Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 21 février 2025 : le danseur et chorégraphe canadien, Jean-Marc Généreux. Il publie une autobiographie : "Chaque pas est une leçon de vie" aux éditions Leduc.
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00:00Bonjour Jean-Marc Généreux. Bonjour Élodie. Vous êtes danseur et chorégraphe canadien. Votre exclamation
00:05et ça j'achète en tant que juré de l'émission Danse avec les stars sur TF1 a marqué les esprits
00:10et les candidats d'ailleurs provoquant cette émotion pure. C'est avec votre femme et partenaire de
00:15danse de salon que vous avez gravi les échelons de ce sport et art parce que les deux valent
00:21en tout cas pour cette discipline. Je précise que vous avez rencontré votre épouse à l'âge
00:26de 9 ans. Vous êtes donc passé d'amateur à professionnel contre l'avis de votre père. Aujourd'hui
00:31vous publiez Chaque pas est une leçon de vie aux éditions Le Duc. Derrière le petit écran de
00:37Danse avec les stars ou Revolutions au Québec, votre enthousiasme se cache un homme qui a une
00:45vie loin des paillettes et du sourire arboré. Nous vous découvrons au travers de vos fêlures, de votre
00:51fragilité, de votre histoire de famille, de votre fille atteinte du syndrome de Rett, on va en parler,
00:57une maladie rare. Francisca est devenue d'ailleurs votre plus grand apprentissage semble-t-il, votre
01:03plus grande leçon de vie et votre plus grande responsabilité, celle de père, de soutien. Pourquoi
01:08ce livre Jean-Marc ? J'avais envie de, comme tout le monde, de faire un point dans l'espace de
01:17revisiter ma vie mais surtout de partager les leçons que j'en ai tirées. J'ai des gens
01:24merveilleux qui ont gravité autour de moi et France au début de notre carrière, même au début de ma
01:33vie d'enfant, d'adolescent et après de jeune homme. Et oui, c'est comme on prend Waze pour aller de A à B,
01:42mais on raconte pas souvent comment on s'est senti pendant le parcours. Et c'est ça, j'ai voulu
01:49reprendre ce parcours et écrire dans une police d'écriture différente les leçons que j'ai reçues,
01:57les partager en espérant qu'ils peuvent aider une personne comme moi, peut-être un petit Jean-Marc
02:03à quelque part qui veut devenir architecte, danseur, chanteur, et lui partager mes angoisses et dire
02:11qu'il y a des solutions, il y a des leçons, si elles peuvent être utiles aux gens, j'aurais aidé une personne.
02:19Ce qui est étonnant, c'est que vous démarrez cet ouvrage en parlant d'une phrase qui vous a toujours
02:24accompagné, qui vous accompagne toujours aujourd'hui, celle donnée par votre père. Il vous a posé une
02:29question, il vous a dit, est-ce qu'avec la danse, donc je précise qu'il était comptable, il vous a
02:35posé la question, avec la danse, est-ce que tu es sûr de pouvoir subvenir aux besoins de ta famille ?
02:41Et ça, c'est quelque chose qui, en fait, à la fois a été très agressif, parce que c'est une
02:45question qui fait mal, mais en même temps, ça a été très constructif, c'est ce que vous racontez.
02:49D'ailleurs, vous rendez hommage jusqu'à la dernière page, quasiment, avant de parler de cette
02:53nouvelle saison de Danse avec les Stars, cette saison 14, à vos parents. Ça vous a permis,
02:59justement, effectivement, d'être plus fort, d'avoir des parents comme ça.
03:03C'est sûr que c'est un leitmotiv. À quelque part, je regardais mon père qui était un homme
03:09accompli, érudit, un homme, c'était le lion de la famille. Et quand il te pose cette question-là,
03:18attends, j'avais 11-12 ans, parce qu'au début, bon, il regardait ça, mon fils a dansé,
03:23et honnêtement, pas qu'il m'a fait la gueule, mais j'ai disparu dans la maison, parce qu'il
03:30voulait vraiment pas valider mon choix. Parce que bon, première semaine, deuxième semaine,
03:35il faut se souvenir aussi que ma mère était une femme au foyer, avec six enfants. Et donc,
03:40à quelque part, bon, il y en a cinq autres, je vais me focusser sur les autres, et tu te dis,
03:48si je reçois de l'argent, moi, pour prendre mes cours de danse, c'est que mon père donne
03:53de l'argent à ma mère qu'elle me donne à moi. Donc, il valide pas, mais en réalité,
03:58il pourrait dire à ma mère, écoute, cet argent-là, tu lui donnes pas, et il va se sécher, quoi.
04:05Et non. Et donc, une façon, il valide en finançant mes études de danse, mais jamais émotionnellement.
04:14Vous nous expliquez tout ce parcours que vous avez eu, c'est-à-dire qu'il y a ces danses de
04:18salon, ces compétitions qui font que vous passez d'amateur à professionnel, le fait qu'on fasse
04:26appel à vous pour des émissions de télé aux États-Unis, au Canada, et puis ce coup de téléphone,
04:31effectivement, qui vient de la France, et qui vous demande de faire une vidéo que vous faites
04:36dans un endroit très sombre, d'ailleurs, et qui va faire basculer un certain nombre de choses,
04:40et vous vous retrouvez à la télévision française dans Danse avec les Stars. Votre première question
04:44à ce moment-là, Jean-Marc, c'est, est-ce que je peux dire oui ? Parce qu'effectivement, dans votre
04:50vie, il y a deux enfants, un garçon et une fille, et que votre fille est touchée par ce syndrome de
04:56Rett, qui est une maladie neurologique très grave, irréversible, et que votre première
05:00préoccupation, c'est vous demander comment vous allez faire à la maison. Et c'est un vrai challenge,
05:06et la découverte, ça m'a détruit pendant cinq semaines. Ma femme, elle, cinq minutes. Elle s'est
05:14écrasée au sol, cinq minutes, après elle a dit « ok, je sais quoi faire ». Et moi, j'étais à la
05:22remorque. Je me suis accrochée. J'avais jamais cancellé des boulots dans ma vie. Jamais. J'avais
05:29jamais dit… Mais là, tu sais, je dis souvent, pour être une personne complète, il faut être
05:38les quatre saisons. Et là, moi, j'étais qu'en hiver dans ma tête. Et c'était… Avec la brume
05:44qui va avec, le froid, toutes ces sensations. Ah oui, le blizzard. Le froid dans le cœur,
05:50j'avais jamais senti ça de ma vie. Mais à quelque part, quand je le réalise, j'ai quand même vécu
05:57un deuil de voir un jour, ou de pouvoir un jour, partager un parquet de danse avec ma fille. Ça,
06:07c'est… J'ai vécu tous ces trucs-là. Et France, elle l'a vu d'un autre côté. Sécurité,
06:15amour, tendresse, le pratico-pratique. On va faire des recherches. On va étudier cette maladie. On
06:27va la vaincre. Bon, après, c'est incurable. Mais elle a pris son fils dans ses bras. Elle a pris
06:35sa fille sur ses épaules et elle m'a traîné derrière. Et après cinq semaines, j'étais devant
06:41un miroir, j'étais en train de me raser. Je ne sais pas si j'entends ou je vois mon père,
06:45mais en tout cas, cette phrase aussi symbolique, elle a pris tout son sens. Comment tu vas faire
06:52pour se souvenir aux besoins? Et ce n'est pas juste des besoins financiers. Tout genre de besoin.
06:57Tu joues avec le feu, tu te brûles. Bien, tu fais des trucs avec ta femme, tu vas avoir des enfants.
07:03Et là, prends tes responsabilités. Et j'ai descendu en bas et je me souviens… Du deuxième,
07:10je descends en bas et France me voit. Et dans mes yeux, elle voit que, OK, je suis revenu l'homme
07:16qui était là à la conception. Et là, elle disait OK, j'ai un partenaire. Quand vous êtes arrivé
07:22en France, vous avez passé des tests, tout simplement, parce qu'ils voulaient voir en vrai
07:27ce que ça donnait. Votre accent était un vrai problème. Je remarque que vous l'avez énormément
07:32travaillé. Vous avez écouté toutes les émissions radio possibles et imaginables. Vous avez regardé
07:36les émissions de télé. Vous avez travaillé pour que votre voix, votre accent devienne audible.
07:41C'est sûr que je ne voulais pas me dénaturer, mais je voulais arriver à un moment où ce que j'ai
07:49à faire, le travail, c'est de décrypter, donner des clés à des gens qui vont éventuellement voter
07:56sur des performances. Donc, je ne voulais pas que les gens rient de comment je le dis. Je voulais
08:02que les gens peut-être rient ou aillent du plaisir à dire ce que j'ai dit, mais pas être mélangé dans
08:09mon accent. Et encore aujourd'hui, les gens vont dire, « Ah, toi, t'es québécois. » Si vous saviez,
08:15si je me mets à parler comme je parle chez moi, ça va être complètement différent. Les gens,
08:18peut-être, ne comprendront pas du tout. Parce que nous, on va dire, « Hey, tu veux-tu ? » On va
08:23avoir des... On a, je ne veux pas un argot, je veux dire un dialecte, mais on a une façon de
08:29s'exprimer qui est complètement différente d'ici. Et donc, on ne dit pas « du coup, au Québec ». On
08:35ne dit pas plein de trucs que je vais me servir ici. Donc, j'ai essayé de moduler, de m'ajuster,
08:43pas de me dénaturer. – Est-ce que la danse vous a sauvé et continue de vous sauver, Jean-Marc
08:49Généreux ? – Je ne vis pas dans le passé. Donc, je ne sais pas si France avait fait du patinage
08:54artistique, si je serais sur la patinoire aujourd'hui. Si France avait été architecte,
09:00est-ce que je serais architecte à ses côtés ? Elle a influencé carrément ma vie. Mais cette
09:06danse aujourd'hui, elle est entrée dans mon ADN. Elle est indissociable avec mon nom. Je voudrais
09:13être acteur, je voudrais être chanteur, je voudrais être plein d'autres choses. Je ne peux pas effacer
09:20ce passé et je ne voudrais pas l'effacer. Elle fait partie de moi. C'est intégré dans… Je ne sais
09:30pas si je n'avais pas fait la danse, si je serais comme ça aujourd'hui devant ces micros. Il y a un
09:37mouvement qui part à droite et à gauche. Il y a une musique qui part. La tête me part. Je ne sais
09:43pas quoi. C'est devenu une partie de moi et une partie de mon bonheur. Ça m'aide à aimer,
09:55à m'exprimer. Ça m'aide à échanger. Je ne voudrais jamais la dissocier de ma vie parce que
10:03le mot « danse » rime avec France. Elle m'a fait découvrir une route qui a été parsemée d'embûches,
10:19mais de tellement de bonheur. Je ne serais pas avec toi, Elodie, aujourd'hui s'il n'y avait pas eu la danse.