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Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, était l'invité de Benjamin Duhamel dans "Tous le monde veut savoir".

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00:00– Bonsoir Sébastien Lecornu. – Bonsoir, merci pour votre invitation.
00:02– Ministre des Armées, merci d'être avec nous ce soir dans Tout le monde veut savoir
00:05et d'avoir réservé à ABFM TV votre première interview
00:09après ce coup de teneur diplomatique, un échange téléphonique d'une heure et demie
00:13entre le président américain Donald Trump et Vladimir Poutine
00:16et des négociations en vue de mettre fin à la guerre en Ukraine.
00:19Écoutez Donald Trump.
00:21– Nous avons eu un super appel, ça a duré un moment, plus d'une heure ce matin.
00:27J'ai aussi eu au téléphone le président Zelensky après cela
00:31et je pense que nous sommes sur le bon chemin pour obtenir la paix.
00:37– Voilà, les deux hommes ont prévu de se rencontrer,
00:40vraisemblablement en Arabie Saoudite.
00:42Sébastien Lecornu, ça y est, la Russie redevient un interlocuteur pour les États-Unis,
00:47les États-Unis sont en train de lâcher l'Ukraine.
00:50– Ce n'est pas un moment si surprenant,
00:52si on essaie de le reconnecter à la séquence,
00:55échanges en marge de la roue de Notre-Dame de Paris
00:58avec le président Zelensky, le président Trump,
01:01des déclarations pendant la campagne américaine
01:04et j'y reviendrai, des positions de fonds
01:05qui contrairement à ce que l'on pourrait penser
01:07ne sont pas tellement différentes de celles de l'administration démocrate.
01:09– Sont plutôt les mêmes sur la question de l'OTAN, on en parlera notamment.
01:12– Je pense que pour être expliqué,
01:14on reviendra après à nos intérêts et ce que nous allons faire,
01:16il faut bien comprendre que la seule obsession de Washington en ce moment,
01:19c'est la Chine, Groenland, Panama, le réarmement de l'Europe par les Européens
01:24pour pouvoir mieux se consacrer au Pacifique Nord.
01:27Et donc la question de la Russie est vue par l'administration de Trump
01:32comme étant un des moyens de la détacher de la Chine.
01:34Et clairement ça a été exprimé pendant deux jours
01:36à la ministérielle défense de l'OTAN,
01:38où le nouveau secrétaire d'État à la défense américain
01:42est venu porter ce message très directement,
01:44avec un sens assez direct dans la manière de communiquer,
01:47qui tranche un peu avec son prédécesseur, c'est le moins que l'on puisse dire,
01:49mais en disant au fond, notre seule priorité c'est la Chine
01:53et il va même plus loin, il nous dit,
01:55nous ne pouvons pas nous permettre de gérer deux conflits en même temps,
01:58avec d'ailleurs quelque chose qui doit nous interpeller
02:00et nous inquiéter aussi éventuellement sur une escalade dans le Pacifique Nord.
02:04Ce qui est surprenant en revanche, c'est que beaucoup de cartes
02:08que nous pourrions avoir dans la manche pour négocier,
02:10parce que la France n'a jamais été opposée à la négociation,
02:13dès lors qu'elle se fait sur la base des paramètres
02:15que les Ukrainiens mettent sur la table, on peut y revenir,
02:17de nos propres intérêts de sécurité, on n'est pas des enfants de cœur non plus,
02:19et on pense évidemment au jour d'après,
02:22c'est de s'assurer que cette négociation se fasse bien
02:24dans un rapport de force qui soit respectueux.
02:26– Ce qui semble-t-il n'est pas tout à fait le cas,
02:28dans la mesure, c'est le corps nu, où Donald Trump, le président américain,
02:31rentre dans la négociation en disant, l'Ukraine dans l'OTAN, non,
02:36et un retour à la situation avant 2014, c'est-à-dire avant l'annexion de la Crimée, non plus.
02:41Ce qui fait dire à votre homologue allemand, Boris Pistorius,
02:44qu'il était regrettable que Donald Trump ait fait ce type de concession
02:48avant même d'entrer en négociation.
02:49– Oui, alors l'affaire est encore plus compliquée,
02:50parce que le fait que l'Ukraine ne rentre pas dans l'OTAN
02:52était quelque chose aussi que le président Biden disait à demi-mot.
02:55– C'est vrai.
02:56– Et d'ailleurs, pour être proche de Boris Pistorius,
02:58vous savez aussi que l'administration allemande, le chancelier Scholz,
03:01n'est pas particulièrement favorable au fait que l'Ukraine rentre dans l'OTAN.
03:04La nouveauté, c'est au moment où le président Trump dit,
03:08il faut négocier, il faut imposer la paix par la force,
03:11notre inquiétude à nous Paris, c'est qu'en fait,
03:13cette force ne soit que faiblesse à la fin.
03:15Et pour quelles raisons ?
03:16Parce que déjà, on a la première expérience du premier mandat du président Trump,
03:20de ne pas faire offense à l'administration américaine,
03:22que de dire que tout ce qu'elle a essayé n'a pas fonctionné.
03:25La Corée du Nord ne devait pas être une puissance nucléaire,
03:29on connaît la suite, il y a de cela quelques années,
03:31l'Iran était à plusieurs mois voire années du seuil d'enrichissement,
03:35aujourd'hui on parle de quelques semaines.
03:36Et puis pardon, on sait tous que la décision américaine
03:40de se désengager d'Afghanistan a envoyé un signal de faiblesse.
03:43Est-ce que nous les Européens,
03:44on a rappelé à l'administration américaine deux jours durant,
03:47c'est de dire, négociation, très bien,
03:50rapport de force, c'est une évidence.
03:52Paramètres de long terme pour l'Ukraine comme pour nous,
03:55oui, c'est ce que le président Macron dit depuis le sommet
03:58que nous avions fait à Paris l'année dernière en février,
04:00on ne réinvente pas les paramètres et certainement pas du côté français.
04:03Mais là au fond, c'est effectivement ce qui peut nous inquiéter,
04:06c'est qu'à la fin, l'administration américaine sait tout.
04:09Alors après, il y a quand même des éléments qui doivent nous rassurer,
04:11puisque la communication ne dit pas.
04:14Les armes américaines continuent d'être livrées à l'Ukraine,
04:16ce qui est à court terme, Benjamin Duhamel,
04:18la seule chose qui compte, parce que c'est la situation tactique militaire
04:21qui permettra aussi d'avoir une manœuvre politique et diplomatique.
04:24On va rentrer dans le détail, et c'est important ce que vous dites,
04:26sur au fond l'état du rapport de force entre les États-Unis et la Russie.
04:30Mais d'abord, d'un point de vue symbolique, ce qui a frappé tout le monde,
04:33c'est qu'on avait Vladimir Poutine qui, jusque-là,
04:36était un paria de la communauté internationale,
04:38qui en quelque sorte est quasiment réhabilité devant la caméra
04:41avec un président américain qui dit qu'il l'a eu au téléphone pendant une heure et demie.
04:44Le président américain qui, une fois ce coup de fil terminé,
04:47appelle le président ukrainien, est-ce que ce n'est pas une forme de trahison
04:52du soutien des Occidentaux vis-à-vis de l'Ukraine,
04:55quand on a un président américain qui dit même,
04:57oui, on va se rencontrer et on sait mutuellement inviter l'un l'autre pour se voir ?
05:01Pardon, je vais être cru, je ne suis pas mis à faire l'étrangère,
05:04donc je peux être encore un peu plus cru dans le langage,
05:06on n'est pas des enfants de cœur.
05:07Pour négocier, il faut parler avec tout le monde,
05:09et à un moment donné, on savait que ce contact existerait.
05:12Et si je le fais en miroir, pardon, mais c'est ce qui a été aussi reproché
05:14au président Macron qui, je vous le rappelle, en 2022-2023,
05:18a entretenu la ligne avec le président Poutine jusqu'au bout,
05:20parce qu'on a cherché, jusqu'à la dernière minute,
05:23à éviter ce qui s'est passé depuis en Ukraine,
05:26sans oublier évidemment les risques d'escalade nucléaire,
05:28on se rappelle de ces téléphones rouges dans les films de la guerre froide,
05:31et donc évidemment, ça existe dans la réalité,
05:33une puissance nucléaire comme la France se doit de discuter avec la Russie.
05:36Non, ce n'est pas d'aller s'asseoir à la table d'une discussion
05:40qui est un acte de faiblesse, ça pour le coup,
05:42ça serait idiot en termes de paramètres de sécurité.
05:44La question, c'est qu'est-ce que l'on met sur la table ?
05:46Et c'est vrai que le ministre allemand dit,
05:48le président américain est allé vite en besogne en disant,
05:51il n'y aura pas de troupes américaines en Ukraine,
05:54il n'y aura pas d'adhésion à l'OTAN,
05:56et puis les différentes, comment dire, aublastes
06:00qui ont été conquis militairement par la Russie.
06:03Bon, donc ça nous appelle à poser une question,
06:06c'est ce que j'ai fait cet après-midi et pendant deux jours
06:09de discussions et de négociations approfondies à Bruxelles,
06:11c'est, vous avez quoi dans votre manche ?
06:12Quels sont les paramètres de discussion ?
06:14Ça pose, après, d'autres sous-séries de questions qui sont complexes,
06:19les céréales, la sécurité de la mer Noire,
06:21le retour des enfants ukrainiens,
06:22évidemment, la question du statut de l'Ukraine,
06:25est-ce qu'on va vers quelque chose qui serait terrible,
06:28c'est-à-dire un statut complètement neutre,
06:30alors là, ça serait la proie facile pour la reprise des combats,
06:32et j'insiste, un cessez-le-feu bâclé,
06:35c'est potentiellement le retour d'une guerre plus importante
06:39et qui peut nous concerner à moyen et long terme,
06:41donc c'est pour ça aussi que nous mobilisons,
06:43avec le ministre des Affaires étrangères,
06:44sous l'autorité du Président de la République,
06:45parce qu'il n'est pas question de se faire avoir.
06:48Et dernier point très important,
06:49le temps politico-médiatique de démocratie européenne,
06:53et même américaine,
06:54ne sera évidemment pas celui du temps de Moussou,
06:58et aujourd'hui, sur le terrain tactique,
07:00c'est-à-dire sur la ligne de front,
07:01vous avez une pression russe qui est lente,
07:03entre 50 et 100 kilomètres carrés qui sont grignotés,
07:06pression lente aussi dans le Blast de Koursk,
07:09vous savez, c'est cette région russe
07:11dans laquelle les Ukrainiens ont mené une offensive,
07:13et nous avons suffisamment pratiqué le Président Poutine
07:17et ses émissaires dans un autre temps et sur d'autres registres,
07:21pour savoir aussi qu'il est capable de jouer avec la pelote de laine
07:24et de faire durer le temps.
07:25Et c'est ce que nous avons dit aux Américains,
07:27pas de naïveté, parce que le président Trump apparaît fort,
07:30mais il ne faut pas être faible à la fin.
07:32– Il y a le langage diplomatique,
07:34vous considérez qu'il y a un risque que dans cette négociation,
07:37à la fin, Donald Trump se fasse avoir que Vladimir Poutine
07:40soit celui qui sorte gagnant de ce type de pourparlers, de négociations ?
07:44– Nous verrons.
07:45Moi, vous savez, je ne suis ni dans la Trump-mania,
07:47parce qu'on a bien vu quand même à Paris que depuis son élection,
07:49plein de gens s'en ébobient et semblent le découvrir,
07:51alors qu'on l'a déjà vraiment pratiqué pendant 4 ans,
07:54et très respectueux du choix du peuple américain.
07:57On travaille avec l'administration que le peuple américain a choisi,
08:01et d'ailleurs il faut que les Américains travaillent
08:02avec le Président de la République et le gouvernement que les Français ont choisi,
08:04c'est comme ça que ça fonctionne dans une alliance démocratique.
08:07Je dis juste qu'on voit où on en est en Iran,
08:10je dis juste où on en est en Afghanistan,
08:12et je dis juste où on en est en Corée du Nord.
08:14Autant de sujets de sécurité qui nous concernent directement.
08:17Imaginez demain, cessez le feu, Baclay, situation sécuritaire instable,
08:22menaces hybrides qui continuent de peser sur l'Europe,
08:24voire directement sur la France,
08:26tentative de déstabilisation de la Moldavie,
08:28tentative de déstabilisation d'intérêts français en Afrique,
08:31qui sont des sujets aujourd'hui qui peuvent exister,
08:33mais qui sont minimes et résiduels.
08:34Non, demain, il y a des scénarios de sécurité
08:36qui doivent nous amener à la plus grande délucidité.
08:39Pas de faiblesse, ne pas être escalatoire, mais pas de naïveté non plus.
08:42Des sujets qui concernent directement Sébastien Lecornu, la France et l'Europe.
08:45Problème, dans cette ébauche de discussions de négociations,
08:50la France, l'Europe semblent absentes.
08:54Vous êtes quoi, la sorte de cinquième roue du carrosse
08:57destinée à jouer les seconds rôles, puisque Vladimir Poutine dit
09:00« je ne veux pas discuter avec les pays européens »,
09:02Donald Trump ne semble pas en faire grand cas non plus.
09:05Comment est-ce que vous pesez, vous, là-dedans ?
09:07France et Grande-Bretagne ne sont pas logées à la même enseigne que les autres.
09:10On est une somme des puissances nucléaires.
09:12Vous avez été consulter le président de la République.
09:14On savait que Donald Trump allait échanger avec Vladimir Poutine.
09:19Où est-ce que le sommet informel a eu lieu entre le président Trump
09:21et le président Zelensky ? À Paris.
09:22Enfin, nous ne faisons pas violence.
09:24On a des raisons d'être inquiets parfois pour notre pays.
09:26Il y a des choses qui ne vont pas bien.
09:27On décline sur certains aspects.
09:28Il y a des choses sur lesquelles on se porte bien.
09:29Notre crédibilité militaire, notre crédibilité diplomatique, elle est là.
09:33Mais là, l'Europe est exclue des négociations en l'état.
09:35Non, mais l'Europe, pardon, là, on revient aussi à des schémas différents.
09:39L'Europe comme entité politique, oui.
09:41Mais en même temps, ça va être un sujet qui va se traiter
09:43soit en format OTAN, soit de manière aussi multilatérale.
09:46Si votre question, c'est est-ce que la France est mise de côté
09:49sur les discussions du moment, la réponse est non.
09:51Est-ce qu'en revanche, beaucoup de capitales européennes
09:54se sentent non seulement délaissées, mais surtout, pardon, inquiètes
09:58parce que leur sécurité a été déléguée historiquement
10:01depuis la fin de la guerre froide à Washington par appui nucléaire américain,
10:05achat de matériel militaire américain.
10:08La réponse est oui et ça va même au-delà.
10:10Et ça veut dire que le corps nucléaire de la France...
10:11Vous avez des opinions publiques.
10:13Je vais y venir si vous voulez.
10:14Je vais contaminer sur votre question précédente.
10:15Vous avez des opinions publiques qui, aujourd'hui, dans les pays baltes,
10:19en Pologne, dans les pays du nord de l'Europe,
10:22pour ne pas entendre ce qui a été dit sur le Groenland.
10:25Imaginez la situation de la vie politique au Danemark au moment où j'en parle.
10:28Vous avez des opinions publiques qui ont peur.
10:30Les gens qui nous regardent ce soir sont inquiets.
10:33On voit bien que ce monde est déréglé.
10:34Enfin, on est une vieille puissance nucléaire.
10:36On est d'ailleurs le 13 février 1960, la première bombe nucléaire explosée au Sahara.
10:42C'est les premiers essais nucléaires français.
10:44De fait, on n'a pas les mêmes moyens de protection et de défense,
10:47y compris parce qu'on se réarme depuis 2017.
10:50Après, oui, la France, évidemment, est dans les discussions.
10:54Pas les discussions, là, les coups de téléphone.
10:56Ça aussi, c'est de la communication.
10:58Donc on peut imaginer, par exemple, un sommet, Etats-Unis, Russie,
11:02Notre-Dame, France...
11:03On n'en est pas là.
11:05Quand je vous dis que le temps médiatique sera différent du temps stratégique,
11:07c'est une évidence.
11:09Ce qui se passe en ce moment, le fait générateur,
11:11c'est la rencontre à Paris, lors de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame.
11:15Après, ce qui va être mis sur la table, non seulement par les Etats-Unis,
11:19mais aussi par Moscou, mais aussi par l'Ukraine,
11:21et pardon, mais par nous,
11:23quels sont les éléments de garantie de sécurité
11:25que nous sommes prêts à mettre sur la table
11:27pour réassurer, non seulement l'Ukraine,
11:30mais aussi le flanc oriental de notre Europe, de l'OTAN,
11:33la sécurité en mer Noire, et les éléments plus bilatéraux,
11:36je parlais de la Moldavie, avec l'enjeu de la Transnistrie.
11:38Mais vous dites, Sébastien Lecornu, on sera dans ces négociations.
11:41Alors que les Etats-Unis, eux, donc, effectivement,
11:43avancent ses positions sur la question de l'OTAN,
11:46sur la question de la souveraineté territoriale de l'Ukraine,
11:48quelles seront, c'est une expression qui a fleuri,
11:51notamment dans les débats politiques nationaux,
11:52les lignes rouges de la France ?
11:54Est-ce que la France continuera à dire
11:56la perspective de l'Ukraine, à échéance, horizon, 5 ans, 10 ans,
12:00c'est d'intégrer l'OTAN ?
12:01Est-ce qu'imaginer que l'Ukraine perde la Crimée,
12:04c'est une ligne rouge pour la France ?
12:06Quelles seront ces positions françaises ?
12:08Ce que, justement, le président de la République
12:10a réussi à faire dans notre diplomatie,
12:12c'est qu'on arrête de mettre des lignes rouges systématiquement,
12:14parce qu'au moyen et long cours, on n'avance plus.
12:15Après, on a des vraies lignes rouges,
12:17je ne veux pas forcément les donner sur ce plateau,
12:19mais elles concernent, évidemment, notre propre sécurité.
12:22Ce qu'on joue, ce n'est pas que la sécurité de l'Ukraine,
12:24c'est la nôtre aussi, à moyen et long terme.
12:28À vrai dire, c'est vraiment l'intérêt de l'administration américaine
12:31que de mettre les Européens, à un moment donné, autour de la table.
12:33Tout simplement parce que, j'insiste,
12:36nous sous-estimons tous dans les élites françaises, singulièrement,
12:40le pivot déterminé et quasiment irréversible
12:44des États-Unis d'Amérique vers la question chinoise.
12:47Et donc, à un moment donné, c'est tout le débat sur 2%, 3%, 4%, 5%,
12:51de notre produit intérieur brut pour la défense.
12:54Il y a deux idées, d'ailleurs, qui se chevauchent à Washington.
12:58Celle qui dit, bon, puisqu'on paye pour les Européens,
13:00pas pour la France, nous, on est complètement autonomes,
13:02je pourrais y revenir aussi,
13:03mais puisqu'on paye la sécurité des Européens,
13:05ils vont nous acheter plus d'armes.
13:07Puis, une autre école à Washington,
13:08notamment dans l'entourage du président Trump,
13:10qui est encore plus radicale, mais plus sincère à certains égards.
13:12Non, non, mais la Russie, c'est l'affaire des Européens,
13:16nous, on va s'occuper de la Chine.
13:18C'est comme ça que ça a encore été dit au déjeuner de ce midi de travail,
13:20devant, d'ailleurs, le ministre de la Défense d'Ukraine.
13:22Dans un instant, je vous poserai une question
13:24sur le soutien, aujourd'hui, de la France à l'Ukraine dans ce contexte,
13:27mais je reviens sur cette expression que vous dites,
13:28attention à un cessez-le-feu bâclé.
13:31Parce qu'effectivement, la question qui se pose,
13:33et qui revient à parler, effectivement,
13:35de l'état du rapport de force entre les États-Unis et la Russie,
13:37si Vladimir Poutine obtient que l'Ukraine ne rentre pas dans l'OTAN,
13:41si Vladimir Poutine obtient de récupérer des territoires
13:44qui étaient des territoires ukrainiens,
13:46qu'est-ce qui nous dit que, dans les mois, dans les années à venir,
13:49Vladimir Poutine ne continuera pas à s'en prendre à des pays frontaliers,
13:52pourquoi pas même à des pays un peu plus loin en Europe ?
13:53C'est tous les paramètres du débat.
13:54C'est-à-dire qu'il y a ce qui est acquis,
13:56ou en tout cas qui apparaît comme étant déjà acquis sur les conquêtes territoriales,
13:59et le vrai risque, c'est d'avoir une tentative de déstabilisation d'autres pays,
14:03ou que ça redémarre à court ou moyen terme,
14:05ou, parce que malheureusement, aujourd'hui, on peut être défait
14:07sans être envahi, conventionnellement, classiquement,
14:11avoir d'autres menaces.
14:12Vous voyez ces flottes fantômes russes
14:15qui croisent dans les différentes mers pour contourner les sanctions.
14:18Vous voyez aussi les atteintes sur les câbles sous-marins,
14:21sur les pipelines.
14:23On voit bien nos dépendances énergétiques,
14:24c'est quand même un talon d'Achille de nos économies européennes.
14:28Oui, il y a d'autres moyens de faire mal à l'Europe.
14:30Et donc, en fait, une fois de plus,
14:32c'est pas la paix, c'est fondamental,
14:33y compris pour des raisons éminemment humanistes.
14:35Enfin, derrière, la vraie paix,
14:36c'est celle qui fait que ça ne recommence pas sous une forme...
14:39Mais ce cessez-le-feu, est-ce que c'est une perspective réaliste ?
14:42Est-ce qu'on peut croire Vladimir Poutine
14:45quand il accepte d'envisager la possibilité d'un cessez-le-feu ?
14:48Je pense qu'on revient à la notion de temps.
14:51Je pense que tout le monde s'est dit, ça y est,
14:52les coups de téléphone démarrent,
14:54les armes vont se taire la semaine prochaine.
14:55Je pense qu'on va vers une gestion du temps
14:58qui sera radicalement différente entre Washington et Moscou.
15:01C'est un des éléments sur lesquels j'ai alerté mon homologue encore aujourd'hui.
15:04Et ça vous concerne directement,
15:05puisque sur la question de ce cessez-le-feu,
15:06votre homologue américain dit,
15:08attention, il n'y aura jamais de troupes américaines.
15:11Dans le cadre éventuellement d'un maintien du cessez-le-feu,
15:13ce seraient des troupes européennes.
15:15Ça veut dire que si cessez-le-feu, il y a des militaires français,
15:17sous votre autorité donc et sous celle du Président de la République,
15:20iront en Ukraine pour s'assurer de la bonne exécution d'un cessez-le-feu ?
15:24Vous voyez, on n'en est pas là du tout.
15:25Ce sont les termes de l'administration américaine.
15:28Sauf que c'est les troupes françaises.
15:29Ce n'est pas le candidat à la défense américain
15:31qui décide pour les troupes françaises.
15:32Il y a le Parlement aussi français, on est une démocratie.
15:35Non, après, ça dépend des paramètres de la discussion.
15:37Mais d'ailleurs, ça va plutôt dans le sens du fait que les Européens
15:40seront plutôt à la fin quand même toujours autour de la table
15:42des discussions d'une manière ou d'une autre.
15:43Mais c'est une possibilité,
15:44encore une fois pour les Français qui nous regardent ce soir,
15:46d'imaginer des soldats français.
15:47Mais c'est pas du tout un élément de discussion là où je vous parle.
15:51La réalité, c'est que vous avez d'autres questions qui sont plus urgentes.
15:53L'aide américaine militaire qui doit continuer d'être livrée.
15:57Notre propre aide qui doit se poursuivre.
15:59Vous avez vu qu'on a livré récemment les Mirages 2000.
16:02Et on a surtout un enjeu majeur qui est la question du réarmement de l'Ukraine.
16:06Même lorsque les armes se tairont, les partenariats industriels,
16:09la capacité justement à faire en sorte que l'armée ukrainienne
16:12soit suffisamment forte et dissuasive par elle-même
16:15est la première des garanties de sécurité.
16:17Est-ce qu'il faut intensifier ce soutien à l'Ukraine ?
16:19Puisque là encore, la question que peuvent se poser ceux qui nous regardent,
16:21c'est de se dire, si le soutien européen à l'Ukraine avait été plus important
16:25depuis le déclenchement de la guerre le 24 février 2022,
16:27peut-être ne serions-nous pas ce soir à parler de la dépendance
16:31à la façon dont l'administration américaine se comporte.
16:34Oui, c'est facile à dire.
16:35Si on n'avait aussi peut-être pas écouté toutes celles et ceux
16:38qui, y compris sur ces plateaux, expliquaient que Vladimir Poutine
16:40mettait des centaines de milliers d'hommes à la frontière avec l'Ukraine
16:43uniquement pour un entraînement,
16:45peut-être aussi que les opinions publiques n'auraient pas...
16:46Emmanuel Macron, semble-t-il, n'était pas celui qui était le plus convaincu
16:49dans la possibilité d'une attaque imminente.
16:52Non, ce n'est pas vrai.
16:53Je crois qu'au contraire, il est particulièrement lucide
16:55sur le rapport débridé que les Russes,
16:59j'allais dire les soviétiques, fait chalepsus,
17:00les Russes ont un rapport avec la force.
17:03Non, je crois que la question de notre aide doit se transformer.
17:06Vous voyez, on a réussi un petit succès quand même
17:09avec les différentes diplomaties européennes.
17:11C'est à mobiliser le produit des avoirs gelés russes,
17:14c'est-à-dire en fait, cette richesse-là,
17:16d'arriver à la flécher sur les acquisitions de défense,
17:19ce qui soulage le contribut français de manière importante.
17:22On parle de plusieurs centaines de millions d'euros.
17:24Cet argent-là, de plus en plus, on va l'utiliser
17:26pour permettre à des entreprises, des industries militaires françaises
17:30de s'installer en partenariat avec des industries en Ukraine
17:32pour produire sur place.
17:34Ça, typiquement, c'est un des éléments de garantie de sécurité.
17:37Mais vous voyez bien comment la Russie pourrait dire
17:38non, dans cette discussion-là, nous, on ne veut pas
17:41que les entreprises occidentales françaises viennent s'installer en Ukraine
17:44parce qu'on veut une Ukraine neutre, un peu comme jadis,
17:47on a pu discuter du format de l'armée chrétienne.
17:50Mais donc, vous ne dites pas Sébastien Lecornu,
17:51on va accentuer ce soutien dans les mois à venir
17:54pour que l'Ukraine puisse arriver, au fond, si d'aventure,
17:56ils arrivent à la table des négociations
17:57dans une position la plus favorable.
17:58Mais accentuer, en matière militaire, tout ne se vaut pas.
18:02Un missile complexe ne vaut pas un obus de 155 mm
18:05qui ne vaut pas une plateforme de chasse comme le Mirage 2000.
18:09Vous voyez bien qu'avec la livraison des Mirage 2000,
18:11on continue d'être sur un agenda d'aide qui est soutenable,
18:14qui permet aussi de se reposer sur nos propres forces
18:17parce que comme on se réarme beaucoup avec notre programmation militaire,
18:19on se réarme pour nos propres besoins,
18:21comme on fait bientôt le tout-rafale,
18:23ça nous autorise à prendre quelques risques sur les Mirage 2000.
18:26Pareil pour les vieux matériaux de l'armée de terre,
18:27mais qui sont en état de fonctionnement, j'insiste,
18:29ils partent progressivement en Ukraine.
18:31Donc, notre propre réarmement permet aussi
18:34de continuer d'aider l'Ukraine dans la durée.
18:35– Un point très précis encore, avant de parler de diplomatie plus large
18:39et de la question de la Syrie,
18:41est-ce que Vladimir Poutine redevient un interlocuteur fréquentable ?
18:45– Fréquentable, c'est…
18:45– Président des États-Unis, il est au téléphone pendant une heure et demie,
18:47est-ce qu'il faut s'attendre à ce que, par exemple,
18:49Emmanuel Macron reprenne le contact avec Vladimir Poutine ?
18:52– Fréquentable moralement, la réponse est non.
18:54Après, est-ce qu'il le faut pour nos intérêts de sécurité ?
18:57La réponse est oui.
18:58– Donc, il faut reprendre contact avec Vladimir Poutine ?
19:00Non mais, je crois qu'il n'y a plus de coups de téléphone
19:01entre le président français et Vladimir Poutine depuis…
19:04– Vous savez, au lendemain de l'attentat du Crocus City Hall,
19:07vous vous rappelez, un attentat terrible à Moscou,
19:09j'avais appelé mon homologue de l'époque russe, Sergei Shoigu,
19:13puisqu'il se trouve que nos services avaient des informations très précises
19:16sur les auteurs de cet attentat.
19:17Le président de la République m'avait demandé de le faire.
19:19Je m'étais là aussi pris pas mal de remarques en disant
19:21c'est scandaleux, moralement, il ne faut pas leur parler.
19:23Nous, on a voulu acter, à quelques mois avant les Jeux Olympiques,
19:26où la question de la lutte contre le terrorisme est clé, encore aujourd'hui,
19:30on a voulu bien acter le fait qu'on ne gardait pas pour nous
19:32des informations qui étaient importantes dans la lutte anti-terror,
19:35et donc nous l'avions acté par ce coup de téléphone.
19:37Je ne fais pas de morale en disant ça, je sais qu'on va me le reprocher,
19:41je suis là avant tout pour défendre la sécurité des Françaises et des Français,
19:44et c'est ce que le président de la République souhaite que nous fassions.
19:46– Dans ce contexte de, je ne sais pas si on peut dire,
19:49de montée des périls, puisque c'est une expression connotée,
19:51mais en tout cas d'inquiétude dans tous les espaces de conflit,
19:56est-ce que vous, comme ministre des Armées,
19:57vous vous dites, là encore, à ceux qui nous regardent,
19:59et notamment dans le cadre d'un contexte budgétaire de plus en plus serré,
20:02il va falloir aller plus vite, il va falloir dépenser plus d'argent,
20:04il va falloir se réarmer plus rapidement et donc aussi faire des sacrifices,
20:09puisque mettre plus d'argent, plus de budget sur les armées,
20:12c'est nécessairement mettre moins à d'autres endroits.
20:13– On a une chance et un défi, une faiblesse, on va voir,
20:16la chance c'est qu'on a commencé à se réarmer depuis 2017,
20:19on aura doublé le budget des armées depuis l'élection du président,
20:21et avant même la guerre en Ukraine, donc on ne part pas de rien,
20:24on a une enveloppe inédite, 413 milliards d'euros entre 2024 et 2030,
20:29tout ça est considérable, on tourne vraiment la page
20:31des années de dividendes de la paix.
20:33Le défi qui ne doit pas se transformer en faiblesse,
20:35c'est le rythme avec lequel effectivement il va falloir le faire.
20:37En seulement un an et demi, vous voyez à quel point
20:41tout s'est transformé avec énormément de brutalité,
20:44les perspectives de conflits d'un autre nature,
20:47les perspectives de globalisation des conflits,
20:49l'arrivée de soldats nord-coréens sur la ligne de front en Ukraine…
20:52Il faut se préparer à une guerre conventionnelle sur le territoire européen,
20:55je me souviens des propos des chefs de renseignement allemands
20:58qui disaient avant même 2030, la perspective d'une guerre
21:02entre les pays de l'OTAN et la Russie n'est pas improbable.
21:04A court terme, je n'y crois pas, au sens où vous voyez déjà bien
21:06que la Russie a des difficultés conventionnelles énormes en Ukraine,
21:09c'est bien la raison pour laquelle il ne faut lui faire aucun cadeau
21:12pour ne pas justement venir créer d'autres difficultés.
21:15La difficulté, si vous voulez, c'est que la Russie réinvente la guerre,
21:19et notamment dans des espaces nouveaux, informationnels,
21:22guerres sous-marines, imaginez les approches du port du Havre
21:25ou de Marseille demain, piégées, une forme de terrorisme hybride d'État.
21:29Le spatial, nous ne sommes pas à l'abri de voir des programmes
21:32de nouvelles générations apparaître avec énormément de violence.
21:37Et ça, cette réinvention de la guerre, cette dérégulation complète,
21:40y compris en matière de prolifération nucléaire,
21:42y compris tous les traités qui avaient été imaginés pendant la guerre froide
21:46pour limiter justement les choses sur les portées, etc.,
21:49sont en train d'être remis en cause.
21:51Donc oui, on va dans un moment qui est très difficile.
21:53Je pense, le président de la République l'a dit lors de ses voeux aux armées,
21:55c'est passé un peu inaperçu en disant
21:58est-ce qu'au fond, notre armement est suffisant ?
22:00Il a posé la question, c'est qu'il a commencé à y répondre.
22:03Et je pense qu'effectivement, nous devons accélérer.
22:05Vous voyez, le nombre de nos frégates, 15, je pense que c'est un peu juste.
22:10On est sur une trame pour nos avions de chasse à plus de 200,
22:14il en manque probablement une trentaine.
22:15Donc je pense qu'il y a des corrections à apporter le moment venu.
22:19Après, ça impose des choix politiques,
22:21parce que par définition, c'est plus d'argent, plus d'argent public.
22:23C'est donc aussi faire des choix pour le budget de la nation.
22:26Et ça, ça ne dépend pas que du ministre et du président.
22:28Ça emporte aussi les différentes formations politiques.
22:30Et pardon, puisque vous êtes un journaliste politique,
22:32la future élection présidentielle,
22:34parce que 2027 devra aussi être un moment
22:36dans lequel les Français devront trancher
22:38à qui ils donnent notre dissuasion nucléaire,
22:41et donc la doctrine qui va avec,
22:42et à qui ils confient leur armement du pays,
22:44parce que l'affaire ne va pas s'arrêter en 2027.
22:46Ce n'est pas une parenthèse que nous vivons,
22:48c'est quelque chose qui est beaucoup plus profond.
22:50La rupture, elle est stratégique, elle est durable.
22:52Et on va parler de 2027 dans un instant.
22:54Je voulais juste vous entendre sur ce qui est arrivé aujourd'hui à Munich.
22:56L'Allemagne qui a été frappée par une attaque à la voiture Bélier,
23:00qui ressemble, ce sont les mots des dirigeants allemands,
23:02à une attaque terroriste.
23:03Emmanuel Macron qui a réagi en exprimant, je cite,
23:07sa pleine solidarité envers les victimes d'une attaque terrible.
23:09C'est une preuve supplémentaire que l'Europe doit se préparer
23:13au retour d'attaques de ce type.
23:18– Un retour, on ne l'a jamais quitté malheureusement.
23:19– C'est vrai, mais il y avait sans doute à un moment donné,
23:21une sorte de légère baisse d'intensité par rapport aux années,
23:24notamment sous le quinquennat de François Hollande.
23:26Ce qui frappe aussi, là, c'est le profil…
23:28– On a connu malheureusement sous François Hollande,
23:30les attentats terribles du Bataclan.
23:32– Absolument, par rapport à cette période-là.
23:33Ce qui frappe dans le profil de l'assaillant présumé,
23:36c'est un demandeur d'asile afghan.
23:39Olaf Scholz, le chancelier, dit qu'il faudra l'expulser.
23:42– Deux mots là-dessus.
23:43Le premier, pour faire la jonction avec la conversation précédente.
23:46Pendant la guerre froide, on n'avait pas forcément le défi du terrorisme,
23:48en tout cas pas de cette nature-là.
23:50Désormais, on a et le retour des compétitions
23:52entre les grandes puissances et la menace terreau.
23:54Il faut tout faire en même temps.
23:55Et avec l'IGO, on l'a bien vu, ce n'était pas facile.
23:58La deuxième des choses, l'État islamique est en train de muter.
24:01Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé à Munich.
24:02Par définition, il est trop tôt pour avoir toutes les informations.
24:05Mais du califat en Syrie et en Irak,
24:08vous avez désormais un État islamique qui s'est transformé,
24:11qui s'est décentralisé.
24:12– Qui reste une menace pour la France et les Français.
24:15– Enorme, et vous savez pourquoi ?
24:16Parce que se déploient justement des cellules
24:18qui sont de plus en plus autonomes, régionalisées, localisées,
24:21qui partent du Sahel, ce n'est pas là où elles sont majoritaires,
24:23et surtout, c'est pour ça que j'y viens, qui partent globalement d'Iran,
24:27qui vont jusqu'aux Philippines, en passant par l'Afghanistan et le Pakistan.
24:31C'est ce qu'on appelle l'État islamique au Khorasan.
24:33C'est d'ailleurs cette branche-là de l'EI qui était responsable
24:37de l'attentat en Iran, mais aussi de l'attentat à Moscou.
24:40Et donc, je ne sais pas s'il y a un lien, en tout cas,
24:42c'est la partie la plus, malheureusement, vivante en termes de recrutement,
24:47en termes de projections potentielles d'attentats sur le sol européen,
24:51et plus que jamais, la vigilance est de mise.
24:52Avec Bruno Retailleau, on y passe évidemment beaucoup de temps.
24:54– Pour terminer Sébastien Lecornu, trois questions politiques.
24:57La première, elle concerne votre ancien parti, Les Républicains,
25:00après Bruno Retailleau, votre collègue ministre de l'Intérieur,
25:02c'est Laurent Wauquiez qui tout à l'heure s'est déclaré candidat
25:05à la tête du parti, après Fillon-Copé, Fillon-Sarkozy,
25:11c'est le retour de la droite la plus bête du monde ?
25:14– Non, enfin, je ne suis plus membre des Républicains,
25:17mais que dans les partis politiques, il y a des élections…
25:19– Vous connaissez bien cette famille politique ?
25:21– Très bien, mais que dans une famille politique,
25:23il y a des élections, c'est plutôt sain.
25:24La différence peut-être avec avant, c'est que ce parti est au pouvoir désormais,
25:28est au gouvernement.
25:29Laurent Wauquiez, président d'un groupe important à l'Assemblée
25:32qui participe à ce que nous faisons,
25:33et Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur.
25:35Donc par définition, cette élection doit confirmer aussi
25:39que les LR sont bel et bien un parti de gouvernement,
25:41ce qu'ils sont, je le crois profondément,
25:43et donc obligent aussi pour un parti aux commandes
25:45à avoir un débat d'idées, un débat structuré,
25:48et donc ça va être une belle exigence pour l'un et l'autre,
25:50mais si ça fonctionne, et je forme le vœu que ça fonctionne,
25:53parce qu'on a besoin d'avoir une vie politique, démocratique…
25:54– C'est pas extrêmement bien parti,
25:55quand on voit les arguments utilisés par les uns et les autres.
25:57Est-ce que par solidarité gouvernementale,
25:59vous soutenez Bruno Retailleau plutôt que Laurent Wauquiez ?
26:00– Non, moi je ne vais pas commencer comme ministre des Armées
26:02à m'immiscer dans la vie partisane,
26:03déjà que je me garde bien occupé du parti dont je suis membre,
26:07donc je ne vais pas commencer à m'occuper du parti dont je ne suis plus membre.
26:10Non, en revanche, je pense qu'être aux affaires,
26:12de toute façon, va obligatoirement réguler les choses par le haut,
26:15en tout cas, j'en forme le vœu.
26:17– Ce parti, Les Républicains, il en est qu'essieu dans les discussions,
26:21précisément en vue de 2027, votre collègue Gérald Darmanin,
26:24ministre de la Justice, ami aussi, pas me tromper en disant cela,
26:27a affirmé sur BFMTV que si personne ne se démarquait,
26:31que si aucun candidat en vue de 2027 ne se démarquait,
26:33il faudrait un processus de départage assumé,
26:35la nécessité d'une primaire, une primaire d'ailleurs élargie,
26:38à ceux qui gouvernent ensemble.
26:39Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
26:40– Oui, c'est un peu tôt, mais aujourd'hui, il a précisé quand même
26:42quelque chose de très important, je crois, dans les colonnes du Parisien,
26:46en disant que s'il y avait peut-être du temps pour départager les candidats,
26:50teux ou candidats, il y a sûrement une urgence au travail programmatique
26:53et au travail idéologique.
26:55On l'a bien vu d'ailleurs sur les élections législatives anticipées
26:56suite à la dissolution, que beaucoup de formations politiques
26:59n'étaient pas particulièrement prêtes à aller devant les Français
27:03et à développer des idées nouvelles, dans un monde d'ailleurs,
27:06y compris sur les sujets que je traite par ailleurs comme ministre,
27:08dans un monde qui bouge beaucoup à réinventer notre logiciel
27:11et à réfléchir pour la France.
27:13– Se préparer, c'est important.
27:14– Et Gérald a raison de dire que les formations politiques
27:16doivent urgemment faire ce travail programmatique et idéologique.
27:19– A-t-il raison de considérer qu'une primaire sera inéluctable
27:21si personne ne se démarque ?
27:22– De toute façon, il faudra bien trouver le moyen de départager le candidat.
27:25Après, vous voyez, Gérald a raison de le dire.
27:28– Donc vous êtes d'accord avec lui là-dessus ?
27:31– De manière globale, je suis souvent d'accord avec lui.
27:33Après, ce que je ne veux pas, c'est que nous sommes ministres
27:36et par définition, on ne doit pas non plus commencer à aller trop vite
27:39et plus vite que la musique sur les sujets plus politiques
27:42liés à l'élection présidentielle, parce que par ailleurs,
27:44les Français attendaient, nous encore, il y a jusqu'à quelques jours,
27:46qu'on vote un budget.
27:47Là, vous voyez la situation internationale,
27:49ils ont besoin de nous sentir concentrés là-dessus.
27:50Mais une fois plus, Gérald a raison de dire dans les colonnes du Parisien ce matin
27:53que le travail programmatique, c'est le boulot des partis.
27:55– Vous citez l'interview au Parisien, il dit aussi,
27:57ce qu'il avait d'ailleurs confirmé à peu de choses près
28:00dans l'interview dimanche soir sur BFM TV,
28:02que d'une manière ou d'une autre, il participerait à cette élection.
28:04– Oui, on a le talent, l'énergie.
28:06– C'est votre cas aussi ou pas ?
28:07– Comme citoyen, oui.
28:08– Seulement comme citoyen, vous ne pourriez pas, par exemple,
28:10vous pourriez avoir une primaire ?
28:11– Moi, je l'ai déjà dit dix fois, de toute façon, je voulais être ministre des armées.
28:14Voilà, je suis passionné par ce que je fais
28:15et je ne cours pas plusieurs lèvres à la fois.
28:17Après, vous avez plein de gens de qualité.
28:19Évidemment, pour Gérald, je ne suis pas objectif,
28:20je pense qu'il a beaucoup de qualité.
28:22– Et qu'il a plutôt votre préférence ?
28:24– On est tellement amis depuis tellement longtemps que par définition.
28:27Mais vous voyez, tout ça est sain quand même.
28:29Je veux dire, la vie politique,
28:30un peuple comme le peuple français qui est un peuple politique,
28:33il a aussi quand même besoin de se projeter, pas trop vite,
28:35ça paraît loin, en 2027, en disant, il y a quand même une vie politique
28:39qui va refaire produire des idées et faire naître un débat public de qualité.
28:43– Une dernière question, Sébastien Lecornu, elle vous concerne,
28:45vous faites partie de ceux,
28:47ils commencent à être nombreux depuis 2017,
28:49qui ont failli être nommés à Matignon.
28:52Ce n'est pas passé très loin en janvier 2024,
28:54c'est passé encore moins loin en décembre dernier,
28:56c'était sans compter le coup de colère de François Bayrou
28:59qui a réussi en quelque sorte à s'imposer au président de la République
29:01pour être nommé à Matignon.
29:03Est-ce que la prochaine sera la bonne ?
29:05– Je ne suis pas candidat à Matignon.
29:07– Et sans être candidat, on peut souhaiter l'être ?
29:10– Je n'étais pas candidat à Matignon.
29:11– Est-ce que vous en avez tiré une forme de frustration,
29:14puisque maintenant est chroniquée dans un certain nombre d'articles de presse
29:18la façon dont vous aviez pu vous préparer avec le président de la République,
29:21ce qui était son premier choix, visiblement, de vous nommer à Matignon ?
29:24Est-ce que vous en tirez une forme de dégrad ou de frustration ?
29:27– Non, comme disait le président Chirac,
29:28tous ces papiers, tous ces journaux, ça va, ça vient,
29:30et ça finit toujours par emballer les poireaux.
29:33– Bien, on terminera sur cette citation.
29:35Merci Sébastien Lecornu.

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