Enregistrée le jeudi 16 janvier 2025, voici la captation de la rencontre de Benjamin Stock autour de son premier roman Marc, paru aux éditions Rue Fromentin et lauréat du prix de Flore 2024.
Cette rencontre est animée par Édouard Leroy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume
La Quatrième :
Et si c'était VRAIMENT vrai ?
David Baumer, fondateur d'une start-up parisienne, traverse une crise existentielle. Sa compagne le néglige tandis que son entourage s'absorbe dans les idéologies du moment : relativisme, développement personnel, management agile...
L'une de ses employées, Sheyenne, lui fait découvrir une communauté clandestine de lecteurs de Marc Levy. D'abord moqueur, David plonge finalement dans l'œuvre du grand romancier, en quête de réponses.
Quelle est donc cette conspiration que David pense avoir perçue dans les textes de Marc Levy ?
Alors qu'il approfondit ses recherches, David se radicalise...
Portraits satiriques de personnages en quête de sens, réflexion sur l'interprétation des textes à l’ère de la “post-vérité”, Marc est le premier roman de Benjamin Stock, né à Blois en 1988.
Cette rencontre est animée par Édouard Leroy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume
La Quatrième :
Et si c'était VRAIMENT vrai ?
David Baumer, fondateur d'une start-up parisienne, traverse une crise existentielle. Sa compagne le néglige tandis que son entourage s'absorbe dans les idéologies du moment : relativisme, développement personnel, management agile...
L'une de ses employées, Sheyenne, lui fait découvrir une communauté clandestine de lecteurs de Marc Levy. D'abord moqueur, David plonge finalement dans l'œuvre du grand romancier, en quête de réponses.
Quelle est donc cette conspiration que David pense avoir perçue dans les textes de Marc Levy ?
Alors qu'il approfondit ses recherches, David se radicalise...
Portraits satiriques de personnages en quête de sens, réflexion sur l'interprétation des textes à l’ère de la “post-vérité”, Marc est le premier roman de Benjamin Stock, né à Blois en 1988.
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00:00Bonsoir Benjamin, merci d'être venu à l'écume des pages, c'est ma première
00:06rencontre dans cette nouvelle librairie, donc je la célèbre avec toi et ce livre.
00:12Est-ce que tu pourrais un peu te présenter pour tous ces gens qui ne te
00:16connaissent pas ? Alors pour tous ces gens qui ne me connaissent pas, je m'appelle
00:22Benjamin, j'ai 36 ans, j'ai toujours un doute sur mon âge,
00:28et j'ai écrit, enfin bon, j'ai fait une école de commerce, je travaille dans la com, dans des
00:34boîtes, je suis encore là, je sors du taf, mais j'ai toujours écrit, j'écris depuis que j'ai
00:41l'âge de 15 ans et j'essaye de me faire éditer depuis cet âge-là et je viens de faire éditer
00:47mon premier roman qui est en fait peut-être le sixième que j'écris, qui est marque aux éditions
00:53Ruff Romantin et qui vient de remporter le prix de flore et donc on est très content,
00:59parce que c'est une toute petite maison d'édition et c'est un premier roman et ça n'arrive pas
01:04souvent. Il faut se renseigner pour voir à quel point c'est rare. Oui, d'avoir un prix de flore,
01:10moi j'étais... Surtout pour une maison d'édition aussi petite, ils nous l'ont dit que ça arrivait
01:14vraiment, enfin en 30 ans je crois qu'on est dans les trois plus petites. Alors déjà moi le livre,
01:22rien que la maquette pour tes éditeurs, je la trouve vraiment incroyable. Avant même d'ouvrir
01:27le livre, je trouve que... C'est des barbes, Bec Bédé ne l'aime pas. Oui, il ne peut pas tout
01:31aimer, il a déjà... Il a aimé le roman. Il a aimé le roman, il faut aussi rendre aux éditeurs la
01:36qualité de l'objet qui quand même donne tout de suite envie de le lire et quand j'ai commencé ton
01:44roman, je me suis posé cette question, mais qu'est-ce qu'il a mis de lui dans David ? Un
01:53personnage de David ? C'est compliqué, j'ai envie de dire que j'ai mis beaucoup de moi,
02:05en même temps tout le monde dit que c'est un connard qui n'est pas attachant. Alors,
02:07comment jongler entre les deux ? Il est fantastique. Non, c'est vrai, c'est le
02:13personnage qui est le plus proche de moi et c'est vrai que j'ai mis plutôt mes mauvais côtés,
02:18une espèce de... Mais il y a un côté attachant aussi. En fait, je trouve que c'est attachant
02:25d'être une merde. On est tous un peu de merde. Hyper attachant, le premier chapitre. En fait,
02:29de pouvoir coucher avec toutes les nanas, de savoir que tu ne le feras pas, de vouloir être
02:34le plus fort, de vouloir être le... Puisqu'il se lance dans une thèse sur Jean-Paul Sartre,
02:40il veut être très intelligent, il veut être respecté. Et finalement, c'est un peu l'incarnation
02:43de nos mauvais côtés, de nos côtés les plus méprisables. Et au final, je pense que ça le
02:48rend attachant. Évidemment que j'ai dû avoir ces pensées à certains moments aussi. Donc oui,
02:53c'est le personnage qui est le plus proche de moi dans ce roman. Et moi, dans le premier chapitre,
02:57la conversation où ils sont au restaurant, mais j'avais vraiment l'impression d'avoir vécu ces
03:03conversations de restaurant. C'est ce qui était... Tu leur as donné une profondeur,
03:08une vraie dimension sans aller faire de la psychologie de comptoir. Mais vraiment,
03:15il y avait ce truc. On était avec eux. Et dès le premier chapitre, ça, c'est quelque chose
03:19qui... Je me suis dit d'accord, le livre, je ne sais pas jusqu'où ça va aller, mais c'était...
03:23Révivant. Oui, c'est des conversations que j'ai eues, que ce soit sur les livres ou sur
03:30un bazar. Effectivement. Et comment, du coup, tu les as travaillées ? Déjà ce premier chapitre,
03:37parce que je trouve que c'est celui qui m'a le plus... La conversation entre les deux. Tout
03:45de suite, tu décris un David. Il est parfait comme personnage. Il est juste et il n'est pas...
03:51Ce n'est pas un connard. Ça me fait plaisir parce que je sais que beaucoup de gens n'aiment
03:56pas la première scène. Je sais que c'était le cas de Beck Bédé, on nous l'a dit. Beck Bédé
04:02n'accrochait pas trop. Et puis, il n'y a pas que lui. En gros, beaucoup de gens trouvent que la
04:06première scène est un peu trop intellectuelle, que c'est un débat sur l'importance des livres,
04:11l'importance des idées, l'importance des écrivains, ce qui, effectivement, en soi,
04:15n'est pas très original. Pour moi, c'était le cœur du livre. Oui, un petit peu. Mais après,
04:23c'est traité sur un autre giste. Là, c'est traité vraiment sur le ton d'un dialogue en soirée,
04:26entre personnes qui sont en fin d'année, ils ont bu du vin, ils ont parlé de l'importance des
04:30écrivains et des livres. C'est vrai que c'est une discussion que j'ai eue et je me dis que ça,
04:34c'était marrant d'introduire le roman comme ça par un espèce d'événement complètement banal.
04:37Tu l'as vécu dans ta vie, beaucoup de gens l'ont vécu dans leur vie, sur l'importance de l'art et
04:44de l'écrit en général. Et puis, même les arguments, ils sont justes. Ça a vraiment été,
04:50pour moi, ce qui m'a le plus accroché. Après, il y avait aussi une question,
04:59il y a un autre personnage, c'est Alex. Elle, tu la détestes, non ?
05:05Non, pas tant que ça. Alex, en vérité, c'est quelqu'un que je connais. Les gens pensent que
05:11c'est une caricature, au-delà de toute caricature. Et en fait, non, j'ai tamisé un petit peu le
05:21truc. La véritable Alex, elle est encore un petit peu plus radicale que ça, plus saillante que ça.
05:28Encore plus ?
05:29Oui, oui, ça existe. C'est que je dois fréquenter des milieux bizarres.
05:32Oui, c'est ça. Elle vit chez toi dans son canapé.
05:34Ces gens-là existent.
05:36C'était ça, vraiment, l'intérêt du roman, avant qu'on parle de Marc Levy, de tout ça.
05:42Après, si je l'ai mis, c'est aussi que c'est un personnage intéressant qui incarne aussi une
05:45certaine idéologie qu'on a fini par appeler woke. Moi, je n'aime plus trop ce mot-là. Maintenant,
05:52dès que tu t'insurges contre la moindre injustice sociale, on va dire que woke,
05:55bon, c'est devenu un mot vraiment valise. Maintenant, je le laisse assez news, quoi.
06:02Enfin, à l'époque où j'écris le roman, c'était encore un mot pas trop ringard. Oui,
06:06elle incarnait un peu ça, mais enfin, il y a des gens qui, effectivement,
06:08pensent comme ça et parlent comme ça.
06:09Oui, mais c'est justement ça que je trouve intéressant dans ton roman,
06:14c'est la manière dont tu as rendu les personnages totalement vrais.
06:17Oui, je les ai volés à la réalité.
06:20C'est ce qui fait que c'est fantastique. Cheyenne, déjà, son prénom, tu l'as trouvé où ?
06:29Non, Cheyenne, elle n'existe pas. En fait, avant, j'avais écrit une première version du roman et à
06:35la fin, je me suis dit, ce qui est toujours un peu le cas, en fait, en ce moment, il n'y a que des
06:40bourgeois. Je ne sais pas, j'ai été pris d'une espèce de... Il faut que ce soit un roman social,
06:47il faut qu'il y ait différentes classes. Alors, je me dis, tiens, ce serait marrant qu'il y ait
06:52une fille qui vient d'un milieu un peu différent. Et donc, Cheyenne est une fille de Forin et elle
07:00porte ce prénom parce que ses parents adorent la culture indienne, américaine. Bon, c'est venu un
07:09peu de là et c'est venu un peu comme une blague aussi. Je me disais, ce serait marrant qu'elle ait
07:12un prénom. Je ne sais pas, ils ont tous des jolis prénoms. On a David, on a Diana. Ce serait marrant
07:18qu'il y ait quelqu'un qui ait un prénom qui détonne un peu pour tout ça. Mais donc, c'est
07:22venu très tardivement. La première version du roman, ce n'était pas ça. Et d'ailleurs, c'était
07:25une fille diplomate parce que je voulais un personnage très mobile qui n'est pas passé,
07:28pas d'avenir. On ne sait pas d'où elle vient. Je me dis, non, ça fait vraiment trop de bourgeois dans le roman.
07:32Et dans ton travail d'écrivain, comment tu as structuré ce que tu dis que tu as fait une
07:37première version ? Tu as mis 20 ans à l'écrire ? Ah non, j'ai mis un an... Une grosse année à mi-temps.
07:48Et en parallèle, j'étais freelance à l'époque. Je faisais de la com et je bossais toutes les
07:52après-midi pour moi, pour gagner de l'argent, pour vivre. Et puis, tous les matins jusqu'à
07:56midi, 14 heures là-dessus. Et comment ça t'est venu ? Tu as aussi subi la crise existentielle
08:02comme David. C'est à tous les êtres humains une crise existentielle. Oui, mais celle-là,
08:08la sienne, elle est radicale quand même. Ah oui ? Vous allez bien, vous ? Quand même, il y a un
08:15truc où il remet en question jusqu'à son mode de vie, l'évolution que tu lui donnes dans le roman.
08:21Je trouve qu'il en va à quitter tout ce qu'il connaît, de son assurance. Il commence à douter
08:27de tout. Le terme crise existentielle n'est peut-être pas le bon, mais c'est le terme que
08:36vous utilisez. Mais je ne sais pas, quand on part de ce dîner jusqu'où on arrive,
08:43oui, ça c'est mes fantasmes. On ne va pas révéler. Déjà, regarde cette vidéo. Il se passe quelque
08:52chose dans le dernier chapitre qui est un très long chapitre. Tout le roman mène vers ça. On
08:59ne va pas en dire trop. Je dirais juste que ce sont mes fantasmes. Finalement, c'est un livre
09:05érotique. Il y a une forme de... Je pense que beaucoup de gens, manifestement, beaucoup de
09:12gens partagent mes fantasmes. Marc Lévy, pourquoi lui ? Non, c'est juste que je trouvais ça plus
09:23rigolo de trouver une conspiration dans un endroit relativement insoupçonnable, un corpus de texte
09:30dont on se dit qu'il n'y a pas de sous-texte, il n'y a pas de message politique, c'est juste du
09:35divertissement. J'ai beaucoup hésité, ça aurait pu être du magazine, ça aurait pu être plein de
09:40choses, ça aurait pu être Guillaume Musso. Marc Lévy, c'est un symbole, c'était l'écrivain le plus
09:43connu, le plus vendu, en tout cas à l'époque. Après, il y a toujours un débat de chiffres.
09:48Pourquoi Marc Lévy ? Voilà pourquoi Marc Lévy. Parce qu'en plus, l'actualité sert aussi un peu
09:59au livre parce qu'on entend parler en ce moment beaucoup des Gaffa, Zuckerberg, etc. Il y a une
10:07petite actualité qui colle à cette conspiration mondiale en ce moment. Parce que là, les vidéos
10:15que David voit, elles sont en ce moment. David regarde des vidéos YouTube de Marc Lévy,
10:23des sous-textes, des interviews et aujourd'hui, il les donne en ce moment. Mais non, mais c'était
10:29déjà le cas à l'époque. Toutes les interviews de Marc Lévy, moi, c'est du copie-coller. Je n'ai
10:32rien inventé. Donc, tu t'es envoyé toutes les vidéos. Bien sûr. Quand je parle des livres de
10:38Marc Lévy, je n'ai rien inventé. Je les ai vraiment bûchés. Et les interviews de Marc Lévy,
10:43je les ai regardées. Et s'il y a une citation, il n'y a pas qu'une citation, il y a plusieurs
10:46citations de plusieurs auteurs, mais notamment de Marc Lévy dans ce livre. Toutes les citations
10:50sont exactes. On a juste enlevé les notes de bas de page, etc. Mais oui, elles sont sourcées.
10:54Et Marc Lévy, depuis longtemps, c'est marrant, c'est vrai que ça passe un petit peu sous les
11:01radars, mais c'est quelqu'un de très énervé contre les Gaffam, contre Zuckerberg, qu'il a connu,
11:06qu'il a fréquenté quand il a bossé à la Silicon Valley. Oui, Marc Lévy a été dans la tête.
11:13Quand on me prépare à la rencontre, j'ai regardé, etc. Et ça devenait vraiment troublant.
11:17Tout ça n'est pas inventé. Mais il y a plein de trucs. Tu vois, il y a plein de trucs. Moi,
11:20j'aime bien mélanger le faux et le vrai. Bien sûr, il y a plein de trucs qui sont faux. Mais
11:23c'est ça la mécanique du compotisme. Il y a plein de trucs qui sont faux. Il y a plein de trucs qui
11:26sont vrais. Et il y a plein de trucs qui sont entre les deux. Par exemple, dans le roman,
11:28je parle beaucoup de la Fabian Society. Mon idée, c'était que les gens finissent par aller sur leur
11:34téléphone et qu'ils aillent voir tout ce que je dis sur la Fabian Society, qui était une sorte
11:37de société secrète anglaise, un peu révolutionnaire, un peu cachée, un peu socialiste, un peu
11:44désintellectuel, etc. Cette société existait. Et aujourd'hui, il y a des pages Wikipédia qui
11:49parlent de ça. Oui, leur symbole était un agneau dans une peau de loup. Toutes ces choses existaient.
11:54Après, la façon avec laquelle je le présente, évidemment qu'elle est malhonnête. Parce que,
12:01dans la vérité, la Fabian Society, ici, elle est très méconnue. En Angleterre, c'est juste un
12:05symptôme social-démocrate sans intérêt. Je pense que si ce roman pourrait jamais être traduit en
12:11Angleterre, ça n'exciterait pas les gens. Mais en France, les gens disent que ça existe vraiment.
12:15Moi, c'est exactement ce que je me suis dit quand j'ai commencé à regarder. J'ai vérifié aussi les
12:19Saint-Simonien. Je me disais que ce n'était pas vrai. Et de se mettre un peu dans la peau de David,
12:25de dire qu'en fait, il ne se radicalise pas. Il a juste découvert quelque chose qu'on ne savait
12:28pas. Je trouve ça intéressant de mélanger du vrai, du faux et des interprétations un petit
12:36peu ambiguës. C'est comme ça que les choses fonctionnent. Et puis après, pousser les gens
12:41à faire leurs propres recherches, je trouve ça vraiment excitant. Parce que moi, les romans qui
12:44m'ont le plus excité, des fois, j'avais le téléphone à la main et j'allais voir les choses
12:48qui étaient... les concepts, les mots. C'est un peu ce que j'ai fait. On a l'impression de vivre une vie
12:55plus que de lire un roman. Mais c'est surtout le réel que tu as donné au livre. C'est ça qui m'a
13:03le plus plu de me dire. Mais ce n'est quand même pas si tiré par les cheveux que ça. Et il y a
13:09un autre personnage. Je pense que Marc Lévy n'a pas envie. Je pense qu'il faut le dire. Je pense
13:14que Marc Lévy n'a jamais voulu ce qui a été écrit dans ce roman. Et quand même, l'idée, c'est
13:18quand même de dire que tu peux interpréter les choses sans limites. D'où le premier chapitre,
13:23qui est un peu ce que tu as voulu montrer. Moi, je trouve qu'il y a une vraie intelligence de
13:32vouloir questionner les livres et de l'interprétation qu'on peut leur donner. Oui, bien sûr. Il y a un
13:39personnage aussi qui m'intéresse beaucoup. C'est Youssef. Comment il est venu? Parce que lui aussi,
13:46il évolue dans le roman. Oui, tous les personnages évoluent un petit peu. On commence par une scène
13:54où ils vont tous se poser la question du suicide. Ils vont se demander pourquoi on ne se tue pas?
14:00Qu'est-ce qui nous pousse à rester en vie? Ils vont tous trouver une solution finalement.
14:05Youssef va trouver une solution assez simple. Ça va être le nihilisme, l'autodestruction. On a
14:11un personnage qui va plutôt aller dans le développement personnel, trouver les réponses
14:15au fond d'elle. On a un personnage qui va s'effondrer. Guillaume, il va s'effondrer et qui
14:19va sombrer dans une forme de dépression. On a le personnage principal, David, qui dit qu'on va
14:23trouver des réponses dans les livres, y compris dans les livres où il n'y a peut-être pas de
14:26réponse. Mais enfin, il va trouver celle qu'il a envie de trouver. Et Youssef, en fait, une des
14:34réponses qu'on peut trouver à... Voilà, c'est une question classique. On vit dans des sociétés où
14:42il n'y a plus vraiment de projet politique, il n'y a plus vraiment de religion, il n'y a plus
14:45d'idées communes pour nous rassembler autour d'un projet commun, d'un avenir. Alors, on est tous
14:52livrés à nous-mêmes. Et c'est ces différentes réponses que j'ai observées autour de moi. Et
14:57Youssef, je lui fais une dédicace. Tiens, Reda, je dors chez toi ce soir. Et Youssef est un peu
15:04inspiré de toi, même si l'idée après de Youssef et Reda ont des points communs. Mais l'idée de Youssef
15:10aussi, c'est que moi, j'aime quand même les romans avec un peu d'humour et vraiment du décalage un
15:17peu permanent. Et j'ai toujours des théories à la con qui me viennent à l'esprit. Et je me dis, tiens,
15:22dès que j'ai une théorie à la con, ce sera Youssef qui va les exprimer. Donc Youssef est un personnage
15:28qui, tout le long du roman, de manière consciente, exprime des théories à la con. Et ça sert le
15:32propos du roman, qui est que finalement, tu peux défendre n'importe quelle idée. Le vrai, le faux,
15:38etc. Il y a une différence entre le raisonnable et le rationnel. Tu peux défendre rationnellement
15:42tout un tas d'idées complètement stupides. Ce n'est pas forcément raisonnable de le faire. Et c'est
15:46ce que fait Youssef. Juste pour montrer qu'on peut défendre n'importe quoi. Il va au bout. En plus,
15:52la manière dont tu as construit ton livre, tu me dis, si je ne me trompe, il y a beaucoup de
15:56scénettes, des discussions d'apartheid. Il y a un côté assez cinématographique. C'était fait
16:03exprès. Moi, j'avais l'impression de voir des scènes. Alors, je pense qu'on a du plaisir de
16:07Fight Club dans le côté pré-conspiration. Il y a un club, quoi, dans une ferme.
16:15Non, mais justement, pendant toute cette espèce de conspiration qui se découvre au fur et à
16:22mesure, il y a un côté cinématographique dans la manière dont tu as écrit ton livre.
16:27J'ai l'impression que ce n'est pas le cas de tous les livres maintenant. On n'est pas immergé.
16:32Avec l'autofiction, non. Ça restait quand même plutôt de l'art moyen.
16:37Oui, l'autofiction. Et puis moi, je n'ai pas ce privilège. Je n'ai pas une enfance malheureuse.
16:43Alors, je ne peux pas faire d'autofiction malarmoyante. Je suis obligé d'inventer des
16:46histoires. Alors, j'imagine que je suis baigné dans mon époque. Oui, je pense que j'ai vu autant
16:53de séries et de films. Ça participe autant à mon imaginaire que les livres. Et l'humour,
17:00c'est un des trucs, je pense, les plus difficiles en littérature que ça marche aussi bien. Tu n'as
17:07pas trouvé ça difficile. En plus, c'est subjectif. Est-ce que tu t'es pas dit que les gens allaient
17:11peut-être pas aussi bien rigoler face aux personnages d'Alex avec ses échanges avec
17:18David qui sont assez... Ça, je ne le voyais pas spécialement comique. Pour moi, Youssef est un
17:23personnage comique. Pour moi, Alex, pas tant que ça. Ah, les échanges qui sont sur... Oui,
17:27mais c'est des échanges que j'ai vraiment eus, des échanges lunaires qui sont... Oui. Mais
17:33l'humour, est-ce que c'est difficile à faire ? Ça, tu n'en sais jamais rien. Est-ce que c'est
17:43difficile à faire ? Non. Déjà, je pense que quand tu consommes beaucoup d'humour... Moi,
17:49je suis fasciné par le stand-up américain. Je suis fasciné par les comic strips. En ce moment,
17:55je lis Alphonse Allais qui est un auteur dont le projet est de faire de l'humour. Non, en fait,
18:01il y a des écrivains qui ont fait de l'humour. Il y en a toujours eu. Dans la société qu'on
18:07dépeint, tu ne t'es pas dit, merde, il y en a un qui va mal réagir à tes blagues. Non, je trouve
18:11même qu'au contraire. Je trouve que l'humour est une solution de facilité. C'est que souvent,
18:15en gros, tu fais un chapitre ultra sérieux. Tu as envie de dire un truc parce que tu es mégalo.
18:21Tu as envie de dire un truc politique et tout. Puis, à la fin de ton chapitre, tu laisses une
18:25pue. Tu mets de l'humour un peu pour casser le truc. Mais en fait, tu as l'impression que ça
18:28tape sous de toute prétention. Donc non, moi, j'ai l'impression que l'humour est une solution de
18:35facilité. Dans mon cas, c'est le cas. C'est plutôt facile de dire, ah non, mais tout ce que je viens
18:41de dire, c'était pour rire. Il y a une théorie qui m'a beaucoup intrigué aussi dans le livre.
18:48C'est le solipsisme. Oui. Alors ça, c'est la réponse à toute la psychologie d'Alex. Moi,
18:58c'est un personnage qui m'a… Oui. Mais il aurait fallu que j'aille chercher mon livre. J'enlève
19:08mon sac à dos, mais maintenant, mon sac à dos est dans la cave. Je me suis préparé à cette
19:15question. Mais en gros, un des projets du livre, c'était de dénoncer une forme de relativisme. Une
19:25forme de relativisme qui est née surtout dans les sciences sociales et puis après qui a érigué dans
19:31la population en général et qui consiste à dire non, mais il n'y a pas de réalité, il n'y a pas
19:36de fait, il n'y a pas de monde, tout n'est que construction. C'est devenu en fait, tout le monde
19:40parle de son point de vue, de sa classe sociale, de sa race, de son sexe, etc. Et en fait, pour moi,
19:47le bout du bout, c'est en fait, tout le monde parle de son propre être, de son propre esprit
19:52et finalement de sa propre tête. Et là, je suis en train de lire un livre de Bernard Lahir qui est
19:58sorti il y a seulement dix jours, qui est un sociologue et qui dit, mais il faut absolument
20:02tout bouleverser dans les sciences sociales parce qu'il y a des phrases vraiment très, très proches
20:06de ça. Il dit, les sciences sociales s'engouffrent dans un mythe tout le solipsiste. C'est vraiment
20:13frappant comme ce truc. Mais bon, ce n'est pas des idées nouvelles. Moi, en l'occurrence, je lis
20:18Bernard Lahir, mais ces idées-là, elles me sont venues quand j'ai lu ce qu'on appelle les science
20:23war entre ceux qui ont été déclenchés en partie par Jean-Rick Mont et Alain Sokal dans les années
20:2790. Ils ont voulu critiquer les sciences sociales, la philosophie qui devenait justement trop
20:34relativiste et qui rejetait l'idée qu'il existait un monde extérieur à nous et qu'on pouvait essayer
20:41de le connaître plus ou moins bien, de manière plus ou moins objective, mais qu'il fallait faire
20:45de mieux en mieux et qu'il ne fallait pas abandonner cet objectif qui était de connaître le monde,
20:50de connaître le monde de mieux en mieux. Alors, je sais que la vie comme ça, ça paraît théorique,
20:56mais en fait, dans les discussions au quotidien, tu vois que ça revient sans arrêt et que ça a
20:59vraiment pourri l'esprit du temps en partie. Là, tu vois, en t'écoutant, je me dis mais…
21:09Tiens, un dernier exemple pour la caméra. Un livre à lire, Stéphanie Rosa,
21:13La gauche contre les lumières. Stéphanie Rosa, c'est une fille qui bosse au CNRS,
21:18etc. Elle parle de la gauche contre les lumières. Elle dit, parce que moi, ce qui m'intéresse,
21:21c'est la gauche. Et elle dit, la gauche a rejeté deux éléments essentiels que sont
21:26l'universalisme, le rationalisme, la méthode scientifique. Et du coup, elle est réduite à
21:33faire quoi ? Parce que si tu rejettes le rationalisme, l'universalisme, tu finis
21:38par te recroqueviller en fait dans des projets de communauté, des alternatives, marque des
21:45alternatives. Pas de projet commun. Parce qu'un projet commun, forcément, c'est normatif,
21:52c'est oppressif parce que tu imposes une vision commune à des gens qui justement,
21:58depuis leur propre point de vue, n'ont pas la vision du monde comme toi, tu pourrais l'avoir,
22:02etc. Je peux digresser encore là-dessus ? Tiens, un dernier exemple.
22:08Attends, je l'ai noté. Je savais que tu allais me poser cette question. Bruno Latour est connu
22:19comme quelqu'un qui a beaucoup critiqué les sciences et la méthode scientifique et la
22:24prétention à l'objectivité, etc. Sauf que sur la fin de sa vie, Bruno Latour, il a voulu parler du
22:30réchauffement climatique. Il s'est retrouvé face à des gens qui disaient, non, le réchauffement
22:33climatique est une question de point de vue, etc. Et il a fait un peu un mea culpa, notamment dans
22:40les médias américains où il était populaire. Il s'est dit, il faut aller les lire. Et il dit,
22:43non, mais en fait, quand j'étais jeune, on a attaqué la science. Enfin, il le dit, c'était
22:47pour s'amuser. Il dit, on a attaqué la science parce qu'on a cru qu'elle était trop forte,
22:51qu'elle était trop puissante. Il le regrette. Il dit, aujourd'hui, on se retrouve face à des gens
22:58qui ont l'impression, on ne vit plus dans un monde en commun. Et je parle du réchauffement
23:02climatique et des gens vont me dire, mais non, c'est une question de perception. Comment tu
23:08veux agir politiquement ? Comment tu veux avoir un discours de gauche dans ce monde-là ? T'es
23:12foutu. Donc non, tu dois dire qu'il existe un monde. En fait, ce que je dis là, c'est tellement
23:17banal. C'est ce que pense ma grand-mère avant Bruno Latour. Moi, je milite pour ma grand-mère.
23:23Franchement, je suis épaté de ce livre qui est censé être un roman et plein d'humour. J'ai
23:34l'impression qu'il y a énormément de références et t'y as réfléchi. Moi, je l'ai vraiment lu comme
23:40plus qu'un roman. Il y a quand même, là tu vois, la digression qu'on commence à avoir. T'as fait
23:46une vraie réflexion sur le monde et avec une touche d'humour. Mais je ne peux pas croire que
23:53tu as mis un an à écrire tout ça, avec toutes les informations que tu as dû glaner. Si, mais je ne
24:00lis pas beaucoup de romans, moi. Je lis très peu de littérature, en fait. Je lis beaucoup d'essais.
24:05J'ai fait un peu de philo. Donc en fait, mes sources d'inspiration, c'est plus ça. Et si tu
24:15devais faire là... Ce qui m'a été reproché un peu, mais je comprends. C'est vrai que j'écris
24:22un truc qui m'exciterait de le lire. En fait, j'aimerais bien un peu une espèce d'essai avec un
24:30petit peu de roman autour. Mais finalement, ce qui m'excite le plus, c'est peut-être les petits
24:34morceaux d'essais dans le roman, dans le roman lui-même. Dans celui que tu as écrit ? Non,
24:39en général, dans ce que je lis. Là, je lis un essai de Bernard Lahir. Je ne veux pas me
24:46tromper sur son prénom, Bernard Bertrand. Je suis souvent beaucoup plus excité en lisant un essai
24:53qu'en lisant un roman. Mais souvent, les essais, au bout d'un moment, ça devient chiant à lire et
24:59tu te dis que ce serait bien qu'il y ait un petit peu de liant là-dedans. Mais bon, j'invente
25:05rien. Il semblerait que Houellebecq ait fait ça bien avant moi. Je trouve que tu as mis quelque
25:13chose d'un peu neuf. Et vraiment, moi, j'ai vraiment adoré ton livre. Est-ce que tu as
25:18prévu de continuer le métier d'écrivain ? Oui, oui. Oui, ce serait dommage de ne pas,
25:26on va dire, surfer sur la vague parce que là, on est obligé de dire qu'il y a une vague.
25:31Maintenant, il va falloir s'organiser. Je ne suis pas à les écrivains, les interviews,
25:37ils ne parlent jamais de ça. Il va falloir trouver du pognon. La question, c'est le pognon parce que
25:41je dis que ça prend un an. Moi, maintenant, j'ai une maison, j'ai un crédit, j'ai un enfant,
25:48j'ai la crèche. Les écrivains ne parlent jamais de ça. La crèche, c'est 6000 balles par an. Vous
25:53entendez ça ? Alors, il va falloir les trouver, il va falloir s'organiser. Mais oui, je trouverais
25:58ça indécent de ne pas profiter de la chance que j'ai eue parce que, tu vois, quand j'ai eu le prix
26:02de Florence, j'ai parlé à Arnaud Vivian, qui est la personne qui a repéré ce livre, qui me dit
26:11obtenir un prix, c'est toujours un miracle. Je pense que j'ai eu la chance de vivre un miracle.
26:18Bon, il faut en écrire un deuxième. En tout cas, moi, j'ai hâte parce que c'est de la rentrée
26:27littéraire. C'est vraiment un de ceux que j'ai le plus apprécié. C'était vraiment drôle,
26:35c'était juste. Et surtout, les personnages, tu leur as donné quelque chose de vraiment réel qui
26:39dénote un peu justement avec ce qui est publié aujourd'hui, qui est peut-être trop souvent
26:46centré sur l'auteur. Et là, vraiment, c'est ça qui est agréable. C'est que j'étais vraiment
26:53curieux de savoir qui était la personne qui se cache derrière. C'était vraiment, c'était
26:58vraiment très, très drôle. J'imagine que dans le public, les questions. Il y a une question.
27:05Non, franchement, dans toutes les conversations que j'ai eues, non, c'est ça qui m'a fait plaisir.
27:26Il y a toujours des gens qui ont ressorti. Ce qui m'a fait plaisir, c'est de voir. C'est un peu
27:32nul de dire ça avec vous, les couleurs. Par exemple, Arnaud Vivian me dit « Je n'aime pas
27:37le passage qui se passe en banlieue parisienne. Je n'en dirais pas beaucoup de plus avec des
27:42adolescents. » Ce qui est marrant, c'est que j'ai au moins deux autres personnes qui m'ont dit « Mais
27:48ça, c'est génial. C'est le meilleur passage du livre. » Et je trouve ça hyper réjouissant de
27:52voir la diversité des réactions à un truc que tu écris, toi, tu n'es pas trop sûr. Toi, tu dis
27:57« Oui, je pense que ça me plaît. Je pense que ça peut plaire. » Et tu vois que ça crée des réactions
28:00hyper fortes, parfois négatives, parfois positives. Donc, non, c'est vraiment cool.
28:04Non, allez, un truc. Une fois, complètement, mais hors de propos. Un truc dont je n'ai jamais
28:08parlé, mais dont je l'ai parlé à toi et je l'ai noté, c'est une des sources d'inspiration parce
28:14que je dis toujours le même truc. Je dis toujours « Oui, le complotiste était Q Anon, etc. » dans
28:20les interviews. Mais il y a une des sources d'inspiration de ce roman que j'avais écrit une
28:25fois. C'est Jean-Baptiste Pérez. Et Jean-Baptiste Pérez avait écrit un opuscule pour se moquer des
28:33gens. À son époque, la thèse mythiste était à la vogue. Et les mythistes disent « Jésus n'a
28:38jamais existé ». Ce n'est pas un personnage historique. Un des discours, c'est de dire
28:43« Jésus est une allégorie du soleil, du christianisme, et en fait, une espèce de culte
28:51solaire abattardie. » Et lui, il dit « Tiens, je vais vous montrer avec vos méthodes. Je vais
28:56faire un culte solaire sur Napoléon. » Il écrit un texte, tout un opuscule pour dire « Napoléon
29:01n'a jamais existé. Napoléon est une allégorie du soleil. Et tout ce qu'on vous raconte sur lui,
29:07en fait, c'est un culte solaire qu'on a transformé et qu'on a oublié en 200-300 ans. » Et je trouvais
29:15ce texte hyper rigolo et c'était une des sources d'inspiration sur « Tu peux tout interpréter
29:22vraiment comme tu veux. » Le texte est vachement convaincant. Et j'ai réutilisé certaines de ces
29:28méthodes, notamment se baser sur les noms, les prénoms des personnages. Il va dire « Mais
29:33Napoléon, c'est une déformation d'Apollon. Apollon a été le symbole du soleil chez les
29:38Grecs, etc. » ou chez les Romains, je ne vais pas dire de bêtise. Et du coup, j'ai fait exactement
29:46la même chose. Quand je prends le premier Marc Lévy, mon point d'entrée, c'était les prénoms.
29:50Et je dis « Lorraine Klein, en fait, c'est Klein, Lorraine. Et en fait, c'est le petit laurier et
29:56je parle de là. Et donc, Jean-Baptiste Péresse, on va le reciter. Jean-Baptiste Péresse, voilà.
30:06Une source d'inspiration dont je n'ai jamais parlé. Et ça fait partie des petits textes un
30:12peu inconnus, mais très rigolos. Et philosophiques à la fois.
30:18En tout cas, j'étais très content. S'il n'y a pas d'autres questions en intrasemblée.
30:25Oui, je m'intéresse beaucoup à la question du cerveau, de la conscience.
30:52D'où la sociologie de l'aïr qui est un sociologue qui veut se rapprocher des neurosciences, etc.
31:05Et ça donne plein d'idées. Ça donne plein d'idées. Moi, je trouve qu'il y a plus d'idées
31:12souvent dans la philo et les sciences. En tout cas, moi, ça me stimule plus.
31:16Un peu comme tu imagines les mecs qui font de la SF.
31:20Les mecs qui font de la SF, l'isolation, c'est marrant.
31:24Ça pourrait marcher. Mais franchement, c'est ce qui est génial dans le roman.
31:30Moi, je me suis demandé, il est allé chercher où ? Et en plus, ça tient.
31:34C'est ça le pire. En tout cas, merci. Et puis, je te souhaite encore d'en écrire d'autres aussi
31:42fabuleux que ça. Et bien, on revient dans quelques années devant 1000 personnes.
31:49Stade de France.
31:50Devant le Stade de France.
31:51C'est génial. Merci beaucoup.
31:53Merci.