeur dans l'industrie de la santé. Alors, ma question, elle est simple,
46:02c'est qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, toi, tu es réussi dans cet environnement là où
46:08énormément d'entrepreneurs sont en train d'échouer dans l'industrie de la santé ?
46:12Je pense qu'il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Je dirais qu'il y en a quatre. Le
46:21premier, je dirais que c'est la résilience. Le secteur de la santé, c'est un secteur qui est
46:26évidemment très difficile. Créer une société dans tous les cas, n'importe quel secteur,
46:31c'est compliqué. La santé, il y a un niveau de difficulté qui est encore supérieur pour plusieurs
46:35raisons. C'est une industrie qui est conservatrice. C'est une industrie où il y a des barrières
46:39réglementaires qui sont très fortes. C'est une industrie qui est extrêmement adverse aux risques,
46:43donc à l'innovation. Ce qui fait que ça crée des facteurs très compliqués. Donc, je pense que
46:49l'un des facteurs clé d'échec de beaucoup de sociétés dans le domaine de la santé,
46:52c'est pas forcément qu'il n'y ait pas un bon produit, pas forcément qu'il n'y ait pas le marché,
46:56pas forcément qu'il n'y ait pas la bonne équipe, mais surtout qu'en fait, il y a un doute qui
46:59s'insinue au moment, à force de prendre des claques, en se confrontant à des clients,
47:04se confrontant à du marché, à se confrontant à de l'usage, ce qui fait qu'on ne persévère pas
47:07suffisamment. Ça, c'est un des facteurs importants, je pense. Tu penses que certains entrepreneurs
47:11lâchent trop tôt leur idée ? Oui, en fait, parce que c'est aussi un secteur qui est un des moins
47:18digitalisés. Pour l'instant, il y a encore peu de comparables, aussi bien pour les entrepreneurs
47:21que pour les fonds d'investissement. Donc, il y a encore une industrie, notamment le marché,
47:26le modèle économique est souvent difficile à trouver aussi. On se dit « Ok, je lance une
47:29boîte dans la santé, dans la tech, en santé, c'est quoi mon modèle économique ? » Soit je
47:32vais en pharma, soit je vais en mutuel, soit je vais aux hôpitaux en direct, soit je vais
47:35aux libéraux. En règle générale, dans chacun de ces modèles-là, il y a une ou plusieurs impasses.
47:41Maintenant, il y a de nouveaux modèles économiques de remboursement qui existent
47:44pour les sociétés innovantes, mais c'est quand même souvent très compliqué. Donc,
47:48quand on se confronte à un marché aussi complexe et qu'en plus, on ne voit pas le modèle économique
47:52au bout du chemin de manière évidente, de manière très précoce, souvent, on a tendance
47:55à s'arrêter un peu plus tôt, je pense, que dans d'autres industries.
47:58Et donc, le suivi de la cicatrisation de la plaie chronique, c'était un sujet évident pour toi ?
48:05Non, ça me permet d'aller sur un autre facteur important de succès, je pense,
48:11c'est d'être orienté par l'usage. En fait, nous, on ne s'est pas dit « Il y a un problème macro,
48:15macro-économique qui est le suivi des plaies chroniques, on va l'adresser globalement. » On
48:19s'est dit « Ok. » Moi, j'ai rencontré en 2018 mes deux associés, Vincent et Frédéric,
48:24dont Frédéric qui est chirurgien plasticien, qui fait entre autres des plaies, mais des plaies
48:28chirurgicales. Il avait son smartphone personnel rempli de photos de plaies. Et c'était ça le
48:33signal faible, en fait. Lui, il est arrivé en disant « Voilà, j'ai besoin de suivre mes patients,
48:38je n'ai pas d'outil pour le faire. » Moi, je ne savais même pas ce que c'était qu'une plaie
48:40chronique à ce moment-là. Je voulais créer un outil qui permettait de ranger les photos des
48:43médecins. Donc là, on a commencé à construire un petit produit qui gère ça. Petit à petit,
48:47on a suivi le fil et on est arrivé à une problématique qui est beaucoup plus large.
48:51C'est-à-dire qu'il y a une problématique d'objectivité, de mesure de la lésion,
48:55de suivi de la lésion, donc d'un aspect organisationnel, un aspect aussi sur la
49:01partie qualité de vie du patient. Mais on est vraiment passé par l'usage. Et je pense que
49:04c'est extrêmement important dans un milieu aussi complexe que la santé de commencer par quelque
49:07chose qui est défini et qui est adressable. Et quels sont les enjeux aujourd'hui pour
49:13Pixaker sur les trois ans à venir puisque là, vous venez de faire votre levée de fonds ? Qu'est-ce
49:20qu'on peut en dire ? On a trois objectifs principaux. Le premier objectif, évidemment,
49:26c'est comme toute entreprise qui lève des fonds, c'est forcément d'avoir un développement
49:31commercial plus important, donc de se déployer dans plus de sites. Là, on est en train de
49:36s'internationaliser. Donc, on est en France, en Belgique. On espère pouvoir être présent dans
49:40d'autres pays d'ici quelques années. On a un deuxième objectif qui est sur la partie
49:44réglementaire, nos intelligences artificielles de mesure de plaie. On a pour objectif d'obtenir
49:48le marquage CE sur ces algorithmes-là. Et le troisième objectif, c'est d'être capable d'obtenir
49:52remboursement. Donc, on parlait justement du modèle économique. Ils sont si difficiles à
49:55trouver dans le domaine de la santé. On cherche un remboursement en télésurveillance. Et le
50:00remboursement, c'est un enjeu majeur. Il n'y a pas beaucoup de sociétés qui ont réussi à
50:03l'avoir. Je pense à BetterEyes qui a réussi à avoir le remboursement sur ce sujet.
50:12Via le rachat, via la résilience. Oui, tout à fait. Ça fait partie des belles réussites.
50:18Évidemment, le remboursement est une étape extrêmement, très difficile. La marge est super
50:24haute. Il faut avoir des preuves cliniques, il faut avoir des preuves réglementaires. Le
50:27cahier des charges de mise en conformité, il est difficile à atteindre. Donc, Résilience est un
50:31exemple. Résilience ayant levé plusieurs dizaines de millions d'euros et ont racheté une entreprise
50:35qui avait déjà fait un parcours réglementaire depuis 10 ans. Donc, ça démontre un peu la
50:38difficulté. Donc, oui, on se base sur ce type d'exemple, ces entreprises qui ont obtenu le
50:44remboursement ou en prise en charge anticipée ou directement de manière pérenne pour essayer de
50:48la mettre en place de notre côté avec la Haute Autorité de Santé. Et vous aurez le remboursement
50:53dans combien de temps, alors ? On aura le remboursement, on l'espère, d'ici 18 mois.
50:58Donc, il y a de nombreuses étapes d'ici là. On met en place des études cliniques pour démontrer
51:05notamment de l'impact sur la qualité de vie du patient. Donc, typiquement, le fait de pouvoir
51:09suivre sa plaie, de savoir que le monitoring est fait à distance par un professionnel, qu'on ne
51:15soit pas lâché dans la nature, ça, ça a un vrai impact sur la qualité de vie du patient et on a
51:20bon espoir qu'on puisse le démontrer cliniquement. De même sur l'usage par les praticiens. On a
51:25déjà plus de 100 000 patients, maintenant, qui ont été suivis avec l'outil. Donc, ce qui démontre
51:28une prise en main efficace. Mais maintenant, il faut encore étayer ça pour que ça puisse...
51:33Vous avez des partenariats avec des établissements de santé ?
51:34Oui, on a des partenariats avec des établissements de santé, soit via une relation client-fournisseur
51:40où on leur fournit un outil, donc une forme de partenariat, ou alors via des partenariats de
51:44recherche, des partenariats scientifiques. Donc, on en a un, par exemple, avec le CHU de Lille,
51:47pour permettre de lancer une de nos études qui permettront d'obtenir le remboursement. Donc oui,
51:53d'ailleurs, c'est un point important dans les boîtes en santé. La question du partenariat,
51:56elle est souvent sur plusieurs aspects, scientifique, commercial, pas facile à
51:59adresser d'ailleurs. Et donc, oui, on en a avec plusieurs établissements de Rome.
52:03Aujourd'hui, c'est extrêmement difficile de faire des levées de fonds, de développer
52:12sa startup. Vous avez réussi à le faire, donc franchement, bravo pour ça. Quel conseil
52:20vous pourriez donner aux entrepreneurs aujourd'hui qui nous regardent et qui se disent,
52:25tiens, il y a encore de l'espoir pour pouvoir développer notre startup ?
52:30Oui, alors je dirais qu'un des premiers bons conseils, c'est de se confronter assez tôt
52:35aux investisseurs. Il y a évidemment d'abord ce qu'on appelle les business angels, les personnes
52:41qui mettent de l'argent directement, qui sont souvent une étape obligée. Et ensuite, il y a
52:44les fonds d'investissement institutionnels qui, eux, sont extrêmement sollicités, qui voient
52:48typiquement 4, 5 000 dossiers par an et qui mettent 10, 15 tickets. Donc, la barrière est très
52:52haute. Donc, ça paraît décourageant. Mais il y a une culture en fait dans ce milieu-là,
52:57dans le monde du VC qu'il faut comprendre le plus tôt possible. Et pour ça, je dirais que même
53:01lorsqu'on est trop jeune pour lever des fonds avec des fonds institutionnels, qu'on n'a pas les
53:05métriques pour le faire, il ne faut pas s'empêcher, il ne faut pas se censurer et aller directement
53:08leur parler. Eux, c'est leur métier aussi de faire des calls avec des boîtes, des boîtes
53:11souvent trop jeunes d'ailleurs pour leurs exigences. Mais le fait de comprendre ce qu'ils
53:15attendent, le fait de comprendre leur grille de lecture du dossier, le fait de savoir s'ils ont
53:18investi dans des boîtes à peu près dans le même secteur, nous, ça nous a permis directement,
53:21lorsqu'on a levé la deuxième fois des fonds, la plupart des fonds, on leur avait déjà parlé au
53:25moment de la première levée. Donc, ils nous connaissaient déjà, ils nous avaient vu évoluer.
53:29Et ça, lorsqu'on met un ticket dans une boîte, quand on se met côté investisseur, c'est super
53:32stressant. Il y a peu de produits, il y a peu d'équipes, peu de métriques. Donc, l'aspect
53:38relationnel, il joue énormément. Donc, je dirais vraiment aller parler à ces investisseurs intimidants.
53:43D'après vous, qu'est-ce qui a fait que les investisseurs ont misé sur Pixaker ? C'est la
53:51technologie ? C'est l'équipe ? C'est quoi en réalité ? Je pense que c'est un mélange. Le fait
54:00qu'on cochait les cases sur différents facteurs. On a une équipe pluridisciplinaire, on a un trio
54:05de cofondateurs avec un médecin, un ingénieur et moi qui ai un profil un petit peu plus business.
54:10Donc, ça déjà, ça rassure. Mais ensuite, on a aussi développé une barrière à l'entrée
54:14technologique et réglementaire en développant des intelligences artificielles pour mesurer la
54:17plaie, en ayant déjà fait un marquage CE, une norme ISO 385. Donc, ça, ça démontre notre capacité
54:22à exécuter sur la partie produit et de comprendre aussi les enjeux cliniques et réglementaires. Et
54:27ensuite, il y a un troisième aspect et je pense qu'il est le plus déterminant, c'est la partie
54:30vente. C'est souvent quelque chose qui, comme je le disais, est complexe à adresser dans la santé.
54:34Nous, on a eu une approche, l'idée par d'abord l'usage et puis ensuite le fait d'aller directement
54:39voir les hôpitaux pour leur vendre une proposition de valeur très tôt. Et ça a plutôt bien marché,
54:43on a réussi à rentrer dans l'établissement malgré des cycles de vente de 12-18 mois. Et ça,
54:48le fait de démontrer qu'on a réussi à vendre notre produit, ça a vraiment convaincu des
54:52investisseurs qui restent, en règle générale des financiers qui voient eux ce qu'ils cherchent à
54:56obtenir. À la fin, c'est du chiffre d'affaires malgré tout. Même dans des boîtes deep tech qui
54:59ont 5-6 ans de cycle de vente, de go-to-market, ils veulent voir du chiffre d'affaires. Et ça,
55:04c'est super rassurant parce que ça montre aussi que l'équipe, elle est orientée vente.
55:07Ils sont plus rassurés par le chiffre d'affaires que par le remboursement ou le remboursement pour
55:13les fonds d'investissement, c'est aussi un enjeu majeur ?
55:16L'un va pas sans l'autre. C'est-à-dire qu'en règle générale, en France, dans la santé,
55:20sauf sur certains modèles économiques qui ont des retours sur investissement directs,
55:23qui sont très top-line comme par exemple pour Doctolib ou d'autres, règle générale,
55:28vous n'allez pas forcément obtenir des objectifs de chiffre d'affaires multiples juste avec un
55:32modèle économique standard, donc en vendant directement à des industriels ou en vendant
55:36directement à des hôpitaux. Donc, le fait d'avoir un « play » très ambitieux sur un remboursement
55:43qui permet donc d'augmenter le chiffre d'affaires est très rassurant pour l'investisseur parce qu'il
55:46se dit « Ok, moi, je prends un risque contrôlé. » J'ai une entreprise qui a déjà un peu de chiffre
55:49d'affaires, donc qui sait vendre, qui ne s'est pas « on-off ». Si jamais elle n'arrive pas à
55:53avoir le remboursement, elle ne va pas mourir tout de suite. Mais à côté de ça, il y a quand même
55:55un enjeu très intéressant, très ambitieux mais atteignable via un remboursement. Donc,
56:01je dirais que les deux sont assez sains comme approche.
56:05Juste un dernier mot sur le développement de la société. Est-ce que vous allez commercialiser
56:14aux États-Unis ? Alors, la question de la commercialisation aux États-Unis, c'est toujours
56:19un sujet qui est très compliqué, qui est en règle générale corrélée à une levée de fonds. En fait,
56:26on ne va pas aux États-Unis comme ça. En règle générale, il faut lever des fonds, avoir une
56:29très solide assise financière pour le faire. Le règlementaire n'est pas facile mais pas si
56:34compliqué que ça. Il faut obtenir le FDA, il y a des équivalences. Mais par contre, aller aux
56:38États-Unis, on ne peut pas y aller à la fleur au fusil. Il faut y aller avec un réglement commercial
56:41sur place. Les boîtes françaises ne sont pas toujours bien vues. Donc, pour répondre à ta
56:45question, là pour l'instant, on envisage cette possibilité et ce sera défini par plusieurs
56:49facteurs, la capacité d'obtenir un remboursement, le mapping concurrentiel qu'on est en train de
56:54finaliser et la capacité à se faire financer pour y aller. Mais oui, je pense qu'il y a pas mal de
57:00boîtes qui ont commencé par vendre d'abord, qui sont allées direct aux États-Unis après avoir
57:03obtenu le FDA sans passer par le marquage CE, parce que c'est plus rapide. Souvent des boîtes
57:06assez deep tech. Je pense à Cardiologues qui a fait ça de manière assez magistrale. Et je pense
57:12que c'est à prendre en compte dans toute boîte en santé. Merci beaucoup Mathis, c'était vraiment
57:17très instructif. Merci David, merci Alex. Merci Mathis Ringdahl, CEO et cofondateur de Pixacare.
57:24Merci à toi David pour cette première. C'était la pétite santé. C'est la fin de cette émission,
57:30je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle édition de Santé Futur.