• il y a 12 heures
FRANCE - « Cet étalement continu, c’est un modèle dont nos concitoyens veulent sortir. » Au terme de la Convention citoyenne pour le climat, en juin 2020, Emmanuel Macron promettait un « moratoire sur les zones commerciales en périphéries des villes ». Une reconnaissance, à demi-mot, que la France a fait, depuis une cinquantaine d’années, un peu n’importe quoi autour de ses villes.

Car le nombre et le gigantisme de ces zones commerciales, mais aussi l’importance en France de ce commerce de périphérie, comme on dit dans le jargon, nous démarquent en Europe. Selon le gouvernement, on compte aujourd’hui 1500 zones de ce type à travers le pays, couvrant l’équivalent de cinq fois la surface de Paris. Elles drainent 72% des dépenses en magasin des Français, pour un chiffre d’affaires total de 300 milliards d’euros par année.

Alors qu’un plan vient d’être lancé pour transformer et revitaliser ces zones, Le HuffPost vous propose une série de vidéos sur l’histoire et le futur de ce que certaines appellent « La France Moche ». Comment en sommes-nous arrivés-là ? Est-ce qu’on a tué nos villes et surtout nos centres-villes ? Et que fait-on aujourd’hui de ces lieux, certes bien pratiques au quotidien, mais sources de nombreux reproches : artificialisation des sols, tout-voiture, mocheté, centres-villes vidés, surconsommation...

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Transcription
00:00Vous voyez ces œuvres, elles ont remporté un prix, celui de la France moche.
00:05Et oui, ça existe, il est remis chaque année par une association, Paysages de France.
00:10Car les zones commerciales, c'est aussi une question d'esthétique,
00:13et c'est même cette vilaine expression, la France moche,
00:16qui a lancé le débat sur ces lieux il y a une quinzaine d'années.
00:18On vous raconte et on vous explique pourquoi la mocheté, c'est aussi un sujet important.
00:30En 2010, nos confrères de Télérama publient donc cette une
00:33qui fera date sur le sujet « Halte à la France moche ».
00:37À partir de là, le débat sur les zones commerciales s'enflamme,
00:40des élus locaux accusent la presse parisienne de mépris.
00:42Mais en réalité, cet article a surtout révélé une chose,
00:45la France a fait un peu n'importe quoi autour de ses villes.
00:48Cette zone commerciale au sud-ouest de la ville,
00:51depuis un demi-siècle, elle est restée dans son jus.
00:53Moi je suis à Toulouse depuis 30 ans et ça n'a pas bougé.
00:57Et donc peut-être qu'un petit coup de neuf, ça serait bien.
00:59Il faudrait un cadre plus agréable.
01:01Et même le maire le dit.
01:03On ne va pas dire que c'est la France jolie, soyons francs.
01:05La faute à quoi ?
01:06À qui ?
01:07D'abord, on a réfléchi la ville en termes de zone, comme aux États-Unis.
01:10Cet urbanisme de secteur, un certain Le Corbusier en était fan.
01:14Le commerce, le résidentiel, chacun son espace délimité,
01:18alors que la ville, historiquement, s'est aussi faite par superposition.
01:22Les maires ont aussi signé des permis de construire un peu trop facilement.
01:25Et puis les architectes,
01:26les architectes, ils ont fait quoi ?
01:28La façon dont ont été pensées ces zones urbaines
01:31n'ont pas été faites forcément avec des architectes.
01:33Après, les bâtiments, permis de construire,
01:36ont pu être déposés par des architectes,
01:38mais avec des contraintes extrêmement fortes,
01:40des budgets très réduits, à la limite du scandale.
01:44L'idée n'était pas d'offrir, au départ, une qualité architecturale aux gens,
01:49mais de pouvoir vendre le plus.
01:51Donc c'est là aussi où on doit tempérer la responsabilité des uns et des autres.
01:56Et peut-être aussi regarder ça dans le contexte sociologique d'une époque
02:00où la valeur de la consommation a touché jusqu'à l'aménagement du territoire.
02:04Donc voilà, cette logique marchande,
02:06cet abandon du territoire à des grandes surfaces,
02:09a mené à des lieux sans identité, qui se ressemblent tous.
02:12Et ça, ce n'est pas sans conséquences.
02:14On appartient à un lieu
02:17et on a ce sentiment d'appartenance aussi,
02:20parce qu'on a des éléments identifiants et représentatifs
02:25et que l'on peut désigner en partage.
02:28Par exemple, moi j'habite à Rouen,
02:30si je dis le gros horloge,
02:32c'est quelque chose que tout le monde va identifier.
02:34Ici, il est plutôt signifiant dans le centre-ville,
02:38il n'est pas signifiant dans la zone commerciale.
02:40Pire, ces immenses hangars de zones commerciales,
02:42ça pourrait vous rendre malade.
02:44Oui, oui, il y a une science qui commence à s'intéresser à cela,
02:47ça s'appelle la neuroarchitecture.
02:49J'ai contacté un pionnier dans ce domaine,
02:51il est chercheur à l'université Waterloo au Canada,
02:54et je lui ai montré les images que j'ai tournées
02:56dans des zones commerciales françaises.
02:58Je pense qu'il n'est pas rare de trouver ces espaces,
03:00on les trouve certainement près de où je vis,
03:03beaucoup de places au Canada, et bien sûr aux Etats-Unis.
03:06Il me semble toujours qu'il y a un Moyen-Orient,
03:09c'est moins régulé,
03:10donc tout ce qui se passe n'est pas psychologiquement sain.
03:15Depuis des années, Colin Allard étudie
03:17comment l'humain réagit à certains bâtiments et lieux,
03:20et pour ça, il a mené des expériences
03:21sur des piétons déambulants dans la ville.
03:24Et on découvre que le niveau de complexité d'une façade
03:27est un élément clé.
03:28Notre cerveau n'aime pas les bâtiments en monotone,
03:31les façades brutes, sans ouverture, sans aucune fioriture.
03:54ounces de chocs
04:12Est-ce que la dépression, l'hypertension,
04:14l'anxiété nous guette si on passe trop de temps
04:16dans les zones commerciales ?
04:18La recherche le déterminera peut-être.
04:20En tout cas, la neuroarchitecture invite
04:22à se soucier un peu plus de ce qu'on construit,
04:24à trouver le bon niveau de complexité architecturale pour notre cerveau,
04:28à créer des lieux moins impersonnels et évidemment plus verts.
04:32En attendant, mieux vaut appliquer le bon vieux principe de précaution,
04:35éviter une exposition trop longue pour ne pas dépasser les seuils de radiation.

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