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Un coup d'oeil sur les sondages outre-Rhin suffit à comprendre l'ampleur de la droitisation politique que semble prendre le pays. A quelques jours des élections fédérales du 23 février, le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) se hisse en deuxième force politique, autour de 20 %. Bref rappel : au précédent scrutin de 2021, l'AfD est arrivée 5e, avec 10 % des suffrages. Si ces projections dans les enquêtes d'opinion se confirment, il s'agirait d'une percée historique pour ce parti à la stratégie ultra-radicale. "C'est l'exact opposé de celle adoptée par le Rassemblement national en France, à savoir la normalisation, note l'historienne Elisa Goudin-Steinmann. Et ce qui est terrible, c'est que ça fonctionne".

Mais l'AfD a-t-elle réellement des chances de gouverner ? Et le renvoi aux souvenirs des années 1930 en Allemagne est-il toujours pertinent ? "Je pense qu'il faut garder à l'esprit que l'Allemagne dispose encore d'institutions très solides, contrairement à la République de Weimar", relève Michelle Lynn Kahn, professeure à l'Université de Richmond (Virginie). Les analyses de ces deux expertes sont à retrouver dans notre nouveau long format vidéo.

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Transcription
00:00Ce sont trois lettres que vous avez peut-être déjà entendues.
00:03AFD, Alternative für Deutschland.
00:09Le principal parti d'extrême droite en Allemagne souhaite placer à la chancellerie cette femme, Alice Weidel.
00:14L'AfD est devenue en dix ans la deuxième force politique du pays.
00:18Une trajectoire qui inquiète et replace dans nos mémoires le souvenir des heures sombres de l'Allemagne.
00:23Mais ces craintes sont-elles justifiées ?
00:25Et l'Alternative für Deutschland a-t-elle vraiment des chances de gouverner la planète ?
00:45Pour savoir jusqu'où peut aller l'AfD, il faut d'abord comprendre d'où il vient.
00:50Quand ce parti naît en 2013, il ne se focalise pas sur l'immigration, mais sur une réaction à la crise de l'euro.
00:57Ses fondateurs, qui sont pour la plupart des économistes conservateurs, critiquent les plans de sauvetage européens pour la Grèce ou l'Espagne.
01:04L'AfD d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec l'AfD au moment de sa fondation en 2013, pratiquement plus rien.
01:09C'était un parti souvent de cadres économiques, de professeurs eurosceptiques, qui voulaient une autre politique économique,
01:16mais qui n'était pas un parti d'extrême droite vraiment en tant que tel au début.
01:20Et le changement radical s'est fait suite à 2015, à l'arrivée de migrants en Allemagne.
01:26Et là, l'AfD a pris un virage, mais vraiment un virage complet vers des thématiques liées à l'islamophobie et la haine de l'autre en général.
01:37Depuis une dizaine d'années, l'AfD se rapproche de milieux ouvertement xénophobes et se construit autour de figures radicales comme Björn Höcke en Thuringe.
01:46En 2017, ce cadre de l'AfD avait fait parler de lui en dénonçant le mémorial de la Shoah.
01:53Alors, très concrètement, quelles sont aujourd'hui les grandes lignes du programme de l'AfD ?
01:59On retrouve plusieurs idées majeures.
02:01La sortie de l'Allemagne de l'UE, la levée immédiate des sanctions contre la Russie,
02:06une réduction des impôts et de l'état-providence, ou encore un retour à l'islamophobie.
02:12Plus récemment, l'AfD a inscrit le concept de remigration dans son programme.
02:16C'est-à-dire un renvoi massif des étrangers qu'il juge inassimilables.
02:20Ce que vous voyez à l'écran, c'est une vidéo générée par l'IA et diffusée par la branche jeunesse de l'AfD.
02:26Des Allemands, plutôt blonds et aux yeux bleus, qui expulsent des personnes présentes à l'AfD.
02:31Mais ce n'est pas tout.
02:33Ce que vous voyez à l'écran, c'est une vidéo générée par l'IA et diffusée par la branche jeunesse de l'AfD.
02:38Des Allemands, plutôt blonds et aux yeux bleus, qui expulsent des personnes présentes à l'AfD.
02:43La branche AFD de Karlsruhe a même imprimé de faux billets d'expulsion, comme celui-ci.
02:49Certains habitants les ont retrouvés dans leur boîte aux lettres.
02:52On y lit « immigrés clandestins » avec une date de départ prévue le 23 février 2025, jour des élections,
02:59et puis cette phrase « chez soi aussi c'est bien ».
03:03Une référence sinistre qui rappelle les faux billets de train à destination de Jérusalem
03:08qu'avaient distribués des membres du NSDAP hitlérien pour intimider la population juive.
03:29L'AfD utilise aussi une rhétorique employée autrefois par les nazis.
03:50Par exemple « umvolk » le remplacement de population,
03:54« volkstod » la mort de la nation allemande,
03:56ou encore « Stimwei » bétail électoral pour désigner les électeurs des autres parties.
04:01Le 14 mai dernier, un tribunal allemand a également condamné Björn Hocke à une amende de 13 000 euros
04:07pour avoir utilisé lors d'un rassemblement en 2021 le slogan nazi « alles für Deutschland »
04:13« tout pour l'Allemagne ».
04:14Ces positions ont valu à l'AfD d'être placée sous surveillance par les services de renseignement allemands.
04:20Depuis mai 2024, la justice a confirmé que le parti pouvait être officiellement surveillé pour soupçon d'extrémisme.
04:27Ses branches les plus radicales, comme la Jeune Alternative, ont même été classées organisation d'extrême droite avérée.
04:33Fin janvier 2025, le Bundestag a même lancé des débats sur un possible bannissement du parti.
04:39Alors, une question s'impose.
04:41Pourquoi ce parti, qui s'est autant radicalisé au fil des années, attire aujourd'hui autant d'électeurs ?
04:47Regardez déjà sa progression dans les enquêtes d'opinion.
04:50Entre 2013 et 2014, l'AfD plafonne autour de 4 ou 5% d'intentions de vote.
04:55Mais en 2015, elle connaît un premier bond spectaculaire, dépassant les 10%.
05:00Cette hausse coïncide avec l'arrivée massive de réfugiés en Allemagne.
05:04Près de 890 000 demandent d'asile en quelques mois.
05:08L'AfD a alors su capitaliser sur la peur d'une partie de la population.
05:13La deuxième percée se produit à partir de 2022, peu après l'invasion russe en Ukraine.
05:18Cette fois, c'est la crise énergétique et la peur de l'inflation qui pèsent lourdement sur le moral des Allemands.
05:24L'AfD se démarque en réclamant la levée des sanctions et se présente comme le parti de la paix,
05:29promulguée par l'Assemblée nationale.
05:31L'Assemblée nationale s'est éloignée de l'Assemblée nationale,
05:34qui est la seule partie de l'Assemblée nationale qui a été éloignée de l'Assemblée nationale.
05:38L'AfD se démarque en réclamant la levée des sanctions et se présente comme le parti de la paix,
05:42promettant une baisse des prix de l'énergie et une reprise des discussions avec Moscou.
05:46Résultat, en 2024, l'AfD se maintient autour de 20% dans les sondages,
05:51avec une popularité qui est encore plus marquée à l'Est.
05:54Et c'est vrai qu'à première vue, cela semble paradoxal que cette région,
05:58qui a connu la dictature nazie puis communiste,
06:01développe aujourd'hui une attirance prononcée pour un parti très conservateur,
06:05qui promeut le culte de l'homme fort et dont certaines mesures programmatiques
06:09vont à l'encontre des lois constitutionnelles du pays.
06:12Ce qui est caractéristique de l'Est, dans les sondages,
06:15c'est qu'il y a une moindre adhésion à la démocratie, aux promesses de la démocratie.
06:19Et ça s'explique très simplement.
06:21Historiquement, la démocratie est arrivée à l'Ouest en 1949
06:24dans un contexte de miracle économique, de plein emploi, de croissance, d'État-providence.
06:29Donc il y a eu de l'adhésion à la démocratie très facilement.
06:32A l'Est, elle est arrivée, la démocratie, en 1990, dans un contexte de chômage de masse,
06:37vraiment de masse, dans une situation économique catastrophique,
06:40toutes les usines qui fermaient, un taux de natalité qui est tombé
06:44dans les nouveaux lenders en 1994 à 0,77 enfants par femme.
06:48Donc ça veut dire que vraiment il y a un état de crise sociale existentielle très très fort.
06:54Et c'est dans ce contexte-là qu'est arrivée la démocratie, donc déjà première difficulté.
06:59Et en plus, cette démocratie n'a pas tenu ses promesses pour les Allemands de l'Est.
07:03C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ils sont encore défavorisés partout.
07:06Dans l'accès aux postes importants, les Allemands de l'Est sont sous-représentés
07:11par rapport à la proportion qu'ils représentent dans la population allemande.
07:16S'adresser aux populations qui se sentent déclassées par rapport au reste de la population,
07:21c'est un autre ressort important pour l'Alternative für Deutschland.
07:25Mais à l'inverse de ce que tente le Rassemblement national en France,
07:28l'AFD ne cherche pas vraiment à se dédiaboliser.
07:31C'est la tactique opposée, c'est-à-dire qu'au lieu d'essayer de se présenter
07:34comme quelqu'un de fréquentable, comme a fait l'ERN, pour espérer accéder au pouvoir comme ça
07:41et asseoir son assise électorale, l'AFD a fait l'inverse.
07:45Nous, on va aller vraiment dans un discours ultra virulent, ultra radicalisé.
07:52Et ce qui est terrible, c'est que ça fonctionne.
07:55Il y a quelques mois, un nouveau cap a été franchi.
07:58Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale,
08:00un parti d'extrême droite est arrivé en tête d'une élection régionale en Allemagne.
08:04C'est arrivé en Thuringe, une région au centre-est de l'Allemagne.
08:08L'AFD a remporté 32% des suffrages, un chiffre sans précédent.
08:12Pour donner un point de comparaison, c'est un bond de 9 points par rapport à leur score en 2019.
08:17Et à la tête de l'AFD en Thuringe, on retrouve Björn Höcke, celui dont on vous avait déjà parlé,
08:23l'une des figures les plus radicales du parti.
08:25Dans deux autres régions de l'ex-RDA, l'AFD a aussi réalisé des scores élevés.
08:30En Saxe, l'AFD a dépassé la barre des 30% derrière la CDU, qui est arrivée en tête avec 32%.
08:37Au Brandebourg, le parti est à 29% et talonne le SPD, qui conserve sa première place de justesse.
08:44Aujourd'hui, à quelques jours des élections fédérales du 23 février,
08:47l'AFD est crédité de 21% des intentions de vote.
08:50Et sa progression dans les enquêtes d'opinion est impressionnante.
08:53C'est désormais dans les sondages la deuxième force politique derrière les conservateurs de la CDU-CSU,
08:59mais devant les sociodémocrates du SPD.
09:02De quoi susciter l'inquiétude du retour des heures sombres en Allemagne.
09:07Certains brandissent le spectre de la fin de la République de Weimar,
09:10et l'arrivée au pouvoir d'Hitler sur fond de crise économique et de rejet des partis traditionnels.
09:20J'ai fait des comparaisons entre la République de Weimar des années 1920 et aujourd'hui avec l'Allemagne.
09:25Ce qui est très important à rappeler, c'est que la République de Weimar,
09:29l'une des raisons pour lesquelles elle est tombée,
09:31c'est parce que la Constitution elle-même a créé de l'espace pour qu'elle ne tombe pas.
09:35Il y avait beaucoup plus de stagnation dans le Parlement, les partis ne pouvaient pas faire les choses bien.
09:40Et ce qui s'est passé, c'est que le parti nazi a été appris
09:43afin de collaborer avec les centristes.
09:46La situation en Allemagne aujourd'hui est une sorte de polarisation politique similaire.
09:51Elle n'est pas aussi distincte qu'elle l'était en 1920,
09:54quand elle a été polarisée entre les nazis de gauche et les communistes de gauche.
09:58Ce qu'on voit maintenant en Allemagne, c'est que le spectre politique change vers le droit.
10:03Donc le centre change vers le droit, et le droit de gauche change vers le droit.
10:07Le 29 janvier 2025, un tabou est tombé en Allemagne.
10:10Les conservateurs allemands ont allié leur voix à l'AFD
10:13pour faire adopter ensemble un texte visant à durcir la politique migratoire du pays.
10:18Et comme vous pouvez le voir, les élus de l'AFD au Parlement allemand ne boutaient pas leur plaisir.
10:34C'est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale que le cordon sanitaire est rompu en Allemagne.
10:39Ce qui a mobilisé des dizaines de milliers d'Allemands qui ont exprimé leur colère dans la rue.
10:43Et même si dans l'un de ces derniers meetings de campagne,
10:46le probable futur chancelier Frédéric Moertz, chef de file de la CDU, a exclu une alliance avec l'AFD,
11:02le tabou qui est tombé le 29 janvier a semé le doute dans le paysage politique.
11:10L'Allemagne aujourd'hui adhère encore à la Constitution.
11:16Elle opère dans un système démocratique.
11:19Pour que l'AFD prenne le contrôle du gouvernement,
11:22elle a besoin d'une majorité de plus de 51% des voix.
11:26Ce qui est plus probable d'arriver, c'est que l'AFD entre en alliance avec le centre-droite CDU
11:33pour gouverner de cette façon.
11:35Et de cette façon, l'ensemble de la partie qui gouverne sera plus à droite.
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