• il y a 2 minutes
Dans un rapport dévoilé ce jeudi sur France Inter, Greenpeace dénonce la manipulation de la gestion de l'eau par des "lobbies agro-industriels". Une mainmise qui se fait avec "la complicité de l'État", dénonce Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture chez Greenpeace. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-13-fevrier-2025-7163190

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Mathilde Munoz, le 5-7.
00:04Il est 6h21, l'enquête s'appelle « Démocratie à sec », sous-titre « Comment les lobbies
00:10agricoles manipulent la gestion de l'eau avec la complicité de l'Etat ». C'est
00:14signé Greenpeace dont vous faites partie, Suzanne Dalle, bonjour ! Chargée de campagne
00:18agriculture au sein de cette ONG, cette enquête, vous l'a dévoilée ce matin sur France Inter,
00:22merci.
00:23Il est donc question de l'accès à l'eau en France, en métropole, et du partage de
00:27cette ressource, de plus en plus compliquée à cause du réchauffement climatique.
00:31Et ce que vous dénoncez, c'est que les pouvoirs publics favorisent certains agriculteurs
00:35au détriment des autres usagers de l'eau.
00:37Oui, tout à fait.
00:38Ce qu'il faut avoir en tête, c'est que l'agriculture, c'est la première activité
00:42consommatrice d'eau en France.
00:4458% de l'eau consommée en France est consommée par l'agriculture.
00:47Ce qu'on vient de montrer dans ce rapport, c'est comment est-ce que ces lobbies agricoles
00:52ont réussi, arrivent à manipuler la gestion de l'eau au profit d'une minorité de ces
00:57réalisés irriguants ?
00:58Et comment ils le font ?
00:59Mais ce n'est pas tous les agriculteurs.
01:00Oui, ça bénéficie vraiment à une minorité d'irrigants.
01:03L'irrigation, aujourd'hui, ça représente seulement 6,8% des surfaces cultivées, ce
01:08qui veut dire que toutes les eaux de terre agricoles en France, elles sont arrosées
01:11uniquement avec la pluie, les précipitations.
01:13Donc l'irrigation, aujourd'hui, c'est un agriculteur sur cinq.
01:17Ça, c'est important de bien le remettre en perspective, ça ne concerne pas du tout
01:20tout le monde.
01:21Et là-dedans, il y a une utilisation en particulier qui pose problème, c'est l'irrigation
01:26qu'on utilise pour le maïs.
01:27Plus d'un tiers de l'eau d'irrigation est utilisée pour le maïs.
01:31Ce qu'on vient de montrer dans ce rapport, c'est aussi la complicité de l'État dans
01:35tout ça.
01:36Alors justement, on va détailler, parce que c'est ça qui est intéressant, comment ces
01:38agriculteurs s'y prennent pour obtenir gain de cause de la part des pouvoirs publics ?
01:41Alors, on dévoile dans le rapport tout un tas de stratagèmes.
01:46Ce qu'on a fait, c'est qu'on est allé vraiment regarder les coulisses de certaines
01:49instances locales de gouvernance, en se centrant sur deux bassins, à Dourgaronne et Loire-Bretagne,
01:55et en étudiant plus précisément deux sous-bassins et les instances locales associées à ces
01:59sous-bassins-là.
02:00Ce qu'on montre, d'une part, c'est qu'on constate déjà un noyautage méthodique de
02:07ces instances locales de gouvernance, en particulier d'une instance qui s'appelle les commissions
02:11locales de l'eau, et on se retrouve dans une situation dans laquelle, alors que ces
02:15endroits sont censés être des mini-parlements de l'eau, les représentants agricoles sont
02:20très largement surreprésentés par rapport à ce qu'ils devaient être au départ.
02:24Et comment on en arrive dans ces instances ? Comment on fait pour appartenir à ces instances ?
02:28Alors, il y a une composition qui est pré-déterminée, mais c'est le préfet qui, in fine, décide
02:36de cette composition-là, ce qui veut dire qu'il y a une marge de manœuvre, dès le
02:41départ, sur le nombre de représentants agricoles officiels.
02:44Mais ce que montre le rapport de Greenpeace, c'est qu'au-delà du nombre de représentants
02:48officiels, il y a tout un phénomène de double casquette avec le collège des collectivités
02:54territoriales, qui comprend du coup des élus locaux, dans lesquels on retrouve énormément
02:58d'élus locaux qui ont une double casquette parce qu'ils sont agriculteurs, fils d'agriculteurs,
03:04retraités agricoles...
03:05Ils ont été élus démocratiquement, on ne peut pas leur reprocher ?
03:07Alors non, par contre, on peut questionner tous les conflits d'intérêts liés à ces
03:12situations-là.
03:13Or, aujourd'hui, il n'y a aucun encadrement qui existe, ce qui veut dire que quelqu'un
03:17dans ces commissions locales de l'eau qui est agriculteur irriguant, qu'il soit élu
03:23ou non, il peut très bien se retrouver à participer à des débats et délibérer sur
03:28des décisions qui vont le concerner directement, y compris sur des projets de mégabassines
03:33dont il pourrait être bénéficiaire.
03:35Et c'est en cela que vous dites que l'État est complice ?
03:36Ça, c'est via le rôle des préfets ?
03:39Via le rôle des préfets.
03:41La complicité de l'État, elle se retrouve à plusieurs niveaux.
03:43Déjà, via le rôle des préfets.
03:44On en a parlé juste avant sur la composition de ces instances.
03:47Ça veut dire que les préfets sont poreux à cette pression des lobbies agricoles ?
03:50Ils sont en effet très poreux.
03:51Ce qu'on constate quand même, c'est qu'une mission essentielle pour le préfet, c'est
03:55le maintien de la paix sociale.
03:56Et donc, de fait, certains préfets vont préférer une forme d'acquaintance avec la FNSA et la
04:03coordination urale, plutôt que de se lancer dans un bras de fer avec eux.
04:07Et donc, on constate que, oui, certains préfets vont défendre bec et ongle le maintien d'une
04:14irrigation intensive.
04:15Il y a un cas qui est extrêmement parlant, c'est le cas de l'ancien préfet de la Vienne,
04:19Jean-Marie Girier, qui a vraiment été meneur d'une fronde contre une étude scientifique
04:27qui pourtant a été menée par un établissement public.
04:29Je vous repose la question parce que l'État complice, c'est fort quand même comme accusation.
04:33Alors, c'est fort, mais ce n'est pas le seul niveau, l'échelle des préfets.
04:39La conséquence directe de ces préfets, qui pour certains sont aux ordres d'une agro-industrie,
04:45c'est qu'à côté de ça, les services de l'État, qui sont censés représenter l'environnement,
04:51se retrouvent très silencieux dans ces instances locales de gouvernance.
04:55Mais ça vient aussi répondre à cette actualité qu'on voit autour de l'Office français de
04:59la biodiversité et la manière dont le gouvernement ne les soutient pas, au final.
05:04Mais il y a quelque chose d'illégal dans ce que vous dénoncez ?
05:07On est sur la morale ou sur l'illégalité ?
05:10Les deux.
05:11Si je reviens sur l'échelle des commissions locales de l'eau, il y a probablement certains
05:17cas où on pourrait retrouver des choses qui s'apparentent à des prises illégales d'intérêt.
05:22Mais ce n'est pas avéré.
05:24Nous, on n'est pas allé jusque-là, à ce stade, dans le rapport, mais c'est quelque
05:28chose qu'on pourrait creuser par la suite.
05:32Au-delà de ça, il y a quelque chose de profondément immoral dans l'effet de se retrouver dans
05:36une situation ou un endroit qui est censé être très démocratique avec un fonctionnement
05:41de parlement.
05:42Et c'est ce qui fait la force du modèle de gestion de loi à la française se retrouve
05:46complètement dévoyée de son but initial parce qu'un groupe d'acteurs est largement
05:50surreprésenté.
05:51On le voit aussi quand on calcule les temps de parole des différents groupes d'acteurs
05:54dans ces instances.
05:55Mais dans votre rapport, vous faites aussi des recommandations, laquelle est la plus
05:59importante à vos yeux ?
06:00Pour justement faire en sorte qu'il n'y ait plus cet état de fait ?
06:03Alors il y a évidemment l'encadrement des conflits d'intérêts, du risque de conflit
06:08d'intérêts dont on a parlé précédemment.
06:10L'autre aspect, c'est sur le rôle des préfets.
06:13Il y a des choses à faire aussi pour donner aux enjeux écologiques une place beaucoup
06:19plus importante dans la mission d'intérêt général des préfets.
06:22Ça passe par un pilotage et une évaluation des préfets qui se ferait de manière conjointe
06:26avec d'autres ministères et en particulier le ministère de l'Environnement.
06:29Qui ne dépendent pas que du ministère de l'Intérieur ?
06:30Exactement.
06:31Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
06:32C'est quasiment uniquement le ministère de l'Intérieur qui s'occupe de cette évaluation-là.
06:35Il y a aussi quelque chose à faire pour renforcer la formation obligatoire des préfets aux
06:38enjeux environnementaux.
06:39Aujourd'hui, elle est très faible, c'est que trois demi-journées.
06:41« Démocratie à sec », c'est le nom du rapport que vous avez dévoilé ce matin
06:46sur France Inter.
06:47Suzanne Dalle, merci beaucoup.
06:48Chargée de campagne agriculture au sein de Greenpeace.

Recommandations