• il y a 2 semaines
Avec Nadjet Cherigui, reporter au Figaro Magazine

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00:00— Ou plutôt direction le domicile d'une grande reportère qui revient de Syrie. On retrouve tout de suite notre invitée avec plaisir. Nous sommes avec Najat Chirighi. Bonjour.
00:11— Oui, bonjour. — Bienvenue sur Sud Radio. Vous êtes grand reporter au Figaro magazine. Vous revenez avec un reportage assez stupéfiant.
00:19Vous avez mené l'enquête en Syrie. La Syrie a enfin libéré du jou des Assad. Vous êtes allé à la recherche de ces djihadistes français.
00:27Il serait 200 a priori djihadistes français toujours présents en Syrie. Évidemment, la question, nous, qui nous taraudes,
00:34c'est s'ils veulent revenir en France ou pas. Mais vous, d'abord, ce qui est important, c'est que lorsque vous avez mené l'enquête sur le terrain,
00:40vous avez eu beaucoup de mal à les trouver. D'ailleurs, certains ont même nié leur existence. — Absolument. Alors évidemment, on n'est pas naïfs.
00:51Donc nous y sommes allés pour les rencontrer. Et ils sont bien présents, effectivement.
01:02— Voilà. 200 djihadistes français, c'est une estimation. On va dérouler le fil de votre reportage et de votre enquête pour le Figaro magazine.
01:10Il y en aurait près de 200 qui seraient plutôt présents, d'après ce qu'on vous a dit, dans la région d'Idlib. C'est au nord-ouest de la Syrie.
01:17C'était le bastion clairement du groupe Hayat Tahrir al-Sham, qui a fini par prendre le pouvoir de manière spectaculaire en Syrie en quelques semaines d'une offensive.
01:25Alors ce qui est important, c'est que lorsque vous menez l'enquête et que vous avancez, vous progressez de fil en aiguille, on va vous expliquer par moment
01:33que souvent, les Français, pas tous, c'était aussi les plus cruels, les plus cruels des djihadistes, que certains eux-mêmes étaient polygames au point
01:41qu'ils avaient 8 esclaves sexuels. Ça, vous confirmez ? — Ah oui, oui, absolument. Oui, oui. 4 femmes jusqu'à 8 esclaves. Beaucoup mieux traités,
01:55mieux payés selon certains Syriens que j'ai rencontrés, d'anciens combattants de Daesh. Et évidemment plus de moyens, ce qui les a attirés chez Daesh plutôt que les autres.
02:12— Voilà. Donc comment ils sont vus, ces djihadistes français, par les autres ? Parce que justement, comme vous les avez cherchés, vous en avez parlé
02:21à beaucoup de Syriens. Qu'est-ce qu'on en dit ? Est-ce qu'on a plus peur d'eux qu'autre chose ou pas ? — Peur, actuellement, non. On a eu très peur. Et je dirais que les sentiments,
02:36c'est plutôt ambiguë. C'est-à-dire qu'effectivement, on en garde pour beaucoup un souvenir assez amer. Et en même temps, certains me disaient, certains Syriens me disaient...
02:51Ils sont venus avec pour certains l'intention de faire le djihad ou de combattre ici. Ils ont laissé leur pays derrière eux. On va pas les laisser tomber, en gros, je résume.
03:03— Ils sont battus pour nous. On va les garder, par exemple. Alors vous continuez à progresser avec votre équipe dans ce pays, ce pays à peine libéré. Vous allez finir par rencontrer
03:13une Française. Mais vous racontez cette rencontre. Vous l'appelez Rime. Elle est en ICAB, donc un voile intégral. Mais vous ne pouvez croiser que son regard.
03:23Et au début, vous savez qu'elle est française. Elle se doute que vous le savez. Mais vous préférez vous parler en anglais. Pourquoi elle vous cache le fait d'être française ?
03:32— Pour plusieurs raisons. Déjà, la première rencontre se fait en compagnie d'une de ses amies, mariée à un djihadiste aussi européen. Et l'amie veille à ce qu'il n'y ait pas de détails.
03:51Elle intervient lors de nos échanges à plusieurs reprises en disant « attention ». Gentiment, sans l'agresser. « Attention », « va pas trop loin », « pas de détails », « no details », « no details ». Et en même temps, on sait toutes les deux, en se regardant, qu'on veut aller plus loin.
04:07— Donc elle vous parle anglais. Vous sentez la pointe d'accent français dans sa manière de parler anglais. Vous le reconnaissez. C'est une espèce de jeu de dupes. Et à la fin, quand vous êtes toutes les deux à discuter,
04:17elle finit par être soulagée. Elle vous dit « allez, on parle en français », c'est ça ? — Oui, c'est absolument ça. On se donne rendez-vous dans un petit salon de thé, dans une salle réservée pour les femmes.
04:29Et effectivement, on peut enlever son voile. On se voit toutes les deux d'abord. Le photographe nous rejoint après. Et effectivement, je vois son visage. On se parle en français.
04:43— Qu'est-ce qu'elle vous dit ? Qu'est-ce qu'elle vous dit à ce moment-là ? Ça fait d'abord longtemps qu'elle n'a pas parlé français à une Française non djihadiste.
04:53— Oui, elle a envie. En fait, elle a envie. Elle n'est pas du tout dupe de qui je suis. D'ailleurs, je me suis présentée comme journaliste. C'est ce que je fais sur le terrain. Mais elle a envie de parler.
05:05Elle est assez surprenante parce qu'elle regarde son parcours avec beaucoup de franchise sans se cacher de tout ce qu'elle voulait faire, de ce que ça veut dire, de ses motivations, de ses erreurs.
05:25Elle me parle du djihad, d'ailleurs, à un moment dans notre conversation, en me disant qu'on va pas se mentir. Dans le Coran, le djihad, c'est de la violence. Voilà. On va arrêter de se cacher derrière son petit doigt.
05:41— Et c'est donc ce qu'elle était venue faire en Syrie. Donc ça, elle l'admet. Aujourd'hui, dans quel état d'esprit elle est, justement ? Est-ce qu'elle veut continuer à le faire ou pas ?
05:52Elle a un gosse. C'est ce qu'elle vous raconte. Est-ce qu'elle veut revenir en France ou pas ?
05:57— Alors sa motivation première était de vivre sa religion dans une terre d'islam. Et elle est partie avec un homme qui a rejoint Daesh et qui est devenu un combattant.
06:09Ça, c'est sa vie. Elle n'a jamais pris les armes. C'est ce qu'elle m'affirme. Elle a 3 enfants, aujourd'hui. Et évidemment, elle ne veut pas rentrer, parce que pour elle, la France n'est pas compatible avec ses principes religieux.
06:27Mais surtout, elle sait qu'elle risque 10 ans de prison. Et sa motivation première pour avoir une vie normale, c'est d'obtenir la nationalité syrienne et de rester. La Syrie est devenue aujourd'hui un peu un sanctuaire pour ces djihadistes qui veulent rester.
06:51— Pour ces anciens djihadistes ou djihadistes sur le retour, le retour jusque-moi, est-ce qu'il y a un risque de retour en France de djihadistes pour qui, finalement, le djihad est terminé puisqu'il n'y a plus de guerre en Syrie ?
07:03— Moi, j'ai l'impression que, en tout cas, en ayant fait ce chemin dans le sens inverse des troupes de Joulani qui sont parties d'Illib. Moi, je suis partie de Damas. Je suis remontée jusqu'à Illib et puis ensuite jusqu'à Harim.
07:23J'ai eu l'impression que ce qu'ils voulaient majoritairement, c'est rester en Syrie et obtenir le passeport syrien par le biais d'autres combattants syriens qui connaissent des Français. Pas qu'à Illib. Il y en a à Damas.
07:45— Et ils veulent rester en majorité pour vous. Ils veulent devenir en tout cas définitivement syriens. J'ai une dernière question. Et j'ai une dernière question pour vous.
07:55Et elle est importante, si vous le permettez, Nadjet Chérigui. Qu'est-ce qu'ils veulent voir la Syrie devenir ? Qu'est-ce que la Syrie est en train de devenir ?
08:05On est dans un moment de flottement, une forme de transition. On passe d'une dictature plus que sanguinaire qui a assis son jou sur le pays pendant plus d'un demi-siècle.
08:15On passe à quoi ? Un régime qui va devenir une nouvelle république islamique de Syrie cette fois-ci ou alors une forme de démocratie ou alors une nouvelle dictature laïque ? Qu'est-ce que ça va devenir pour vous, vous qui en revenez ?
08:27— Tout se joue maintenant. J'ai vu deux visages de la Syrie. Illib, c'est un peu le laboratoire de Jérémie où la religion est très prégnante.
08:43C'est vraiment un étau. On sent... C'est assez pesant. Même si on circule normalement, ce qui n'aurait pas été possible... — Il y a quelques semaines ?
08:57— Non. C'est avec Daesh. D'ailleurs, je l'ai senti dans ce fameux village Harim où je suis allée, où beaucoup de membres de Daesh sont présents.
09:11Là-bas, c'était impossible de circuler non couverte, alors qu'à Illib, en tant qu'étranger, on peut, même si la majorité, toutes les femmes sont couvertes à Illib.
09:23Donc Illib, c'est le laboratoire de Jérémie où on parle d'islamopragmatisme. Voilà. Maintenant, dans le reste de la Syrie, notamment à Damas, la population a l'air assez inquiète.
09:40Ils se disent que nous, on veut construire quelque chose en dehors de la religion, de l'islam. — En tout cas de l'islam politique. — De l'islam politique. Aidez-nous.
09:53Ce que j'ai entendu, c'est « Aidez-nous à résister et à construire une société laïque ». — Une société en tout cas plus laïque. C'est ce qu'ils espèrent.
10:06— On verra. Ça n'en prend a priori pas le chemin. Mais qui sait ? Merci en tout cas pour ce témoignage de retour de Syrie. Nadjet Chérigui, grand reporter au Figaro magazine.
10:16Votre enquête sur les traces des djihadistes français en Syrie est à lire dans vos kiosques dans le Figaro magazine. Merci beaucoup et à bientôt sur Sud Radio.

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