Le discours social nous bombarde d’utopies et de dystopies mais n’évoque plus guère le progrès ; celui qui permettait pour les hommes de Lumières se projeter dans un avenir désirable mais plausible. Contrairement à l’utopie qui projette ou rêve de nouveaux modes de vie, le progrès n’a de sens que s’il est à la fois crédible et accessible. Le discours transformatif de la plupart des entreprises qui nous exhortent à sauver la planète est de nature utopique mais ne relève nullement du progrès. Car croire au progrès c’est d’une certaine manière accepter de sacrifier quelque chose d’un présent personnel au profit d’un futur collectif. [...]
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00:00Le discours social nous bombarde d'utopie et de dystopie, mais n'évoque plus guère
00:13le progrès.
00:14Celui qui permettait pour les hommes des lumières de se projeter dans un avenir désirable
00:19mais plausible.
00:20Car contrairement à l'utopie qui projette ou rêve de nouveaux modes de vie, le progrès
00:25n'a de sens que s'il est à la fois crédible et accessible.
00:30Le discours transformatif de la plupart des entreprises qui nous exhortent à sauver la
00:35planète est de nature utopique mais ne relève nullement du progrès.
00:39Car croire au progrès, c'est d'une certaine manière accepter de sacrifier quelque chose
00:45d'un présent personnel au profit d'un futur collectif.
00:48Rien ne dit a priori que nous soyons capables ou même ayant envie de sacrifier le confort
00:55de notre existence pour un avenir hypothétique.
00:58Intoxiqué que nous sommes par le sentiment d'urgence, nous est-il encore possible de
01:03croire au progrès ? La notion de progrès est devenue une vieille
01:07rengaine que nous avons troquée contre l'innovation qui est omniprésente dans le discours social.
01:12La différence fondamentale est que le progrès fait l'objet d'une concertation, d'un
01:19dialogue, pas l'innovation.
01:20Le progrès est délibératif, l'innovation n'est que prescriptive.
01:24Elle nous semble imposée.
01:27C'est pourquoi l'innovation est une promesse illusoire qui nous tient en haleine sans jamais
01:32vraiment transformer nos vies.
01:34Le discours dominant nous dit qu'il faut innover pour survivre, pour rester compétitif,
01:40pour résoudre les crises du climat, de l'énergie, de la santé.
01:44De la même façon que le néolibéralisme nous dit qu'il faut s'adapter.
01:49Mais soyons réalistes, cette prétendue innovation n'est souvent qu'un moyen de maintenir
01:54le statu quo, de donner l'impression du mouvement tout en gardant les mêmes structures
01:59obsolètes.
02:00Soyons lucides, l'innovation est darwinienne, non lamarckienne, elle promet des solutions
02:06techniques à nos problèmes sans véritable projet de société.
02:09Il s'agit souvent d'innover pour innover, sans vision globale ni horizon désiré.
02:16Pire encore, cette frénésie d'innovation détourne notre attention des vrais défis,
02:22ce qui nécessiterait une véritable révolution, un saut quantique vers un modèle de société
02:28réellement différent.
02:29Alors que faire ? Devons-nous abandonner l'idée même d'innovation ? Certainement pas.
02:35Mais il est grand temps de redonner au mot progrès ses lettres de noblesse.
02:40Et pour ce faire, il faut mettre l'innovation au service d'un projet collectif ambitieux,
02:46pour qu'elle ne soit pas un simple outil de survie dans un monde en perdition.
02:51En fin de compte, ce n'est pas l'idée de progrès qu'il faut abandonner, mais
02:55la manière dont nous la poursuivons.
02:57Il est temps de remettre le progrès sur ses rails, de lui redonner un sens et de cesser
03:04de courir aveuglement vers un avenir qui pourrait bien nous échapper.