Lundi 10 mars 2025, SANTÉ FUTURE reçoit Hervé Bonnaud (Président, Nex&Com;)
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00:00Et on commence cette émission avec l'édito d'Hervé Bonneau.
00:08Quelles sont ces aberrations écologiques dont tu veux nous parler, Hervé ?
00:12Bonjour. Effectivement, on parle de la santé, de l'écologie.
00:17On pourrait parler de l'impact des canicules, de la famine, de l'accès à l'eau, etc.
00:22Et tout est vrai. Et j'ai repéré quelques éléments qui ont un rapport avec la santé
00:29et que je trouve assez choquant. Mais c'est un peu pour lancer l'émission.
00:33Première idée pour vous faire réagir, on dit que le sport, c'est bon pour la santé.
00:37Ça l'est incontestablement. C'est bon pour la santé physique et mentale.
00:41Et c'est exemplaire, le sport. On a envie de ressembler à ce qui se passe.
00:44Mais est-ce qu'on peut reparler deux secondes de la Coupe du Monde de foot au Qatar ?
00:47C'était quand même étonnant de voir ces stades à ciel ouvert, entièrement climatisés,
00:53avec un aéroport qui a été énormément agrandi,
00:56avec des complexes hôteliers qui sont devenus inutiles depuis, qui ont été construits.
01:00C'est étonnant, avec 260 vols par jour pour amener les spectateurs à regarder
01:06une Coupe du Monde dans des stades climatisés à ciel ouvert.
01:09Alors on s'est dit, plus jamais ça, ce n'est pas possible.
01:12Est-ce que vous vous souvenez des Jeux asiatiques d'hiver qui vont se passer en 2029 ?
01:16Ça va se passer où ? En Arabie Saoudite. Le sport, c'est exemplaire.
01:19On nous montre le chemin. On construit une mégapole de la taille de la Belgique
01:23qui s'appelle Neom, en plein milieu d'un désert où la neige ne tient pas.
01:27Et donc les Jeux d'Asie d'hiver auront lieu sur de la neige artificielle,
01:31avec des patinoires en glace artificielle.
01:34C'est très exemplaire. Je trouve ça hyper choquant d'un point de vue écologique.
01:38Mais bon, on a des champions du monde, visiblement.
01:41Autre idée, il faut limiter les voyages aériens.
01:44Je suis tout à fait d'accord, effectivement.
01:46Et d'ailleurs, à titre individuel, on essaye tous de faire attention.
01:50J'observe que certains laboratoires pharmaceutiques font la promotion de biosimilaires
01:55fabriqués par Samsung en Corée du Sud, vendus en France.
01:58C'est un peu étonnant, non ?
02:00Je ne vois pas bien pourquoi ce serait un facteur de choix pour un médecin hospitalier
02:04de se dire que telle molécule est mieux fabriquée en Corée qu'à Clermont-Ferrand.
02:08Mais bon, j'ai lu un rapport sur le scandale
02:12de l'empreinte carbone des rapatriements sanitaires par Europe Assistance.
02:17Scandale, c'est vrai que ça coûte d'envoyer un avion pour récupérer une personne.
02:21Et je conçois qu'effectivement, il y a un coût carbone à considérer.
02:26Mais je me rappelle de deux trucs qui ont un rapport avec la pandémie.
02:30C'est-à-dire que c'était hier, on a quand même fait voler pendant la pandémie
02:34des avions sans destination. Je ne sais pas si vous vous souvenez de ça.
02:37Les avions décollaient, faisaient le tour de la ville et se reposaient,
02:40avec des gens à bord, mais avec des règles de distanciation.
02:42Et pourquoi ils faisaient ça ? Pour ne pas perdre leurs créneaux de décollage et d'atterrissage.
02:47C'est quand même d'une absurdité totale.
02:49Et on a fait après, encore mieux, toujours pendant la pandémie, des avions vides.
02:53Toujours la même idée, il fallait qu'ils décollent, qu'ils tournent pour ne pas perdre leurs trucs.
02:58Donc on a eu des vols pour nulle part et des vols à vide.
03:00C'est quand même étonnant. Et après, on dit, il faut éviter de prendre l'avion
03:04et il ne faut pas que les médecins aillent au congrès en avion, certes.
03:07Et puis, j'ai un troisième thème que j'aime bien.
03:09Moi, c'est la lutte contre le tabagisme.
03:11Alors évidemment, l'écologie, le tabac, on voit bien.
03:14Je veux juste faire un petit point sur les mégots.
03:16Parce que les mégots, c'est l'OMS qui le dit, on en a quand même 4,5 milliards par an de mégots
03:23qui se retrouvent en grande partie dans la mer.
03:25Ce n'est pas terrible, mais alors il y a mieux qui arrive.
03:27Ce sont les mégots des cigarettes électroniques jetables qui viennent d'apparaître.
03:32Cigarettes électroniques au goût enfant, pour qu'ils commencent tôt à apprécier les vapeurs,
03:38au goût coca, fruits et menthe.
03:40C'est formidable.
03:41Et moi, ce qui m'intéresse là-dedans, mais c'est un vrai sujet,
03:45c'est que le nouveau président de Philippe Maurice déclare dans son compte LinkedIn
03:49qu'après ses études de médecine à Toulouse, il a travaillé pendant 28 ans dans l'industrie pharmaceutique.
03:55Je trouve que, j'espère qu'il était en charge des médicaments anticancéreux.
03:59Ça serait une forme de logique dans son parcours.
04:01Mais voilà, je trouve qu'il y a des sujets comme ça un peu étonnants.
04:05Et puis, le dernier point, pareil, pour polémiquer un peu.
04:10Je suis d'accord sur le fait que la canicule, c'est pas bon pour les sujets âgés
04:14et qu'il faudrait peut être climatiser les EHPAD.
04:17Là aussi, il y aurait une empreinte carbone.
04:19Je l'entends et on pourrait dire oui, mais c'est la survie des personnes très âgées.
04:23Donc, je ne sais pas quelle est la réponse.
04:27Et là aussi, quand on se dit ça, on se dit tiens, c'est quand même bizarre.
04:31Au Qatar, les rues sont climatisées.
04:34Au Qatar, les rues sont climatisées, c'est l'ouvert.
04:36Il fait 50 degrés quand même, c'est formidable.
04:38Alors vous dites, oui, le Qatar, c'est loin.
04:40Puis, on a déjà parlé pour le foot.
04:42En France, vous savez que les supermarchés, il y a des supermarchés
04:45qui ont des rayons frais sans porte pour climatiser l'ensemble du magasin.
04:49C'est quand même bien absurde aussi ça.
04:51Donc, effectivement, ça climatise le supermarché, mais pas à moindre coût.
04:56Donc, tout ça pour vous dire que ces quelques apérations,
04:58et il y en a quelques autres,
05:00prouvent que l'écologie n'est pas encore tout à fait en bonne santé.
05:03Merci Hervé.
05:04Donc, Hervé vient d'évoquer plusieurs aberrations écologiques.
05:08Selon vous, quelles sont les principales erreurs
05:11dans la gestion des ressources et des pratiques écologiques
05:14au sein du secteur de la santé ?
05:17Alors, je trouve l'édito d'Hervé Bonneau très intéressant
05:20parce qu'il illustre bien un des axes de la gestion
05:25de cette transition écologique,
05:27de la lutte contre les émissions de CO2 liées à la santé,
05:30c'est-à-dire tout l'axe que j'appellerais conjoncturel
05:32de la vie courante dans la santé.
05:33Il y a 2 millions de personnes qui travaillent dans la santé,
05:35il y a 68 millions de Français qui sont concernés
05:37par la consommation de santé.
05:38Donc, les comportements individuels
05:40et toutes les aberrations qui vont avec,
05:42sont parties prenantes de cette lutte
05:46et qui ne dénoncent pas véritablement dans la politique de santé.
05:50Quelle part est-ce qu'elle a dans ce qu'on met
05:54dans l'émission des CO2 dans la santé ?
05:56Ça serait intéressant de le voir.
05:57Je vous prends un exemple qui n'a rien à voir,
05:59mais qui illustre ça,
06:00qui sont sur les arrêts de travail,
06:02les indemnités journalières.
06:03On sait qu'il y a un tiers lié à des facteurs conjoncturels,
06:08d'abus, de mauvaises prescriptions,
06:11et puis deux tiers liés à des facteurs structurels,
06:13de vieillissement de la population,
06:15de montée en puissance des ALD, etc.
06:18Donc ça, ça illustre parfaitement
06:20et c'est important qu'il faut le prendre.
06:22En revanche, il y a ces deux tiers
06:24dont je parle de facteurs structurels
06:26qu'il faut considérer,
06:28dont les études montrent
06:29qu'on est à peu près à une cinquantaine de millions
06:31d'équivalents de CO2, de gaz,
06:33et que 50% viendraient de la production
06:36et de la distribution de produits de santé,
06:38médicaments ou dispositifs médicaux,
06:40et une partie substantielle du transport
06:43utilisé dans la chose.
06:45Mais, et pour conclure sur cette introduction,
06:48moi, ce qui m'importe,
06:50c'est comment est-ce qu'on fait le shift
06:52du modèle ancien, en cours encore,
06:56ultraconsommateur de produits et services de santé
06:59qui ne se préoccupe pas du maintien en bonne santé
07:01mais qui est centré sur le curatif
07:03et plutôt l'hospitalier,
07:04c'est-à-dire le plus émetteur
07:05ou le plus grave,
07:07à la fois pour le risque et pour l'émission.
07:10Où est-ce qu'on fait le shift
07:12vers un modèle de santé globale et de santé publique ?
07:14Donc, quoi qu'il arrive,
07:16et c'est la bonne nouvelle,
07:17c'est que pour gérer toutes les transitions,
07:20je rappelle qu'il y en a trois plus une
07:22avec la transition écologique,
07:23la transition démographique,
07:24la transition épidémiologique
07:25et la transition technologique,
07:26il faut faire le shift
07:27vers un nouveau modèle de santé globale,
07:29c'est-à-dire vers plus de sobriété
07:31en matière de consommation énergétique
07:33et du système de santé.
07:35Hélène Baptiste, une petite réaction
07:36avant de passer au débat ?
07:37Oui, effectivement,
07:38on a parlé de beaucoup d'aberrations qui existent,
07:41il y en a aussi dans le système de santé,
07:43et ça, Hélène, vous pourrez en parler mieux que moi,
07:45mais il y a une surprescription
07:46d'un certain nombre de médicaments,
07:48par exemple, les inhibiteurs de pompe à protons,
07:50c'est assez documenté,
07:51ou les psychotropes pour les personnes âgées,
07:53on sait qu'il y a des aberrations,
07:54et après, il y a aussi d'autres aberrations
07:56qui ne sont pas du système de santé
07:57et pour lesquelles, des fois,
07:58on ne peut pas faire grand-chose.
07:59Après, je tiens à rappeler
08:00que ce n'est pas une excuse pour ne pas agir,
08:03parce que chaque dixième de degré
08:05qu'on va réussir à obtenir
08:06peut compter dans un arrangement climatique
08:08qui a des effets exponentiels.
08:11Oui, tout à fait,
08:12en tout cas, ce que tu as abordé, Hervé,
08:15c'était vraiment l'incohérence
08:16qu'il peut y avoir.
08:18Et cette incohérence,
08:19elle va être prise aussi
08:20par un bon nombre de personnes
08:22qui vont dire,
08:23pourquoi moi, je vais agir à mon niveau,
08:25sur ma santé personnelle,
08:27alors même que, justement,
08:29il va se passer d'autres choses
08:30des fois à l'autre bout de la planète.
08:33Et puis, moi, ce que je vois aussi,
08:35c'est qu'il y a une histoire
08:36de temps qui passe
08:37qui n'est pas le même.
08:38Quand on va parler d'environnement,
08:40et vous avez parlé de prévention,
08:42on est sur des temps qui sont très longs.
08:43Quand les personnes sont malades,
08:45justement à un stade plutôt curatif,
08:47ce qu'elles vont vouloir,
08:48c'est une action rapide.
08:50Et déjà, on ne va pas parler
08:51du tout du même sujet.
08:52Donc, s'investir sur un temps qui est long
08:54pour avoir des résultats
08:55qui va concerner certainement
08:56les générations futures,
08:57n'est pas du tout, du coup,
08:59pris par les mêmes enjeux
09:01pour la personne,
09:02même au niveau de ses peurs,
09:03sur ce qu'elle va devoir mettre en place
09:05rapidement pour se soigner
09:07quand elle est déjà malade.
09:08Et ça, c'est ce qui fait
09:09que c'est toute la complexité du sujet.
09:11C'est agir sur le long terme,
09:12tout en préservant l'angoisse
09:14que la personne pourrait avoir
09:15quand elle a vraiment un examen à faire
09:17de manière assez immédiate.
09:19Ou là, pour le coup,
09:20lui dire, attends,
09:21ça va être pas forcément écologique
09:23d'aller très loin pour voir un médecin.
09:25Tu pourrais attendre 2-3 jours de plus
09:26pour aller à côté de chez toi.
09:27Quand la personne n'est pas bien,
09:29on va la pousser dans ses retranchements,
09:30être vraiment un peu en mode survie.
09:32Et là, la partie environnementale,
09:34écologique, empreinte carbone,
09:36va être très, très compliquée à aborder.
09:38D'où le fait que, pour moi,
09:39la prévention, l'éducation,
09:40la formation en amont
09:41va être vraiment peut-être
09:43le plus gros des leviers.
09:45Et être patient, malheureusement,
09:47être très patient pour voir les résultats.
09:49Mais le dernier point,
09:51il est fondamental.
09:53C'est ce qu'on appelle la tragédie des horizons en économie.
09:55C'est-à-dire qu'il faut changer
09:57le point de mire du court vers le long terme.
09:59Sinon, vous ne pouvez pas vous lancer
10:00dans le moindre projet
10:02qui permet à la fois de restructurer le système,
10:04parce que, je rappelle que le débat,
10:06c'est est-ce que l'action sur le conjoncturel suffit,
10:08comme notre ministre
10:10de la Transition écologique
10:12l'a cru au début de son mandat en 2022.
10:14Il a dit, je vais faire de l'écologie du quotidien.
10:16Et c'était un débat.
10:18Avant qu'ils n'aperçoivent que,
10:20non, si on voulait faire la transition écologique,
10:22il faut changer les modes de production,
10:23les modes de consommation.
10:24Donc, il faut faire du structurel.
10:25En santé, c'est pareil.
10:27Et juste un point,
10:28ce n'est pas que la prévention,
10:29c'est un changement de paradigme
10:30en matière de gestion de stratégie de risque.
10:32Il faut agir le plus tôt possible avant
10:34et ne pas attendre que le risque soit exprimé.
10:36C'est vrai pour tous les risques sociaux.
10:38Allez, on passe au débat.