En 2024 le jury du Grand Prix de l’urbanisme a désigné Claire Schorter lauréate.
Rencontre dans son agence LAQ à Nantes et visite à l’Ile de Nantes.
Interview : Yoann Sportouch
Production : Grand Angle, novembre 2024.
Rencontre dans son agence LAQ à Nantes et visite à l’Ile de Nantes.
Interview : Yoann Sportouch
Production : Grand Angle, novembre 2024.
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00:00Donc le quartier en fait, il se développe de là à là, ça c'est le premier îlot, le premier bloc.
00:15Là, il y a trois manières d'habiter différentes, c'est trois bâtiments où tu habites de manière différente,
00:20ça c'est que des duplexes superposés, ça c'est un collectif avec des loggias et ça c'est un grand collectif
00:25avec des grandes vues panoramiques, c'est ouvert sur trois côtés, lointaine sur toute la ville.
00:39Bonjour Claire.
00:40Bonjour Johan.
00:41Merci d'être avec nous aujourd'hui.
00:43Alors tout d'abord, félicitations pour votre distinction au Grand Prix de l'Urbanisme 2024.
00:48C'est une récompense prestigieuse qui récompense votre travail, votre vision.
00:52On est ici dans votre agence à Nantes et c'est toi qui as voulu tourner cette vidéo ici
00:59parce que le projet de l'île de Nantes constitue une grande part de votre vision urbaine et architecturale.
01:05Du coup, j'aimerais savoir en quoi ce projet de l'île de Nantes constitue véritablement peut-être la colonne vertébrale aujourd'hui
01:12de ce qui est la pratique architecturale et urbaine.
01:15L'île de Nantes est un laboratoire urbain à l'échelle de la France mais aussi à l'échelle internationale.
01:21Donc quand nous avons été désignés avec Jacqueline Hostie en 2017 pour prendre la suite de mes pairs sur ce sujet
01:28et en particulier Alexandre Chéméthoff, la question pour moi ça a été de dire comment on peut faire aussi bien,
01:34aussi bien que le travail notamment qu'il avait mené dans le Faubourg voisin,
01:38en travaillant en acupuncture, en réparation d'une ville existante.
01:44Alors vous parlez d'améliorer des situations et pour cela vous travaillez beaucoup sur l'intelligence collective.
01:49Comment au quotidien ça fonctionne ? Comment tu impliques tes équipes mais aussi les partenaires
01:55et bien évidemment les habitants dans la fabrique de la ville ?
02:00C'est vrai que la ville c'est complexe et saisir la complexité d'une situation,
02:05une situation géographique, une situation sociale, une situation climatique,
02:10nécessite beaucoup de perdueux qui se penchent sur ces particularités.
02:16Et donc on ne fait jamais un projet tout seul, on travaille avec de nombreux partenaires,
02:20paysagistes, sociologues, hydrologues, bureaux d'études, VRD.
02:24Et la manière de travailler à l'agence que l'on propose c'est vraiment un travail très horizontal.
02:30Le principe c'est que chacun arrive avec sa vision et que le projet se construit comme ça
02:35à partir de discussions et d'échanges autour des visions de chacun.
02:38La vie quotidienne des habitants c'est un élément pour moi central de la question du projet urbain
02:43puisqu'on lègue en quelque sorte des espaces qui vont être habités et appropriés.
02:49Alors quand les habitants sont là, notre rôle c'est évidemment de mettre en avant l'importance
02:53de la concertation, de la discussion voire de la co-conception quand c'est possible.
03:00Et quand les habitants ne sont pas déjà là, moi je n'hésite pas à prendre le rôle aussi de l'habitant.
03:05C'est-à-dire que l'étoffe de l'urbanisme c'est finalement une part très subjective
03:10et j'assume complètement cette subjectivité.
03:13Je dis souvent à mes équipes, il ne faut pas dessiner de projets de logements ou de quartiers
03:20dans lesquels nous-mêmes n'aurions pas envie d'habiter.
03:23C'est une forme d'éthique de l'urbanisme et on se projette totalement dans l'envie d'habiter nos quartiers.
03:30Dans ton travail, il y a la question de l'urbanisme détracé.
03:32C'est une approche qui mêle densité et échelle humaine.
03:35Comment ce concept s'incarne-t-il dans ce projet de l'île de Nantes ?
03:40La particularité de ce projet du quartier république sur l'île de Nantes,
03:44c'est que c'est un quartier de centre-ville.
03:46La commande, en quelque sorte, c'était de concevoir un quartier avec une densité importante,
03:52une densité proche de celle du centre-ville de Nantes,
03:55ce qui est quand même une gageure dans la ville contemporaine,
03:58avec un intérêt fort qui était proposé par les élus de Nantes,
04:04qui était une forte mixité, c'est-à-dire une part égale de logements et d'activités,
04:08ce qui est assez rare dans les quartiers contemporains que l'on construit.
04:12On a travaillé sur plusieurs thématiques.
04:14La première thématique, c'est la question de l'amplitude.
04:17L'aspect amplitude, ici, ce sont les jardins de l'estuaire,
04:21qui sera ce grand souffle orienté à l'ouest qui reliera le quartier à la pointe de l'île.
04:26La deuxième chose, c'est le travail sur la finesse des tracés.
04:30Nous avons proposé sur le projet des grands îlots,
04:33avec un adressage ordonnance et autour, et à l'intérieur, des venelles, des cours,
04:37et chaque îlot était très mixte.
04:40Enfin, soigner les raies de ville.
04:42Ce sont à la fois les raies de chaussée et l'espace public sur lesquels s'adressent ces raies de chaussée.
04:46C'est ce qui est vraiment le plus important dans la ville à l'échelle du piéton.
04:51On sollicite les piétons, on veut développer les modes actifs,
04:56donc il faut que les villes soient intéressantes à être parcourues.
04:59On travaille très finement sur ces raies de ville, sur les rythmes des façades,
05:04sur l'animation des raies de chaussée par le commerce, mais ce n'est pas toujours possible.
05:09On travaille aussi sur la possibilité d'habiter aux raies de chaussée.
05:13La troisième chose, c'est le parcellaire.
05:18On a travaillé sur un découpage parcellaire assez fin,
05:21qui permet cette mitoyenneté sur des petites opérations,
05:25par exemple pour les logements autour de 20 logements, autour d'une cage d'escalier,
05:29ce qui permet de connaître son voisin et de travailler sur une sociabilité de voisinage
05:33que parfois on a tendance à perdre dans les gros objets de la ville contemporaine.
05:37Comment est-ce que vous parvenez à concilier besoin de logement et donc densité,
05:41tout en préservant la qualité de vie pour les habitants ?
05:44La première chose, c'est la diversité.
05:46Intégrer du logement et bureau ou activité artisanale,
05:50parce que tout simplement, ça fait vivre la ville toute la journée et soirée-week-end.
05:54Une ville résidentielle est assez morte la journée,
05:57et une ville mixte est vivante toute la journée.
05:59La deuxième chose, ce sont les aménités.
06:01C'est le commerce, c'est le loisir, c'est les équipements, c'est les parcs.
06:04C'est aussi une manière de rencontrer ses voisins.
06:07C'est important d'avoir cette diversité pour pouvoir diversifier ses rencontres
06:12et diversifier sa façon de vivre avec ses voisins ou avec des inconnus en ville.
06:17Et puis la troisième chose, c'est l'exigence.
06:19L'exigence qu'on porte sur le logement.
06:23Notre demande, c'est de revenir à des logements traversants.
06:26Pourquoi ? Parce qu'on a des vues sur la rue, donc sur la vie urbaine,
06:30et on a aussi des vues au calme sur un coeur d'îlot paysager.
06:34C'est aussi de la ventilation naturelle,
06:36et c'est des manières de vivre qui sont plus agréables.
06:40C'est un travail sur la forme urbaine,
06:42mais aussi une exigence sur la qualité apportée au logement.
06:46Pourquoi aujourd'hui, c'est important d'intégrer des espaces de production, d'artisanat,
06:52alors qu'à un moment donné, on a voulu sortir ces lieux de production de la ville ?
06:56Nos villes, pour devenir résilientes, avoir ce parcours,
06:59pour aller vers la neutralité carbone, ont besoin de garder en leur sein
07:03ces espaces de transformation, de recyclage et de production.
07:07On a proposé de réinterpréter une forme assez classique
07:10de l'immeuble sous lequel on passe par un porche,
07:13depuis lequel s'ouvre une cour artisanale,
07:16qui permet aussi aux rez-de-chaussée de l'immeuble de bureau,
07:19qui sont souvent un peu tristounets, d'être un peu plus actifs.
07:22Dans vos projets, vous vous intéressez beaucoup à la question du métabolisme urbain,
07:26cette dimension qui traite à la fois de l'alimentation,
07:30des cycles naturels, de la place des déchets dans l'espace urbain.
07:33Et une autre question qui est aussi fondamentale,
07:36c'est la question de la place de la biodiversité en ville.
07:38Alors aujourd'hui, comment, dans ton travail, tu concilies ces deux dimensions
07:42pour fabriquer la ville ou pour réparer la ville d'aujourd'hui ?
07:48Nos projets s'installent principalement dans des métropoles,
07:53ou dans des grandes villes, des aires métropolitaines.
07:55Métropoles que l'on montre souvent comme des grandes championnes
07:59de l'attractivité et de l'ingénierie urbaine.
08:02On peut comparer des villes à un corps,
08:04un corps qui se nourrit de ressources et qui produit des déchets.
08:07Longtemps, les villes étaient vraiment interdépendantes
08:11de leurs campagnes proches, pour l'alimentation en l'occurrence.
08:15Et d'ailleurs, ces campagnes proches limitaient,
08:20étaient vraiment les limites de la croissance urbaine.
08:23Et aujourd'hui, les métropoles et les grandes villes ont tellement grossi
08:27qu'on n'est plus du tout interdépendants de l'interlande proche,
08:31mais au contraire, de territoires lointains.
08:34C'est ce qui les rend fragiles.
08:36Ce sujet du métabolisme circulaire et de la résilience alimentaire des métropoles,
08:41c'est aussi réparer les sols, c'est aussi hydrater les sols,
08:44c'est trouver des modes de culture qui sont adaptés
08:47à la question du changement climatique.
08:49Et donc forcément, planter massivement,
08:52planter massivement pour absorber le carbone,
08:54mais aussi créer des atmosphères plus fraîches,
08:57y compris pour les cultures, c'est important.
09:00Claire, on voit que cette approche du métabolisme urbain
09:03va bien au-delà de la question de la reconnexion
09:06entre les villes et leur environnement naturel.
09:09Aujourd'hui, à quoi ça sert de faire la ville
09:12si ce n'est de contribuer à la cohésion sociale ?
09:15C'est vrai qu'en tant qu'urbaniste, on se doit d'être d'acteur de ça,
09:19de faire un travail très fin sur ces questions de mélange,
09:22sur ces questions de mixité fine, mixité sociale, mixité programmatique,
09:26et un travail aussi très important et très fin sur l'espace public.
09:30Et donc toute cette mixité, tous ces frottements, ces rencontres,
09:35c'est vraiment l'antidote à la peur de l'autre et à la stigmatisation,
09:40et donc l'antidote aussi aux extrêmes et à la radicalité.
09:45Claire, merci beaucoup pour cet échange.
09:57Voilà, ça c'est le travail d'Alexandre Chéméthore,
10:00qui reste du Faubourg ici, tu vois, R2,
10:03et tout à coup on ose faire R1, R2, R3, R4, R5,
10:07superposition, commerce, bureau, logement.
10:10Donc nous on cherche ça, on cherche des espèces de petites surprises.