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Emmanuel Macron a proposé lundi soir le nom de Richard Ferrand, ex-président de l'Assemblée nationale, pour remplacer Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel.

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00:00Christophe Barbier, pour votre choix, vous gardez la parole ce soir, évidemment, vous nous dites que tout le monde se calme, que tout le monde se calme après le choix d'Emmanuel Macron, le choix de nommer Richard Ferrand en tout cas comme candidat à la présidence du Conseil constitutionnel, il faut que ce soit validé par le Parlement.
00:15Oui, plutôt que validé, il ne faut pas que ce soit invalidé, il faut les trois cinquièmes de la commission des lois de l'Assemblée et du Sénat, contre, pour que ça bloque, apparemment la négociation de Gérard Larcher a assuré un peu le coup, mais bon, ne vendons pas la peau de l'ours, Ferrand, avant de l'avoir mis sur le siège du président des Sages, alors personne n'a été surpris par cette nomination, mais tout le monde en profite pour critiquer Ferrand, critiquer Macron aussi, c'est de bonne guerre, et aussi pour donner sa vision rêvée du Conseil constitutionnel, par exemple, elle s'est exprimée très clairement en deux points,
00:45la vision de Marine Le Pen, on l'écoute.
00:48« Le Conseil constitutionnel n'est pas une maison de retraite de la vie politique, et le Conseil constitutionnel se doit d'avoir au moins une apparence de neutralité. On a aujourd'hui un Sénacle qui va être exclusivement politique alors que c'est un Sénacle qui est censé être un Sénacle juridique. »
01:09Alors, deux critiques, la première critique, maison de retraite, non, c'est vrai uniquement pour les anciens présidents de la République, qui de droit peuvent siéger tout le reste de leur vie comme membres du Conseil constitutionnel.
01:19De Gaulle l'avait voulu pour leur assurer un poste qui gagne leur vie, il ne voulait pas en faire des sénateurs à vie, Chirac et Giscard ont siégé, actuellement Sarkozy et Hollande, non, ils préfèrent avoir une vie active plutôt que de siéger, le prochain Emmanuel Macron qui n'aura pas 50 ans quand il va être membre de droit, ça m'étonnerait qu'il aille siéger, on verra bien.
01:39En revanche, on sous-entend ce que veut dire Marine Le Pen, en fait c'est une maison où on case les copains, oui sauf que ça dure depuis plus de 40 ans et que les copains en question ils sont parfois très compétents.
01:49Ça commence en 1986, François Mitterrand demande à Daniel Maillard, le président du Conseil constitutionnel qui n'est sur son siège que depuis 3 ans, de céder la place. Pour la donner à qui ? Pour la donner à Robert Badinter qui quitte son poste de garde des Sceaux pour devenir président du Conseil constitutionnel.
02:06Robert Badinter qui va être un excellent président du Conseil constitutionnel, c'est pas un copain qu'on place, c'est un grand magistrat. Néanmoins, Badinter disait en octobre 81, en célébrant le 75e anniversaire de la réhabilitation de Dreyfus, chaque fois que renaît en France la vieille propension à subordonner le droit au pouvoir, l'affaire Dreyfus est rouverte.
02:28Et pourtant, François Mitterrand nommait Badinter juste à l'orée d'une cohabitation qui s'annonçait difficile parce qu'il voulait que le Conseil constitutionnel soit du côté du pouvoir autant au moins que du côté du droit. Mais Badinter sera impartial.
02:41En 95, deux mois avant de quitter définitivement l'Elysée, François Mitterrand, il nomme carrément Roland Dumas. Alors là aussi, un copain qui a été un ministre. Mais Roland Dumas va surtout valider l'élection présidentielle de 95, valider les comptes de campagne de Chirac et de Balladur pour avouer quelques années plus tard que les plafonds de dépenses avaient été dépassés. Mais il avait voulu couvrir l'affaire.
03:04Pire, il va confirmer, le Conseil constitutionnel va valider que l'immunité présidentielle, elle couvre tous les actes commis par un président avant son entrée en mandat. C'est ce qui permettra à Chirac d'être président tranquille et de ne retrouver ses juges qu'en 2007 à la sortie. Dumas sera poussé dehors, lui-même rattrapé par une affaire judiciaire. Badinter, Dumas, un bon choix, un mauvais choix. Vous voyez, il est difficile de trancher.
03:29Eh bien, Jacques Chirac, lui, quand il est président, il va nommer Jean-Louis Debré. Jean-Louis Debré a été un excellent président du Conseil constitutionnel qui a invalidé les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. Alors c'est vrai que les Chiraciens n'aimaient pas les Sarkozistes. Mais quand même, c'était un président de droite. Il aurait pu préserver et l'institution et la droite. Jean-Louis Debré a été intraitable. Donc vous voyez, un copain, non, une personnalité indépendante.
03:53L'autre critique de Marine Le Pen, c'est l'apparence de neutralité. Oui, mais il faut regarder ce que fait le Conseil constitutionnel. Elle dit il y a trop de politiques. Il n'y a que des politiques. Non, il y en a 7 sur 2 maintenant. Mais Laurence Wisniewski est plus nommée comme ancienne juge que comme ancienne députée. Les Français connaissent la juge d'instruction, pas la députée.
04:14Bon, quand bien même, regardons de près. C'est quoi le Conseil constitutionnel ? Ce n'est pas une cour de cassation bis. Bien sûr, il y a du droit. Mais il n'y a pas que du droit. Il y a la validation des élections. Articles 58, 59 et 60 de la Constitution. Les élections, c'est quand même pas mal d'avoir des gens qui sont passés par le processus électoral, Sénat, Assemblée pour savoir comment ça marche, comment ça dysfonctionne et comment on juge.
04:40Par ailleurs, la loi, ce n'est pas qu'une technique juridique, la loi. C'est aussi la rencontre de l'État de droit, du droit dans l'État, avec une nation qui traverse une période particulière. Et vous ne faites pas les mêmes lois selon l'État du droit et selon le moment que traverse cette nation.
04:58Donc avoir des professionnels du Parlement, c'est très utile. C'est pour ça que je suis partisan d'un équilibre entre juriste et politique, avec un chef politique, parce que l'autorité judiciaire, c'est un titre de la Constitution. Le Conseil constitutionnel, c'en est un autre.
05:12L'équilibre des pouvoirs, c'est ce que disait Montesquieu. Il ne parlait pas de séparation, mais d'équilibre. Par ailleurs, quand on parle d'équilibre, on pourrait parler de la manière dont les magistrats font de la politique, la manière dont les magistrats ont envoyé Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République, la manière dont ils ont traité Sarkozy dans l'affaire des écoutes.
05:30Ça a nourri nos débats de manière infinie. C'est bien la preuve que les plateaux de la balance bougent toujours et qu'il faut veiller à l'équilibre. Ce défi, même la planète des sages n'y échappe pas, puisque c'est ainsi qu'on appelle les membres du Conseil constitutionnel.
05:45– Oui, moi j'ai une question Christophe. Est-ce que vous avez le sentiment, comme moi, qu'en attaquant le Conseil constitutionnel, on attaque en fait la neutralité ou peut-être la transparence des élections ?
05:59– Oui, tout dépend de la manière dont on attaque le Conseil constitutionnel. C'est la juridiction suprême. Quand le mot est dit, c'est le dernier mot.
06:07Venir parler de coup d'État juridique, quand le Conseil constitutionnel censure une partie de la loi immigration, venir parler de forfaiture, comme c'est parfois le cas, parfois dans des affaires d'élections, ça n'est pas digne, ça n'est pas sain démocratiquement.
06:20La chose jugée est une chose jugée. Et puis, il ne faut pas se servir du Conseil constitutionnel comme une chambre d'appel pour le Parlement.
06:27« Oh, le Parlement a voté un truc qui ne me plaît pas, oh ben allez, avec 60 députés, on envoie ça au Conseil, ils vont peut-être corriger, comme Macron l'a fait avec la loi immigration. »
06:35Ce n'est pas une bonne attitude. Attention, il y a aussi la QPC, question prioritaire de constitutionnalité. Tous les citoyens peuvent saisir le Conseil, ça a changé aussi profondément sa nature.

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