Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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00:00Dans la chambre d'à côté de Pedro Almodovar, une femme en phase terminale, jouée par Tilda Swinton,
00:06demande à une ancienne amie, Julianne Moore, de l'accompagner dans son suicide en se tenant dans la chambre d'à côté.
00:13Et l'amie, évidemment, Philippe, accepte.
00:16Oui, alors raconté comme ça, ça peut paraître plombant.
00:19Oui, ça ne fait pas super envie.
00:20C'est beaucoup plus accueillant que ça.
00:23Pour commencer, ce n'est pas du tout un film pour ou contre l'euthanasie.
00:27Il y a une loi en Espagne, donc Pedro Almodovar ne se sent pas investi de devoir défendre ça.
00:33C'est plutôt deux amis qui vont se retrouver face à la mort.
00:37Il y a donc Tilda Swinton qui est très malade, qui est incurable.
00:41Et puis son ami, qui est aussi écrivain, qui a peur de la mort.
00:46Et comment toutes les deux vont appréhender ce moment-là ?
00:50On est plus du côté de Bergman, si vous voulez, que de la Movida madrilène.
00:54On est dans un cinéma, chez Almodovar, on est dans la troisième période,
00:57celle qu'il a commencée avec Giulietta, qui est vers plus de sobriété,
01:01et avec des personnages qui sont plus vieux, qui ont la soixantaine ou un peu plus,
01:05qui se souviennent de leur jeunesse de sexe, drogue et rock'n'roll.
01:11Ils le disent.
01:12Et qui maintenant sont apaisés et sont autre chose.
01:15La grande référence du film, c'est les gens de Dublin, de John Huston,
01:18avec une utilisation magique de la neige.
01:20Et en même temps, on est bien chez Almodovar, il y a la palette chatoyante.
01:24– On a envie de voir, Philippe.
01:26– Malheureusement, j'ai pas eu l'extrait que je voulais.
01:30– Scandale !
01:31– On n'est pas dans la chambre d'à côté.
01:32C'est-à-dire qu'à la fin du premier tiers du film,
01:35elles vont embarquer dans ce lieu où il y aura la chambre d'à côté,
01:39avec sa porte rouge, qu'Almodovar filme comme les limbes.
01:43En fait, d'ailleurs, c'est un film américain, mais cette partie-là,
01:46il l'a tournée en Espagne.
01:47Là, on est avant.
01:48Alors, la seule chose que vous allez voir de cet extrait,
01:51c'est qu'on commence par filmer Tilda Tichman derrière la vitre.
01:54Et constamment, parce que c'est son devenir fantôme,
01:57sa mort est annoncée au début, et toute la mise en scène va raconter ça.
02:01Et là, on voit qu'elle passe du dehors au dedans.
02:08Alors, vous voyez, ce n'est pas un champ contre champ,
02:11c'est-à-dire qu'il y en a une qui est face, et l'autre qui est de profil.
02:15C'est un peu décalé.
02:18Et au moment où Tilda Swinton va passer de l'autre côté de la fenêtre,
02:23regardez ce qui arrive par la gauche de l'écran.
02:28Hop, c'est Jacques Turturro qui apparaît.
02:30Voilà, on nous l'avait caché,
02:33qui est l'amant partagé et qui apporte dans le film quelque chose.
02:37Lui, il n'est pas du tout malade, mais c'est le gars hyper dépressif
02:41à cause de la catastrophe climatique et tout ça.
02:44Et c'est très intéressant de voir son point de vue à lui, où tout est sinistre.
02:48Il s'est engueulé avec son fils parce qu'il a osé faire un troisième enfant,
02:51et que vraiment, ça ne se fait pas dans ce monde-là,
02:54alors que les autres...
02:56Tilda Swinton va mourir, et c'est une leçon de vie.
02:59Le film est très, très, très riche.
03:01Est-ce qu'il réussit son grand film américain ?
03:03C'est la première fois qu'il tourne aux États-Unis, en anglais.
03:06Ça vous a plu ?
03:08Il a tourné deux courts-métrages en anglais,
03:10et c'est d'ailleurs parce qu'il a fait La Voix Humaine avec Tilda Swinton
03:13qu'il a l'envie de chercher un projet,
03:15et qu'il tombe sur ce roman de Sigrid Nunes.
03:18C'est intéressant ce que ça produit,
03:20parce qu'à la fois le recours à la langue anglaise
03:23lui permet d'engager deux stars extraordinaires,
03:26et il dit lui-même que Tilda Swinton n'est pas humaine.
03:30Quelque part au-dessus de l'humanité, il y a Tilda Swinton,
03:33et donc la première fois qu'on voit son visage,
03:36comme ça en top shot, sa blancheur,
03:39ça crée une distance, ça crée une froideur.
03:42C'est-à-dire que c'est moins pétaradant, l'anglais,
03:45et ça crée, je trouve, quelque chose qui correspond très bien à ça.
03:49Après, il fait un film américain ? Pas du tout.
03:51C'est-à-dire que l'Amérique s'almodovarise,
03:54parce que c'est quelqu'un qui dévore tout esthétiquement almodovar.
03:58Il a une flamboyance, il garde sa flamboyance.
04:00La vision de l'Amérique, la vision d'un camion de pompiers rouges,
04:03la vision d'une chambre d'hôpital, la vision d'un penthouse new-yorkais,
04:06non, c'est de l'almodovar qui dévore tout,
04:10et je trouve que c'est ça qui est beau, parce que, par ailleurs,
04:13pour moi, le film est un choc esthétique de chaque instant,
04:16parce que c'est tellement beau, je trouve que ça lave
04:20de tout ce qu'on voit de moche à longueur de temps.
04:22Philippe parlait des gens de Dublin, de Johnny Houston,
04:25et elles font référence à ce film-là plusieurs fois dans le film.
04:28C'est quoi les liens au-delà de la neige ?
04:30Le lien, c'est surtout la fin des gens de Dublin,
04:33sachant que la fin des gens de Dublin reprend exactement le texte de James Joyce
04:37et la fin de ce très court roman qui terminait en fait un recueil de nouvelles.
04:42Ils le reprennent, alors évidemment, c'est ce que disait, c'est la neige
04:45dont parlait Philippe, qui va venir recouvrir les corps,
04:48qui va venir recouvrir le paysage.
04:51C'est donc un rapport entre les vivants et les morts,
04:54comme il est dit dans le texte de Joyce.
04:57Mais je dirais que c'est surtout un film.
05:00Le film original, c'est The Dead.
05:02C'est un film dont l'idée principale, c'est de faire naître des épiphanies.
05:06Or, il y a une épiphanie au bout du parcours
05:09que va vivre le personnage que joue Julianne Moore
05:12auprès du personnage que campe Tydall Swilton,
05:15qui est finalement l'acceptation de la mort,
05:18parce qu'à l'origine, elle est quelqu'un qui n'accepte pas du tout
05:21que quelqu'un puisse venir mourir.
05:23Mais c'est ce qui fait, à mon avis, la force du film.
05:25Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un film
05:27où je trouve qu'il est aussi agréable presque d'habiter le film.
05:30Vous avez envie d'être dans la chambre d'accueil.
05:32C'est un peu le problème en fait.
05:34Il y a quand même quelque chose dans la manière qu'Almodovar a
05:37de s'approprier peut-être le contexte américain,
05:40et je pense que c'est fait exprès en effet,
05:42qui est une mise à distance, comme le disait Marie,
05:44qui, moi, m'a vraiment laissée à distance.
05:46Et j'avais besoin de plus de drame que ça, je crois.
05:50J'ai trouvé ça très lisse.
05:52C'est tellement discursif.
05:54Tu passes ton temps à dialoguer avec le film,
05:56à dialoguer avec les personnages.
05:58Ça met un peu de temps.
05:59Moi, je l'ai vu en m'ennuyant profondément,
06:01pour le dire vraiment clairement.
06:03Et après, j'ai eu besoin d'un temps pour me dire,
06:05en fait, ce que montre Almodovar,
06:07ce n'est pas vraiment la mort,
06:08c'est sa propre terreur de la mort.
06:10Il en a tellement peur probablement
06:12qu'il la contient dans un écran,
06:15un écran de fiction plein de clichés
06:17sur aussi ce que c'est la fiction américaine.
06:19Ces divas, elles sont à l'état de divas.
06:21Moi, je ne crois pas une seconde au personnage.
06:23Je ne crois pas ni à l'une, ni à l'autre.
06:25Vous ne croyez pas au diva Marussia ?
06:26On n'a pas entendu Marussia.
06:28À la vérité de leur amitié.
06:31Le film a produit sur moi
06:34une émotion un peu progressive.
06:36C'est-à-dire qu'il est vraiment coupé en son milieu, ce film.
06:39Et à partir du moment où elle choisit
06:41de mourir de telle manière,
06:43tout d'un coup, le film est emporté
06:46vers une sorte d'extase.
06:47Et en effet, c'est une beauté de tous les plans.
06:49Et j'ai revu toute la première partie.
06:51Enfin, c'est comme si j'avais fait rebrousse chemin.
06:54Et toute cette première partie
06:55que je trouvais finalement très franquiste.
06:57Oui, et c'était sidérant.
06:59C'est-à-dire que j'ai été...
07:01Parce que la première partie, je l'ai trouvée très simpliste.
07:03Même un peu dans la provocation.
07:04C'est-à-dire qu'il filme pour la première fois à New York.
07:06Il filme quoi ?
07:07Il filme une chambre d'hôpital.
07:08Il sort très peu.
07:10Il filme Tilda Swinton
07:12qui a une espèce de logorée
07:13et qui raconte comme ça
07:14tous les grands moments de sa vie.
07:16Et qui a été un peu difficile pour moi à regarder.
07:18Et je me suis dit, mais en fait, c'est quoi ?
07:20C'est certainement le reflet un peu
07:22du caractère prosaïque de la maladie.
07:24Et quand elle choisit comment elle meurt,
07:26là, on est emporté dans un sublime...
07:28Elle devient un arbre parmi les arbres.
07:30À travers cette baie vitrée, c'est sidérant.
07:32Il y a un arbre dans sa chambre.
07:34Il y a une toile d'arbre.
07:35Parce qu'il y a tout le rapport avec l'art.
07:37Les amis, on aurait envie d'en parler pendant des heures.
07:39Mais le temps file.
07:41Et le temps file.
07:42Il y a un tableau de Hooper
07:43avec les chaises longues face au soleil.
07:45Il rend la mort belle.
07:47C'est incroyable.