Lancée en octobre 2021 par le gouvernement, la mission 5G industrielle a pour but d’identifier les freins au déploiement de la 5G dans l’industrie et formuler des recommandations pour l’accélérer. Alors que les travaux touchent bientôt à leur fin, on fait le point sur les actions réalisées et bénéfices constatés chez les industriels avec Philippe Herbert, le président de la mission.
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00:00Lancée fin 2021, bientôt arrivée à son terme, la mission 5G industrielle gouvernementale avait pour but d'accélérer les déploiements des usages de la 5G dans les usines.
00:15Bonjour Philippe Herbert. Bonjour Delphine.
00:18Vous êtes le président de cette mission, alors quel bilan 3 ans après le début ?
00:23Je pense que dans la question d'accélération, oui on est en accélération.
00:29Après, on peut aussi dire ce qui a été fait. Dans une première étape, il y a un rapport qui essaie de mettre en place un certain nombre d'actions pour accélérer,
00:39mais aussi pour faire en sorte que les gens comprennent l'intérêt. Dans la deuxième partie, on est plutôt dans la mise en place de ces actions avec l'animation,
00:49avec des plateformes d'expérimentation, et puis aussi mettre en avant les cas d'usage. Mais on est aussi arrivé à un moment où on a des résultats.
00:58C'est-à-dire qu'on peut dire voilà ce que ça apporte pour de vrai, puisqu'auparavant c'était un peu théorique.
01:04Même si on a des résultats en dehors de France, en Allemagne, aux Etats-Unis ou en Asie, c'est toujours important de les montrer localement et que les industriels puissent se saisir avec leurs pairs des résultats.
01:17D'ailleurs, j'ai vu que vous cherchiez des têtes de gondole, des grandes entreprises, des grands industriels qui pourraient vraiment montrer aux autres le bénéfice de l'appropriation de la 5G.
01:28Pourquoi avoir besoin de ces têtes de gondole ? Quels sont les freins, les réticences aujourd'hui dans l'industrie ?
01:34Il y a beaucoup de choses. Il y a beaucoup de priorités d'investissement et il faut savoir par quel bout on prend.
01:42Et puis aussi, est-ce que c'est vraiment un « game changer » en bon français, une façon de changer totalement la donne ?
01:51Et c'est important d'avoir des leaders d'opinion.
01:55Vous en avez trouvé des leaders ?
01:57On en a quelques-uns. J'aurais bien aimé en avoir plus, notamment dans l'automobile.
02:01Oui, bien sûr. Airbus, clairement. SNCF, qui a été à l'origine d'un très gros appel d'offres en 2024.
02:11Le plus gros appel d'offres jusqu'à présent pour équiper une dizaine de centres de maintenance.
02:16Après, il y a également des gens comme Thalès, des gens dans l'énergie, Petroneus, ou bien des gens un peu moins connus,
02:26mais importants, Alcatel-Submarine Network, qui a été le premier à déployer ou à com. On a une douzaine.
02:36Vous avez évoqué le rapport que vous avez remis au gouvernement. Quels sont les leviers qui ont été actionnés et ceux qui ne l'ont pas été encore ?
02:46Sur les sept grands axes, tout a été un peu touché. Le premier, c'était sur les fréquences.
02:57L'ARCEP a bougé. Il reste encore un petit peu de travail à faire. C'est promis. C'est dans le pipe, comme on dit.
03:06Pourquoi ? Pour faciliter l'obtention de fréquences au cas de la 5G privée sur des sites industriels ?
03:11Oui. Et puis il y a certaines fréquences qui doivent être officialisées, qui sont aujourd'hui des fréquences d'expérimentation.
03:18Mais on va dire que ça, c'est en cours, puisque l'Europe aussi s'est mise en marche là-dessus.
03:23Il y avait également la notion d'offre des produits, des tablettes, des smartphones, de l'IoT 5G.
03:34Ça a beaucoup avancé. Ce n'est pas uniquement français, d'ailleurs. C'est international. Il y avait aussi les cas d'usage.
03:41On en parlerait. Il y a les campus FabLab 5G. C'est lieu où on peut voir, toucher, expérimenter.
03:48Mais au sens en production, avec des machines, des robots, tout ce qu'il faut pour le faire, ça existe.
03:53Et il y a d'ailleurs de très bons retours sur la première année. Il y avait également des choses sur l'enseignement et la formation.
04:03Je suis un peu là-dessus sur ma train.
04:06Ça, c'est le levier à actionner, qui reste encore à actionner.
04:09Voilà, il reste encore celui-là. Il y avait aussi travailler plus sur...
04:12Est-ce qu'on manque de compétences pour créer ces cœurs de réseau ? C'est à quel niveau ?
04:16Il y a deux niveaux. Il y a effectivement des compétences. Tous les gens qui viendront vous parler de leur déploiement 5G,
04:23on dirait la difficulté qu'ils ont eue pour trouver les compétences. Mais il y a aussi quelque chose de plus structurel.
04:29C'est-à-dire que les ingénieurs que l'on forme, il faut qu'ils soient déjà coutumiers de ce genre de choses dans les universités technologiques.
04:37Et aujourd'hui, en France, malheureusement, il n'y a que deux écoles, l'IMT Nancy, qui a depuis un an et demi.
04:44Et c'est très intéressant de voir le retour des étudiants où ils remènent.
04:48Et j'aimerais bien qu'il y en ait beaucoup plus. C'est-à-dire que je continue à y travailler.
04:51Et ma mission, je considère que ma mission ne sera pas totalement terminée, en tout cas mon engagement, tant que ça ne sera pas fait.
04:57Et puis c'est une façon très différente aussi de concevoir le processus industriel et l'importance de la donnée.
05:07Donc c'est assez fondamental pour un ingénieur de se mettre bien dans cette façon de travailler de demain.
05:14Mais Philippe, on peut quand même faire de l'industrie 4.0 sans passer par la 5G. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga de la révolution industrielle.
05:23Aujourd'hui, vous parliez des budgets. Il y a des budgets qui sont mis sur l'intelligence artificielle, sur la cybersécurité, sur d'autres sujets.
05:31Oui, mais tout ça se tient. Le 4.0, c'est en fait la numérisation de chacun des procédés.
05:38Mais quand on a numérisé, on a donc des données. Mais ces données, il faut les corréler. Il faut les rendre intelligentes.
05:45Il faut les sécuriser. Il faut les faire circuler le plus vite possible.
05:49Parce que si vous avez des données, mais que vous ne pouvez pas interagir en temps réel, puisque la latence zéro, c'est le temps réel, ou dans un environnement sécurisé,
05:59vous avez effectivement progressé, mais vous n'avez pas profité de l'ensemble.
06:04Et c'est d'ailleurs ça qui est le plus important dans les résultats qui sont donnés.
06:08C'est-à-dire que quand Alcatel Submarine Network démarre son déploiement, c'est parce qu'ils ont un carnet de commande qui est 50% supérieur à sa capacité de production.
06:18Deux ans après, ils ont pu, grâce à l'implémentation de la 5G de déploiement et à tout ce qui va avec, avoir des gains de productivité de l'ordre de 15 à 20%.
06:29Et un autre élément important à avoir en tête, c'est un retour sur l'investissement, puisque c'est quand même aussi dans le monde de l'investissement un élément important,
06:37qui était prévu sur, on va dire trois ans parce que c'est classique. Il est plutôt entre un et deux ans.
06:43Et donc on voit très bien que les choses sont significatives. Et on voit également, si on désoue un peu en dehors de France, les exemples dans l'automobile.
06:52Tesla, son usine à Berlin ou à BMW, ça a changé totalement le processus de production parce qu'on devient adaptable, on devient flexible.
07:02On utilise justement l'IA, la cybersécurité, l'Edge Computing. Il y a un certain nombre de choses qui deviennent fluides.
07:09Et c'est aussi cela qu'il faut voir. Et dans mes recommandations pour demain, si vous voulez, la 5G c'est bien, mais il faut maintenant le voir comme un socle,
07:18faisant partie du socle technologique avec l'IA, la cybersécurité, l'Edge Computing et non plus un silo.
07:24Et alors comment on se situe aujourd'hui, là en 2025, début 2025, par rapport à nos voisins européens ?
07:31Je vais vous le donner en termes de sociétés industrielles en production. Aujourd'hui, on a une douzaine, on va dire, à l'heure où nous parlons.
07:41On a une cinquantaine de sociétés qui sont en voie 2. Si on compare avec nos amis allemands, ils sont plutôt 30-40.
07:47Aux Etats-Unis, c'est plus d'une centaine de sites en production industrielle. Et en Chine, on est plutôt à 3500-4000.
07:55Mais simplement, on y va. Ce qui est important, c'est qu'on a aujourd'hui un catalogue des cas d'usage qui est important, 58 cas d'usage.
08:05Et chacun peut piocher des idées, peut se rapprocher. Avec ça, on a une façon de démarrer, une façon de s'informer, une façon de rentrer dans ce processus.
08:19Et dernier élément, quand même, pour vous montrer l'évolution. EY a fait un sondage auprès d'un certain nombre de leurs clients industriels.
08:30Et 56 %, alors je ne sais pas si c'est 56, 50, 30, mais en tout cas, c'est significatif, considère que dans les 3 ans, ils auront à investir dans un réseau 5G.
08:40Et ça, si vous voulez, il y a 3 ans, c'était quasiment zéro.
08:44On a 30 secondes juste pour vous poser cette question. Là, ils vont se mettre peut-être à la 5G, ça y est, il y a une prise de conscience, mais alors la 6G ?
08:52On s'y prépare ? Il va falloir tout refaire ?
08:55Premièrement, la 6G, j'ai l'habitude de dire que c'est la 5 plus une G.
08:59C'est très important parce que...
09:02Oui, ce sera une évolution.
09:03Autant la 5G par rapport à la 4G, c'était un saut quantique très important, autant la 6G, on va bien sûr faire des améliorations, notamment l'intégration de l'IR.
09:16Et la recherche le prépare, mais c'est pour les années 2030.
09:20Merci beaucoup.
09:21On a un petit peu de temps.
09:22Merci Philippe Herbert, merci d'avoir fait le point sur cette mission 5G industrielle. Je rappelle que vous en êtes le président encore jusqu'en mars.
09:28Oui, Global Industrie et le Symposium 5G où je vous donne rendez-vous, bien sûr.
09:33Avec plaisir. Allez, on enchaîne avec le rendez-vous Game Business.