• le mois dernier
Raphaël Glucksmann, député européen PS et Place Publique, était l'invité d'Apolline de Malherbe ce vendredi 24 janvier.

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Raphaël Glucksmann.
00:04Bonjour.
00:05Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Vous êtes député européen, place publique et parti socialiste.
00:10On va revenir évidemment sur les dernières provocations presque à vos yeux de Donald Trump,
00:15la manière dont il s'est carrément adressé directement aux entreprises françaises européennes
00:19en leur disant de venir le rejoindre sur le sol américain et la réponse européenne.
00:24Mais d'abord on vous a entendu depuis 6 mois, depuis les élections européennes.
00:30Appelez de vos voeux à une distinction très claire entre la gauche que vous estimez être la gauche socialiste
00:37et la France insoumise. Est-ce que ce divorce est en train d'être acté ? Est-ce que ça vous réjouit ?
00:42Moi je veux de la clarté en fait. Je veux qu'on soit sincères. Je veux qu'on dise la vérité.
00:49Et la vérité c'est que nous n'avons pas la même vision du monde, nous n'avons pas le même projet,
00:53nous n'avons pas le même rapport à la politique, nous n'avons pas le même rapport à la brutalisation de la vie politique
00:57et nous n'avons pas le même rapport à l'utilisation ou non de la censure comme on l'a bien vu au Parlement.
01:02Donc aujourd'hui il y a une clarification qui s'opère.
01:06Et si le nouveau Front Populaire était un mouvement d'union face à l'extrême droite
01:12dans une situation extrêmement précise qui était celle de la dissolution insensée de l'Assemblée Nationale par Emmanuel Macron
01:17et du temps donné 3 semaines au parti pour s'organiser et empêcher Jordan Bardella et Marine Le Pen de prendre le pouvoir
01:23ce n'était pas un mariage sur le fond, on le voit aujourd'hui et il faut qu'on assume.
01:28Moi ce que je dis c'est n'ayez pas peur, n'ayez pas peur, vous êtes socialiste, sociodémocrate,
01:33vous êtes écologiste, vous êtes une gauche démocrate pro-européenne, nous sommes majoritaires à gauche
01:40et nous devons défendre notre vision du monde.
01:43Il y a encore besoin de leur dire vous n'avez pas peur non ? Parce qu'en fait c'est pas complètement acté,
01:48vous dites vous appelez à la clarification. Est-ce que pour vous ça y est c'est très clair ?
01:51Il y a certains points qui le sont, on a même François Hollande qui dit il faudra 2 candidats pour l'élection présidentielle,
01:56nous n'avons plus rien en commun de ce point de vue là, dit-il.
01:59Mais en même temps sur cette question de la censure, les choses ne sont pas extrêmement claires.
02:04Qu'est-ce qui reste ? Qu'est-ce qui les retient ? Qu'est-ce qui pourrait leur faire peur ?
02:07Sur la question de la censure, on a une gauche qui a conscience du moment extrêmement grave qu'on traverse
02:14sur le plan historique, géopolitique, social, budgétaire, économique
02:18et qui donc n'utilise pas la censure simplement pour un jeu de posture.
02:22C'est la gauche que nous représentons et on a vu à quel point on était capable de prendre nos responsabilités.
02:27Mais sur cette question de la censure, ça demande un effort aussi de la part du gouvernement.
02:31On a arraché des concessions, il ne faut pas revenir sur ces concessions les unes après les autres.
02:36Et donc ce n'est pas un accord de non-censure sur les mois qui viennent, c'est un accord de non-censure sur des engagements précis.
02:42Si ces engagements sont tenus, il n'y aura pas de censure.
02:44Si ces engagements ne sont pas tenus, la question de la censure sera à nouveau sur la table.
02:49Mais la décision de censurer ou de ne pas censurer au moment du budget, elle ne se fera que sur le fond du budget ?
02:54Que sur le fond du budget, que sur notre position que nous prendrons en conscience.
03:00Elle ne se fera pas sur les oucases de Jean-Luc Mélenchon et de ses affidiers.
03:05Parce que face à ces insultes, face à ces menaces, nous devons tenir bon.
03:11Il n'y a rien là-dedans qui puisse nous impressionner.
03:14Même les menaces sur les élections, on va vous mettre des candidats face au gros.
03:17Oui, parce qu'il faut quand même revenir sur les mots notamment qui ont été prononcés hier
03:21ou qui ont été écrits par Jean-Luc Mélenchon qui dit
03:23« S'il y avait censure, alors il confirmerait un renversement d'alliance,
03:27ne serait plus en mesure de représenter l'opposition de gauche dans leur circonscription.
03:30Cela équivaudrait à une rupture définitive avec le nouveau Front populaire
03:34et LFI serait en mesure de justifier, de présenter des candidats face aux députés socialistes
03:40qui n'auraient pas voté la censure.
03:42Eh bien, nous ne céderons pas à la menace.
03:44Nous ne sommes pas impressionnés.
03:45Il faut arrêter avec ce type de langage.
03:48Ce n'est pas le chef qui s'adresse à ses ouailles.
03:52« Revenez à la maison, l'école buissonnière est finie. »
03:55Tout ça est pathétique.
03:56Nous, nous devons nous prononcer en conscience.
03:59Moi, je veux bien que vous disiez que ce soit pathétique
04:01et que vous les appeliez à ne pas avoir peur.
04:03Quand vous entendez, par exemple, Marine Tondelier,
04:05qui a pu un temps préférer l'idée de dialoguer,
04:08de tenter de dialoguer avec le gouvernement,
04:10mais qui aujourd'hui estime qu'effectivement, il faut absolument censurer
04:14et qui a l'air elle-même d'être iraillée,
04:16à une personne comme elle, vous lui dites quoi ?
04:18Je lui dis, prononce-toi sur le fond.
04:21Et si elle décide que la censure est nécessaire,
04:24eh bien, ça doit être fait en conscience.
04:26C'est tout.
04:27Moi, je pense, par exemple, je vous ai dit,
04:28il y a un argument qui me stupéfait, qui circule,
04:30qui est de dire, mais on peut voter la censure pour envoyer un signal
04:34parce que, de toute façon, le RN ne la votera pas,
04:37et donc, c'est à blanc.
04:38Ça veut dire quoi ?
04:39Ça veut dire qu'en fait, on laisse les clés au RN.
04:41Or, précisément, ce qu'on a voulu faire pendant les élections législatives,
04:44c'était d'empêcher que le RN ait les clés de la vie politique française.
04:48Donc, une censure symbolique, en quelque sorte.
04:50Mais ça n'existe pas.
04:51Chaque vote, surtout sur un acte aussi grave que la censure,
04:54doit être fait en conscience,
04:56comme si le résultat final dépendait de votre vote, Apolline.
05:00Vous êtes au Parlement, vous devez voter.
05:02Si vous votez la censure, ça veut dire que vous voulez que le gouvernement tombe.
05:05Point.
05:06Vous ne prenez pas en compte les votes des autres.
05:08Donc, il n'y a pas, à vos yeux, uniquement une gestuelle
05:10ou une posture ou une censure symbolique ?
05:12Ça n'existe pas ?
05:13Ça n'existe pas.
05:14Mais de toute façon, en politique,
05:15moi, ce que j'essaye de faire au Parlement européen
05:16et ce qu'on arrive à faire avec la délégation
05:18qui unit Place publique et le Parti socialiste,
05:20c'est, à chaque vote, de voter comme si le résultat dépendait de nous.
05:24Pour être en sincérité radicale.
05:27Parce qu'en fait, quand on traverse un moment de crise démocratique majeure,
05:30toutes les postures, tous les calculs,
05:32deviennent profondément insupportables.
05:34Mais à la fin, est-ce que vous n'avez pas peur aussi de vous faire avoir ?
05:37C'est-à-dire que, si le gouvernement ne joue pas vraiment le jeu,
05:40si ce fameux conclave des partenaires sociaux n'accouche sur rien,
05:45est-ce qu'à la fin, vous ne vous direz pas
05:47qu'on s'est fait complètement avoir et on a donné 6 mois de plus à un gouvernement ?
05:50Et alors, dans ce cas-là, on votera la censure.
05:52Mais on la votera sur pièces, sur des actes,
05:55sur le fait que les accords n'ont pas été respectés,
05:58sur le fait qu'on a fait un dialogue social fake,
06:02sur le fait que tout cela n'était que du vent.
06:05Mais on en aura la preuve.
06:06Ce n'est pas une censure a priori.
06:08Ce n'est pas une censure de posture.
06:10Ce sera une censure qui jugera des actions.
06:12Vous faites confiance aujourd'hui ?
06:14Moi, je ne fais pas confiance.
06:16C'est mon principe.
06:17Je ne fais pas confiance, je veux voir.
06:18Vous savez, moi, je suis quelqu'un de très basique.
06:20Je veux voir.
06:21C'est Saint-Thomas qui veut des preuves.
06:22Je veux voir sur les actes.
06:24Mais là, de ce que vous voyez, est-ce que vous avez l'impression que le dialogue est engagé ?
06:29Quand je vois qu'au lendemain de la non-censure au Sénat,
06:32on coupe un milliard sur la recherche, oui.
06:35Là, ça devrait quand même vous donner quelques doutes.
06:37Bien sûr, mais plus que des doutes.
06:39Ça nous donne une profonde inquiétude.
06:41Et nous, on a envoyé un message extrêmement clair.
06:43Mais jusqu'où allez-vous continuer à leur faire confiance ?
06:46On a eu une lettre du Premier ministre.
06:48Les députés sociaux ont reçu une lettre du Premier ministre.
06:51Il y a des engagements qui sont clairs.
06:53Il faut que ces engagements soient tenus.
06:55Sur d'autres questions que les seules retraites, d'ailleurs.
06:58Sur la question des remboursements des médicaments,
07:00sur la question des 4 000 postes de l'éducation nationale.
07:03Est-ce que là-dessus, c'est du saut lent et très bûchant pour vous, cet acquis ?
07:06C'est acquis.
07:07Il faut que ça se matérialise.
07:08On va voir dans le budget.
07:09En tout cas, c'est écrit noir sur blanc par le Premier ministre.
07:11C'est écrit noir sur blanc.
07:12Et si on revient sur sa parole, effectivement, nous, on sera dans une position.
07:14On n'aura pas d'autre choix que de censurer.
07:15Mais on prendra cette décision en gravité.
07:18En ayant conscience que la France a besoin d'un budget.
07:20Que la France a besoin d'un gouvernement.
07:22Et vous savez, nous, on n'a aucune illusion.
07:24On sait très bien que François Bayrou ne va pas mettre en place le projet qui est le nôtre.
07:28On sait très bien que ce n'est pas un gouvernement de gauche.
07:29On sait très bien qu'il ne va pas engager la grande transformation écologique.
07:32On sait très bien que socialement, ce ne sera pas très ambitieux.
07:34On sait tout ça.
07:35Mais c'est en responsabilité, parce qu'on a conscience que les Françaises et les Français ont besoin d'un budget.
07:40Que la France a besoin d'être gouvernée.
07:42Que nous prendrons cette décision avec gravité.
07:44Et sans subir les pressions tactiques, stratégiques ou quoi que ce soit.
07:48Venant de ceux qui ont décidé, décidé que le gouvernement devait tomber.
07:53Qu'il devait y avoir des présidentielles anticipées.
07:55Et que finalement, tout devait correspondre aux obsessions présidentielles.
07:59Donc la seule obsession présidentielle de la France insoumise, pour vous,
08:04ferait passer à côté d'un certain nombre d'avantages gagnés par les classes sociales.
08:07Nous, on a arraché quelque chose de très concret.
08:12On a arraché la fin de la suppression des 4000 postes dans l'éducation nationale.
08:16Ce n'est pas rien.
08:17La fin des remboursements de médicaments.
08:19Ce n'est pas rien.
08:20On a arraché le fait que cette réforme des retraites,
08:23qui est une immense blessure sociale et démocratique,
08:26soit à nouveau discutée.
08:27Et surtout qu'elle soit discutée par les partenaires sociaux.
08:29Ce qui a été profondément inacceptable, hormis le fond,
08:32dans la réforme des retraites d'Emmanuel Macron,
08:34c'est la brutalisation du dialogue social.
08:36La négation du dialogue social.
08:37Le mépris des syndicats.
08:38Les attaques permanentes contre les syndicats.
08:40Et là, les syndicats sont à nouveau ceux qui ont les clés,
08:44avec le patronat, les partenaires sociaux.
08:46Et quand les syndicats disent, nous, on va saisir la balle au bon,
08:49eh bien, écoutons-les.
08:51Les syndicats, pas tous.
08:52La CGT, pour l'instant, réserve encore sa réponse sur sa participation.
08:55Ou non à cette discussion.
08:56Non, mais le fait que ce soit rouvert.
08:58Nous, ensuite, on jugera si ce dialogue est fake ou n'est pas fake.
09:03Faux ou pas.
09:04Mais en attendant...
09:07Censurer a priori, c'est en fait considérer qu'on peut faire de la politique
09:11comme du bullying et balancer une boule de bullying
09:14dans des quilles gouvernementales et que tout cela n'a aucun impact.
09:17Ce n'est pas vrai.
09:18La France est dans une situation économique extrêmement grave.
09:22Il y a des fermetures d'usines absolument tout le temps.
09:25Il y a une situation budgétaire qui est catastrophique.
09:27Il y a une situation sociale qui est très grave.
09:29Et on est en plus dans une situation géopolitique
09:32où nos démocraties sont attaquées en permanence par des acteurs étrangers.
09:36Et il faut les défendre.
09:37Donc on a besoin de stabilité.
09:38Mais cette stabilité, si le gouvernement la veut,
09:40il ne doit pas revenir sur sa parole et il doit lâcher des choses.
09:44La balle est dans son camp.
09:45Exactement.
09:46La balle est dans le camp du Premier ministre et des ministres.
09:48Il faut qu'ils respectent leur parole.
09:49Et il faut surtout qu'ils comprennent que notre non-censure n'est absolument pas acquise.
09:55S'ils reviennent sur leur parole, il y aura une censure.
09:58À tout moment, ça peut tomber comme un coup près.
10:01Raphaël Glucksmann, Donald Trump, hier s'est adressé aux patrons européens
10:06qui sont réunis en ce moment même à Davos, au forum économique de Davos,
10:11en leur demandant de venir, en leur disant de venir aux Etats-Unis,
10:15qu'ils seraient extrêmement bien traités et que sur place, ils pourraient produire.
10:19Il a même eu cette expression, Donald Trump, il a dit
10:21« L'Union Européenne est très mauvaise pour nous.
10:23Elle ne va pas pouvoir éviter les droits de douane. »
10:25Il estime effectivement qu'il faudra monter les droits de douane avec l'Union Européenne.
10:31Est-ce que l'Europe répond suffisamment aujourd'hui ?
10:34Non. L'Europe est bien trop silencieuse et bien trop faible.
10:39Vous savez, l'immense problème des dirigeants européens, c'est leur capacité ou non,
10:42et en l'occurrence, leur incapacité à assumer le rapport de force.
10:45Ce qu'il faut comprendre là, c'est qu'on a une administration américaine
10:48qui est profondément idéologique et qui veut continuer sa guerre civile culturelle
10:54qu'elle a engagée aux Etats-Unis sur notre territoire.
10:57Guerre civile ?
10:59Culturelle et idéologique.
11:01C'est-à-dire que, lisons Elon Musk, comprenons ce qu'il raconte.
11:05Ce qu'il dit, c'est « Tant que nous n'avons pas fait triompher nos alliés en Europe,
11:10notre pouvoir aux Etats-Unis ne sera pas total. »
11:12Et donc, ce qu'ils font aujourd'hui, c'est qu'ils utilisent l'arme commerciale,
11:16pas simplement pour entamer un rapport de force d'extériorité,
11:18ce qui était le cas dans le premier mandat de Donald Trump,
11:21c'est-à-dire, je mets un droit de douane sur vos produits
11:24et vous, en échange, vous allez mettre un droit de douane sur nos produits
11:27et à la fin, on fait un deal.
11:28Ce n'est pas seulement ça.
11:29Quand on écoute le vice-président américain, monsieur Vance,
11:32qu'est-ce qu'il dit ?
11:33Il dit « On va mettre des tarifs sur vos produits
11:35pour que vous changiez vos législations, par exemple, sur le numérique. »
11:38Vous savez, ce qu'il demande, c'est qu'en fait, nous n'appliquions pas nos propres lois.
11:43Par exemple, le DSA, le Digital Services Act,
11:46qu'on a voté à une écrasante majorité au Parlement
11:48qui a été adoptée par l'unanimité des Etats européens
11:50et qui permet d'encadrer les grandes plateformes américaines ou chinoises,
11:54de mettre des règles, de mettre des règles dans le débat public.
11:57Sauf que quand même, dans le même moment,
11:59si vous demandez aux entreprises elles-mêmes,
12:01je recevais ce matin sur RMC le patron de Sanofi France.
12:04Le patron de Sanofi France, il est aujourd'hui
12:06à la tête du plus gros labo pharmaceutique en France.
12:09Depuis le Covid, on n'arrête pas de dire qu'il faut de la souveraineté,
12:12qu'il faut qu'il développe en France, etc.
12:14Bon, je l'interrogeais sur cette proposition,
12:17cette main tendue en quelque sorte de Donald Trump aux entrepreneurs,
12:20en leur disant venez chez nous.
12:22Il répondait non, non, mais nous on reste français, on va rester là.
12:24Mais quand vous entendez quand même que là-bas,
12:26ils ont décidé de mettre 500 milliards dans l'intelligence artificielle,
12:29alors que dans le même temps, l'Union européenne est plutôt
12:31dans le fait de contrôler.
12:33On est dans une toute autre logique.
12:35Et il dit pour nous, entreprises, c'est un vrai problème.
12:37Ça veut dire que l'Europe ne croit pas aux entreprises.
12:40C'est pour ça que nous plaidons pour qu'on ait une véritable politique industrielle
12:43à l'échelle européenne.
12:44À un moment, ils finiront par céder.
12:45Je veux dire, Sanofi, il dit aujourd'hui non, je reste français,
12:47mais ils finiront par céder.
12:48On doit faire deux choses.
12:50Deux choses.
12:51On doit appliquer nos lois.
12:53Ne pas trembler, ne pas fléchir.
12:55Appliquer nos lois.
12:56Et s'il y a des tarifs douaniers qui sont imposés à nos productions,
12:59il faudra qu'on ait le courage d'imposer des tarifs douaniers
13:02aux productions américaines.
13:03Qu'on accepte le rapport de force commercial.
13:06D'un autre côté, ce qu'il faut absolument qu'on fasse,
13:08c'est qu'on développe une politique industrielle européenne.
13:10Moi, je me bats pour ça au Parlement européen,
13:12avec notre délégation, avec notre groupe,
13:14depuis des mois.
13:16Parce qu'effectivement, imposer des règles,
13:19imposer des tarifs douaniers, ça ne suffira pas.
13:22Sur ce plan-là, Donald Trump devrait presque être un modèle pour nous.
13:25C'est-à-dire qu'il encourage l'innovation de ses entreprises.
13:28Et nous, pendant ce temps-là, on est plutôt à se dire
13:30l'intelligence artificielle, c'est flippant.
13:32Vous voyez ce que je veux dire ?
13:33Je vous laisserai le terme de modèle pour Donald Trump, mais ce qui est certain.
13:35Sur le plan du développement, de l'innovation des entreprises,
13:38je vous pose cette question de manière tout à fait assumée.
13:41Est-ce qu'il faut le prendre en modèle ?
13:43Alors, on ne va pas le prendre en modèle.
13:45Je vous garantis qu'on ne va pas prendre Donald Trump en modèle.
13:47On ne va pas faire du chantage à la terre entière comme il le fait.
13:49Par contre, ce qui est certain, c'est qu'il y a une leçon.
13:52Vous ne transformez pas ma question.
13:53Je ne vous ai pas demandé sur le chantage.
13:54Je vous ai demandé sur le financement de l'innovation des entreprises.
13:57Il y a une leçon à tirer.
13:59Enfin, deux leçons.
14:00D'abord, oui, il a raison quand il dit
14:03qu'il faut qu'on augmente nos dépenses de défense.
14:06Parce que la vérité, c'est qu'une cité,
14:09un pays qui n'est pas capable d'assurer lui-même sa sécurité,
14:12n'est pas libre.
14:13Et donc, on a 500 milliards à trouver
14:16pour construire la défense européenne.
14:18Moi, c'est ce dont je m'occupe.
14:20C'est ce dont je m'occupe au Parlement européen.
14:22On est en train d'envisager de faire travailler 7 heures de plus les Français
14:24pour trouver 2 milliards pour le trou de la Sécu.
14:26Et vous parlez de 500 milliards.
14:27Parce que nous avons à faire
14:30ce que nous avons fait face à la pandémie.
14:33Nous avons eu une capacité à nous endetter collectivement
14:36la mutualisation des dettes à l'échelle européenne,
14:38à investir en commun.
14:40Et c'est ce qui nous a permis d'avoir des vaccins.
14:42Il faut faire la même chose sur la défense.
14:44Et c'est des plans sur lesquels on travaille à l'échelle européenne.
14:47La deuxième chose, effectivement,
14:49c'est que nous devons être un continent,
14:51pas simplement de régulation, mais d'innovation,
14:53d'investissement dans l'industrie.
14:55On doit redevenir producteur.
14:57On doit redevenir innovant.
14:59Mais même quand on régule les grandes plateformes,
15:01c'est une étape.
15:03Mais la deuxième étape, c'est d'avoir de l'innovation,
15:05des plateformes européennes.
15:07C'est d'être capable d'être souverain.
15:08Si vous voulez être souverain, vous devez respecter
15:10les règles que vous érigez
15:12et vous devez aussi être capable de produire.
15:14Or, le problème aujourd'hui, c'est que l'Europe
15:16est devenue un continent de consommateurs.
15:18La réponse pour l'instant de la Commission européenne,
15:21c'est plutôt d'aller chercher d'autres partenaires,
15:23mais sur la même logique, une logique de libre-échange.
15:25Développer un accord de libre-échange avec la Malaisie,
15:27tenter d'élargir les accords commerciaux
15:29avec le Mexique et le Canada.
15:31Au fond, c'est une autre manière
15:33de refaire un Mercosur.
15:35Est-ce que c'est ça la réponse que doit avoir l'Union européenne ?
15:37Non. Ce qu'on doit interroger, c'est notre modèle
15:39de manière beaucoup plus profonde que ça.
15:41Vous savez, à l'échelle du monde,
15:43on a accepté une répartition des rôles.
15:45Nous sommes des consommateurs
15:47et nous allions à des pays producteurs.
15:49Mais le fait est qu'à la fin,
15:51ce sont les pays producteurs qui sont souverains
15:53et nous qui sommes dans des situations
15:55permanentes de dépendance.
15:57Il faut qu'on retrouve le goût de la production.
15:59Il faut qu'on assume de devenir une puissance souveraine.
16:01Pour ça, on doit avoir notre propre défense,
16:03on doit avoir notre industrie,
16:05on doit être capable de reprendre le contrôle
16:07sur des chaînes de valeur de nos entreprises,
16:09on doit pouvoir produire.
16:11Et quand on regarde les politiques qui sont menées,
16:13vous savez, par exemple, dans un an,
16:15il y a la fin des sauvegardes sur l'acier
16:17par rapport à la Chine.
16:19La surcapacité de production chinoise
16:21est telle qu'on peut se faire complètement ratiboiser.
16:23Et qu'il n'y ait plus du tout de cette industrie en Europe.
16:25De production d'acier en Europe.
16:27La même chose était arrivée sur les panneaux photovoltaïques.
16:29La même chose peut arriver sur l'industrie automobile
16:31et sur les voitures électriques.
16:33Donc il va falloir maintenant qu'on se dise une chose très simple,
16:35c'est que si nous ne sommes pas capables de produire
16:37en Europe, si nous ne sommes pas capables
16:39de défendre les productions européennes,
16:41nous perdrons toute voix au chapitre.
16:43Nous disparaîtrons en tant qu'acteurs souverains.
16:45Raphaël Glucksmann, hier, 605 députés
16:47au Parlement européen
16:49ont voté le texte demandant
16:51la libération du romancier franco-algérien
16:53Boalem Sansal, qui est retenu
16:55par Alger depuis deux mois.
16:57La résolution demande aussi qu'une mission médicale
16:59puisse rendre visite
17:01à l'homme de 80 ans
17:03qui est par ailleurs atteint d'un cancer.
17:05Vous avez voté cette résolution ?
17:07Non seulement j'ai voté, mais j'ai supervisé la rédaction
17:09de cette résolution. Il y a eu une majorité
17:11écrasante. C'est un texte
17:13qui est factuel,
17:15qui exige la libération
17:17de Boalem Sansal, qui exige aussi
17:19des autorités européennes qu'elles s'impliquent
17:21pour pas que la France soit seule à demander
17:23la libération de Boalem Sansal. Ça fait 70 jours
17:25et 70 nuits
17:27que Boalem Sansal est en prison.
17:29Ce sont 70 jours et 70 nuits de
17:31honte pour ces geôliers. Sa place
17:33est en train d'écrire,
17:35de parler. Son seul crime
17:37est d'avoir écrit et parlé en
17:39homme libre. Nous devons obtenir
17:41sa libération et c'était un message
17:43extrêmement clair, quasi-unanime
17:45du Parlement européen.
17:47Quasi-unanime.
17:49Raphaël Glucksmann, Rima Hassan, députée
17:51européenne française, présentée
17:53par la France Insoumise, a voté
17:55contre, elle ne s'est pas juste abstenue, elle a voté
17:57contre cette résolution. Comment vous vivez ça ?
17:59C'est une honte.
18:01Il y a 24 députés européens
18:03sur plus de 600
18:05votants qui ont voté contre.
18:07Il y en a aussi extrêmement peu, une quarantaine
18:09qui se sont abstenus.
18:11Et franchement, s'abstenir
18:13ou voter contre un tel
18:15texte factuel, où il n'y a rien
18:17d'idéologique, il n'y a rien d'historique
18:19qui soit contestable, c'est simplement
18:21cautionner l'emprisonnement d'un immense
18:23écrivain dans des geôles.
18:25C'est profondément scandaleux.
18:27Je suis guidé par
18:29une phrase de Camus qui dit que quand un
18:31soldat tire sur un poète,
18:33celui qui se demande si
18:35le soldat est de gauche ou de droite
18:37ou le poète de gauche ou de droite, celui-là
18:39n'a rien compris à l'humanité
18:41et à l'existence. Et vraiment,
18:43ce vote est une honte.
18:45Le vote de Rima Hassan contre cette
18:47résolution que vous avez votée et sur laquelle
18:49vous avez même participé.
18:51Je suis désolé, sur le début
18:53de notre entretien.
18:55Notre vision du monde,
18:57nos principes ne sont pas les mêmes,
18:59notre rapport au débat public n'est pas
19:01le même, donc arrêtons l'hypocrisie.
19:03Arrêtons l'hypocrisie. Raphaël Glucksmann,
19:05député européen, Place Publique
19:07et Parti Socialiste, merci
19:09d'avoir été mon invité ce matin sur RMC
19:11et BFM TV.

Recommandations