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Défendre l’impossible avec Vincent Brengarth, Associé, Bourdon & Associés.

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00:00On poursuit ce Lex Inside, j'ai le plaisir de recevoir Vincent Brenngaerts, associé
00:14chez Bourdon et associé, qui vient de publier aux éditions Michelin, Défendre l'impossible.
00:20Vincent Brenngaerts, bonjour ! Bonjour Arnaud.
00:22Vous avez défendu l'un des deux principaux accusés dans l'attentat de Nice, qu'est-ce
00:27qui vous a poussé à partager votre expérience du procès en appel de l'attentat de Nice
00:33dans cet ouvrage Défendre l'impossible ? Je me suis rendu compte que c'était des
00:37procès qui étaient souvent très médiatisés mais qu'en revanche on parlait assez peu
00:41du travail qui était accompli par les avocats de la défense et de tout ce que ça pouvait
00:46impliquer aussi bien d'un point de vue personnel que d'un point de vue professionnel et c'est
00:50pour ça que j'ai rédigé cet ouvrage pour permettre finalement à tout lecteur de s'asseoir
00:55sur les bancs de la défense et de partager cette expérience judiciaire pendant plusieurs
00:59semaines d'audience et avoir connaissance de nos doutes, avoir connaissance des questionnements
01:03que nous pouvons avoir. Alors, dans quelle mesure vous pensez que
01:07les droits de la défense sont menacés dans les procès liés au terrorisme ?
01:11Je pense que la menace est une menace grandissante, elle a connu une accélération considérable
01:19après les attentats de Paris en 2015 et on est véritablement face à un ensemble de
01:24changements législatifs qui durcissent ce droit qui était déjà un droit d'exception
01:30mais qui finit finalement par s'isoler par rapport aux droits communs. Défense extrêmement
01:36difficile parce que vous devez être confronté à des magistrats professionnels qui doivent
01:44aussi compter sur la nécessité de devoir préserver l'ordre public et parfois on peut
01:48avoir le sentiment que cette préservation de l'ordre public neutralise toute possibilité
01:54véritable d'avoir un débat équitable par rapport à des personnes qui sont jugées
01:59pour des faits de terrorisme. Et c'est d'ailleurs ce par quoi je débute l'ouvrage en disant
02:03la parole de Proches qui peut être « comment fais-tu pour défendre un terroriste ? » et
02:08souvent je le répète, en réalité je ne défends pas un terrorisme, je défends des
02:11personnes qui sont suspectées de terrorisme et je pense que c'est justement la force
02:15de l'état de droit que de permettre à toute personne de pouvoir être défendue,
02:19mais c'est aussi la force d'une démocratie que de comprendre que parfois ce sont des
02:23personnes jugées qui sont très éloignées de l'attentat en lui-même.
02:27Alors on revient sur l'attentat de Nice, comment avez-vous abordé la défense de votre
02:31client face à l'émotion collective suscitée par cet attentat ?
02:35C'est déjà une défense qui doit véritablement se construire de façon juridique parce que
02:40même si l'association malfaiteur terroriste qui lui était reprochée est une infraction
02:44qui est considérée de fourre-tout, en attendant elle répond quand même à des règles qui
02:48sont des règles juridiques prudentielles, qui sont aussi des règles de pratiques et
02:52qui veulent qu'il y ait des éléments matériels qui doivent être caractérisés, il faut
02:55aussi caractériser un élément intentionnel, encore une fois même si c'est un droit d'exception,
03:00en attendant on a quand même ce réflexe juridique, donc ça c'est la première partie,
03:05véritablement une appréciation technique par rapport aux éléments qui figurent dans
03:09la procédure, et puis après il y a aussi la préparation de celui qu'on défend qui
03:14est non seulement confronté à la juridiction, mais aussi confronté au regard de la cinquantaine
03:20d'avocats qui peuvent être constitués par les parties civiles, et aussi au regard qui
03:24est non seulement celui des parties civiles, mais aussi le regard de l'opinion.
03:27Comment prépare son client justement ?
03:29On prépare son client en lui posant les questions que peut lui poser la juridiction,
03:34et en lui faisant véritablement prendre conscience du fait qu'on n'est pas face à des procès communs,
03:39on n'est pas face à des procès communs parce qu'en fait il a quasiment trois ou quatre
03:43interlocuteurs, il a à la fois la juridiction, il a le parquet, il a aussi les parties civiles,
03:48leurs avocats, mais aussi l'opinion, et qu'on le veuille ou non, cette part de l'opinion,
03:52cette part de la médiatisation des procès peut aussi jouer un rôle important dans la manière
03:57dont une juridiction peut percevoir un dossier, parce que même si les juges se réfugient souvent
04:04derrière le fait qu'ils ne lisent pas la presse, en attendant on peut penser que si la presse est
04:09convaincue par exemple de l'innocence, ou si en tout cas elle entretient le doute, et bien c'est
04:14un doute qui peut être plus facilement aussi entretenu auprès de la juridiction.
04:17Comment vous avez vécu vous personnellement ces huit semaines de procès ?
04:21Moi je l'ai vécu véritablement comme un investissement qui est considérable,
04:26parce qu'il faut rappeler que ce sont des dossiers qui sont extrêmement volumineux,
04:29qui font plusieurs milliers de côtes dont il faut prendre connaissance,
04:32il faut pouvoir maîtriser son dossier sur le bout des doigts,
04:36et puis ce sont des semaines d'audience qui exigent une implication de tous les instants,
04:41aussi bien d'un point de vue physique, psychologique que professionnel,
04:45et ça peut aussi conduire à devoir mettre entre parenthèses d'autres activités du cabinet,
04:52donc il faut véritablement faire un effort d'organisation.
04:55Nous on a la chance d'exercer dans une structure de taille relativement importante,
04:59consacrée au domaine du droit pénal, droit pénal international,
05:02ce qui fait qu'en fait tous les jours on a d'autres contentions,
05:05on a d'autres dossiers qu'il faut pouvoir traiter,
05:08mais en même temps il faut aussi assurer une présence pour la totalité de cette audience,
05:12donc c'est aussi un défi de taille qui peut se poser aux avocats,
05:17et la question qui peut aussi se poser face à ce défi c'est finalement quel est le périmètre,
05:23et quelle est la marge de manœuvre que les avocats à la défense peuvent avoir dans ces dossiers,
05:27puisque les décisions qui sont rendues dans les affaires les plus médiatiques
05:30tendent à convaincre du fait que cette marge de manœuvre est très réduite.
05:34Justement la marge de manœuvre est réduite parce qu'il y a une émotion,
05:38comme je le disais tout à l'heure, collective qui est forte, il y a une pression médiatique,
05:41alors comment on fait quand on est avocat de la défense justement
05:45pour défendre l'impossible, pour reprendre les termes de votre ouvrage ?
05:48C'est déjà faire un effort de vulgarisation, vulgarisation juridique, vulgarisation factuelle,
05:52c'est de rappeler que bien souvent après la commission d'attentat,
05:55les auteurs principaux meurent du fait de l'intervention de la police,
05:59de la gendarmerie ou de forces spéciales,
06:01et que bien souvent en fait on est soit face à des complices,
06:04soit plus généralement en fait face à des personnes qu'on poursuit pour associations malfaiteurs,
06:09mais qui sont très en retrait de l'acte.
06:11Et donc c'est expliquer ça, expliquer qu'en fait on parle souvent de personnes
06:15qui n'ont même pas connaissance du projet d'attentat en lui-même,
06:20mais auquel on vient reprocher le fait d'avoir pu penser
06:24qu'ils étaient confrontés à des personnes radicalisées, susceptibles de passer à l'acte.
06:29Donc il y a cet effort de vulgarisation et puis il y a aussi ce travail qui doit être fait
06:34pour véritablement prendre un à un les éléments du dossier
06:38pour convaincre du fait que les personnes n'ont aucun lien avec l'attentat lui-même.
06:42Au-delà de la vulgarisation, quel message vous voulez transmettre aux lecteurs de votre ouvrage ?
06:47Le message que je cherche à transmettre, c'est finalement une alerte
06:52par rapport à la manière dont ces dossiers peuvent être traités,
06:55et du fait que, évidemment, toute personne a le droit d'être défendue,
07:00mais qu'on a l'impression finalement que cette évidence est de plus en plus menacée
07:04à la fois par une pratique juridictionnelle et aussi par l'opinion,
07:09notamment par le biais des réseaux sociaux, parce que vous avez une parole des avocats
07:12qui, non seulement dans la sphère judiciaire, dans ces affaires-là,
07:16prend de moins en moins ou a de moins en moins d'influence sur le processus de décision,
07:22et vous vous rendez compte aussi que notre parole peut parfois être discréditée
07:26par le biais des réseaux sociaux, où finalement, il y a une sorte d'amalgame
07:30qui est de plus en plus fait entre les avocats et les personnes qu'ils défendent.
07:34Donc c'est pour ça qu'il y a cette éphèdre de pédagogie qui doit être refaite,
07:39et le fait de permettre à toute personne de vivre de façon concrète un procès anti-terroriste
07:44pour comprendre les difficultés que nous rencontrons dans ces dossiers
07:49avec des exemples à l'appui.
07:51Pensez-vous justement que votre ouvrage puisse changer la perception qu'ont les gens
07:56des avocats de la défense, des avocats qui défendent la terreur, les avocats de la terreur ?
08:02Je le souhaite véritablement, et ce que je rappelle en plus dans l'ouvrage dès le début,
08:06c'est que les avocats contemporains sont des avocats qui sont profondément légalistes,
08:10c'est-à-dire qu'en la matière, il n'y a pas de défense ou très peu de défense de rupture.
08:15On agit parce qu'on croit à l'application de la règle de droit,
08:18et on croit aussi que personne ne doit échapper à cette application rigoureuse de la règle de droit
08:24qui fait que si on doit prononcer un non-lieu, une décision d'acquittement ou de relax,
08:28même si c'est un procès anti-terroriste, on doit pouvoir le faire.
08:32Et c'est pour ça que c'est un ouvrage qui est un ouvrage de transmission
08:36pour permettre à toute personne de pouvoir se documenter sur ces procès,
08:41se documenter sur la réalité.
08:43Et ne serait-ce que parmi les réalités que je peux décrire,
08:46le fait que ces audiences durent parfois des mois et des semaines entières,
08:50mais que les personnes, lorsqu'elles sont interrogées, le sont peut-être sur un ou deux jours maximum.
08:55Ce qui, je pense, doit véritablement nous interroger collectivement sur le sens que nous donnons à ces procès,
08:59savoir si ce sont encore les procès d'accusés ou si ce sont les procès d'attentats de façon générale.
09:06On va conclure là-dessus. Merci Vincent Braingard.
09:09Je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet Bourdon et associé,
09:12et auteur de « Défendre l'impossible » publié aux éditions Michelon.
09:17Merci de votre invitation.
09:19Tout de suite, l'émission continue. On va parler du rôle de la tech dans la profession notariale.

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