23,5 %, c’était l’écart de salaire entre les hommes et les femmes en 2022 en France. Un chiffre qui s’explique notamment par un accès compliqué aux postes rémunérateurs pour les femmes. C’est ce qu’analyse une récente étude du cabinet People Base CBM.
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00:00Générique
00:06L'invité de ce Smart Impact est avec nous en duplex Cyril Brégoud, expert en rémunération associé chez PeopleBaseCBM.
00:14Bonjour, bienvenue. Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous publiez votre étude 2025 sur l'équité salariale entre les femmes et les hommes.
00:24Le principe de cette étude, dites-nous, c'est la combien de tième édition ? On en est où ?
00:30Alors effectivement, on mène cette étude depuis quelques années. C'est une étude qu'on réalise globalement tous les deux ou trois ans
00:38et qui a une dizaine d'années d'existence maintenant. C'est peut-être la quatrième étude que l'on réalise sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.
00:48Pour préciser, cette étude a un impact particulièrement important parce qu'il y a, vous le savez peut-être, une nouvelle directive européenne
00:57sur la transparence et l'égalité des rémunérations qui vise justement à réduire les écarts de rémunération de salaire entre les hommes et les femmes.
01:05Et dans ce contexte-là, avec en plus la journée de la femme qui se profile début mars, on a voulu faire un éclairage,
01:13un nouvel éclairage sur les différences de rémunération entre les hommes et les femmes.
01:17— On va évidemment revenir sur cette directive européenne longuement avec vous, mais cet écart salarial. Alors nous, on a retrouvé ce chiffre de l'INSEE
01:26qui nous dit écart de rémunération entre les hommes et les femmes en 2022. C'était encore 23,5 %. Alors je sais pas où vous vous situez, vous,
01:35par rapport à ces chiffres-là. Et puis peut-être, est-ce qu'on peut les expliquer ? De quoi on parle ? Est-ce que c'est à poste, à ancienneté égale ?
01:42Parce que moi, je vois plein de chiffres un peu différents.
01:44— Exactement. Alors c'est important de préciser. Globalement, il y a 3 chiffres. Ce qu'il faut retenir, c'est les 3 chiffres.
01:50Effectivement, l'INSEE avait fait une grande étude sur des millions de salariés en 2022, avait constaté un écart de 23,5 % de salaire
02:00entre les hommes et les femmes. C'est tout poste, tout temps de travail, toutes conditions confondues. C'est vraiment...
02:08On prend la moyenne des rémunérations des salaires des femmes, la moyenne des rémunérations des salaires des hommes. Et puis on fait cette différence.
02:14Alors en fait, cette différence de 23,5 %, elle met en lumière justement des écarts importants. Mais c'est pas un chiffre qui est
02:22véritablement significatif. — Significatif. Faut regarder à poste égal, c'est ça ? À temps de travail égal ?
02:30— Voilà. Parce que ce chiffre des 23,5 %, il intègre tout type de temps de travail différent. Que vous soyez à temps partiel, si vous travaillez
02:39à 10 %, à 20 % seulement, évidemment, ça va tirer très très fort ces écarts. Donc le deuxième chiffre le plus important, c'est –14,9 %,
02:49globalement –15 %, à temps de travail identique. Là, ça commence à être beaucoup plus significatif, puisqu'on dit...
02:57Voilà, pour le même volume de travail, la différence de rémunération entre les hommes et les femmes, il est aux alentours de 15 %.
03:05Le véritable chiffre significatif et le plus important, c'est le troisième –4 %, toujours en 2022, selon l'INSEE, qui est à temps de travail identique
03:16et à poste comparable. Parce qu'évidemment, si vous comparez des gens qui travaillent la même durée mais qui n'ont pas les mêmes postes d'un côté
03:25un ouvrier et un cadre dirigeant, évidemment, il y aura toujours des écarts de rémunération importants.
03:30– Mais Cyril Brigou, je reprends la main, ça veut dire quand même que les femmes accèdent moins souvent à des postes plus rémunérateurs.
03:41C'est quand même ce que je comprends. – Exactement, c'est ce qu'il faut comprendre. Alors en fait, il y a 3, 4 principaux facteurs
03:47qui expliquent ces différences de rémunération. D'abord, les femmes sont globalement 3 fois plus en temps partiel que les hommes,
03:56ce qui signifie que les fameux 23,5 % sont liés au fait que les femmes exercent des activités à temps partiel et donc ont un niveau de salaire de base
04:07véritablement inférieur. Elles sont globalement, ça c'est le facteur aussi qui est très important, beaucoup plus représentées dans les métiers,
04:16des secteurs qui, traditionnellement, payent moins. Par exemple, le personnel infirmier, c'est quand même 87 % des titulaires sont des femmes.
04:27Et on sait que les personnels infirmiers sont globalement moins payés. On a, par exemple, les professions intermédiaires, de la santé et du médical, pareil,
04:3778 % sont des femmes. Les agents d'entretien, qui sont évidemment, traditionnellement, beaucoup moins payés que les hommes, sont tenus à 70 % par des femmes.
04:47Donc évidemment, les métiers qui sont les moins rémunérés sont plus tenus par des femmes, ce qui explique aussi, en grande partie, ces écarts.
04:56– Et puis, il y a ce que je disais, l'accès aux postes de direction. – L'accès aux postes de direction qui est encore, même s'il y a eu pas mal de lois
05:03et on va dire d'éléments de textes dans ce sens-là, globalement, les comités de direction dans lesquels on retrouve le président, le directeur général
05:13et puis les principaux directeurs de n'importe quelle société sont majoritairement tenus par des hommes. C'est-à-dire qu'on est plutôt entre 70 à 80 % de titulaires
05:25qui sont des hommes. Alors même si, évidemment, sur certains groupes, notamment les groupes cotés, il y a des obligations d'arriver à la parité,
05:32mais on reste encore très très loin de la très grande majorité des sociétés.
05:36– Quel est l'effet de la maternité dans cet écart de rémunération persistant entre les femmes et les hommes ?
05:42– Pour faire simple, il y a plein d'effets, mais pour faire simple, la maternité gèle à un moment donné, donc dans le temps, le temps de la maternité
05:52et des éventuelles, plusieurs, enfin nombreuses maternités, ça gèle tout simplement les augmentations. En termes de maternité, vous n'êtes pas augmenté.
06:01Et puis, quand vous retournez dans l'entreprise, il peut se passer un an, par exemple, avant de retourner dans l'entreprise,
06:08et pendant cette année, évidemment, les autres ont été augmentés, c'est-à-dire les autres, ce sont les hommes,
06:13donc il y a ces écarts qui, mécaniquement, augmentent. Donc la maternité joue un rôle dans les écarts de rémunération.
06:21– Et donc, il y a cette directive européenne sur la transparence et l'égalité des rémunérations qui a été votée, qu'est-ce qu'elle va changer concrètement ?
06:30– Alors, c'est une directive qui a été votée en mai 2023, qui est une directive européenne dont l'objectif est d'essayer d'améliorer, justement,
06:41tous ces problèmes d'iniquité salariale au niveau de l'Europe. Il faut quand même savoir qu'au niveau de l'Europe, justement,
06:48l'écart de rémunération n'est pas de 4% comme chez nous, mais de 14% à temps et à durée significative.
06:56Donc, on est mieux 10 ans, entre guillemets, en France, on a quand même 4%. Alors, nous, on a fait notre étude en 2024,
07:04donc qui vient de sortir, on est plutôt à 3,2%, il y a quand même un écart, mais cette directive, elle a pour but de dire,
07:11voilà, il faudrait quand même qu'on s'attaque sérieusement à ce problème. Alors, c'est une directive européenne qui n'a pas encore été transposée
07:19en droit français, mais ça va arriver très, très vite. On imagine évidemment que le législateur, en France, on est très forts pour ça,
07:27va être certainement mieux 10 ans encore que cette directive, c'est-à-dire plus contraignant, et va...
07:34— Prends dans le détail. Il y a quoi ? Il y a une obligation de transparence salariale, c'est ça ?
07:38— Exactement. Le gros du sujet, ça va être une obligation de transparence salariale vis-à-vis du marché, c'est-à-dire qu'à chaque fois
07:45qu'une entreprise va devoir publier des annonces, elle a l'obligation de mettre des fourchettes de salaire relativement précises,
07:51et surtout en interne. Chaque salarié pourra demander les pratiques de rémunération pour globalement son emploi et tout ce qui se passe
08:01dans l'entreprise en termes de rémunération. Alors ils n'auront pas accès aux données nominatives, évidemment, mais ils auront toutes les statistiques
08:08de rémunération. Donc ça sera beaucoup plus facile pour un salarié de dire « Bon, moi, je suis une femme, je vais vous demander
08:14les pratiques de rémunération. Comment se fait-il que je me situe en bas de l'échelle, par exemple ? »
08:20— Quel conseil vous donnez ? Parce que dans votre étude, il y a aussi des recommandations que People Based CBM donne.
08:27Quel conseil vous donnez aux chefs d'entreprise pour se préparer justement à la transposition de la directive européenne dans notre droit français ?
08:35— Alors il y a beaucoup de conseils. Ça va être assez difficile de résumer ça. Ce qu'il faut savoir, c'est que cette directive,
08:43sous des aires d'apparente simplicité de dire « On va juste afficher les rémunérations », en fait, elle va avoir des impacts énormes
08:50sur l'organisation des entreprises et notamment la fonction ressources humaines, puisque l'entreprise va devoir être en mesure de tout justifier,
08:59de tout documenter, d'expliquer pourquoi elle a ces niveaux de rémunération et pourquoi, s'il y a des écarts, elle doit les justifier.
09:08Ce qui sous-entend que pour la plupart des entreprises, il va falloir mettre en place des systèmes d'information, des systèmes que l'on appelle
09:14dans notre jargon de « peser de classification » et créer des grilles de salaire interne pour être capable, évidemment, de tout documenter.
09:22Pourquoi telle personne a été augmentée à tel moment ? Selon quels critères ? Pourquoi on explique qu'il y a un écart de rémunération de 3%, 5%, par exemple,
09:31entre un homme et une femme ? Ils peuvent se justifier dans la mesure, bien évidemment, où ils sont expliqués et qu'ils ne reposent pas sur un critère de sexe.
09:40Mais pour être capable de justifier tout ça, évidemment, il faut beaucoup d'informations, il faut des mécanismes à mettre en place.
09:47Et ce qu'on constate aujourd'hui tous les jours, c'est que beaucoup d'entreprises ne sont pas prêtes, n'ont pas à leur disposition tous ces outils de grille salariale,
09:57de suivi des évolutions professionnelles. Et donc, il y a des chantiers à mettre en œuvre, on a envie de dire assez rapidement,
10:04parce que ces projets de transformation devront être prêts vers 2026-2027, c'est-à-dire demain.
10:09Merci beaucoup Cyril Brégoud. A bientôt sur BeSmart for Change. On passe tout de suite à notre débat.
10:15L'équation difficile, quasi impossible de décarbonation du secteur aérien.