À l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, Ginette Kolinka, l’une des dernières survivantes, témoigne de l’horreur qu’elle a vécue.
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00:00On ne peut pas trouver les mots exacts pour décrire ce que l'on a subi dans les camps.
00:08Pas dans tous les camps, dans le camp de Birkenau.
00:10Le fond de cette histoire, ça sera toujours la férocité de ceux qui nous contrôlaient.
00:17Férocité, sauvagerie, je ne sais même pas trouver les mots pour le dire.
00:23Le 27 janvier 2025 marque le 80e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau,
00:28le plus grand camp de concentration et d'extermination du Troisième Reich.
00:31Au moins 1,1 million de personnes y sont assassinées à partir de sa mise en service en mai 1940.
00:36Parmi eux, des Polonais, des Tziganes, des prisonniers de guerre soviétique,
00:39mais surtout des Juifs, victimes du plan d'extermination nazi.
00:42Ils sont au moins 960 000 à avoir perdu la vie à l'intérieur.
00:46A la libération du camp par l'armée rouge le 27 janvier 1945,
00:49il ne reste plus qu'environ 7000 survivants.
00:52Parmi eux, Ginette Kolinka.
00:53Elle a 19 ans quand elle arrive au camp le 16 avril 1944 avec le convoi 71,
00:58le même que Simone Veil.
00:59Son père, son frère et son neveu sont gazés dès leur arrivée.
01:01Ginette, elle, est sélectionnée pour le travail et réussira à survivre.
01:05Aujourd'hui, elle livre un témoignage précieux
01:07pour que cet épisode de l'histoire ne tombe pas dans l'oubli.
01:09Alors les nazis ne se salissaient pas les mains.
01:12Ils commandaient tout simplement.
01:13Et ils commandaient les capots.
01:15Et les capots, pour ne pas devenir comme nous à notre place,
01:18ils en faisaient peut-être certainement encore plus que si les nazis nous avaient commandés.
01:23Vous avez mal fait votre travail.
01:25Ils commencent à tabasser la personne qui est victime.
01:29Et tant qu'elle n'est pas par terre ensanglantée,
01:33et même ensanglantée, les capots continuaient à les frapper à coups de bottes.
01:40Ils ont tous des espèces de bâtons.
01:42Et vas-y que je te frappe et que je te cogne.
01:45Ça, c'était les capots.
01:47J'ai eu la chance d'avoir la galle au mois de novembre 1944.
01:51Si j'avais eu la galle au mois d'août, c'était la chambre à gaz.
01:55Donc j'ai eu la chance qu'on me mette dans un nouvel baraque pour soigner les galleux.
02:02En fin de compte, ce n'était pas la galle, c'était la saleté, c'était la crasse.
02:07Jamais je ne m'étais lavée depuis que j'étais arrivée dans le camp.
02:10Et du coup, j'ai évité d'aller dans les chambres à gaz.
02:14Et ce jour-là, je suis toute seule comme Française.
02:18Je suis désespérée.
02:20Là, j'ai pensé à la mort.
02:21Et en fin de compte, je me suis cachée.
02:24On m'a retrouvée, on m'a tabassée et on m'a remise pour aller au travail.
02:29La chance, voilà la chance.
02:30C'est que le commando où je faisais partie, c'était un petit travail.
02:36Il n'y avait pas besoin de tant de personnes.
02:38Le dernier rang, on nous a fait retourner dans le camp.
02:42Tous ceux qui n'étaient pas au travail étaient rassemblés à l'endroit où les trains arrivaient.
02:46Je n'étais pas avec les Françaises.
02:48Je me disais, vu qu'on n'a pas le droit de faire ce que je faisais,
02:51c'est-à-dire de changer d'endroit pour aller ailleurs,
02:55eh bien, je l'ai fait.
02:56Je me suis faufilée.
02:57Mourir pour mourir, je vais mourir avec les Françaises.
03:00Eh bien, ce n'était pas pour mourir.
03:02C'était pour partir dans un nouveau camp, Bergen-Belsen,
03:06qui est un camp de concentration et pas un camp d'extermination.
03:11J'ai eu la chance de survivre à tout ça, libérée à Theresienstadt.
03:17Là, on m'a bien soignée parce que je suis rentrée un mois après les autres.
03:22Moi, je suis rentrée au mois de juin, alors que les camps étaient libérés au mois de mai.
03:27J'utilise le témoignage parce que, égoïstement, c'est à moi que ça fait du bien.
03:33J'essaye de croire que tous ceux qui m'écoutent deviendront des passeurs de mémoire
03:41et que les gens réfléchiront avant de dire, oh, encore un Noir.
03:46Ah, encore un juge.