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00:00Un professeur d'histoire-géographie menacé de mort pour avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo le 8 janvier au lendemain des dix ans de l'attentat terroriste.
00:10Une élève estime alors que ça ne se fait pas de montrer des caricatures. Une semaine plus tard, elle sort ses propos au professeur.
00:18Un lycéen va venir vous tuer. La collégienne de 13 ans qui a proféré ces menaces parle d'une plaisanterie.
00:26Et nous sommes avec Paul-Edouard Lallois qui est le procureur de la république de Montbéliard. Bonjour monsieur.
00:34Bonjour Patrick Lepreau.
00:35Et merci d'être avec nous. Où en est cette affaire ?
00:38Elle est terminée. D'un point de vue judiciaire, c'est déjà terminé. Les choses sont allées très rapidement.
00:43J'ai été saisi jeudi, le jour de la commission des faits, par la plainte de l'enseignant qui a été déposée dès le soir même
00:50et puis par le signalement de l'établissement scolaire qui m'est remonté via l'article 40 du code de procédure pénal
00:54et immédiatement j'ai ouvert une enquête judiciaire du chef de menace de mort à l'encontre d'un enseignant
01:01qui a la circonstance agréable d'être une personne chargée d'une mission de service public.
01:05Et dès le lendemain, j'ai demandé immédiatement à ce qu'on convoque au commissariat de Montbéliard
01:10cette jeune fille en présence de sa maman, son représentant légal, et en présence d'un avocat.
01:15Elle a été entendue dans les mêmes conditions qu'une garde à vue pour s'expliquer sur les propos tenus le jeudi matin auprès de cet enseignant.
01:21Vous étiez présent dans cette garde à vue ?
01:23Alors je ne suis pas présent, moi je vois dans un second temps, c'est-à-dire qu'elle est immédiatement à l'issue de cette garde à vue
01:29d'abord interrogée par un officier de police judiciaire.
01:31Moi je donne mes instructions, l'officier de police judiciaire m'en rend compte à l'issue.
01:35Dès l'issue, j'ai pris immédiatement ce qu'on appelle une réponse pénale, c'est-à-dire la décision judiciaire
01:41et je lui ai fait notifier une convocation à mon parquet dans trois semaines très exactement
01:46pour justement être entendu par nos soins, lui notifier à nouveau l'infraction qui lui est reprochée
01:52et puis la mesure est exactement sur un plan judiciaire pris à son encombre qui est un avertissement pénal probatoire
01:59qui est une mesure adaptée compte tenu de la nature des faits de son âge, surtout à 13 ans et demi
02:04donc à cet âge-là vous n'encourez que des sanctions éducatives
02:06donc c'est évidemment une sanction mais qui aura des conséquences pour elle
02:10à la fois sur le plan de son fichage auprès des fichiers de police
02:14puisque la mesure dont elle a fait l'objet a entraîné sa signalisation que j'ai expressément demandée
02:19et puis par ailleurs ça crée pour elle un antécédent judiciaire compte tenu de cet avertissement pénal probatoire
02:24qui lui sera notifié au sein de mon parquet dans trois semaines.
02:28Qu'est-ce qu'elle a dit en garde à vue et vous dites que sa mère était également présente dans la garde à vue ?
02:34Sa mère assistait à l'audition comme tout représentant légal pour un mineur
02:38et puis assistait d'un avocat puisque c'est une obligation également s'agissant d'un mineur
02:43elle a tenu exactement les mêmes propos qu'elle avait tenus devant le chef d'établissement
02:47le jeudi après-midi immédiatement après avoir été convoquée
02:50dès lors que l'enseignant avait signalé sans délai l'incident qui s'était produit le matin même
02:56à savoir qu'elle est allée effectivement voir son professeur d'histoire géographique juste à la fin de ce cours
03:01et faisant référence au cours d'instruction civique qui avait eu lieu le 8 janvier très précisément
03:06alors que cet enseignant avait fait le choix sans doute symbolique d'un cours sur la liberté d'expression
03:12en présentant différentes caricatures issues de Charlie Hebdo
03:16et bien cette jeune fille a trouvé judicieux, marrant pour reprendre ses termes
03:21de faire ce qu'elle estime être une blague et je cite ses termes à son enseignant en lui indiquant
03:25qu'un lycéen, un jeune d'un lycée sans autre précision viendrait le tuer
03:30elle a tenu les mêmes propos dans un même trait de temps auprès d'un camarade de la classe
03:33qui l'a immédiatement signalé à l'enseignant et l'a fait remonter à la direction de l'établissement
03:38et donc elle a tenu exactement les mêmes explications à savoir qu'il s'agissait simplement d'une blague
03:43je reprends ses termes, une blague, elle estimait que sur le coup ça pouvait être marrant
03:47même si effectivement après la mise en route de l'approche disciplinaire d'un côté
03:52et l'approche pénale de l'autre, elle a fini rapidement par comprendre qu'il n'y avait rien de drôle dans tout ça
03:57alors je ne suis évidemment pas un enquêteur mais une question s'impose
04:01est-ce que cette famille est de religion musulmane ?
04:05absolument pas, il s'agit d'une famille sans histoire, pas du tout connue
04:10originaire du pays de Montbélia, bien évidemment comme systématiquement pour des faits de cette nature
04:16de tels faits non seulement sont pris très au sérieux mais surtout on mobilise tous les services de l'état
04:22l'éducation nationale s'est tout de suite fait diligence, m'a saisi immédiatement
04:26et de mon côté j'ai travaillé en lien avec les services du renseignement territorial pour nous assurer
04:30qu'évidemment il n'y avait pas de soupçons de radicalisation, de contexte de radicalisation
04:34sur cette jeune fille et sa famille, ce qui n'était évidemment pas le cas mais on a préféré lever le doute
04:37mais très rapidement également engager la réponse judiciaire avec cette audition dès le lendemain
04:42et une réponse pénale immédiatement notifiée à l'issue
04:46j'ai vu également qu'il y avait un message de soutien d'Elisabeth Born qui est ministre de l'éducation nationale
04:50j'adresse tout mon soutien à l'enseignant de l'académie de Besançon
04:54qui a été menacé de mort après avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo
04:58la situation a été immédiatement prise en compte, les caricatures qui avaient été montrées
05:03est-ce que vous savez quelles étaient-elles ?
05:06sans doute, le savez-vous d'ailleurs monsieur le procureur ?
05:09de toutes sortes, c'est ce qu'a expliqué l'enseignant, il fait vraiment un cours général sur la liberté d'expression
05:14et il choisit de présenter à la fois des caricatures à connotation religieuse
05:18et il nous l'a précisé, un des trois religions monothéistes avec des représentations d'imam, de rabbin, de curé
05:22et puis des caricatures à connotation politique également
05:25donc il a précisé que c'était vraiment sur une thématique générale de caricature
05:29sans spécificité sur une ou plusieurs religions en particulier
05:34Paul-Edouard Lallois est avec nous, il est procureur de la République de Montbéliard
05:39je retiens quand même de cette intervention qu'il n'y avait pas effectivement de raison religieuse
05:46et je peux dire d'une certaine manière que c'est quand même une bonne chose qu'il n'y ait pas cela dans le dossier
05:52je ne sais pas depuis combien de temps vous êtes magistrat monsieur Lallois
05:56depuis combien de temps vous faites ce métier de procureur ?
05:59depuis une quinzaine d'années, je suis procureur à Montbéliard depuis l'année dernière
06:03je suis magistrat depuis une quinzaine d'années
06:04et je voulais savoir quel regard vous portez sur la société française
06:08parce que nous journalistes finalement nous en témoignons
06:12mais nous ne sommes pas en prise directe avec cette société
06:15en revanche les policiers, les magistrats, parfois d'autres professions aussi
06:20sont davantage en prise directe que nous
06:23dans les hôpitaux peut-être aussi on est en prise directe avec la société française
06:27plus qu'avec un journaliste qui vient comme cela d'une manière, comment dire, ponctuelle
06:33quel regard vous portez sur cette société et sur les délinquants, criminels
06:39que vous avez aujourd'hui devant vous monsieur le procureur ?
06:43pour ce qui nous occupe là, moi je porte un regard à la fois inquiet et interrogatif
06:49inquiet parce qu'on se rend compte qu'on a affaire à de plus en plus de situations de violence
06:55et de banalisation de cette violence chez des jeunes, de plus en plus jeunes
07:00c'est-à-dire on a à la fois des commissions de fait dans les établissements scolaires
07:04en marge des établissements scolaires, une grosse activité évidemment sur les réseaux sociaux
07:07l'objectif là d'être à la fois réactif et de taper fort
07:10j'ai pas du tout le monde d'utiliser ces termes
07:13on a voulu effectivement taper fort pour envoyer un message d'extrême fermeté
07:17à tous ces jeunes qui banalisent les propos en question
07:20ont été tenus à l'emporte-pièce de manière totalement banalisée
07:24sans mesurer le moindre instant la portée qu'ils engendrent
07:27le sentiment d'insécurité qu'ils génèrent, le sentiment de menace
07:31que ça crée chez la personne qui le reçoit, chez l'enseignant en l'occurrence
07:35et l'autre conséquence c'est que de tels propos peuvent être très rapidement repris sur les réseaux sociaux
07:40et nous savons tous que la reprise sur les réseaux sociaux donne un écho
07:45une dimension autrement plus importante avec le risque que ça tombe notamment dans la tête d'un fanatique
07:50et que ça se termine de manière tragique comme on l'a malheureusement connu avec les affaires Paty ou Bernard
07:54Merci beaucoup de votre clarté, de votre concision, de votre précision
07:58et c'est intéressant d'échanger vraiment avec des magistrats de haut niveau comme vous
08:03procureur de la République de Montbéliard
08:05merci beaucoup Paul-Edouard Lallois
08:07et peut-être nous vous rappellerons, pourquoi pas, avant la fin de la saison
08:11parce que c'est un échange qui, j'en suis sûr, a intéressé les auditeurs
08:1511h58, on est un poil en retard, à tout de suite