Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères est l'invité de Questions politiques.
Retrouvez « Questions Politiques » tous les dimanches à midi sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/questions-politiques
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00:00Bonjour, ravie de vous retrouver dans Questions politiques, l'émission politique du dimanche
00:13sur France Inter, diffusée également sur France Info, la télé et en partenariat
00:18avec le journal Le Monde.
00:20Notre monde a changé, les Etats-Unis ne sont plus la grande démocratie à laquelle nous
00:25aimions nous comparer et sur laquelle nous nous sommes si souvent ajustés.
00:29Le respect des libertés, les valeurs républicaines, depuis le discours de vendredi de Jay Devance,
00:35tout vient d'exploser.
00:37Alors comment résoudre aujourd'hui nos dossiers ? Avec quels partenaires, quels alliés ? Emmanuel
00:42Macron tente de manœuvrer, d'exister, mais depuis sa dissolution ratée, le chef de l'État
00:47a bien du mal à imprimer.
00:49Est-ce que les Européens seront restés unis ? Qui, quelle voix, quel État pour s'opposer
00:55à la brutalité des Etats-Unis ? On en parle avec notre invité, Jean-Noël Barraud,
01:00le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, par ailleurs vice-président
01:04du MoDem.
01:05Il est ce dimanche, dans Questions politiques, en direct et jusqu'à 13h.
01:08Questions politiques, Karine Bécard sur France Inter.
01:15Bonjour Jean-Noël Barraud, merci d'avoir accepté notre invitation à mes côtés pour
01:21vous interviewer, Nathalie Saint-Crig de France Télévisions, bonjour Nathalie.
01:25Et une autre Nathalie, Nathalie Seugon du journal Le Bonde, bienvenue Nathalie.
01:29Merci Karine.
01:30L'émission débute toujours avec vos images de la semaine, ce qui nous permet de nous
01:34rappeler un petit peu ce qui s'est passé dans l'actualité depuis dimanche dernier.
01:37Je commence avec vous Jean-Noël Barraud.
01:39Qu'est-ce qui vous a marqué cette semaine en particulier ?
01:42Cette semaine, ce qui m'a marqué, c'est ma rencontre avec Farid Almazan, qui est connu
01:47sous le pseudonyme de César, et qui est sans doute l'un des plus grands résistants de
01:52ce quart de siècle, et en le disant je pense évidemment à Alexei Navalny, dont nous commémorons
01:59la première année de sa disparition après avoir courageusement lutté contre le régime
02:07de Vladimir Poutine.
02:09César était photographe légiste du régime de Bachar Al-Assad au début des années 2010.
02:15Sa mission, c'était de photographier les corps mutilés, démembrés, torturés, victimes
02:22de la répression sanglante de Bachar Al-Assad.
02:26En 2014, il a eu le courage inouï de décider de fuir la Syrie et d'aller témoigner à
02:33l'extérieur de ce qui s'était passé en prenant des risques extraordinaires pour sa
02:37propre sécurité et celle de sa famille.
02:39C'est la France qui l'a accueilli en 2014, qui l'a protégée et qui lui a permis, sous
02:43couvert d'anonymat, de révéler au monde entier la brutalité et les horreurs du régime
02:50de Bachar Al-Assad.
02:51Ce qui a permis à la communauté internationale de se mobiliser, de prendre des sanctions
02:55très lourdes qui ont fini par provoquer, avec la résistance des Syriennes et des Syriens,
03:01la chute de ce régime.
03:02César a témoigné pour la première fois visage découvert le 6 février dernier.
03:08Je l'ai reçu vendredi pour lui témoigner du soutien de la France, de la reconnaissance
03:14de la France et du fait que nous continuerons à être à ses côtés, puisque encore aujourd'hui
03:18et sans doute jusqu'à la fin de sa vie, sa sécurité sera en jeu, tant l'acte qu'il
03:23a posé était héroïque.
03:25Alors la Syrie en ce moment avance tout doucement dans sa transition.
03:29Dans deux semaines d'ailleurs, il y a un nouveau gouvernement qui va être installé
03:33à partir du 1er mars.
03:35En revanche, il y a un dossier qui n'avance pas beaucoup, pas très vite, c'est celui
03:39des enfants français de parents djihadistes, regroupés dans des camps en Syrie, on parle
03:45toujours du même pays.
03:46Ça représente à peu près 120 jeunes, 120 jeunes français.
03:51Est-ce qu'ils doivent rentrer en France Jean-Noël Barraud ?
03:53On en est où de ce dossier ?
03:54Chaque fois que nous l'avons pu ces dernières années, nous avons agi pour rapatrier les
04:03enfants des combattants terroristes djihadistes, dont nous considérons qu'ils n'ont pas à
04:09répondre des actes de leurs parents, si graves soient-ils.
04:14Ces exercices de rapatriement sont particulièrement compliqués parce qu'ils supposent que les
04:23conditions de sécurité soient réunies, on est sur une zone de guerre, et ils supposent
04:28d'obtenir auparavant le consentement des mères de ces enfants.
04:32Chaque fois que ces deux conditions ont été réunies, nous avons lancé des opérations
04:37de rapatriement.
04:38Et chaque fois qu'elles le seront, dans l'avenir très proche, et on y veille très attentivement,
04:43nous le ferons à nouveau.
04:44Pourquoi nous on n'y arrive pas ? Pourquoi l'Irak, cette semaine, a réussi à le faire ?
04:48Pourquoi eux, ils arrivent à mettre en place les règles de sécurité nécessaires et pas nous ?
04:51Rapatrier des enfants en France, ça n'a rien à voir avec un rapatriement en Irak,
05:00je ne crois pas que ce soit véritablement souhaitable.
05:02Ce qui est souhaitable, c'est que ces enfants et leur maman, le cas échéant, puissent
05:06être rapatriés en France et être accueillis, pour les mamans judiciarisées évidemment,
05:14et pour les enfants qui ont été exposés à des violences et à une brutalité sans
05:20équivalent, qui puissent être prises en charge par les services dédiés.
05:24Vous voulez ajouter quelque chose ?
05:26Pour revenir au régime syrien, vous avez rencontré récemment, ou peut-être plusieurs
05:30fois, Ahmed El-Shara, le nouveau chef.
05:33Qu'est-ce que vous en pensez sur le fond ? Est-ce qu'il fait des efforts de com' pour
05:38l'Occident et pour nous faire et nous montrer tout ce qu'on a envie de voir ? Ou est-ce
05:41que sur le fond, il est resté l'ancien djihadiste plus policé, certes, qu'il était auparavant ?
05:46Je rappelle que quand vous y êtes allé avec votre homologue allemande, qui se trouvait
05:50être une femme, il ne lui a pas serré la main.
05:52Ça avait fait beaucoup parler à l'époque.
05:53C'est une coutume.
05:54Nous avons accueilli jeudi à Paris une conférence que le président de la République a clôturée,
06:01consacrée à l'avenir de la Syrie, à laquelle ont participé les pays arabes, dont la Syrie,
06:06les pays du G7 également, et le ministre des Affaires étrangères syrien.
06:10Ça a été l'occasion pour ces pays qui souhaitent que la Syrie réussisse, qu'elle
06:15redevienne un foyer de stabilité dans la région, d'exprimer leurs attentes fortes.
06:19Notre attente, en particulier, c'est la lutte sans relâche contre le terrorisme islamiste
06:24de Daesh.
06:25C'est la protection des prisons dans le nord-est du pays, qui aujourd'hui sont peuplées de
06:31dizaines de milliers de combattants terroristes que nous ne voulons pas voir se disséminer
06:36dans la nature.
06:37Et c'est donc aussi le résultat des minorités ?
06:39Alors non, on ne parle pas de minorités en Syrie.
06:42L'objectif, c'est une citoyenneté pleine et entière à laquelle toutes les Syriennes
06:46et les Syriens peuvent accéder.
06:47Ce que je voulais vous dire par là, c'est que nous, nous avons une attente extrêmement
06:50forte qui touche à nos intérêts de sécurité.
06:53Et c'est ce que nous avons exprimé aux autorités.
06:56Mais j'ai profité de cette conférence que nous accueillons pour rassembler à Paris
07:00les représentants de la société civile, justement.
07:02Toutes celles et ceux qui aspirent aujourd'hui à une citoyenneté unifiée pour la Syrie.
07:06Qu'est-ce qu'ils nous ont dit ? Ils nous ont dit que c'était la première fois depuis
07:10des décennies qu'ils pouvaient échanger librement avec le gouvernement de leur pays,
07:14et qu'ils souhaitaient à ce gouvernement, même si eux aussi ont des attentes, le plein
07:19succès.
07:20Le succès le plus important possible.
07:21Tout le monde s'y sait dans les règles.
07:22Non, vous pourriez avoir une société civile extrêmement méfiante de ces autorités de
07:26transition.
07:27À ce stade, elles considèrent qu'elles sont légitimes et que cette légitimité doit
07:33désormais s'ancrer dans des décisions qui concrétisent les propos des élections ou
07:42en tout cas, lors de la formation du gouvernement, une représentativité qui donne toute la
07:48légitimité au gouvernement pour agir, mais aussi, en matière de lutte contre le terrorisme,
07:53une attention toute particulière, etc.
07:55Allez, autre image de la semaine, la vôtre, Nathalie Segon, celle de Richard Ferrand,
08:00un très proche d'Emmanuel Macron.
08:02J'ai effectivement choisi l'image d'un ancien président de l'Assemblée nationale,
08:05qu'on voit ici au perchoir, et qu'Emmanuel Macron envisage de nommer à la présidence
08:10du Conseil constitutionnel.
08:12Les députés et sénateurs des commissions des lois devront mercredi confirmer ce choix
08:17ou pas.
08:18D'habitude, ce vote des assemblées est une simple formalité, mais pas cette fois.
08:23Parce que Richard Ferrand est le plus fidèle lieutenant d'Emmanuel Macron, ce qui pose
08:30la question de son impartialité, il n'est pas un spécialiste du droit, et l'affaire
08:35des mutuelles de Bretagne, qui s'est soldée par un classement sans suite, a laissé des
08:39traces.
08:41La communauté des constitutionnalistes est en ébullition, alors que notre démocratie
08:45est en danger.
08:46Richard Ferrand, disent-ils, risque d'affaiblir la crédibilité et donc l'autorité du Conseil
08:53constitutionnel, dans un moment où nous pourrions en avoir absolument besoin pour
08:57défendre l'état de droit.
08:59Qu'est-ce que vous en pensez Jean-Noël Barraud ? Est-ce qu'il est suffisamment impartial
09:03pour reprendre les mots de Nathalie Segon, de Richard Ferrand ? C'est la bonne personne
09:06ou pas ? Bon profil ?
09:08Bien sûr que c'est la bonne personne.
09:09Je suis un petit peu étonné de ces débats.
09:11Je considère pour ma part que Richard Ferrand dispose de toutes les qualités, de toute l'expérience
09:15nécessaire pour exercer cette fonction.
09:17Je ne crois pas qu'on puisse douter rétrospectivement de l'intégrité de Baninter, qui avait été
09:23nommé par Mitterrand, de Jean-Louis Debré, qui avait été nommé par Jacques Chirac,
09:27et je constate que les deux derniers présidents du Conseil constitutionnel avaient été présidents
09:32de l'Assemblée nationale, comme Richard Ferrand.
09:33Je ne vois pas très bien où est le problème.
09:35Le problème, il a été rappelé par Jean-Luc Mélenchon, par exemple, ce matin dans la
09:38presse, qui dit que Richard Ferrand avait appelé à un troisième mandat d'Emmanuel
09:40Macron.
09:41Est-ce que, du coup, ce n'est pas gênant ?
09:43Alors, du point de vue d'un législateur, c'est quelque chose qui peut poser une question
09:48politique.
09:49Quand on est député, et a fortiori quand on est président de l'Assemblée nationale,
09:53et qu'on fait des propositions, ça peut créer une opposition, je le comprends parfaitement.
09:57Non mais c'est deux mandats en France ! Dans la Constitution, c'est deux mandats.
10:02Là, il propose un troisième mandat.
10:03Non, c'est pas le Conseil constitutionnel qui change la Constitution, c'est le Parlement
10:07qui change la Constitution.
10:08Le Conseil constitutionnel n'a qu'une gomme, il n'a pas de crayon, comme on dit, c'est-à-dire
10:14qu'il ne peut rien ajouter, il ne peut que gommer des lois qui auraient été adoptées
10:19par le Parlement, qui seraient contraires aux textes fondamentaux que l'on a pris en
10:22question.
10:23Mais pour vous, ça passe ou pas ?
10:24Je le souhaite vivement.
10:25Et je pense que c'est, à nouveau, la personne qu'il faut au Conseil constitutionnel, la
10:29bonne personne au bon endroit.
10:30Juste pour rappel, les anciens présidents de l'Assemblée nationale ne sont pas deux
10:33droits membres du Conseil constitutionnel.
10:35Non, mais il se trouve que les deux derniers présidents, Jean-Louis Debré et M. Fabius,
10:42Laurent Fabius n'était pas un proche de François Hollande, mais il était président de l'Assemblée
10:46nationale.
10:47Ce qui montre que les précédents présidents de la République ont eux aussi estimé qu'à
10:52la tête de cette institution centrale dans notre vie démocratique, un président de
10:58l'Assemblée nationale pouvait apporter beaucoup.
11:00Et s'agissant de Laurent Fabius comme de Jean-Louis Debré, je considère qu'ils ont
11:04beaucoup apporté à notre vie démocratique.
11:05En contre Roland Dumas, qui n'était pas forcément...
11:07On ne va pas refaire toute l'histoire de la Vème République.
11:10Dernière image, il faut qu'on avance, qui a beaucoup marqué cette semaine, celle de
11:14Louise.
11:15On en retrouvait morte dans les bords.
11:16Ce n'est pas une image politique, ce n'est pas un édito, c'est juste pour rendre hommage
11:21à cette petite fille, à ses parents, rendre hommage, ou plus exactement, leur adresser
11:25un message de soutien.
11:26On ne pourra pas dire cette fois-ci que c'est par manque de moyens qu'il lui est arrivé
11:29ça, parce qu'il n'y avait pas assez de policiers.
11:31On ne pourra pas dire que c'est un règlement de comptes en banlieue.
11:33On ne pourra pas dire que c'est le narcotrafic.
11:35On ne pourra pas trouver d'explication.
11:36Les parents étaient d'un milieu plutôt bourgeois, plutôt aisé, qui a priori, mais on ne s'est
11:41jamais rentré dans l'intimité des familles qui n'avaient pas de lourds problèmes de
11:46vie.
11:47Et juste pour dire que...
11:48Alors, tout le monde glose sur la violence de la société.
11:51Je voulais juste savoir, dire que peut-être elle commence avec les mots, avec les mots
11:55MOTS qui ont l'air de sous-estimer la gravité.
11:58J'ai lu et j'ai entendu que le jeune homme qui l'avait tué avait pété les plombs.
12:02Il a dit lui-même qu'il était sorti pour racketter, comme s'il s'était allé acheter
12:06une baguette.
12:07Après il est rentré, il a dit qu'il a fait une grosse connerie.
12:09Et puis, vous voyez, je pense que la banalisation des choses commence par le vocabulaire.
12:14Alors, on aura le débat sur les jeux vidéo, on aura le débat sur la violence.
12:17Je ne suis pas sûre que ce soit pire que dans le temps.
12:19Simplement, dans le temps, on ne le savait pas, forcément.
12:22Mais probablement, le retour de la tragédie, y compris dans le volet vocabulaire, et que
12:26tout mot ne se vaut pas, ça serait peut-être quelque chose de bien et qui serait probablement
12:31utile.
12:32Ou alors, c'était...
12:33– Le coup de cœur.
12:34– Oui, parce qu'on ne peut pas être que dans une bulle politique alors que c'est
12:38pas simplement un fait divers et que ça a été regardé, la conférence du procureur,
12:42par des millions de gens qui s'intéressaient assez à ça et pas par voyeurisme.
12:47– Tout ce que je devais faire quand j'étais ministre et j'ai fait tout ce que je pensais
12:56devoir faire quand je ne l'étais plus.
12:58Mais un coup de pas, ça veut dire que c'est ma faute et je vous assure que ce n'est
13:03pas de ma faute.
13:04Cette inspection a été conduite jusqu'à son terme et pour le reste, des sévices sexuels
13:11je n'avais jamais entendu parler et mes enfants étaient élèves dans l'institution.
13:15Une de mes filles m'a parlé de gifles et de ce genre de choses, ça oui.
13:24– Voilà, là aussi, c'est une image marquante, celle de François Bayrou hier à sa mairie
13:31de Pau où il a reçu et où il a écouté surtout le collectif des victimes de Notre-Dame
13:37de Bétharame, cette école privée béarnaise contre laquelle plus d'une centaine de plaintes
13:42pour agressions physiques et sexuelles ont été déposées.
13:45Le Premier ministre est sorti visiblement marqué par cette discussion, il l'a lui-même
13:49dit qu'il était bouleversé.
13:51Jean-Noël Barraud, vous êtes vice-président du MoDem, vous êtes un proche du Premier
13:55ministre.
13:56Est-ce que François Bayrou est tiré d'affaires avec les mots qu'il a utilisés, avec les
14:00mesures qu'il a annoncées ? Est-ce qu'il a été suffisamment convaincant ?
14:03Est-ce que c'est la fin de la polémique ?
14:05– D'abord, François Bayrou a été bouleversé, vous avez raison de le dire et de très nombreuses
14:12Français ont été bouleversés également et s'associent à la peine très profonde
14:19et en quelque sorte presque irréparable des familles des victimes et je veux moi avoir
14:24une pensée pour les victimes de ces vies sexuelles, de ces viols abominables.
14:29J'ai entendu aussi Alain Esquerre, le porte-parole du collectif des victimes et je souhaite que
14:36justice soit rendue chaque fois que ce sera possible et qu'une réparation puisse être
14:40apportée et François Bayrou a donné des assurances hier aux victimes et leurs familles.
14:46– Donc il est sorti d'affaires ou pas ? C'est la fin de la polémique ?
14:48– François Bayrou, il est allé, c'est un geste d'humanité, rencontrer ses familles,
14:55écouter leurs témoignages, prendre des engagements, je pense que c'était la bonne chose à faire
15:01et je salue le fait qu'il y consacrait beaucoup de son temps et de son attention.
15:06Maintenant, je regrette que la souffrance des victimes soit aujourd'hui utilisée
15:13à des fins politiques pour essayer de monter de toutes pièces un scandale pour semer le chaos.
15:20C'est assez indigne de la souffrance et du calvaire qu'on traverse.
15:24– C'est indigne mais finalement, pour ceux qui critiquent sans arrêt Mediapart ou qui disent
15:28qu'ils sont là pour aller déstabiliser le pouvoir, est-ce que ce n'est pas aberrant
15:31qu'on en arrive à ce que, grâce à Mediapart, on puisse s'inquiéter,
15:35que grâce à Mediapart, on puisse se pencher sur ce genre de sujets ?
15:40C'est quelque chose qui, démocratiquement, n'est pas souhaitable.
15:43Enfin, on devrait faire le travail nous-mêmes.
15:45– La procédure judiciaire a commencé avant que les articles de Mediapart ne sortent,
15:49si ma mémoire est bonne.
15:50– Bien sûr, et puisque maintenant, la prescription fait qu'on doit trouver un autre chemin
15:55pour indemniser et pour soigner, pour réparer, ça veut bien dire qu'il y a eu une chape de plomb
16:01sur… – Mais c'est tout l'intérêt d'avoir
16:04une presse libre et indépendante qui permet d'attirer l'attention de l'opinion publique
16:09sur certains problèmes qui ne peuvent être parfois qu'imparfaitement traités par la justice.
16:15Et l'attention que François Bayrou a accordée aux victimes et à leur famille,
16:19les engagements qu'il a pris vont permettre de faire avancer la cause.
16:23– Il dit quand même que sa fille lui a parlé de gifles donnés dans l'établissement.
16:28On ne va pas refaire toute la conférence de presse d'hier,
16:30mais il dit quand même qu'il était au courant.
16:32Or, tout l'objet de la polémique, c'est justement ça, c'est de dire qu'il a menti,
16:35il n'a pas dit tout ce qu'il savait, donc il savait des choses ou pas ?
16:38– Lorsque François Bayrou était ministre de l'Éducation nationale,
16:42il y a effectivement eu un fait, une gifle qui a été signalée.
16:48– En 1996, est-ce qu'il a fait l'objet d'un rapport d'inspection ?
16:51– En 1996, ce qui a conduit à ce qu'un rapport d'inspection soit rédigé,
16:54qui dit très clairement, je l'ai lu, qui dit très clairement
16:58que Notre-Dame-de-Bétarame n'est pas un établissement
17:00dans lequel les élèves sont brutalisés.
17:03Et je crois citer in extenso la conclusion de ce rapport.
17:08Ensuite, un peu plus tard, en 1998,
17:11cette fois-ci, des faits de sévices sexuels et de viols ont été signalés.
17:15Une procédure a été enclenchée à l'époque,
17:18mais on ne peut pas attraire la responsabilité de François Bayrou,
17:21ministre de l'Éducation nationale, alors qu'il ne l'était plus.
17:24C'est alors peut-être aux responsables ministériels de l'époque…
17:26– Mais ce n'est pas ça la question qu'il lui a posée,
17:28c'est le fait qu'il ait dit devant la représentation nationale,
17:34je ne savais rien, absolument rien de cette affaire.
17:36– Vous avez d'un côté des sévices sexuels et des viols par dizaine, jusqu'à 112.
17:46Et de l'autre, un incident avec une gifle qui a été donnée par un CPE à un élève.
17:51La question qui a été posée à l'Assemblée nationale,
17:53c'est celle qui concerne les sévices sexuels et les viols,
17:57et qui sont intervenus, qui n'ont été signalés qu'après le départ
18:02du ministère de l'Éducation nationale de François Bayrou.
18:05Donc si vraiment… – Donc il n'a pas menti.
18:07– Si la question que vous vous posez, c'est de savoir si le gouvernement de la France
18:12a réagi convenablement à ces signalements,
18:14alors c'est aux responsables des départements ministériels concernés à l'époque
18:18qu'il faut poser la question, pas à François Bayrou.
18:21– Est-ce que cette crise politique, en tout cas c'est le sentiment
18:25qu'on a vécu cette semaine, est-ce qu'elle est terminée ?
18:27Ou est-ce que la motion de censure que le PS doit déposer cette semaine,
18:32mercredi, risque encore de faire chahuter ce gouvernement
18:35et peut-être même de le faire tomber ?
18:37– D'abord, on a eu six motions de censure en six semaines.
18:40Et je regrette qu'on s'installe progressivement dans une vie politique
18:45où on a le choix entre mettre le doigt sur la couture du pantalon
18:51ou alors déposer systématiquement des motions de censure.
18:54Il y a beaucoup d'autres manières de s'opposer ou de faire entendre sa voix
18:58et ses exigences que de déposer une motion de censure.
19:01– Mais vous êtes inquiet ou pas sur cette motion ?
19:02– Ensuite, nous sommes tous co-responsables, positivement j'allais dire,
19:07d'avoir réussi à faire sortir le pays d'une phase de grande instabilité
19:11qui commençait à nous causer beaucoup de torts.
19:13Parce que d'abord, un certain nombre de mesures qui avaient été annoncées
19:16ne pouvaient pas entrer en vigueur pour les Françaises et les Français.
19:18Et puis, je ne l'ai plus mesurée à mon niveau.
19:21À l'international, cette instabilité commençait à coûter très cher
19:25à l'image de la France.
19:26Nous avons réussi à adopter un budget.
19:28Maintenant, encore faut-il un gouvernement pour le mettre en œuvre.
19:31Cette censure, si elle était adoptée, nous ferait replonger dans l'instabilité.
19:35Et donc, je crois, si elle peut être évitée, qu'il serait bon qu'elle le soit.
19:39Et à défaut que chacun se montre responsable,
19:42nous sommes sortis d'une période de grande instabilité.
19:44Il faut maintenant se mettre au travail, au service des Français.
19:46Ça ne veut pas dire la compromission.
19:48Ça ne veut pas dire diluer son identité.
19:50Ça ne veut pas dire la paralysie.
19:51Ça ne veut pas dire la paralysie.
19:52OK, une question de Nathalie Seguin.
19:54Est-ce que ça ne fait quand même pas beaucoup d'improvisations
19:56et d'erreurs stratégiques de la part de François Bayrou depuis deux mois ?
20:00Il met quand même une semaine à prendre la mesure de l'extrême sensibilité
20:05de cette affaire, à s'impliquer, à recevoir les familles des victimes.
20:09Il a mis du temps sur Mayotte aussi.
20:11À chaque fois, il y a un énorme décalage entre l'actualité et François Bayrou.
20:16Et il laisse s'installer et pourrir des questions qui...
20:20Est-ce que ce n'est pas problématique à la longue ?
20:22Vous revenez sur le cas de Notre-Dame de Bétaram.
20:25Et je vous le redis, François Bayrou a été d'une très grande sincérité
20:30et d'une très grande humanité dans le traitement de cette affaire.
20:33Et je ne peux que m'en réjouir.
20:35Ensuite, si vous attendez de François Bayrou, plus généralement,
20:39qu'il s'impose le rythme incessant des chaînes de télévision en continu
20:44ou des réseaux sociaux, vous pouvez attendre longtemps.
20:46Parce que François Bayrou a son propre rythme
20:50pour atteindre les objectifs qu'il se fixe,
20:52et notamment ceux de réintroduire un peu de débats et de pluralisme
20:57dans notre vie démocratique.
20:59Et il n'entend pas se plier aux exigences de la communication instantanée.
21:03Jean-Noël Barraud, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
21:05Notre invité ce dimanche, dans Questions politiques.
21:08Je voudrais qu'on revienne à présent à cet incroyable discours,
21:11vendredi après-midi, il y a deux jours,
21:13à l'occasion de la 61e conférence sur la sécurité de Munich.
21:18Le discours du vice-président américain, Jay Devance,
21:21d'une violence inouïe contre l'Europe, contre la démocratie,
21:25contre les valeurs de liberté républicaine.
21:28On écoute d'abord un extrait, si vous voulez bien,
21:30de ce discours extrêmement virulent.
21:33La menace qui m'inquiète le plus vis-à-vis de l'Europe
21:36ce n'est pas la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur extérieur.
21:41Ce qui m'inquiète, c'est la menace qui vient de l'intérieur,
21:45celle du retrait de l'Europe de certaines de ses valeurs fondamentales,
21:49valeurs partagées avec les États-Unis d'Amérique.
21:53Jean-Noël Barraud, vous êtes le chef de la diplomatie française.
21:56Nous sommes l'un des deux pays les plus importants de l'Union européenne avec l'Allemagne.
22:01Vous lui répondiez quoi au vice-président américain ?
22:04Vous savez, je ne suis pas sûr qu'il y ait quoi que ce soit à lui répondre.
22:08Pourquoi vous vous êtes senti interpellé ?
22:10Pas moi.
22:11Vous savez, nous avons une conception très claire de ce que c'est que la liberté d'expression.
22:16Et nous en héritons des révolutionnaires de 1789.
22:19Les Allemands ont dit que c'était insupportable ce qu'ils avaient entendu.
22:21Ne mélangeons pas tout.
22:22Vous me passez un message sur la liberté d'expression.
22:24Je vous dis que dans ce domaine, nous n'avons pas de leçons à recevoir.
22:29Et il est vrai que le modèle américain et d'autres modèles du monde sont différents d'une autre.
22:33Mais qu'ont dit les révolutionnaires de 1789 ?
22:37Ils ont dit que la libre communication des pensées et des opinions est l'un des biens les plus précieux de l'homme.
22:43Et que tout citoyen peut librement parler, écrire et imprimer,
22:47sauf, sauf, à répondre des abus de cette liberté dans les cas qui sont prévus par la loi.
22:53Les révolutionnaires de 1789 ont fixé des bornes à la liberté d'expression.
22:58Pourquoi ?
22:59Pour que la liberté d'expression ne devienne pas la liberté du plus fort.
23:02La liberté de celui qui parle le plus fort.
23:04Et c'est pourquoi, en France, il est interdit de se rendre coupable de diffamation, d'injures publiques, d'apologie du terrorisme.
23:12C'est pas très grave, on se dit que la loi est là pour nous protéger.
23:14Non, on dit simplement que, moi j'ai un modèle auquel je tiens, l'équité du temps de parole dans les campagnes électorales.
23:19Mais enfin, il n'y a pas parlé de ça sur le...
23:21Non, les règles de financement des campagnes.
23:22Voilà comment je m'assure d'avoir un débat public qui est pluraliste et qui permet à chacun de faire entendre sa voix.
23:27Si d'autres ont d'autres modèles, ça leur appartient.
23:31Et alors ?
23:32Et ils ne parlent pas que d'égalité du droit à l'expression.
23:34Il faut se défaire des complexes d'infériorité, Nathalie Saint-Cricq.
23:38Il rencontre Alice Weidel, qui est la chef du mouvement d'extrême droite.
23:42Il nous donne des leçons sûres, comme si on était des woke, des tarés absolus.
23:48Comme si on ouvrait les portes de l'immigration, qu'on était des dangers publics.
23:51Et tout ça, il y a un moment donné, et d'ailleurs, Monsieur Pistorius, le ministre de la Défense allemande,
23:57lui a répondu avec beaucoup de violence, en disant que c'est insupportable d'en donner des choses pareilles.
24:02À un moment donné, il faut quand même la stopper, là.
24:04Vous mélangez les sujets.
24:06Vous me parlez de la liberté d'expression, je vous ai répondu.
24:09J'ai un modèle, j'y tiens, je ne l'impose pas aux autres,
24:12mais je n'accepte pas que d'autres puissent espérer pouvoir imposer le leur en Europe.
24:17Ensuite, vous me parlez des liens entre le vice-président américain et le parti allemand de l'AFD,
24:23qui est un parti d'ultra-droite qui flirte avec les thèses néo-nazis.
24:26Ça, c'est évidemment inacceptable, mais à nouveau, c'est une question qui se pose aux États-Unis.
24:33Puisque, J.D. Vance, quand il va, je dirais, frayer avec les responsables de l'AFD,
24:40qu'est-ce qu'on fait des 400 000 soldats américains qui sont allés, pendant la Deuxième Guerre mondiale,
24:46donner leur vie, perdre leur vie, contre le nazisme et contre cette idéologie mortifère ?
24:53Il y a une sorte de confusion.
24:55Mais c'est une question qui appartient aux États-Unis, je me fais du fou.
24:57Non, mais vos rappels historiques sont très intéressants.
24:59Ils ne font pas de soucis pour l'Europe.
25:00Attendez, s'ils financent les partis comme l'AFD, ou s'ils financent d'autres partis comme en Hongrie,
25:04s'il y a une émiction dans les élections, même françaises, via Elon Musk et tout ça,
25:09ce n'est pas une histoire des États-Unis, c'est une histoire de l'Europe.
25:11Exactement, et c'est pourquoi, je vous le redis, je pense que le discours de J.D. Vance sur la liberté d'expression,
25:19ses liens avec un parti d'ultra-droite qui flirte avec l'idéologie nazie,
25:23c'est une question assez vertigineuse qui se pose aux États-Unis.
25:27Pas à l'Europe, parce que nous n'allons pas changer nos modèles, notre modèle, sous la pression.
25:31C'est eux qui vont nous les changer de l'intérieur.
25:32Non, précisément parce que nous considérons que le débat public doit être protégé.
25:36Et nous n'accepterons pas les ingérences, quelles qu'elles soient, et quelles que soient les formes qu'elles prennent.
25:41Quel regard, aujourd'hui, vous portez sur les États-Unis ?
25:43Est-ce qu'elle est encore la première grande démocratie occidentale ?
25:47Nos alliés.
25:48Et donc, j'allais y venir, nos alliés.
25:51Ce sont nos alliés.
25:52Non, alors, juste avant, est-ce que vous considérez encore que c'est une grande démocratie occidentale ?
25:57C'est une grande démocratie.
25:59Là, avec les propos qui sont tenus, c'est encore une démocratie.
26:02Bien sûr que c'est une...
26:03On n'a pas changé de monde, là.
26:04Bien sûr que c'est une démocratie, mais je ne veux pas, vous voyez, je ne veux pas à mon tour m'immiscer dans les affaires américaines.
26:10Tout ce que je dis, c'est que ce qui se passe aux États-Unis, dans la politique intérieure,
26:15dans la vie institutionnelle et démocratique, appartient aux Européens.
26:18Et que, quant à nous, nous ne devons pas nous laisser intimider,
26:22ni d'ailleurs laisser des Américains ou d'autres s'ingérer dans notre débat public.
26:27Nous avons une conception qui est propre de ce que c'est que le débat public, la démocratie, les campagnes électorales, etc.
26:34Et nous le protégerons, parce que c'est un pilier fondamental de ce que nous sommes et de notre identité.
26:39Ils sont encore nos amis ou pas, les Américains ?
26:41Nous ne nous laissons pas intimider, parce que d'autres grandes puissances ont des modèles différents.
26:48Ils ne parviendront pas à nous les imposer.
26:51Vous dites qu'il ne faut pas se laisser intimider, mais qu'est-ce qu'il faut faire ?
26:54Il faut essayer d'amadouer Trump, par exemple en lui achetant des armes, un peu comme le dit Stéphane Séjourné,
27:00ou est-ce qu'il faut faire preuve de fermeté à son égard ?
27:02À nouveau, ça dépend de l'objectif que vous poursuivez.
27:05S'agissant de notre vie démocratique, je n'ai rien à demander aux États-Unis, ni aux Chinois, ni aux Russes d'ailleurs.
27:10Nous protégerons notre démocratie et notre débat public.
27:13Ce sont nos biens les plus précieux.
27:16Même s'ils sont fragiles, nous les défendrons ardemment.
27:19Ensuite, si vous voulez, nous pouvons parler de l'Ukraine.
27:22Et là, nous avons, parce que nous sommes alliés avec les États-Unis au sein de l'OTAN depuis 75 ans, des intérêts très convergents.
27:30Alors attendez, justement, l'Ukraine, on va en parler.
27:32Et donc là, on doit les engager, et on doit discuter avec eux, et on doit se répartir les rôles, d'accord,
27:37pour atteindre le même objectif, la sécurité du continent européen, et donc la sécurité de l'Atlantique Nord, et donc la sécurité des États-Unis.
27:46Alors justement, la première question quand même qui se pose là sur le dossier ukrainien, c'est
27:49est-ce que vous confirmez que la France, demain, réunit à Paris tous ses partenaires européens pour parler de l'Ukraine à l'occasion d'un sommet ?
27:56Oui ou non ? Parce que pour l'instant, il n'est pas confirmé ce sommet.
27:59C'est Donald Tusk, c'est le premier ministre polonais qui en a parlé, mais l'Élysée ne confirme pas ce qui se passe.
28:04L'organisme des affaires étrangères polonais qui l'a évoqué hier, j'étais à ses côtés,
28:09comme quasiment tous les jours de la semaine dernière, puisque j'ai moi-même réuni à Paris, mercredi dernier,
28:15les principaux pays européens pour discuter de notre sécurité, de notre effort de soutien à l'Ukraine,
28:22et de la manière dont nous abordons les questions de la résolution de la crise.
28:28Et c'est dans ce même esprit que le Président de la République réunira les principaux pays européens,
28:33demain, pour une discussion portant sur la sécurité européenne.
28:40Mais ce sont des discussions qui n'ont pas attendu, si je puis dire, ni ce week-end, ni les déclarations des uns et des autres,
28:46puisque je vous dis que, mercredi dernier encore, les Européens étaient à Paris pour aborder tous ces sujets.
28:51Mais là je ne comprends pas, c'est une réunion très formelle, c'est un sommet comme le...
28:55C'est une réunion de travail.
28:57Et il y a qui autour de la table ?
28:59Tous les États européens seront présents, seront représentés ou pas ?
29:03Les confirmations sont en train d'affluer, je ne veux pas vous faire de...
29:09C'est quoi, c'est vos homologues ?
29:11C'est l'échelon.
29:13Ou c'est le chef d'État et de gouvernement.
29:15Mais je pense qu'il ne faut pas dramatiser ce type de réunion, parce qu'elles sont très fréquentes.
29:20Regardez, hier j'étais à Munich, j'ai eu au moins trois réunions avec mes homologues européens des principaux pays.
29:27Nous sommes en contact constant.
29:29Et nous échangeons, lorsque nous ne sommes pas au même endroit au même moment.
29:32On ne s'en rend pas compte, parce qu'on a l'impression que l'Europe, en fait, on ne l'entend pas en ce moment.
29:36Pas du tout, au contraire.
29:38Il y a un vent d'unité qui souffle sur l'Europe tel qu'on ne l'avait peut-être pas ressenti depuis la période Covid.
29:45Heureusement que vous nous le dites, parce qu'on ne s'en est pas rendu compte.
29:47Et pourtant, les Européens étaient réunis, unis, mercredi dernier à Paris.
29:51Ils l'étaient ce week-end à Munich, et ils le sauront ce lundi.
29:54À Munich, on n'a pas entendu les Européens.
29:56À Munich, bien nommés.
29:58Pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien.
30:02On a entendu qu'il y avait eu un coup de fil entre Trump et Poutine en début de semaine.
30:06On a entendu les Européens qui disaient, en gros, on voudrait bien en faire partie, être dans le jeu.
30:12Et on a entendu également qu'il n'en était pas question.
30:16On a entendu la France, on a entendu Zelensky, à qui on demandait pas non plus son avis.
30:21Il y a eu une interview qui m'a frappée dans le Wall Street Journal, vendredi,
30:24où M. Vance toujours a dit, je pense qu'il va ressortir de ça un accord qui va choquer beaucoup de monde.
30:30On en est où de notre participation ?
30:33Du minimum, qui serait de demander à l'Ukraine ce qu'elle en pense,
30:36parce que c'est quand même, on est quand même dans un monde, normalement, où il y a une souveraineté des États.
30:41Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur l'état des négociations ?
30:44On a vu par ailleurs, hier, que M. Zelensky refusait le troc qu'il pouvait y avoir cette année.
30:49On va en parler tout à l'heure, plus précisément, pour ne pas tout mélanger.
30:52Ce soir, ce matin, on en est où exactement ?
30:55Et qu'est-ce qu'on peut dire aux gens qui s'inquiètent ?
30:58Il faut garder son sang froid.
31:00Et il ne faut pas se laisser emporter, intimider, par les déclarations qu'on entend à droite comme à gauche.
31:07Il y a une répartition des rôles, et je vais y venir.
31:10Mais quelle est la situation ?
31:11La situation, elle est implacable. En tout cas, la mise est implacable.
31:15Seuls les Ukrainiens peuvent décider d'arrêter de combattre.
31:19Et d'ailleurs, nous les soutiendrons tant qu'ils n'auront pas pris cette décision.
31:22Ils n'ont pas d'armes.
31:23Nous les soutiendrons tant qu'ils n'auront pas pris cette décision.
31:27Les Ukrainiens n'arrêteront jamais de combattre tant qu'ils ne seront pas sûrs que la paix qui leur est proposée sera durable.
31:35Pourquoi ? Parce qu'ils ont déjà soupé.
31:37Il y a 10 ans, jour pour jour, à une semaine près, on a signé des accords qui ont permis un cessez-le-feu entre l'Ukraine et la Russie.
31:44Cessez-le-feu qui a été violé 20 fois et qui a conduit à la reprise des hostilités, à grande échelle cette fois-ci, le 24 février 2022.
31:51Donc ils n'arrêteront que lorsqu'ils auront la certitude d'avoir suffisamment de garanties entourant cette paix.
31:58Qui apportera ces garanties ?
32:00Ce seront les Européens.
32:03Donc vous n'êtes pas à l'intérieur des négociations mais vous apporterez des garanties quand vous le faites ?
32:07Qu'on le veuille ou non, ce seront les Ukrainiens qui décideront d'arrêter de combattre et on les soutiendra tant qu'ils le combattront.
32:13Ils ne le feront que lorsqu'ils auront la certitude que leur sécurité est assurée et ce seront les Européens qui apporteront cette sécurité.
32:19Donc force est de constater que, oui, les Européens seront associés d'une manière ou d'une autre à ces discussions.
32:25Maintenant, la répartition des rôles.
32:27Les Européens, je l'ai dit, il faut nous y préparer.
32:30C'est pour ça qu'on multiplie les contacts.
32:32C'est pour ça qu'il y a un vent d'unité qui souffle aujourd'hui sur l'Europe.
32:34Ils devront apporter ces garanties de sécurité pour éviter que la guerre ne reprenne quelques semaines ou mois après un premier cessez-le-feu.
32:42Quel est le rôle des Etats-Unis ?
32:44Le rôle des Etats-Unis, et on espérait que l'administration précédente puisse jouer ce rôle,
32:48c'est de forcer, ou en tout cas d'amener Vladimir Poutine, qui jusqu'à présent n'a montré aucun signe dans ce sens, à négocier.
32:56Amener l'agresseur à négocier.
32:59Donc là vous êtes satisfait finalement de Trump qui a réussi à pousser Poutine à discuter ?
33:04Nous, les Européens, on y contribue aussi un peu parce qu'on met maximum de pression, avec des sanctions notamment,
33:09et en finançant les Ukrainiens, sur la Russie.
33:12Les Etats-Unis se sont dotés d'une nouvelle administration qui a pris ses fonctions il y a un peu plus de trois semaines.
33:19Qui a compris que son rôle c'était d'amener Vladimir Poutine à la table des négociations
33:24et qui, pour l'instant, se dit, je vais y arriver par un mix, si je puis dire, de pression, je te force à y aller,
33:33et de dialogue, je te convainc d'y aller.
33:36Nous, ça fait longtemps qu'on a arrêté de dialoguer parce que ça fait longtemps qu'on a compris que seule la pression serait susceptible d'amener Vladimir Poutine.
33:42Les Etats-Unis ont décidé d'activer les deux leviers.
33:46A mon avis, même si je ne veux pas faire de politique fiction,
33:49ils vont rapidement comprendre que seule la pression sera susceptible d'amener Vladimir Poutine à la table des négociations.
33:54Alors juste une précision, et puis après j'arrête pour que tout le monde comprenne bien.
33:58Quand vous dites qu'il faut l'amener à négocier, est-ce que c'est négocier, on est prêt ?
34:01La position de la France, c'est qu'il peut garder la Crimée, tout ce qu'il a conquis, et on arrête ?
34:08Simplement, on lui empêche d'aller encore un peu plus loin ?
34:11Ou est-ce que notre position à nous va jusqu'à la restitution de la Crimée et l'évacuation ?
34:17Des 18% de territoires qui aujourd'hui sont sous la domination des Russes.
34:22En gros, on négocie sur un statut quo d'aujourd'hui, ou alors on repart à la situation hantée avant la première agression des Russes ?
34:29C'est une excellente question, mais nous n'avons pas de position précise sur les volets territoriaux,
34:35puisque nous disons que c'est aux Ukrainiens de décider souverainement de ce type de compromis qu'ils sont prêts à faire.
34:43En revanche, ils ne feront ces compromis, j'y reviens, que s'ils sont sûrs que cette fois-ci, c'est fini la guerre.
34:50Et nous, on les soutient très fortement dans cette aspiration-là,
34:53parce qu'on voit bien qu'à chaque fois que la guerre a repris, elle s'est déplacée un peu plus proche de nos frontières,
34:58que la ligne de front s'est rapprochée de nous, et nous, on veut que ça s'arrête.
35:01Parce que chaque année qui passe, chaque fois que la Russie gagne un kilomètre carré,
35:05c'est la guerre qui se rapproche un peu plus du territoire européen, et la guerre, nous n'en voulons pas.
35:09— Alors c'est quand même un peu surprenant ce que vous êtes en train d'expliquer, Jean-Noël Barraud,
35:12parce que, je reviens sur ce que disait Nathalie Saint-Cricq,
35:14on a appris hier que Zelensky, le président ukrainien, avait refusé un accord avec les États-Unis sur ces minerais ukrainiens.
35:21— Mais c'est tout à fait cohérent !
35:23— Oui, mais ça veut dire qu'il y a quand même des deals en ce moment,
35:25il y a des discussions qui ont lieu entre Zelensky et Trump, ou son entourage,
35:29et qu'il est prêt à dealer une partie de ces territoires, en tout cas de ces terres rares, de ces ressources rares.
35:37Je vais être encore plus clair, à ce stade, il n'y a pas de négociations.
35:42Parce que c'est...
35:44— D'accord, il a dit qu'il refusait un truc qu'on lui a proposé, mais il n'y a pas de négociations.
35:46— Non, non, à ce stade, il n'y a pas de négociations, tout court.
35:48Pourquoi ? Parce que pour l'instant, Vladimir Poutine, malgré des déclarations un peu récentes et sans doute un peu déformées,
35:54n'a pas montré de volonté de négocier.
35:57Et c'est tout l'objectif des États-Unis de dire
35:59« Je vais t'entraîner ou te convaincre ou te forcer à venir à table des négociations ».
36:04Pourquoi les Ukrainiens ont refusé l'accord qui leur a été proposé par les États-Unis,
36:08qui n'est pas un accord qui va régler le problème de la guerre,
36:11qui est un accord par lequel les États-Unis ont essayé de dire la chose suivante.
36:14« J'ai beaucoup dépensé pour vous soutenir depuis 3 ans.
36:19Maintenant, j'aimerais bien me rembourser sur vos ressources naturelles ».
36:22— C'est ça.
36:23— Les Ukrainiens ont dit « Bah non !
36:25Si tu me dis que tu souhaites accéder à certaines de mes ressources naturelles
36:31en contrepartie d'un soutien aujourd'hui pour mettre la pression sur Vladimir Poutine
36:37et ensuite entourer la paix de garanties qui font qu'elle restera en vigueur le plus longtemps possible,
36:44alors là, je suis disposé à... »
36:45— D'accord, d'accord.
36:46— Mais c'est pas du tout ce qui leur a été proposé.
36:48— Pourquoi les Européens semblent autant aussi pris au dépourvu,
36:52alors que Trump et les Américains ne font que ce qu'ils avaient annoncé,
36:56enfin ce que Trump avait annoncé ?
36:57On a l'impression, quand Scholz dit « Nous sommes sous le choc »,
37:00on a l'impression qu'ils n'ont pas du tout anticipé ce qu'il s'est dit ces derniers jours.
37:06— Bon, moi, je suis pas sous le choc.
37:08Je suis pas tellement surpris.
37:10Je vois l'accélération de tendance qu'on avait déjà identifiée depuis longtemps.
37:14Le président de la République en avait quasiment déjà parlé en 2017,
37:17bien avant le déclenchement de la guerre,
37:19c'est-à-dire en quelque sorte une réorientation stratégique des États-Unis plutôt vers le Pacifique
37:24qui suppose que la sécurité, ce qu'on appelle euro-atlantique,
37:27c'est-à-dire l'Europe, l'Atlantique, etc.,
37:29soit prise en charge de manière beaucoup plus volontariste par les Européens.
37:33Et c'est vrai qu'après avoir pris pendant des décennies l'habitude
37:36de sous-traiter aux États-Unis la protection du continent,
37:39c'est un peu dur de changer nos habitudes.
37:41Mais nous, ça fait longtemps qu'on le dit,
37:43et on voit que nos amis européens,
37:45même ceux qui étaient les plus rétifs à ces idées-là,
37:47ils sont en train de se rapprocher de nos positions.
37:50— Vous avez dit hier à Munich que les Français allaient devoir...
37:54Il fallait leur faire admettre qu'ils allaient devoir faire des sacrifices
37:57étant donné le niveau de la menace. Quel est le niveau de la menace ?
38:00— Et je maintiens. Puisque au moment de notre histoire
38:04où nous devons reprendre en main notre sécurité,
38:07ça va supposer des efforts financiers.
38:09Vous voyez, il y a quelques décennies, on dépensait pas 2%,
38:13comme on le fait aujourd'hui.
38:14On a doublé, grâce aux gouvernements successifs, le budget de notre défense.
38:19On va devoir aller plus loin que les 2%.
38:21— Combien ? 3, 4, 5% ? Les États-Unis demandent 4% maintenant du PIB.
38:26— Dans les années 50, on consacrait plus de 5% à notre défense.
38:30Aujourd'hui, on va devoir faire plus.
38:32Mais la défense nationale...
38:33— Plus c'est combien ? Vous pouvez quantifier ou pas ?
38:35Vous allez vous aligner sur les 4% qui sont demandés ?
38:37— On s'aligne sur personne, d'abord. On fait nos propres choix.
38:39Mais on ne regarde pas que la quantité. On regarde aussi la qualité.
38:43Mais la défense nationale, elle ne se joue pas seulement dans les dépenses militaires.
38:47Elle se joue aussi dans les esprits.
38:49Et ma mission, si je puis dire, de ministre des Affaires étrangères,
38:52c'est de contribuer au réarmement des esprits,
38:55pour que nous nous préparions collectivement à ces efforts que nous devrons faire.
38:58Parce que si c'est plusieurs points de PIB, ça supposera des choix courageux.
39:02— Très simplement, quelle est la trajectoire des armes livrées
39:06par les États-Unis, par la France et par l'Europe ?
39:08Est-ce que ça va mollir de ce que vous savez ?
39:11— Oui. Nous, on continue de tenir nos engagements.
39:13Les Mirages français volent désormais dans le ciel ukrainien.
39:17— Ça, c'est des vieux engagements. Je parle pour l'année à venir.
39:20— Pardon, mais ils viennent d'arriver. Je viens que la nourriture avalée n'ait plus de saveur.
39:24Mais enfin c'est quand même très indifférent.
39:26— La trajectoire européenne.
39:28— Les Américains vont poursuivre un certain nombre des engagements qui se sont pris.
39:33— Un certain nombre, ça veut dire ?
39:35— Je n'ai pas le détail. Et d'ailleurs, je ne suis pas sûr que je serai habilité à le révéler.
39:39Mais ce que les Ukrainiens ont dit ces derniers jours,
39:41lors des multiples réunions auxquelles nous avons participé ensemble,
39:44c'était plutôt confiant. Parce que comme je le disais,
39:46il ne faut pas se méprendre sur l'objectif, à l'heure actuelle, des États-Unis.
39:51Je vois des choses. C'est de faire Yalta, c'est de découper l'Europe
39:54et de se la partager avec la Russie et la Chine. N'importe quoi.
39:57— La partition, elle n'aura pas lieu. — N'importe quoi.
39:59Leur objectif, c'est d'attraire Vladimir Poutine aux négociations.
40:02Et ils savent bien – parce qu'ils ont beau être là depuis trois semaines et demie,
40:06c'est quand même pas des perdre de l'année –, ils savent bien qu'ils y parviendront,
40:09en tout cas ils croient et considèrent qu'ils y parviendront,
40:12par la force en même temps que par la persuasion.
40:15— Je vous trouve quand même très optimiste. Mais bon, Jean-Noël Barraud,
40:17revenons un instant en France. La question commence déjà à faire débat.
40:22Deux ans et demi avant l'élection présidentielle, vous voyez où je veux en venir,
40:25débat lancé par le ministre de la Justice Gérald Darmanin.
40:28Est-ce qu'il faudra un candidat unique de la droite du centre ?
40:32— Je crains que 2027 soit encore trop loin des préoccupations des Françaises et des Français.
40:38— Peut-être 2026 ?
40:39— Non, mais des Français peut-être, mais des hommes politiques sûrement pas.
40:41— Ah, mais vous savez, vous venez de m'interroger, à juste titre,
40:46sur l'émotion suscitée par les déclarations de la nouvelle administration américaine,
40:51comme si l'avenir de l'Europe se jouait dans les jours qui viennent.
40:54Alors j'ai dit qu'il fallait garder son sang-froid,
40:56mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas sur nos gardes et qu'on n'y travaille pas.
40:59Pour ma part, entre ce qui se passe en Ukraine, ce qui se passe au Proche-Orient,
41:03ce qui se passe en République démocratique du Congo,
41:06nous avons suffisamment à faire pour nous préoccuper de 2020.
41:11— Oui, mais raison de plus pour avoir un État fort, avoir un pouvoir fort, une majorité forte,
41:16et un gouvernement qui peut avoir le leadership sur l'Europe,
41:19notamment reconstituer un couple franco-allemand avec qui on ne sait pas.
41:22Enfin, on le saura bientôt.
41:23— On verra la semaine prochaine.
41:24— Très bon point.
41:26C'est-à-dire que l'Allemagne va décider dans quelques jours des nouveaux équilibres.
41:31Et ça sera l'occasion – ou jamais, si je puis dire – de redémarrer le moteur franco-allemand.
41:35— Elle est décidément de très lever.
41:36— Oui, très optimiste, c'est ce que je disais ce matin.
41:38— Mais donc du coup, ça veut dire quand même que François Bayrou, lui, n'a pas d'ambition
41:41par rapport à ce qu'on se disait juste avant ?
41:43C'est pas son genre d'avoir des ambitions ?
41:45— François Bayrou, il s'est déjà exprimé sur le sujet. Il est tout entier à sa tâche.
41:49Ensuite, bon, chacun connaît la relation singulière qu'il a nouée au fil des années avec les Français.
41:54— S'il y a une primaire sur le socle commun, le modem y participe ?
41:57— Non, vraiment, je crois que c'est encore très loin, trop loin des préoccupations des Français
42:02pour qu'on y consacre du temps aujourd'hui.
42:04— Il y a une accélération, là, quand même, dans le débat. On le voit.
42:06Est-ce que ça veut dire que les acteurs politiques anticipent une présidentielle avant 2017 ?
42:10— Mais on en a parlé tout à l'heure. François Bayrou ne se laisse pas dicter son rythme.
42:14La seule chose qui compte pour lui, c'est d'apporter des réponses françaises.
42:17— Est-ce que vous l'interprétez, cette accélération, comme les acteurs prévoient une présidentielle anticipée ?
42:22— Une fragilité autour d'Emmanuel Macron.
42:23— Bon, je l'interprète comme le symptôme du fait qu'on est sortis d'une période de très forte instabilité.
42:27Ce que je signale, c'est qu'on n'est pas encore dans une période de grande stabilité
42:31et que notre attention à toutes et tous doit être concentrée sur la réponse aux réponses des Français.
42:38— C'est pas mon maître à penser, mais quand il dit que le macronisme ne survivra pas à la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron
42:44et qu'il faut revenir à du droit de gauche, vous qui êtes au centre, ça demande peut-être...
42:48— Bon, vous savez, la famille politique à laquelle j'appartiens et à laquelle appartient François Bayrou,
42:51qui en est le président, elle a 100 ans d'existence. Donc elle en a vu d'autres.
42:55— Petite question subsidiaire. Nicolas Sarkozy, qui porte aujourd'hui un bracelet électronique après sa condamnation dans l'affaire des écoutes,
43:01est-ce qu'il doit se voir retirer sa grand-croix de Légion d'honneur ?
43:05Ce qui, en général, se fait quand on a écopé d'une peine d'au moins un an de prison ferme.
43:10— Je dois confesser que je ne connais pas très bien la mécanique juridique ou le règlement intérieur.
43:19— Ouais, c'est le code. C'est le code de la grand-croix de Légion d'honneur, qui veut que,
43:23quand on a écopé d'une peine de prison ferme d'au moins un an, on doit se voir retirer.
43:27— Bon, les codes sont faits pour être appliqués, d'un autre côté. Est-ce qu'il faut vraiment la double peine ?
43:32C'est une question qui mériterait d'être approfondie.
43:36— Merci, Jean-Noël Barraud. Vous restez avec nous, évidemment. Il est temps d'accueillir notre second invité pour le livre de la semaine.
43:43France Inter. Questions politiques. Karim Bekkar.
43:52— Bonjour, Karim El Karoui. — Bonjour. Attention, c'est Hakim.
43:56— Hakim, qu'est-ce que j'ai dit ? — Karim. — Mais non, mais en plus, j'ai écrit Hakim. Pardonnez-moi mille fois.
44:00Merci de nous avoir rejoints, en tout cas, sur le plateau de questions politiques.
44:03Vous êtes chef d'entreprise et essayiste, ancien conseiller auprès du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin
44:08et le président actuellement du Club XXIe siècle.
44:12Vous venez de publier aux éditions Les Petits Matins un livre consacré à Marine Le Pen.
44:16Son titre, Marine Le Pen, présidente d'« Dystopie politique 2026-2029 ».
44:22Vous êtes l'un des trois auteurs de ce livre, puisque vous l'avez coécrit avec Thierry Pech et Guillaume Hanezeau.
44:28Alors qu'est-ce qu'une dystopie politique ? C'est de la politique fiction. C'est de la politique qui n'existe pas.
44:34C'est un récit imaginé qui raconte un monde utopique et souvent pas très optimiste, plutôt pessimiste, plutôt sombre.
44:41Hakim El Karoui, pourquoi ce livre ? Pourquoi anticiper l'arrivée de Marine Le Pen à l'Élysée ?
44:47Est-ce que vous avez envie de faire peur aux électeurs ?
44:51Non, pas de faire peur. D'essayer d'imaginer ce qui va se passer.
44:55C'est une possibilité aujourd'hui. Hier, c'était impossible. Aujourd'hui, c'est devenu possible, peut-être même probable.
45:02Et au mois de juin, pendant les élections, tout le monde s'est demandé qu'est-ce qui va se passer.
45:07Et il y a eu une mobilisation très importante, parce que peut-être que les gens se sont rendus compte que s'ils ne s'occupaient pas de politique, la politique allait s'occuper d'eux.
45:14Oui, mais comment ? Donc nous, ce qu'on a essayé de faire, c'est d'imaginer sur la base du programme du Rassemblement national,
45:21sur la base aussi du contexte, ce qui allait se passer sans être moralisateur et sans essayer de faire des effets de manche, vous voyez, du catastrophisme.
45:29Donc on a essayé d'être assez franc, assez froid, tout en rigolant un peu.
45:34Alors voilà, c'est quand même assez souriant. Je crois qu'on peut présenter les choses comme ça.
45:38Vous imaginez une arrivée au pouvoir sans contestation et sans émeute, assez tranquille, assez paisible, à la tête du pays dont on trouve l'union des droites.
45:47On a Laurent Wauquiez comme Premier ministre dans votre dystopie. On a Jordan Bardet, là, au ministère de l'Intérieur, à la Culture, Eric Zemmour.
45:54Les premiers mois, dans votre dystopie toujours, tout se passe bien. Et puis ça va très vite déraper avec une mesure, une mesure phare du programme du Rassemblement national.
46:04C'est l'interdiction du voile dans l'espace public. Et là, pour vous, le pays peut s'embraser ?
46:09Oui, alors ça a été précédé par la mise en œuvre de ce qui est le cœur du programme du Rassemblement national, c'est-à-dire la préférence nationale.
46:17Avec des différences qui sont faites entre les Français, puisque les binationaux ne peuvent plus accéder à un certain nombre de postes.
46:24Vous vous souvenez, au mois de juin, c'était un débat. Avec des différences entre les Français et les étrangers sur un certain nombre de droits.
46:31Et puis avec la remise en cause d'un certain nombre de libertés fondamentales. Et on a remis en cause la hiérarchie des normes.
46:39C'est-à-dire que par une simple loi, on peut dire sur ce thème, c'est la loi française qui s'impose à la loi européenne.
46:46Et là-dedans, il y a un discours sur « il faut que l'État préserve le mode de vie des Français ». Le mode de vie des Français, il n'est jamais défini.
46:54En fait, il est défini en contre. Et donc dans le contre, il y a cette idée que le voile, ou tout ce qui peut aller dans le sens de l'inégalité entre les hommes et les femmes, doit être interdit.
47:03Et nous, on imagine un événement. Un événement, c'est à Champigny, un groupe de copains qui se baladent.
47:09Et puis il y a un militant, l'Assemblée nationale, qui les agresse parce que dans ce groupe de copains, il y a une fille voilée. Et puis ça dégénère.
47:16– Voilà, ça tourne mal. Il y a un tir. Et la jeune femme voilée est tuée. Et là, ça s'embrasse. Le pays est encore capable de se mobiliser ?
47:24– Alors là, ce n'est pas une mobilisation politique. C'est plutôt une émotion. Et comme cette jeune femme, elle est juriste, elle est mariée, ou son copain est un juif libéral.
47:35Et qu'il y a un certain nombre de groupes, en fait, qui s'agrègent. Et qui disent non, mais ça part très vite. Ça part comme partent les émeutes.
47:42Et puis il se retrouve, place de la République. Et puis ça monte. Et puis il y a des gens des deux côtés de l'extrémisme qui sont très contents.
47:50De l'ultra-droite, mais aussi de l'ultra-gauche. Et puis il y a aussi des islamistes djihadistes qui sont contents. Et puis, je vous laisse…
47:58– Et puis, Jordan Bardella, ministre de l'Intérieur, a du mal à tenir tout ça.
48:01Ce qui fait la très grande force de votre livre aussi, je crois, c'est tout le travail que vous avez fait sur le programme économique du Rassemblement National.
48:08Vous vous amusez, entre guillemets, à appliquer la politique de Marine Le Pen. Et vous en arrivez à un déficit de 8%.
48:16Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? Pourquoi tout déraille ? Comment est-ce qu'on en arrive à ce déficit de 8% ? Expliquez-nous.
48:22– Vous savez déjà, il faut voir d'où on part. Nous, on imagine qu'on est en 2026. En 2026, le déficit, il est à peu près à 6%.
48:28– C'est ça. – Peut-être 5, peut-être 6, peut-être même un peu plus. Donc entre 6 et 8, il n'y a pas grand-chose.
48:34Entre-temps, qu'est-ce qui se passe ? Il y a une émeute qui a un peu d'impact à l'échelle internationale.
48:39– Sur les chaînes de télévision, et voilà. – En fait, ça fait baisser le tourisme de façon très forte.
48:43Ensuite, à force de dire que les immigrés ne sont pas les bienvenus, il y a un certain nombre d'entre eux qui partent.
48:49Et avec ce qui se passe aujourd'hui, le déficit démographique européen,
48:53en fait, on ne le dit jamais, mais il y a une concurrence pour faire venir les immigrés.
48:57Certains partent à Dubaï, d'autres partent aussi tout simplement en Allemagne ou en Angleterre, etc.
49:01Et ça, ça crée des problèmes, par exemple dans le BTP. Parce que dans le BTP, on est à 25, 30, 35% suivant les métiers,
49:08qui sont tenus par des immigrés. Et puis, il y a le hacking d'une grande banque.
49:13Et puis, il y a un certain nombre de procès qui avaient été engagés par des entreprises
49:17parce qu'il y avait eu un peu de forcing fiscal. Et en fait, tout ça, ce n'est pas grand-chose.
49:22Et cette question-là, elle va se poser si c'est Marine Le Pen, et aussi si ce n'est pas Marine Le Pen.
49:28Parce que maintenant, on est arrivé à un tel niveau de déficit qu'en fait, ça ne tient vraiment à pas grand-chose,
49:33la stabilité générale. – C'est-à-dire que le débat qu'il y a en ce moment,
49:36notamment qui a été repris par François Bayrou sur qu'est-ce qu'être français, est totalement hors-sol pour vous ?
49:42– Non. Alors, je pense qu'il y a deux débats. Il y a le débat sur le droit du sol.
49:46Vous savez combien de personnes ça concerne, le droit du sol ?
49:49C'est-à-dire la capacité à devenir français. – 35 000, je crois.
49:52– 35 000, 35 000 par an. Bon. On fait un débat comme ça pour 35 000 cas par an.
49:57Ça, pour moi, franchement, c'est absurde. Le droit du sol, il est déjà très restrictif.
50:01Ce n'est pas du tout le droit du sol américain. Il faut attendre 13 ans, etc.
50:04Qu'est-ce qu'être français ? Moi, je pense que c'est un beau débat, franchement.
50:08La question, c'est comment on le pose ? Si on le pose pour cliver, pour dire
50:12qu'est-ce que ce n'est pas d'être français ? Et en fait, eux, ils ne sont pas français.
50:16Ça, c'est un mauvais débat. Nous, le club XXIe siècle, il se trouve, c'est le hasard,
50:20on a lancé un débat qui s'appelle parlons-france.fr.
50:24Et ce qu'on dit, c'est la France, c'est vous. Et racontez-la ensemble.
50:28Et donc, chaque français est une part de l'histoire nationale,
50:32du récit national, de l'identité nationale. Venez raconter.
50:36Et ne laissons pas le récit précisément à l'extrême droite, à ceux qui veulent exclure.
50:41— Alors, on n'est plus dans le livre, dans votre dystopie. Mais le sujet est intéressant.
50:45Et du coup, je me retourne vers vous, Jean-Noël Barraud. Le droit du sol,
50:49vous appartenez à ce gouvernement. Il faut effectivement le supprimer.
50:52Il faut encore le durcir. Vous en pensez quoi ?
50:55— Mademoiselle Valls dit qu'il faudrait un peu ce...
50:58— Quand Retailleau et Darmanin poussent, au contraire, pour le supprimer. On supprime ou pas ?
51:02— Bon. Tous les deux ont reconnu que ça ne pouvait pas être une mesure mise en œuvre rapidement.
51:08Je pense que tous les deux savent bien que même si cette évolution intervenait dans notre droit,
51:13ça ne produirait des effets que très longtemps après, puisque le droit du sol, il faut le rappeler,
51:17c'est la possibilité pour quelqu'un qui est né en France de parent étranger d'être naturalisé à ses 18 ans.
51:24C'est-à-dire que si vous changez la règle aujourd'hui, ça ne produit des effets que dans 18 ans, si je puis dire.
51:30Ce que le Premier ministre a dit, c'est qu'on ouvre un débat plus large sur ce que c'est que d'être français.
51:36— Vous trouvez qu'il est vraiment nécessaire, ce débat ?
51:38— Je pense qu'il est nécessaire, oui, pour le volet positif de ce débat,
51:45c'est-à-dire la redéfinition de ce qui fait la France, de ce qui fait notre identité.
51:50On a eu des exemples qui m'ont, moi, personnellement, beaucoup touché avec les grands événements de l'année dernière.
51:59Je pense en particulier aux Jeux olympiques, avec des héros français qui, en fait, sont passés
52:03par les associations des villages et des villes dans lesquelles ils vivaient
52:07et qui, progressivement, se sont élevés jusqu'au plus haut niveau international.
52:10C'est toutes ces histoires-là qui font ce que c'est que l'esprit français.
52:14Il faut qu'on arrive à définir. Sinon, effectivement, on tombe dans un piège
52:17où la seule définition qu'on trouve pour ce qu'est être français ou ce qu'est la France, c'est ce que nous ne sommes pas.
52:23Et ça, il faut, à mon avis, l'éviter, parce que c'est une marque de faiblesse.
52:26— Achim El Karoui, vous êtes d'accord ? Vous partagez le propos du ministre ?
52:29— Oui, oui, je suis d'accord. Après, sur ces sujets, en fait, ce qui serait bien aussi, c'est qu'on traite les vrais problèmes.
52:32C'est-à-dire des problèmes concrets. Il y a des problèmes d'intégration, par exemple.
52:36On peut les nommer, on peut les mesurer, on peut les comprendre.
52:39Et puis quand il y a un problème, en fait, c'est mieux de trouver des solutions.
52:43Par exemple, on dit qu'il y a des problèmes d'insécurité dans les quartiers populaires. C'est vrai.
52:47Mais pourquoi est-ce qu'on ne met pas des policiers et des gendarmes dans les quartiers populaires ?
52:51Ce sont les endroits de France qui sont les plus sous-dotés. On a des problèmes de niveau éducatif.
52:56On croit qu'on met plus d'argent dans ces quartiers. En fait, on en met moins.
53:00On vit avec l'idée des milliards des banlieues. Les milliards des banlieues, ils n'existent pas.
53:04C'est des milliards d'investissements qui sont empruntés par des bailleurs sociaux et qui sont ensuite remboursés.
53:09Donc, nommons clairement les problèmes et puis trouvons des solutions plutôt que de jeter des anathèmes.
53:15On a aussi des problèmes pour reconduire les étrangers en situation irrégulière à la frontière.
53:20Et c'est pourquoi, même si le droit du sol peut faire partie d'un débat, si nous voulons obtenir des résultats rapidement,
53:26et c'est ce que souhaitent le Premier ministre et le gouvernement qui va convoquer un comité interministériel de contrôle de l'immigration dans les prochains jours,
53:33il faut qu'on puisse aller plus vite et plus loin, et notamment avec les pays d'origine.
53:37Mon ministère est pleinement mobilisé pour que ces résultats soient obtenus.
53:41Nathalie Seconde, vous avez très peu de temps, mais je vous donne la parole évidemment.
53:44Dans une récente chronique à l'Opinion, en janvier je crois, vous imaginez, vous avez beaucoup d'imagination,
53:49vous disiez que l'époque était aux hommes forts et riches, et vous imaginez la candidature à la présidentielle de Xavier Niel, le patron de Free...
53:58C'est toujours possible ça ou pas ? C'est une dystopie ? Une autre ?
54:02Je ne sais pas si c'est une dystopie ou une utopie, ça il faut lui poser la question.
54:05Ça va en faire des candidats à la présidentielle.
54:07Ce que j'imagine c'est qu'il y a quelqu'un qui va venir et qui va dire, en disant moi j'ai une autre offre,
54:12l'époque est tellement populiste, le personnel politique est tellement décrédibilisé à tort ou à raison par les français,
54:19que je pense qu'il y a de la place pour quelque chose de nouveau d'une certaine manière.
54:24Vous revoulez un scénario à la 2017 avec un Emmanuel Macron ?
54:27Oui mais pas quelqu'un qui vient de l'État, quelqu'un qui vient de l'extérieur et qui a un discours, qui sait aussi être populiste.
54:32Et tome 2 avec Jean-Luc Mélenchon, votre livre ?
54:35Non, tome 2 ce sera l'utopie.
54:37Ce sera une utopie ?
54:38L'utopie parce qu'il faut être positif.
54:39Ça ne vous intéresse pas avec Jean-Luc Mélenchon ?
54:41Non, franchement il n'y a aucun risque qu'il s'occupe.
54:43Merci à tous les deux en tout cas.
54:45Merci Hakim Elkaroui, je rappelle le titre de votre livre, Marine Le Pen, présidente d'Histopie Politique 2026-2029,
54:52c'est publié aux éditions des Petits Matins.
54:54Merci à vous aussi Jean-Noël Barraud d'être venu dans Question Politique.
54:58Un grand merci évidemment à toute l'équipe, Fabienne Lemoyle à la rédaction en chef et à Maurie Bauchet pour la programmation.
55:03Je vous souhaite une excellente fin de week-end et je vous dis évidemment à la semaine prochaine.