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Le pédopsychiatre, le docteur Maurice Berger, parle de l’adolescent tué à Paris : «On a des mineurs pour qui la vie n’a plus de valeurs».

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00:00Bonjour. Effectivement, on va avoir de plus en plus souvent ce genre d'incident,
00:06ce genre de drame, à savoir qu'on a des mineurs pour lesquels la vie n'a plus de valeur.
00:15Alors on retrouve une histoire qui est souvent semblable, pratiquement toujours la même,
00:23c'est-à-dire des mineurs qui, dans leur enfance, ont été soumis à des violences conjugales,
00:29c'est-à-dire qui ont eu un père extrêmement violent et ils ont mis cette violence dans leur cerveau,
00:36littéralement on peut dire, ou qui ont été gravement négligés.
00:40Négliger, c'est très particulier. C'est un bébé qui, dans son berceau, ou à 12 mois dans son cozy,
00:47appelle et personne ne vient, parce qu'il n'intéresse personne.
00:51Donc du coup, on a des enfants qui ne développent aucune empathie, aucune préoccupation par rapport à l'autre,
00:58étant donné qu'il n'y a eu pratiquement aucune préoccupation par rapport à eux.
01:02Ça, c'est une des explications. Il y en a d'autres, mais pour les situations les plus graves, c'est souvent comme ça.
01:09Un terme, pardonnez-moi docteur, revient souvent dans le débat public,
01:15et là c'est le cas, on parle d'ensauvagement de la société.
01:19Et là, il nous semble que c'est le cas, puisque ce n'est pas la première fois que cela arrive.
01:25Effectivement, on cherche toujours, on est dans une culture de l'excuse systématique,
01:30mais est-ce qu'il n'y a pas autre chose aussi, docteur ?
01:35Moi, je ne suis pas d'accord avec le terme « ensauvagement de la société ».
01:38C'est l'ensauvagement de certains mineurs et dans certaines familles.
01:44Donc quand on dit « ensauvagement de la société », on jette un brouillard sur ces drames,
01:53qui concernent quand même certaines parties de la société, et il ne faut pas le cacher.
01:59On a une grande partie des mineurs violents qui sont issus de l'immigration.
02:04Il y a souvent eu, en plus des violences conjugales qui surviennent,
02:08plus chaque fois qu'il y a une inégalité culturelle homme-femme,
02:12mais aussi on a des fonctionnements claniques,
02:14c'est-à-dire des sujets pour qui les lois de la République passent après les codes de l'honneur.
02:22Ça n'a pas forcément été le cas dans cette famille que je ne connais pas,
02:27mais il semble qu'elle vienne d'un quartier particulier.
02:30Donc ce terme de « ghettoïsation », pour expliquer ce phénomène, cela peut être aussi un élément ?
02:39Je suis opposé à ce terme. Décidément, je vous contrarie.
02:43Mais la ghettoïsation est auto-sécrétée.
02:49C'est-à-dire que ce sont des milieux familiaux dans lesquels les parents n'ont pas comme but
02:55que leur enfant puisse s'éloigner, devenir autonome, avoir son projet à lui.
03:00Et dans un clan, le fonctionnement, c'est que tout le monde doit penser pareil
03:05et tout le monde doit rester proche les uns des autres.
03:08Donc on a une ghettoïsation auto-sécrétée.
03:13Ce n'est pas de la faute de notre vilaine, méchante société.
03:18Olivier Vidal avait une question pour vous.
03:20Oui, bonjour docteur.
03:21Dans ces affaires, on apprend qu'au moins l'un des deux mineurs avait été condamné deux fois,
03:30en tout cas a eu à faire deux fois à la justice.
03:32Est-ce que vous pensez que justement avoir une réponse plus ferme,
03:35par exemple à un emprisonnement précoce,
03:37aurait été un signe qui aurait pu faire changer son comportement
03:40ou est-ce qu'à 15 ou 16 ans, c'est déjà trop tard ?
03:43Alors, votre question est vaste, mais je vais être bref.
03:48Tout d'abord, qu'est-ce qui est grave ?
03:51C'est-à-dire qu'actuellement, dans notre société,
03:54on a des mineurs qui trouvent que ce n'est pas grave de tuer quelqu'un
03:57et en face, il y a une sorte de culture de l'impunité.
04:01Et ce que vous venez de souligner, c'est-à-dire qu'effectivement,
04:05un jeune qui a déjà commis une extorsion avec un couteau
04:10n'est même pas mis en centre éducatif fermé,
04:13il est laissé dans la nature.
04:15Donc, effectivement, il est possible que dès le début de ces actes,
04:22une peine courte de prison, je dis bien de prison,
04:27aurait pu lui permettre de commencer à réfléchir
04:31et lui montrer en tout cas que c'était grave.
04:33Parce que chez ces mineurs, on est actuellement dans un système
04:39où il y a une blessure réelle et une peine virtuelle.
04:43Donc, ça n'est pas grave pour certains juges, je dis bien certains,
04:46et ce n'est pas grave pour le mineur.
04:48Donc, dans ce cas-là, il n'y a pas de raison pour que ça flanche.
04:51Comment est-ce que vous expliquez aussi, vous l'avez un peu évoqué,
04:55mais ce qui interpelle, c'est cette disparition totale d'empathie,
04:59cette disparition totale de peur, même disparition de la peur de la justice,
05:03puisqu'on le voit bien dans ce cas-là,
05:05ces deux jeunes n'avaient pas le droit de se côtoyer,
05:07la justice l'avait décidé,
05:08et bien ils sont passés par au-dessus de cette interdiction.
05:11Ils n'ont absolument plus peur ni de la justice, ni de la police.
05:14Cela, vous l'expliquez comment ?
05:16C'est toujours dans cette idée de clan, finalement,
05:19le clan plus fort que les lois de la République ?
05:22Non, c'est encore plus compliqué.
05:25Il y a deux sortes de délinquances.
05:27Ce que je dis est très schématique.
05:29Et malheureusement, on met tout dans le même panier.
05:31Il y a des incivilités.
05:33Des incivilités qui peuvent être le vandalisme, l'absentéisme scolaire, etc.
05:39Et puis on a d'autres mineurs qui n'ont aucune loi dans la tête.
05:44Donc quand ce juge a dit interdiction de se rencontrer pour les deux agresseurs,
05:52c'est une parole qui ne sert absolument à rien.
05:56Tant que ça n'est pas matérialisé,
05:58ces sujets n'ont aucune culpabilité et aucune empathie.
06:02Et là, on n'arrive pas à le faire entendre à une partie du monde judiciaire.
06:07D'ailleurs, même si ce juge avait voulu prononcer une peine de prison ferme,
06:12il n'aurait pas pu, puisque la loi actuelle l'en empêche.
06:16C'est-à-dire qu'on en est là.
06:18Alors, d'où ça vient ?
06:19Eh bien, quand on voit comment les parents fonctionnent,
06:22on a souvent des mères,
06:24on parle beaucoup des familles monoparentales,
06:26mais des mères qui ont archi-protégé leur enfant
06:29sans leur imposer la moindre exigence.
06:31Et des pères aussi qui ne transmettaient pas la loi de la société,
06:37mais uniquement leur propre, je dirais, absence de valeur.
06:42C'est-à-dire des parents qui disent,
06:44moi je ne dirai jamais non à mon enfant,
06:47je vais lui apprendre à conduire une voiture dès l'âge de 12 ans.
06:51Et après, on ne doit pas s'étonner avec de telles défaillances éducatives
06:56inimaginables que ces enfants devenus adolescents ne respectent aucune loi.

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