L'invité de Nicolas Crozel - ici Loire Océan
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00:00En 7h49, Patrick Darré-Carrère, Président du Tribunal de Commerce de Nantes, est votre invité ce matin, Nicolas Creuset.
00:06Je vous laisse vous installer quand même, on est un petit peu éric-crac.
00:09Merci d'être là en direct Patrick Darré-Carrère ce matin,
00:12alors que le nombre d'entreprises en difficulté explose en France selon une étude révélée par votre radio.
00:18Ici, 67 000 défaillances, plus de 250 000 emplois menacés en France.
00:22Des défaillances qui ont donc explosé en 2024, une tendance qui se confirme chez nous ?
00:27Oui, alors on est dans une région moins pénalisée parce que nous avons quelques locomotives,
00:32je dirais globalement, qui tirent probablement la région,
00:34l'aéronautique, la navale et quelques autres activités qui sortent leur épingle du jeu.
00:41Donc on est un peu moins marqués, nous sommes à plus de 12% nous de difficultés en liquidation judiciaire,
00:46alors que la moyenne nationale est plus entre 20 à 30%.
00:50On va dire qu'on limite la casse, pour autant on a des secteurs qui souffrent particulièrement,
00:54je pense à l'immobilier, aux bâtiments, ça se confirme ?
00:58Alors l'immobilier, clairement, c'est le premier secteur touché.
01:01Les promoteurs construisent moins, vous le savez, il y a un déficit de logements actuellement en France.
01:06A partir de là, c'est toute une chaîne qui se dégrade jusqu'aux secondes oeuvres,
01:12qui s'en est pas trop mal sorti jusqu'à présent avec la rénovation.
01:16Mais là aussi, les incertitudes aujourd'hui font que beaucoup de gens hésitent à investir
01:21entre la modification de législation, réglementation, j'ai des subventions, je les ai pas,
01:25bref, toutes ces perspectives n'encouragent pas le bâtiment, c'est clair.
01:29Et d'ailleurs, on a 1200 agences en France qui ont disparu cette année.
01:331200 agences immobilières, donc ça dit quelque chose aussi, effectivement,
01:36si ça construit pas, ça vend pas, si ça vend pas, les agences ferment.
01:40Le commerce, on l'évoquait avec nos auditeurs à l'instant.
01:44Oui, j'ai entendu les observations de vos auditrices, elles sont exactes.
01:49Je pense que c'est le cumul de plusieurs facteurs.
01:51J'ai entendu parler de facteurs sécurité, même s'il est un peu moins prégnant peut-être qu'à un moment donné.
01:56Les problèmes d'accès, bien évidemment, c'est circulé dans l'entre aujourd'hui, chacun sait ce que c'est.
02:02C'est compliqué.
02:03Et les prix, tout simplement aussi, quand même.
02:04Oui, mais il y a quand même de l'épargne en France, beaucoup d'épargne.
02:08Quand on regarde les chiffres de l'INSEE, l'épargne est au plus haut niveau,
02:11ce qui prouve que malgré tout, il y a de l'argent qui pourrait circuler.
02:15Cet argent ne circule pas, et donc bloque la consommation.
02:18Vous, vous avez le tribunal de commerce de Nantes, un secteur qui va en gros de Clisson à Derval.
02:24Oui.
02:24C'est le découpage, il y a celui de Saint-Nazaire, celui de Saint-Nazaire semble résister un petit peu mieux.
02:30Peut-être aussi parce qu'il y a un énorme bassin d'emploi avec les chantiers,
02:33mais on voit que tout ça reste fragile.
02:34Tout à fait, j'étais hier à l'hôtel de Saint-Nazaire, hier après-midi,
02:40ils enregistrent des flux, malgré tout, en augmentation, effectivement comme ailleurs,
02:45avec une atténuation pour les raisons que vous évoquez.
02:48Et si on dézoome un peu, tout à l'heure on était en reportage à Ancenis,
02:51dont on a souvent dit que c'était le plein emploi, les herbiers, plein emploi.
02:54Alors, ça le reste, là encore, parce qu'il y a beaucoup d'entreprises,
02:58mais l'intérim baisse, et quand l'intérim baisse, c'est jamais bon signe.
03:01Oui, tout à fait.
03:02C'est un baromètre.
03:03Absolument.
03:03Aujourd'hui, ce qui est également un baromètre, ce sont les demandes de conciliation et demandes ad hoc.
03:09On en parlera peut-être tout à l'heure.
03:10C'est cette volonté d'intervenir le plus en amont possible,
03:13avant que les difficultés ne soient trop prégnantes et définitives.
03:15Ça concerne plus de 4 000 salariés, aujourd'hui, ces demandes.
03:18Donc, vous voyez que ce n'est pas eux.
03:19Des salariés ?
03:20Des salariés.
03:20D'accord.
03:21Et donc, derrière, pratiquement 5 à 6 enchaînements d'entreprises qui sont concernés également.
03:25Parce qu'on n'est pas loin de 5 000 personnes.
03:27Souvent, on évoque les salariés, effectivement, au tribunal de commerce,
03:30plus de 4 000 salariés potentiellement menacés,
03:33mais ça veut dire que derrière, il y a des chefs d'entreprise,
03:35qui eux aussi se retrouvent en première ligne.
03:38Et généralement sans secours.
03:40Et le message qu'on peut leur passer,
03:42c'est que venir vous voir dès les premières difficultés,
03:45ce n'est pas être montré du doigt ou être une punition.
03:48On a l'impression que certains n'osent pas y aller.
03:50Or, il vaut peut-être mieux y aller plutôt que trop tard.
03:53A l'évidence, c'est mon message depuis un an que je préside cette belle institution,
03:58c'est oser le tribunal de commerce.
04:00Nous ne sommes pas là pour prononcer des jugements de type moraux ou autre.
04:04Nous sommes des anciens, ou toujours, chefs d'entreprise.
04:07Donc, on sait ce que c'est que les difficultés d'entreprise.
04:09Ça n'est pas honteux d'avoir des difficultés d'entreprise.
04:12Donc, prenez rendez-vous, venez nous voir.
04:15Moi, mon téléphone, il est connu, le greffe est à la disposition.
04:18On peut donner un rendez-vous des fois en 24 heures.
04:21On essaie d'être souple, le plus possible à l'écoute.
04:24C'est un peu comme une maladie dont on dit qu'il faut la dépister tôt pour qu'on la soigne ?
04:26A l'évidence, je prends toujours cet exemple de l'incendie de forêt,
04:31qui provient souvent d'une première cigarette jetée maladroitement.
04:34Cette cigarette, on aurait pu l'éteindre avec un verre d'eau tout de suite.
04:36Si on ne fait rien, en quelques heures, ce sont des canadaires qui deviennent obligatoires.
04:40Donc, les difficultés d'entreprise, souvent, ça peut être ça.
04:43Je ne dis pas que c'est toujours ça, mais nous savons qu'avec des procédures de conciliation,
04:46qui ont un tas d'avantages, de confidentielité, etc.,
04:49on peut aboutir à plus de 70-75% de succès.
04:53Donc, c'est dommage de s'en priver.
04:54On va terminer avec cette note d'espoir.
04:56Merci beaucoup, Patrick Darré-Carrère, président du tribunal de commerce de Nantes, d'être venu.
05:01Vous avez fait un long voyage, vos locaux sont juste au-dessus, l'étage au-dessus.
05:04Merci beaucoup d'être venu dans le studio d'ici matin.