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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 28 janvier 2025 : le comédien et réalisateur Clovis Cornillac. Il est au théâtre de la Michodière aux côtés de sa femme Lilou Fogli dans la pièce qu'elle a écrit "Mur Mure".

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Transcription
00:00Votre amour du métier de comédien, même si vous avez mis du temps à le reconnaître,
00:04a commencé au CP, quand vous avez décidé de monter des spectacles ou des petites pièces
00:08en même temps avec une mère comédienne reconnue, Myriam Boyer, et un père metteur
00:12en scène.
00:13On peut dire que vous êtes un enfant de la balle, d'ailleurs je crois que vous le revendiquez
00:16assez aisément.
00:17Au départ, vous disiez vouloir être boxeur et vous l'êtes devenu au fil du temps.
00:20Mais sur scène, ou derrière l'écran, le petit et le grand, dans votre manière d'incarner,
00:24de préparer chaque rôle, au regard du sablier de la vie qui s'écoule, on ne peut que constater
00:29que chacun des grains de sable que vous avez vécu vous a façonné et permis de peaufiner
00:35votre regard sur votre métier et donc de décupler votre plaisir de jouer.
00:39Oui, vous êtes un joueur solide.
00:41On parle d'ailleurs du fait que vous êtes entré dans la vie et le salon de beaucoup
00:46de Français.
00:47A 15 ans, vous rêviez d'être une vedette et depuis que vous avez joué avec Peter Brook
00:51à 17 ans, vous avez compris que ce rêve, pour reprendre vos termes, était un truc
00:55de petit con.
00:57Au final, vous êtes devenu un frère, un ami, un membre de la famille et une vedette
01:00aussi.
01:01Je suis désolé, Clévis Cornillac.
01:03C'est donc le comble de cette histoire de famille, une histoire de passion.
01:07Il y a eu Brazen Eyes, Carnaval, Mensonges et Trahison qui vous a valu le César du meilleur
01:11espoir masculin, Styrix et Obélix.
01:13Un petit truc en plus, film extraordinaire.
01:17Aujourd'hui, vous êtes sur scène, mais au théâtre, aux côtés de votre femme,
01:19Ilou Fogli, dans la pièce Murmure, qui est l'adaptation théâtrale du film un peu beaucoup,
01:24aveuglément.
01:25C'est l'histoire de Machin et de Machine.
01:27Alors Machin, lui, il est inventeur loufoque, misanthrope, totalement associable, on ne
01:31va pas se mentir.
01:32Il déteste le bruit, d'ailleurs, il aime le silence absolu.
01:35Et à côté de lui, il a toujours fait fuir ses voisins, mais il y a une voisine qui va
01:39arriver, qui joue du piano.
01:40Et effectivement, ce mur va devenir un pont de communication.
01:44C'est assez extraordinaire.
01:45Cette pièce parle de nos vulnérabilités, finalement, avec douceur.
01:49Oui, je pense que ça parle de plein de trucs sous la forme de la comédie et de la comédie
01:54romantique.
01:55Effectivement, on touche à plein de choses, on touche à la communication, on touche qu'est-ce
01:59que c'est vraiment de se voir, à l'idée du couple aussi, où on parle souvent, mais
02:04il y a un mur entre nous, on n'arrive pas à communiquer, tout ça.
02:08Donc, il y a tous ces symboles qui sont mis comme ça, que Lilou a diffusé de manière
02:15à ne pas être, on va dire, ni prétentieuse, ni ostentatoire.
02:21Ça passe comme ça dans le récit, avec ces personnages-là et avec une forme de ludicité
02:27aussi, qui est, je pense, qui peut être jubilatoire pour le spectateur à se dire
02:32« Ah, ça, c'est marrant, ça me fait penser à toi, ça, c'est un peu moi quand même,
02:36je suis un peu à cet endroit-là. »
02:37Donc, il y a comme ça des références sur tous ces personnages où c'est assez gourmand.
02:42C'est une pièce qui semble vraiment joyeuse, gourmande, et oui, comédie romantique, il
02:49y a de l'émotion, forcément, puisque c'est des gens qui, quand même, vivent des choses
02:54assez fortes, mais je crois que ça va se marier.
02:58Comment vous vivez ce côté romantique, d'ailleurs, Clavis Cornillac ?
03:01Est-ce que vous êtes un romantique vous-même ?
03:03Oui, oui, je pense, oui, vraiment.
03:04C'est-à-dire, je n'aime pas la mièvrerie, mais oui, je suis romantique, j'aime ça.
03:15Après, je ne suis pas, par exemple, je ne suis pas un client, alors que c'était mon
03:18premier film, un peu beaucoup aveuglément, le film dont la pièce est tirée.
03:23Mais il y a quelque chose, oui, chez moi, d'extrêmement, je pense, romantique.
03:30Ce qu'on remarque, c'est que pour découvrir l'autre et pour se donner une chance, il faut
03:33du temps et on n'en dispose pas suffisamment avec les différentes vies qu'on peut toutes
03:39et tous avoir. On a toujours une façon de dire, de reporter, en tout cas au lendemain,
03:43ce qu'on pourrait faire le jour même.
03:45Comment vous la vivez, cette notion de temps, d'ailleurs ?
03:48Elle est, c'est particulier, c'est-à-dire que j'ai le sentiment, là, je me suis rendu
03:58compte cette année que ça faisait 40 ans que je travaillais et que j'ai eu la chance
04:02de travailler pendant 40 ans.
04:03Et dans nos métiers, c'est de temps en temps un des enjeux le plus compliqué, c'est de
04:08se dire, voilà, il y a des périodes de chômage, des périodes, bon, je n'ai pas eu.
04:12Donc, je me dis, ça fait 40 ans et le temps, plus tu travailles, le temps se compresse,
04:19c'est-à-dire qu'il passe de plus en plus vite parce que tu vieillis et ça, on en est
04:24tous témoins. Dès que tu passes un certain âge, tu te rends compte que ça va être plus
04:29en plus vite. Et il y a cette envie, si je devais parler personnellement, moi, de mon
04:34rapport au temps, c'est de me dire, voilà, j'adore mon métier, j'adore jouer, réaliser,
04:41fabriquer et je ne m'en passerai jamais, je pense.
04:45Ce n'est pas la question. Mais en revanche, il est fort probable qu'à un moment, je mette
04:50le frein pour justement étirer le temps, c'est-à-dire essayer d'avoir aussi une vie
04:55où je ne sais pas ce que je vais faire dans une heure ou dans une semaine ou demain matin.
04:58Votre mère a beaucoup travaillé, vos parents sont séparés, vous aviez cinq ans.
05:02Et en fait, il y a une personne qui a énormément compté dans votre vie et ça a été un peu
05:05la prolongation, Peter Brook, de ça, c'est votre grand-mère.
05:08Elle vous a donné les armes aussi pour comprendre le monde, pour le regarder.
05:12Alors, je ne sais pas, elle n'a pas donné les armes pour comprendre le monde parce que
05:17c'était quelqu'un qui en a tellement chié dans sa vie qu'elle n'était pas du tout...
05:24Nous, on est même, que ce soit Myriam ou Roger, mon père ou ma mère, on n'est pas
05:30du tout des issues, on n'est pas une famille d'un télo, c'est des gens, Myriam, elle
05:37était toute jeune, elle était secrétaire chez Piger.
05:41Vous avez presque grandi ensemble, d'ailleurs.
05:42Oui, c'est un peu notre...
05:45Souvent, ce qui nous vient comme ça, c'est de se dire, en fait, effectivement, je suis,
05:53comme on dit, un enfant de la balle, mais en même temps, une balle qui venait de se
05:56construire. Donc, on était tous un peu dans le bordel parce que pas du tout, pas de
06:02bouquins à la maison, c'était pas une famille d'un télo au sens où on peut entendre
06:06un enfant de la balle.
06:08Souvent, on a le sentiment de se dire, par exemple, je pense que mes enfants sont des
06:11enfants de la balle, leurs grands-parents, leurs parents, tout ça.
06:16Mais voilà, moi, je bouquine, j'ai des livres, j'ai tout ça, je suis cette génération-là
06:21qui, en tout cas, pas intellectuelle, mais qui, en tous les cas, est très riche, on va
06:30dire, en culture parce que de milieux socio-culturels plus élevés.
06:36Mais moi, d'où je viens et d'où vient ma mère et d'où vient mon père ?
06:39Pas du tout. Donc, on n'était pas dans le côté artistique, c'était dans le côté
06:43plutôt engagé, un peu, voilà, on va faire ça, quoi.
06:52Donc, c'était merveilleux, moi, j'adorais ça, j'ai jamais souffert, j'ai jamais
07:00manqué de rien et tout ça, mais c'était un risque absolu, c'est-à-dire qu'il n'y
07:03avait pas de confort au sens où demain, on ne savait pas ce qui allait se passer.
07:10Donc, ce n'est pas du tout comme on pourrait l'imaginer, comme dans les familles
07:15d'artistes, c'est ça que je veux dire.
07:17Vous avez dit pendant très longtemps que le métier d'acteur, c'était un métier
07:19d'artisan et que les artistes, c'était ceux qui créaient, que ce soient les
07:24musiciens. Est-ce que vous avez le sentiment d'être devenu artiste ?
07:27Quand je fais un film, quand je fabrique un film, je me sens comme un architecte,
07:32comme un artiste et j'ai besoin de grands artisans avec moi, que ce soient mes
07:37chefs de poste, à la lumière, au son, à tout ça.
07:39Et évidemment, les acteurs qui sont ceux qu'on voit, c'est par eux que ça va, que
07:45tout transparaît.
07:48Donc, j'ai besoin de ces artisans d'art autour de moi.
07:53Mais je sais que le film, ça n'est que moi.
07:57C'est-à-dire que c'est cette notion d'être partout, le choix d'un cadre, le
08:03choix, le choix d'un mouvement de caméra, le choix d'un costume, le choix du
08:08montage, le choix de comment ça joue, à quel endroit ça joue, de la discussion
08:14avec la déco, avec la lumière, avec tout ça.
08:16Donc, tu es un artiste puisque tu fabriques de rien, tu fabriques un univers.

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