• hier
Au programme de ce nouveau numéro de "En Direct du Sénat" : la nomination de Richard Ferrand validée par le Parlement hier, mais à une voix près. Depuis hier, cette nomination fait polémique car elle est rendue possible par l’abstention du RN. Deuxième thème dans cette émission et la majorité sénatoriale qui entend interdire les mariages entre Français et étrangers illégaux. Une proposition de loi était examinée au sénat, mais elle pourrait être inconstitutionnelle, le débat fait rage. Enfin, une délégation de parlementaires ukrainiens était au Sénat cette semaine, à quelques jours du triste anniversaire des trois ans de guerre en Ukraine. Le tout dans le contexte de ces propos très agressifs de Donald Trump envers Volodymyr Zelensky. Année de Production :

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00:00...
00:00:11Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition
00:00:14en direct du Sénat, votre programme qui revient tous les jeudis
00:00:17sur les temps forts de l'actualité de la Chambre haute du Parlement.
00:00:21Voici les titres.
00:00:22A la une, il y a la nomination hier de Richard Ferrand
00:00:25au Conseil constitutionnel.
00:00:26Elle a été validée, mais d'une seule voix.
00:00:29Depuis hier, cette nomination fait polémique
00:00:32car elle est aussi rendue possible
00:00:33par l'abstention du RN.
00:00:35Philippe Bas, de son côté, a été confirmé largement.
00:00:38Il était le candidat proposé par Gérard Larcher.
00:00:40Deuxième thème dans cette émission est la majorité sénatoriale
00:00:44qui entend interdire les mariages entre Français et étrangers illégaux.
00:00:48Une proposition de loi a été examinée ce matin,
00:00:50mais elle pourrait être inconstitutionnelle.
00:00:53Et enfin, une délégation de parlementaires ukrainiens
00:00:56était au Sénat cette semaine
00:00:58à quelques jours du triste anniversaire
00:01:00des trois ans de guerre en Ukraine,
00:01:02le tout dans le contexte de ces propos très agressifs
00:01:05de Donald Trump envers Volodymyr Zelensky.
00:01:12Mais d'abord,
00:01:13cette nomination de Richard Ferrand qui fait polémique depuis hier.
00:01:17Elle a bien été validée, mais cela s'est joué à une seule voix.
00:01:20Retour sur les temps forts de l'audition qui s'est tenue hier.
00:01:23Réaction à suivre.
00:01:24Le bon positionnement me semble être celui,
00:01:27tout simplement, que prévoit la Constitution,
00:01:32en veillant au fur et à mesure qu'évoluent d'autres normes,
00:01:36et bien marier cette identité constitutionnelle
00:01:39avec les engagements internationaux de la France.
00:01:42Car si, aujourd'hui,
00:01:44des décisions proviennent d'autres juridictions européennes,
00:01:47c'est parce que notre pays a plusieurs fois réitéré le souhait
00:01:53d'entrer dans une construction européenne
00:01:55qui participe également
00:01:57de la construction de l'ordre juridique européen.
00:02:00La Constitution de la France restant au sommet
00:02:03de notre hiérarchie des normes,
00:02:05cela n'a jamais été remis en cause.
00:02:08Je vous remercie. Je vais donc passer la parole
00:02:11à trois de mes collègues.
00:02:13Nous procéderons par salve de trois questions.
00:02:17Marc-Philippe Dobres, Jérôme Durain et Marie-Pierre Delaconte.
00:02:20M. Dobres.
00:02:21Oui, M. le Président.
00:02:24Vous avez été président de l'Assemblée nationale.
00:02:27J'y ai été moi-même élu 25 ans, la première fois en 1992.
00:02:32J'ai donc vu les mois que suscitait la censure, en 1993,
00:02:37de la loi Pasqua sur l'immigration.
00:02:40Censure qui posait problème sur un certain nombre de choses,
00:02:44notamment une notion que vous avez évoquée,
00:02:46les cavaliers législatifs.
00:02:48Or, il y a un peu plus d'un an,
00:02:51le Conseil constitutionnel a pris une décision
00:02:54qui retoquait l'essentiel du travail du Sénat
00:02:57et des apports du Sénat sur la loi immigration
00:02:59pour des motifs de forme, cavaliers législatifs,
00:03:03et non pour des motifs de fond
00:03:04sur lesquels le débat eût été légitime
00:03:07par rapport aux questions posées.
00:03:09Et l'article 45 de la Constitution,
00:03:13revu par la Constituante de 2008
00:03:16et tous ceux qui ont participé à ces débats ici au Sénat
00:03:19comme à l'Assemblée nationale, s'en souviennent,
00:03:22il était clairement indiqué
00:03:24qu'il fallait que les amendements aient un lien,
00:03:27même indirect, avec le texte,
00:03:30et non avec les articles du texte de la Constitution.
00:03:33Vous le savez, dans la Constitution,
00:03:35chaque mot pèse lourd et a son importance.
00:03:38Vous venez vous-même de déclarer dans votre propos liminaire
00:03:41que les Constituants ont le dernier mot
00:03:44et que c'est eux qui fixent les règles.
00:03:46Donc ma question est simple.
00:03:48Si vous vous étiez retrouvés
00:03:50à devoir donner votre position
00:03:53sur cette question de la loi immigration,
00:03:55et notamment du fait qu'on a traité de cavaliers législatifs
00:03:58des amendements qui avaient tous un lien,
00:04:01au moins indirect, avec le texte,
00:04:03est-ce que vous vous en seriez tenu à la lecture,
00:04:06à l'esprit et à la lettre de la Constitution de 2008,
00:04:09telle qu'elle a été réformée,
00:04:11ou est-ce que vous auriez été dans le sens de la jurisprudence
00:04:13du Conseil constitutionnel ?
00:04:16Merci. M. Jérôme Durain.
00:04:19Merci, Mme la Présidente.
00:04:20M. Ferrand, ma question a trait à un autre cavalier législatif.
00:04:24Ce matin, Dominique Chagnelot, éminent constitutionnaliste,
00:04:27déclare qu'il faudrait aussi leur demander,
00:04:30il parle des sages,
00:04:31de n'avoir aucune condamnation pénale à leur actif
00:04:33et de produire une déclaration de patrimoine à la haute autorité
00:04:36pour la transparence de la vie publique.
00:04:38Je note que cette disposition fut censurée en 2017
00:04:42par le Conseil lui-même comme cavalier législatif.
00:04:45Il s'agissait du statut des magistrats.
00:04:47Apparemment, ils n'en sont pas. Je ferme les guillemets.
00:04:50Quelle conclusion, M. Ferrand, tirez-vous
00:04:52sur la nature des membres du Conseil constitutionnel ?
00:04:55Et pouvez-vous nous confirmer qu'il faudrait prévoir
00:04:58cette déclaration de patrimoine
00:04:59pour les membres du Conseil constitutionnel ?
00:05:04Pierre Delagon-Try.
00:05:08Merci, Mme la Présidente.
00:05:11M. Ferrand, l'actuel président du Conseil constitutionnel
00:05:15déclarait il y a peu le rôle du Conseil constitutionnel
00:05:19est de faire respecter la Constitution.
00:05:21Ces neuf membres doivent répondre à trois exigences,
00:05:24la compétence, l'expérience, l'indépendance.
00:05:28On nous appelle les sages à nous de mériter ce titre.
00:05:31Pensez-vous satisfaire ces trois exigences ?
00:05:36Merci. La parole est à vous, M. Ferrand.
00:05:39Merci, Mme la Présidente.
00:05:42M. le sénateur Dobress,
00:05:46vous me demandez ce que j'aurais fait si j'avais siégé.
00:05:52Comme je ne siégeais pas, je ne suis pas tenu de vous le dire.
00:05:58J'ajoute que si, par légèreté ou par présomption,
00:06:04je venais vous dire ce que je ferais demain,
00:06:07ça signifierait que je n'ai pas grand doute sur l'issue du scrutin,
00:06:11mais ensuite, ça signifierait aussi que je ne respecterais pas
00:06:15le serment qui fait que l'on ne se prononce pas
00:06:19sur des questions qui peuvent venir ou qui sont en cours
00:06:22et qu'on ne préjuge pas de situation.
00:06:24Cela étant, je ne veux pas me dérober à votre question,
00:06:27mais vous comprendrez que je le fasse en termes naturellement très mesurés.
00:06:32Comme parlementaire, j'ai aussi vécu la frustration
00:06:38que peut représenter la censure
00:06:40pour un cavalier ou des cavaliers législatifs.
00:06:46Ensuite, quand on regarde,
00:06:47j'essaie d'être le plus objectif possible,
00:06:50l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
00:06:53on ne peut pas dire qu'ils censurent plus ou moins
00:06:57que Jadis ou que Naguère, simplement,
00:06:59le nombre d'amendements a été multiplié par X,
00:07:01ce qui fait que, ramené en pourcentage,
00:07:03on ne peut pas dire qu'il y ait ce problème.
00:07:05Ensuite, le Conseil constitutionnel rappelle
00:07:08que c'est au niveau des commissions, d'abord,
00:07:10de la séance en suite,
00:07:12que la bonne application de l'article 45 doit se faire.
00:07:18Enfin, je l'ai aussi vu,
00:07:21il arrive parfois que, finalement, le gouvernement,
00:07:25quel qu'il soit, je ne vais pas dans l'actualité,
00:07:29que le gouvernement consente ou ne conteste pas
00:07:32la constitutionnalité de certains cavaliers,
00:07:37en espérant secrètement que, finalement,
00:07:39le Conseil constitutionnel s'en chargera.
00:07:42Tout ça n'est, en effet, pas sain,
00:07:44ni pour le législateur, ni pour le citoyen,
00:07:46ni pour le Conseil constitutionnel.
00:07:48Ensuite, la situation que vous décrivez, néanmoins,
00:07:52sur les cavaliers législatifs
00:07:57pose un certain nombre de questions
00:07:59qui méritent d'être traitées.
00:08:01La chose est assez simple sur les cavaliers
00:08:03concernant les lois organiques.
00:08:04Parce qu'au fond, s'il y a une erreur
00:08:06sur l'article de constitution auquel cela se réfère,
00:08:11c'est limpide.
00:08:13D'une part, cette jurisprudence est simple,
00:08:15mais dans les lois ordinaires,
00:08:17la jurisprudence du Conseil a été plus fluctuante.
00:08:20En 1987, le Conseil avait pensé possible
00:08:24de censurer les endemandements
00:08:25par leur objet ou leur portée
00:08:28lorsqu'il considérait que cela dépassait
00:08:30les limites inhérentes aux droits d'amendement.
00:08:32Ce qui, nous en conviendrons,
00:08:34était tout de même un peu étrange comme jurisprudence.
00:08:38Cette jurisprudence, d'ailleurs, a été abandonnée
00:08:41puisque, finalement, elle portait sur la taille des amendements.
00:08:44Et désormais, c'est le lien avec le texte initial
00:08:47qui, en effet, est pris en compte.
00:08:49Le constituant a repris ce critère de l'article 45
00:08:54que vous évoquiez, monsieur le sénateur,
00:08:56pour poser que tout amendement est recevable
00:09:00en première lecture dès l'instant qu'il présente un lien,
00:09:02même indirect, avec le texte déposé ou transmis.
00:09:06Bon.
00:09:07Mais depuis cette révision de 2008,
00:09:10deux critiques, en fait, s'additionnent.
00:09:12D'une part, il est relevé
00:09:14que la jurisprudence du Conseil n'a guère varié
00:09:17malgré l'ajout de ce lien indirect.
00:09:21Et le constituant, son intention était d'assouplir
00:09:24précisément le traitement des cavaliers.
00:09:29D'autre part, je ne dis un mot dans mon exposé liminaire,
00:09:33cette jurisprudence n'est pas toujours prévisible
00:09:36parce que le critère du lien est parfois clair,
00:09:39mais pas toujours.
00:09:41Et que donc, ça laisse une part de censure
00:09:45de nombreux articles,
00:09:47y compris sur le sujet que vous avez évoqué,
00:09:50sans que l'on puisse exactement justifier, à travers le lien,
00:09:55ce qui peut, derrière, entraîner ces censures.
00:09:57Alors moi, je suis très sensible,
00:09:59et j'ai voulu l'exprimer tout à l'heure,
00:10:01à ce que la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
00:10:05dans toute la mesure du possible, soit prévisible.
00:10:08Le doyen Vedel insistait beaucoup à ce sujet.
00:10:12Je crois qu'au niveau des commissions et de la séance,
00:10:15les choses doivent être, là aussi, faites de manière claire.
00:10:18Sans doute faut-il que le Conseil constitutionnel
00:10:21explicite mieux les limites qu'il pose
00:10:25sur ce lien direct ou indirect,
00:10:27et que, là aussi, un dialogue puisse être possible,
00:10:30fut-il informel,
00:10:31avec les responsables des commissions des lois
00:10:34pour, justement, essayer de gagner en prévisibilité,
00:10:38et pour que le législateur lui-même soit en position
00:10:41de porter sa volonté dans des conditions
00:10:44qui ne le conduisent pas à l'échec.
00:10:46Je crois que c'est cela qu'il faut essayer d'organiser mieux,
00:10:50pour qu'il n'y ait pas, ensuite, ces incidents et les polémiques
00:10:54qui en découlent.
00:10:58M. Durin.
00:11:02Pendant 10 ans, j'ai été parlementaire,
00:11:04et naturellement, j'ai été soumis aux obligations
00:11:08qui sont les vôtres et qui sont celles de tous parlementaires.
00:11:11Je n'ai évidemment aucune objection de principe
00:11:15à ce que le législateur étende ses obligations
00:11:18au Conseil constitutionnel et à ses membres.
00:11:21Je n'ai évidemment aucune objection à cela,
00:11:23mais, là encore, c'est au législateur d'en décider.
00:11:27Personnellement, cela ne me suscite aucun trouble,
00:11:32d'aucune nature.
00:11:34Mme Marie-Pierre Delagontry,
00:11:36vous m'interrogez sur les critères que le président Fabius
00:11:40a effectivement mis en valeur dans un texte très remarquable
00:11:44et un discours tout à fait remarquable
00:11:45qu'il a tenu devant l'Académie des sciences morales récemment,
00:11:49qui ont été repris dans des articles de presse
00:11:51où il met en lumière la compétence, l'expérience et l'indépendance.
00:11:55Il ajoute même que ce serait mieux
00:11:57si les membres qui avaient un mandat politique
00:11:59auraient pu avoir un délai de viduité de trois ans,
00:12:04ce qui ne fut pas son cas,
00:12:06puisqu'il était lui-même ministre en exercice,
00:12:08ce qui montre qu'au fond,
00:12:09au bout de neuf ans de réflexion et de sagesse,
00:12:11on peut arriver à des propositions
00:12:13qui, en effet, peuvent inciter à corriger les choses.
00:12:18Sur le mode de nomination, fondamentalement,
00:12:23là aussi, cela appartient aux constituants.
00:12:28Voyez-vous, notre Constitution a été révisée 25 fois depuis 1958
00:12:33sur toute une série de sujets,
00:12:36mais jusqu'à présent, sur le mode de désignation de ces membres,
00:12:40si ce n'est en 2008,
00:12:41où il y a précisément les auditions qui ont été instaurées,
00:12:45sur le mode de désignation et le profil, si je puis dire,
00:12:48et les critères que vous avez cités,
00:12:50le constituant, à ce stade, ne s'est pas exprimé.
00:12:54Il est donc parfaitement loisible de le faire.
00:12:58Et quand je regarde autour de nous comment fonctionnent les choses,
00:13:02si je regarde la cour de Karlsruhe, là, il y a un critère.
00:13:06Il faut être juriste,
00:13:07mais désigné à proportion des sensibilités politiques des partis.
00:13:14Ce serait, si on se livrait à cet exercice,
00:13:16quelque chose de particulier à faire dans la diversité inédite,
00:13:20par exemple, de l'Assemblée nationale.
00:13:22Donc, ce sont à la fois des juristes, mais politisés.
00:13:26Bon.
00:13:27Aux Etats-Unis, nous savons tous que la cour suprême des Etats-Unis,
00:13:31on le lit tous les jours dans la presse,
00:13:33mais tel juge est réputé, alors progressiste,
00:13:35notre conservateur, notre très conservateur, ultra conservateur,
00:13:38de sorte qu'on regarde les juges par leur profil politique.
00:13:45Alors même qu'en effet, ils sont juristes.
00:13:47Mais on les considère d'abord comme ça et on les identifie
00:13:50et on suppute à l'infini,
00:13:51et j'imagine les pressions qui vont avec,
00:13:53sur le type de décision qu'ils peuvent rendre.
00:13:56Si je regarde en Espagne, il y a plusieurs types.
00:13:59Je vais y venir, madame.
00:14:01Si on regarde en Espagne, il y a là aussi des modes de désignation
00:14:05qui font qu'on arrive souvent au blocage de l'institution.
00:14:08Tout ça pour vous dire que je considère
00:14:10que le mode de désignation actuel,
00:14:15comme disait Churchill de la démocratie,
00:14:17c'est le pire et j'en connais pas de meilleur.
00:14:20Ensuite, vous suggérez la compétence, l'expérience, l'indépendance,
00:14:24et cela, oui, vous citez le président Fabius
00:14:27et vous vous adressez à moi, donc j'ai la faiblesse de penser
00:14:29que ce questionnement s'adresse également à moi personnellement.
00:14:33C'est en tout cas ce que je crois.
00:14:35Il me semble que pour être législateur,
00:14:37on n'en est pas nécessairement juriste.
00:14:40Pour être juriste, d'ailleurs, on n'en est pas nécessairement législateur.
00:14:43Je considère que faire en sorte que l'expérience parlementaire
00:14:49constitue un apport pour le Conseil,
00:14:51je ne sais pas si ça vaut compétence,
00:14:53mais j'ai le sentiment que ça pourrait être utile.
00:14:54D'ailleurs, je me dis que les pères de la Constitution,
00:14:58s'ils avaient souhaité que la constitutionnalité des lois
00:15:00ne soit examinée que par des juristes,
00:15:03alors ils l'auraient confiée au Conseil d'Etat.
00:15:06On était sûr de ne pas se tromper.
00:15:08Et c'est alors une assemblée juriste qui aurait statué là-dessus.
00:15:14L'expérience,
00:15:15l'expérience, c'est celle que je me suis permis d'invoquer
00:15:20dans mon propos liminaire, et l'indépendance.
00:15:24L'indépendance, a priori, elle est difficile à démontrer.
00:15:29C'est au fur et à mesure des actes que l'on peut en juger.
00:15:33Car, au fond, les débats,
00:15:35j'ai relu, forcément, ces derniers jours,
00:15:39dans quels contextes ont été élus, nommés, plutôt,
00:15:44un certain nombre de présidents du Conseil constitutionnel.
00:15:48Il faut lire les diatribes de Pierre Mazot sur Jean-Louis Debré.
00:15:53C'est terrible.
00:15:55Il faut se rappeler
00:15:58qu'un certain nombre de personnalités politiques
00:16:00de premier plan avaient estimé
00:16:02que la nomination de Robert Ballinter
00:16:04rabaissait la France.
00:16:06Rabaissait la France.
00:16:07Donc, j'ai envie de dire que le débat
00:16:10sur les critères de choix des membres du Conseil constitutionnel,
00:16:14c'est aussi ancien que le Conseil constitutionnel.
00:16:18Et, en tout état de cause,
00:16:20si les critères énoncés par le président Fabius
00:16:21devraient, demain, se traduire en exigence de critères,
00:16:25eh bien, cela devrait passer par une réforme de la Constitution
00:16:29ou par une loi organique qu'il vous appartiendrait,
00:16:32à vous et à vous seul, de déterminer.
00:16:34Voilà pour l'extrait de l'audition de Richard Ferrand,
00:16:37hier, au Sénat, pour un parlage accueilli, ici, Roger Carocci.
00:16:39Bonjour, vous êtes sénateur à LR des Hauts-de-Seine.
00:16:42Donc, la nomination de Richard Ferrand,
00:16:43qui s'est faite que d'une seule voix,
00:16:45que doit faire, maintenant, le président de la République ?
00:16:47Peut-il renoncer à nommer Richard Ferrand ?
00:16:50– On a tous le droit de rêver, d'avoir des idées.
00:16:55Non, il ne fera rien.
00:16:57Il va nommer Richard Ferrand président du Conseil constitutionnel, point.
00:17:00– Et il n'est pas affaibli, Richard Ferrand,
00:17:02dans sa séquence qui s'est jouée ?
00:17:04– Évidemment que la manière dont s'est faite la ratification
00:17:07est assez faible pour qu'il soit porté,
00:17:11comme l'a été Philippe Bas, par exemple, du côté du Sénat.
00:17:15Mais, en réalité, je n'ai aucune illusion,
00:17:19il a 9 ans devant lui de présidence du Conseil constitutionnel,
00:17:22tout dépendra, dans les semaines et les mois qui viennent,
00:17:25de la manière dont il présidera le Conseil.
00:17:27Si, dans les semaines qui viennent,
00:17:29on constate que sur les textes, sur un certain nombre de décisions,
00:17:32la neutralité du Conseil est respectée,
00:17:36je vous rassure, dans quelques mois, plus personne ne parlera
00:17:38de la manière dont a été ratifiée sa nomination.
00:17:40– Les LR qui ont été très critiques hier,
00:17:42on a entendu l'ancien président du groupe LR à l'Assemblée nationale,
00:17:45Olivier Marlex, dire la nomination de Richard Ferrand
00:17:48est validée à une voix près grâce à Marine Le Pen,
00:17:50il y aura bientôt une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité,
00:17:54pour savoir si Mme Le Pen sera ou pas inéligible,
00:17:56tout ça sent très fort le deal secret,
00:17:58c'est ce qu'a dit Olivier Marlex hier sur notre antenne.
00:18:01– Je lui laisse la responsabilité de ses propos,
00:18:04moi je ne suis pas au courant,
00:18:06je n'aime pas beaucoup cette politique fiction
00:18:08où tout le monde imagine des accords secrets,
00:18:10des trafics, des deals, je n'en sais rien,
00:18:13et je pense qu'Olivier Marlex non plus.
00:18:15– Alors après, on peut effectivement être étonné de l'abstention…
00:18:18– Oui, l'abstention de 16 députés RN qui auraient pu empêcher…
00:18:22– Qui, s'ils l'avaient souhaité, empêchaient la ratification.
00:18:25– Oui.
00:18:26– Ils ne l'ont pas fait, alors on a entendu des explications
00:18:29comme quoi ils craignaient pire que Richard Ferrand.
00:18:31– Oui, comme Mme Taubira ou M. Dupond-Moretti,
00:18:34c'était des rumeurs qui circulaient véritablement ?
00:18:37– Dupond-Moretti ça ne circulait pas,
00:18:41mais enfin bon, ça je ne veux pas savoir,
00:18:44je n'en sais rien, c'est plutôt à Marine Le Pen de dire pourquoi,
00:18:47au final, ils se sont abstenus, ce n'est pas à nous de juger
00:18:51de la manière dont ils l'ont fait.
00:18:52– Une ambiguïté stratégique du RN aujourd'hui,
00:18:54qui souffle chaud et le froid, comment comprendre cela ?
00:18:58– Je pense que le RN veut se rendre incontournable
00:19:01et être l'acteur pivot, quand ils tapent, ça tombe,
00:19:06quand ils retiennent leur coup, ça passe,
00:19:08et ils veulent être faiseurs de rois,
00:19:10donc pour le moment, ils le sont,
00:19:13donc on verra bien dans les semaines qui viennent.
00:19:14– Cette décision, est-ce qu'elle signe aussi une crise
00:19:18au sein du socle commun avec des républicains
00:19:21qui participent au gouvernement,
00:19:22mais qui ne soutiennent pas les décisions du chef de l'État ?
00:19:24Est-ce qu'il y a une crise entre LR et le chef de l'État
00:19:29sur cette nomination, avec des répercussions
00:19:30sur la coalition gouvernementale ?
00:19:32– Il n'y a jamais eu d'amour fou entre LR et le chef de l'État,
00:19:35donc je ne vois pas pourquoi il y aurait eu une rupture,
00:19:37et le fait que les ministres LR participent au gouvernement
00:19:39de François Bayrou, ne veut pas dire qu'ils sont devenus macronistes,
00:19:42donc ça n'a jamais changé, ce depuis 2017,
00:19:46donc voilà, on continue,
00:19:48on assume nos responsabilités au gouvernement,
00:19:51on assume nos responsabilités au Parlement,
00:19:53et puis il n'y a pas de ralliement de LR au macronisme,
00:19:57et je n'ai pas le sentiment qu'il n'y ait non plus de ralliement de Macron à LR.
00:20:00– Un dernier mot, une dernière question sur cette question,
00:20:02puisqu'il y a maintenant un débat sur la règle en matière de nomination,
00:20:06actuellement, on l'a dit, il faut les trois cinquièmes des parlementaires
00:20:09des deux commissions des lois,
00:20:10contre une nomination pour qu'elle tombe,
00:20:13est-ce qu'il faut renverser cette règle qui avait été instaurée
00:20:16lors de la révision constitutionnelle de 2008,
00:20:18que vous meniez en tant que ministre des Relations avec le Parlement,
00:20:21est-ce qu'il ne faut pas plutôt trois cinquièmes pour ?
00:20:25– Non, si on enlève la règle des trois cinquièmes contre,
00:20:28il faut en venir simplement à la majorité absolue, c'est-à-dire 50%.
00:20:32– Faut-il le faire alors ? Ça renforcerait la légitimité ?
00:20:34– Ça avait été un débat en 2008,
00:20:36mais en 2008, le débat au Parlement avait été très net,
00:20:39certains disaient, mais on n'a pas à donner au Parlement
00:20:42le pouvoir de contrôler toutes les nominations du président de la République,
00:20:45donc on avait trouvé un système qui consistait à dire,
00:20:49il faut vraiment que le Parlement massivement la rejette,
00:20:52est-ce qu'il faut venir à 50% ? Peut-être, oui,
00:20:55mais il n'y a pas que la règle, il y a aussi le choix des personnalités.
00:21:00– Très bien, merci beaucoup Roger Carucci,
00:21:03on va écouter maintenant un deuxième extrait d'audition,
00:21:06puisque de son côté, Gérard Larcher avait proposé
00:21:08la candidature de Philippe Bas au Conseil constitutionnel,
00:21:10vous le disiez, une candidature qui a été largement improuvée,
00:21:14on écoute un extrait de son audition hier.
00:21:16– Le législateur, que je suis encore,
00:21:20doit toujours se donner les moyens d'atteindre ses objectifs,
00:21:25mais la poursuite de l'intérêt général
00:21:28ne peut jamais se faire à n'importe quel prix.
00:21:32Il y a un principe de proportionnalité qu'il faut respecter
00:21:36entre les objectifs à atteindre et les moyens utilisés,
00:21:42et c'est une des marques de fabrique du Sénat,
00:21:47et de sa commission des lois d'ailleurs, d'y veiller.
00:21:50Le premier défenseur de la Constitution,
00:21:53ce n'est pas le Conseil constitutionnel, c'est vous,
00:21:56c'est le législateur, c'est à lui que la déclaration
00:21:59des droits de l'homme et du citoyen
00:22:02remet le soin par la loi de trouver le bon équilibre
00:22:07dans la protection des libertés,
00:22:11dans la protection des droits fondamentaux,
00:22:13dans la protection du droit de propriété,
00:22:15dans la protection de l'égalité.
00:22:18Aucun de ces droits n'est un absolu,
00:22:20il faut trouver un bon équilibre.
00:22:23La deuxième chose que je retire de cette expérience,
00:22:28c'est que la Constitution doit toujours s'adapter
00:22:33aux nouveaux enjeux de la vie en société,
00:22:37que malgré leur génie, les auteurs de la déclaration
00:22:42des droits de l'homme et du citoyen et du préambule de 1946
00:22:47ne pouvaient anticiper.
00:22:50Évidemment que la société a changé et qu'il faut en tenir compte.
00:22:54La troisième chose,
00:22:56c'est que les acquis de la Ve République,
00:22:58que sont la stabilité dont je parlais tout à l'heure,
00:23:01la capacité donnée au gouvernement
00:23:05de concevoir et de faire adopter les grandes réformes
00:23:09dont un pays peut avoir besoin,
00:23:11eh bien, ces acquis doivent être défendus ou restaurés.
00:23:18Mais en tout état de cause,
00:23:21un meilleur équilibre entre les pouvoirs
00:23:22doit toujours être recherché.
00:23:25Parce que si c'est vrai
00:23:27que nous avons réussi à installer durablement en France,
00:23:31malgré la parenthèse qui s'est ouverte l'an dernier,
00:23:34un système de démocratie régulé par l'alternance,
00:23:41un meilleur équilibre entre les pouvoirs
00:23:43est tout de même nécessaire,
00:23:45car face à la toute-puissance de pouvoir polarisé,
00:23:49heureusement qu'il y a un Sénat
00:23:51et heureusement qu'il y a un Conseil constitutionnel,
00:23:53dont je considère d'ailleurs qu'ils ont partie liée,
00:23:57parce que chacun a sa place
00:23:59et avec des instruments d'action différents,
00:24:02ces deux institutions, une assemblée parlementaire
00:24:06et une juridiction régulatrice de la vie publique,
00:24:11ont un rôle de contre-pouvoir
00:24:14pour freiner les excès possibles des pouvoirs polarisés.
00:24:18Et cet élément me paraît également très important.
00:24:23Aucun droit n'est sans limite,
00:24:25aucun pouvoir ne doit être sans limite.
00:24:29Et c'est bien la philosophie
00:24:31de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
00:24:37Je ne revendique bien sûr, et je m'en excuse,
00:24:42aucun titre académique décisif.
00:24:47J'ai tout de même modestement enseigné
00:24:50les institutions politiques et le droit constitutionnel
00:24:54pendant 15 ans à l'Institut d'études politiques de Paris
00:24:59et j'ai publié un certain nombre d'articles
00:25:04et un livre sur le fonctionnement de nos institutions républicaines.
00:25:09Mais au-delà de cette participation,
00:25:12que je reconnais modeste à la réflexion constitutionnelle,
00:25:16je crois quand même
00:25:19pouvoir tenter de me définir
00:25:23au moins comme un praticien de la Constitution.
00:25:29Et s'il y avait à ce titre une qualité
00:25:33que j'aimerais mériter et me faire reconnaître
00:25:39au-delà de toute expertise juridique et constitutionnelle,
00:25:44qui pourrait, évidemment, vous paraître
00:25:47également nécessaire et utile,
00:25:50ce serait cette qualité
00:25:53étrangement indéfinissable
00:25:57qui consiste tout simplement
00:26:01à avoir du jugement.
00:26:04C'est peut-être une qualité qui permet progressivement
00:26:08de devenir sage.
00:26:12Merci, mon cher collègue.
00:26:13Je crois que nous avons le sentiment de vieux vous connaître,
00:26:18alors même que nous nous apprêtons peut-être à nous séparer.
00:26:22Nous allons commencer, si vous voulez bien, les questions.
00:26:25Je vous invite à vous inscrire tout simplement en levant la main.
00:26:30Et en attendant que vous puissiez le faire,
00:26:32je vais moi-même commencer par poser 2 questions à Philippe Bain.
00:26:38Depuis l'avènement
00:26:39d'un contrôle de constitutionnalité des lois en France,
00:26:41et plus encore depuis l'extension du champ de ce contrôle,
00:26:44tant par l'élargissement des normes,
00:26:46le bloc de constitutionnalité,
00:26:48que par la création des nouvelles procédures, la QPC,
00:26:51il existe un questionnement
00:26:53sur la légitimité du Conseil constitutionnel
00:26:55qui semble s'accentuer ces dernières années.
00:26:58Comment l'expliquez-vous ?
00:26:59Est-ce lié à son positionnement institutionnel actuel ?
00:27:03Et selon vous, quel doit être le bon positionnement
00:27:07du Conseil constitutionnel au sein des institutions ?
00:27:102e question.
00:27:12Le Conseil constitutionnel a récemment donné corps
00:27:14à la notion d'identité constitutionnelle de la France,
00:27:18qui permet de faire échec à l'application des dispositions
00:27:20du droit de l'Union européenne
00:27:22qui est à l'encontre de cette identité constitutionnelle.
00:27:26La mise en application récente de cette notion
00:27:28qui demeurait en quelque sorte virtuelle depuis 2006,
00:27:31sera-t-elle, selon vous, plus souvent faite par le Conseil
00:27:34à mesure que le droit de l'Union prend de plus en plus prise
00:27:37sur les questions régaliennes ?
00:27:39Quel sujet d'articulation entre le droit national
00:27:42et le droit européen vous paraît-il à titre personnel
00:27:45les plus à même de donner lieu à l'usage
00:27:47de cette notion d'identité constitutionnelle ?
00:27:50Je vais peut-être vous demander, mon cher collègue, de répondre,
00:27:54et ensuite, je passerai la parole à ceux qui se sont inscrits.
00:28:00La légitimité du Conseil constitutionnel
00:28:02est, de mon point de vue, intacte,
00:28:05parce que j'ai des souvenirs.
00:28:08A chaque fois que le Conseil constitutionnel
00:28:11prend une décision,
00:28:13il la prend en droit.
00:28:16Mais cette décision,
00:28:19elle est sollicitée depuis 1974
00:28:23par des formations politiques.
00:28:26Et comme pour tout jugement,
00:28:29quand la décision est rendue,
00:28:31elle satisfait les uns et elle mécontente les autres.
00:28:35Alors ce qui est très intéressant,
00:28:38c'est de voir qu'au-delà de cette satisfaction
00:28:41et de ce mécontentement,
00:28:45ceux qui sont un jour mécontents
00:28:47se réjouissent le lendemain d'une autre décision,
00:28:51et ceux qui sont satisfaits
00:28:54sont scandalisés par la décision suivante.
00:28:58Mais ça, c'est le jeu politique.
00:29:02Le Conseil constitutionnel ne peut pas rentrer
00:29:05dans le débat politique.
00:29:08Et je tiens à dire que, de mon point de vue,
00:29:10il ne le fait pas.
00:29:12La diversité d'origine de ses membres,
00:29:15la diversité d'expérience de ses membres,
00:29:19leur indépendance,
00:29:21qui tient à leur statut,
00:29:24mais aussi au choix qui est fait
00:29:27par les autorités de nomination,
00:29:29dont c'est une mission constitutionnelle éminente,
00:29:33qui, je crois, s'efforce de la remplir avec soin,
00:29:39sont des garanties qui me paraissent
00:29:41extrêmement importantes.
00:29:44Mais bien sûr, chacun des membres du Conseil constitutionnel
00:29:47doit parfaitement intégrer
00:29:50que ces décisions ont un impact.
00:29:53Le doyen Louis Favoreux disait
00:29:55que la jurisprudence constitutionnelle,
00:30:00c'est le droit saisi par la politique
00:30:04ou la politique saisie par le droit.
00:30:06C'est une boutade, peut-être,
00:30:08mais elle dit bien que cette institution
00:30:11est extrêmement exposée.
00:30:13Elle est exposée à la critique
00:30:15et elle doit y réagir avec sérénité.
00:30:19C'est, en tout cas, ce que je m'efforcerais de faire
00:30:22si ma nomination est confirmée.
00:30:25Quant à l'identité constitutionnelle de la France,
00:30:28ce n'est pas une décision récente du Conseil constitutionnel.
00:30:31C'est une ouverture qui a été faite
00:30:33et qui permet au Conseil constitutionnel,
00:30:36tout simplement, de dire que si le traité,
00:30:38régulièrement ratifié
00:30:41et également appliqué
00:30:44par les autres parties signataires,
00:30:48est supérieur
00:30:52dans la hiérarchie des normes à la loi,
00:30:56il est inférieur à la Constitution.
00:31:00Et le Conseil constitutionnel se réserve,
00:31:02de mon point de vue, à juste titre,
00:31:05la possibilité d'écarter les dispositions d'un traité
00:31:10qui serait contraire
00:31:13à l'identité constitutionnelle de la France.
00:31:16Il a fait cette évolution jurisprudentielle
00:31:21à propos du principe de laïcité, notamment.
00:31:24Je crois que c'est très important de savoir
00:31:27que parmi les intérêts fondamentaux de la France,
00:31:30il y a, bien sûr,
00:31:32le respect des engagements
00:31:36qui sont pris pour la sécurité collective,
00:31:39pour le développement du commerce, pour la construction européenne,
00:31:43mais qu'il y a aussi,
00:31:45à côté des intérêts fondamentaux de la France
00:31:49que les traités mettent en oeuvre
00:31:52la nécessité de préserver notre identité constitutionnelle.
00:31:56Je crois que cette évolution est une évolution tout à fait positive.
00:32:01Merci. Je vais passer donc la parole à nos collègues
00:32:06par une salve de trois questions.
00:32:08Vous êtes assez nombreux à vous être inscrits.
00:32:11Nous devrons normalement avoir fini la totalité de nos opérations
00:32:14dans trois quarts d'heure.
00:32:15Je n'entends pas brider la parole, bien évidemment,
00:32:18mais un effort de concision sera le bienvenu.
00:32:20Je vais passer donc successivement la parole
00:32:22à madame Sophie Briand-Guillemont,
00:32:23à monsieur Eric Cayrouche et madame Olivia Richard.
00:32:25Madame Briand-Guillemont.
00:32:28Merci, madame la présidente.
00:32:30Monsieur Ba, j'aimerais vous interroger
00:32:32sur un aspect du Conseil constitutionnel
00:32:34dont on parle peu, dont on n'a pas encore parlé,
00:32:36qui est le contentieux électoral.
00:32:38Vous savez que le contentieux électoral
00:32:40représente plus de la moitié des décisions
00:32:42rendues par le Conseil constitutionnel depuis 1959.
00:32:46Et vous avez commencé votre audition
00:32:48en parlant de votre admiration
00:32:50pour la Constitution de la Vème République.
00:32:52Vous savez que le fait, pour le Conseil constitutionnel,
00:32:55de juger les élections des parlementaires
00:32:57est une nouveauté de notre histoire constitutionnelle,
00:32:59puisqu'elle était introduite précisément en 1958.
00:33:02Est-ce que votre admiration pour la Constitution
00:33:05de la Vème République s'étend également
00:33:07à ce nouvel aspect de juge électoral
00:33:10pour le Conseil constitutionnel,
00:33:11puisqu'on aura affaire à des enjeux importants ?
00:33:15Et seconde question, vous serez amené demain,
00:33:17en tant que futur membre du Conseil constitutionnel,
00:33:20à siéger dans les formations,
00:33:23à même de juger des candidats
00:33:26ou des parlementaires lors de ces élections.
00:33:31Vous savez que la pratique du déport
00:33:32au sein du Conseil constitutionnel
00:33:34est particulièrement souple.
00:33:35Est-ce que c'est une chose que vous êtes susceptible de faire
00:33:38si vous êtes amené à juger des candidats
00:33:40que vous connaissez ou avec qui vous avez siégé ?
00:33:42Merci.
00:33:43Merci. M. Eric Kerbouch.
00:33:46Merci, Mme la Présidente.
00:33:48M. Philippe Bas, il est bien loin le temps
00:33:50où le Conseil constitutionnel était considéré
00:33:52comme le chien de garde de l'exécutif
00:33:53au moment de la création de la Vème République.
00:33:57Aussi bien la décision de 1971,
00:33:59la capacité à saisir le Conseil par 60 députés et 60 sénateurs,
00:34:03et les QPC ont fait en sorte que ce Conseil constitutionnel
00:34:08a une tendance, je ne sais pas si elle est fâcheuse,
00:34:10mais une tendance peut-être nécessaire
00:34:12à la transformation en un véritable cours constitutionnel.
00:34:15Néanmoins, dans l'état actuel des choses,
00:34:17nous sommes toujours dans une situation hybride d'entre-deux.
00:34:21Et donc, c'est ma question,
00:34:24faut-il évoluer vers une véritable cour constitutionnelle ?
00:34:29Et quel est votre avis sur cette possible évolution ?
00:34:32Ou faut-il garder le système un peu, encore une fois,
00:34:35malheureux d'entre-deux dans lequel nous nous trouvons,
00:34:39qui fait que le Conseil a une place éminente,
00:34:42sans avoir le rôle complet d'une cour constitutionnelle
00:34:47qu'elle devrait sans doute avoir,
00:34:49eu égard à son importance dans nos institutions,
00:34:51ce qui ferait nécessairement réfléchir aussi
00:34:54aux conditions de nomination.
00:34:55Mais au moins sur cette évolution, qu'en pensez-vous ?
00:34:58Merci, madame Olivia Richard.
00:35:00Merci, madame la présidente.
00:35:02Monsieur le conseiller, monsieur le ministre,
00:35:05monsieur le président, chers collègues,
00:35:09vous avez eu la modestie de souligner
00:35:13l'absence de qualifications académiques déterminantes.
00:35:17Vous m'excuserez, j'espère, d'avoir souri
00:35:20lorsque vous avez dit ça.
00:35:23Je suis très impressionnée moi-même
00:35:24de pouvoir être ici aujourd'hui et de participer à ce vote
00:35:28qui, je pense, va rassurer beaucoup d'entre nous
00:35:31sur le renforcement du Conseil constitutionnel
00:35:34que pourrait constituer votre nomination.
00:35:37Une question très rapide.
00:35:38Je représente les Français établis hors de France
00:35:41et je voulais votre sentiment sur le fait
00:35:43que des élus au suffrage universel direct
00:35:47puissent n'avoir qu'un rôle purement consultatif.
00:35:50Merci.
00:35:52Merci. Je vais donner la parole à monsieur Philippe Bas
00:35:54pour vous répondre.
00:36:02Madame Brilhante-Dumont,
00:36:05je voudrais dire que c'est un progrès
00:36:10que le Conseil constitutionnel soit chargé du contentieux
00:36:14des élections parlementaires,
00:36:18mais aussi de l'élection présidentielle
00:36:21et des référendums.
00:36:23Sous les régimes précédents, c'était les assemblées elles-mêmes.
00:36:29Et je crois que c'est une bonne garantie
00:36:32que ce soit une juridiction constitutionnelle,
00:36:34et non pas d'ailleurs le Conseil d'Etat simplement,
00:36:37qui a développé toute la jurisprudence, néanmoins,
00:36:41sur la régularité des scrutins, des autres scrutins.
00:36:47C'est une bonne chose
00:36:49que le Conseil constitutionnel soit investi
00:36:51de cette responsabilité.
00:36:54Et il le fait également
00:36:56avec le souci de ce fameux réalisme
00:37:01du contentieux électoral,
00:37:04mais en appliquant des lois qui sont de plus en plus sévères
00:37:09et qui ne laissent pas toujours beaucoup de marge de manoeuvre
00:37:12aux juges de l'élection.
00:37:14Alors, vous me demandez si j'aurai à me déporter.
00:37:20C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre par avance,
00:37:24puisque ce sont des situations individuelles
00:37:27qui se présenteront.
00:37:29Mais je vous le dis, si j'ai le sentiment
00:37:32qu'il pourrait y avoir un doute
00:37:35sur mon indépendance de jugement dans telle ou telle affaire,
00:37:38et d'ailleurs pas seulement de contentieux électoraux,
00:37:42je veillerai à ce que ce doute ne puisse pas subsister.
00:37:48À notre collègue Kérouche,
00:37:50qui rappelle que le Conseil constitutionnel
00:37:53n'est plus ce chien de garde de l'exécutif
00:37:57qu'il était censé être
00:38:00dans les premières années de son existence,
00:38:04et qui s'interroge sur des évolutions possibles
00:38:07pour transformer le Conseil constitutionnel,
00:38:10qui est déjà une juridiction constitutionnelle.
00:38:14En cours constitutionnel, je crois pouvoir interpréter
00:38:17votre propos en disant
00:38:21qu'il s'agirait alors d'en faire une véritable cour suprême
00:38:26au sommet de l'ordre juridictionnel.
00:38:29J'ai tout de même envie de répondre
00:38:31que le Conseil constitutionnel est unique.
00:38:35Que le Conseil constitutionnel, bien sûr,
00:38:39nous le connaissons principalement
00:38:43parce qu'il assure la protection des droits et libertés,
00:38:47mais il continue à être un arbitre
00:38:51des relations entre les pouvoirs publics constitutionnels,
00:38:55un gardien du bon fonctionnement
00:38:59du processus législatif.
00:39:02Et ces fonctions restent importantes.
00:39:05Et je crois qu'elles le sont, d'ailleurs, de plus en plus,
00:39:10quand on voit les stratégies d'obstruction à l'oeuvre,
00:39:14parfois, qui empêchent la représentation nationale
00:39:18de délibérer dans de bonnes conditions,
00:39:21et quand on constate l'instabilité dans laquelle nous sommes,
00:39:26j'espère provisoirement, entrées, du point de vue
00:39:29du fonctionnement de nos institutions politiques.
00:39:32Voilà pour cette audition de Philippe Bas,
00:39:34qui se tenait hier au Sénat pour en parler.
00:39:36J'accueille ici Corinne Narassiguin, bonjour.
00:39:38Vous êtes sénatrice socialiste de Seine-Saint-Denis.
00:39:41Un mot sur la nomination sans difficulté hier de Philippe Bas.
00:39:45Est-ce que vous avez voté pour lui ?
00:39:47Je me suis abstenue,
00:39:48mais il n'y avait aucune raison pour les socialistes de s'opposer
00:39:51à sa nomination.
00:39:53C'est quelqu'un qui a prouvé sa compétence
00:39:56et son expérience n'est pas en doute.
00:40:00Il y avait quelques débats entre nous sur le vote pour ou l'abstention.
00:40:04Certains à gauche ont voté pour, comme Yannick Vogel,
00:40:06qui nous l'a dit hier, mais vous, vous avez préféré vous abstenir.
00:40:10Cela contraste avec, en tout cas, la situation de Richard Ferrand,
00:40:13puisque lui, sa nomination ne s'est faite que d'une seule voix.
00:40:16Alors maintenant, quelles sont les options, selon vous,
00:40:18pour le président de la République ?
00:40:20Je crois que c'est quand même difficile
00:40:21pour le président de la République,
00:40:22sans nourrir encore la défiance qu'il y a vis-à-vis de lui-même
00:40:26et de la sphère politique en général,
00:40:30de nommer à la présidence du Conseil constitutionnel
00:40:33quelqu'un qui n'a obtenu qu'à peine 40 % de votes favorables
00:40:37et qui est passé à une seule voix.
00:40:38Il fallait les trois cinquièmes contre,
00:40:40il n'y a eu que 58 au lieu de 59 voix.
00:40:42Donc maintenant, est-ce que vous lui dites que...
00:40:45Et d'autant plus que c'est grâce à l'abstention
00:40:47du Rassemblement national,
00:40:48quand même, que sa nomination n'a pas été bloquée ?
00:40:52Oui, comment comprendre l'abstention de ces 16 députés RN
00:40:55qui auraient pu voter contre, qui se sont abstenus ?
00:40:57Comment est-ce qu'on l'explique ?
00:40:58C'est à eux d'expliquer la transaction qu'il y a eue,
00:41:01mais il y en a forcément eu une.
00:41:03Une transaction ?
00:41:04Vous aussi, vous reprenez l'idée d'un deal secret,
00:41:06une transaction entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen directement ?
00:41:09On sait qu'il y a...
00:41:10Quel est l'intérêt du Rassemblement national
00:41:11vis-à-vis de l'opinion publique ?
00:41:13Je ne pense pas que ça plaise particulièrement
00:41:15à leur électorat de dire qu'ils ont laissé passer
00:41:20un proche d'Emmanuel Macron
00:41:22pour qu'il devienne président du Conseil constitutionnel.
00:41:24Et donc, c'est bien qu'il y a quelque chose
00:41:26qui est à leur avantage.
00:41:28On sait qu'il y a une QPC qui peut interroger...
00:41:30Une question prioritaire de constitutionnalité.
00:41:32Qui peut intéresser beaucoup, en termes de jurisprudence,
00:41:34le cas de Marine Le Pen sur la question de son inéligibilité.
00:41:37Justement, ça va poser une zone d'ombre
00:41:40autour de la décision du Conseil constitutionnel
00:41:42dans les prochaines semaines.
00:41:43Voilà, on prépare maintenant une zone de turbulence
00:41:46pour ce Conseil constitutionnel, vous le pensez.
00:41:48Il est fragilisé.
00:41:49En tout cas, il est fragilisé, oui.
00:41:51Oui, absolument.
00:41:52Il n'avait pas forcément besoin de ça à l'heure actuelle.
00:41:54Mais ce n'est pas encore trop tard pour Emmanuel Macron
00:41:56de choisir un autre candidat.
00:41:58Oui. Il y a un débat désormais sur la règle
00:42:00en matière de nomination.
00:42:01Actuellement, on lisait, il faut trois cinquièmes
00:42:02des parlementaires des deux commissions des lois
00:42:04de l'Assemblée nationale et du Sénat
00:42:05pour bloquer une nomination.
00:42:07Cette règle, elle a été instaurée en 2008
00:42:09lors de la dernière révision constitutionnelle d'ampleur.
00:42:12Qu'est-ce que vous dites ? Il faut changer cette règle ?
00:42:15Je crois que la logique, ça serait quand même l'inverse.
00:42:17Ça serait quand même qu'il faille trois cinquièmes
00:42:19pour valider plutôt que pour bloquer.
00:42:21Et donc, effectivement, je crois qu'il y a une interrogation,
00:42:23il y a des interrogations sur des réformes constitutionnelles,
00:42:27peut-être pour plus globalement, d'ailleurs.
00:42:29Je crois qu'il y a des choses dont on peut s'interroger
00:42:31sur le fonctionnement du Conseil constitutionnel
00:42:33qui, aujourd'hui, on lui donne beaucoup de prérogatives
00:42:36qui relèvent plutôt de ce qu'on pourrait penser
00:42:38être une cour constitutionnelle.
00:42:39Et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, d'ailleurs.
00:42:42Mais le cadre juridique est flou par rapport à ça.
00:42:44Une cour, ça se sous-entend avec des juges
00:42:46qui sont, du coup, plutôt des magistrats ?
00:42:49Oui, en tout cas, des personnes
00:42:51où on a une exigence de compétence et d'expérience
00:42:54en termes juridiques.
00:42:57Corinne Laraciguin, que dire de la relation du PS
00:42:59avec François Bayrou ?
00:43:00Aujourd'hui, on a vu une séance hier à l'Assemblée nationale
00:43:03qui était très tendue, particulièrement houleuse.
00:43:06Qu'est-ce que vous dites, ce matin,
00:43:08de votre relation avec François Bayrou ?
00:43:10Nous sommes dans l'opposition, il n'y a aucun doute là-dessus.
00:43:12C'était aussi ce que cette motion de censure voulait démontrer,
00:43:16que nous avons une vision différente, aujourd'hui,
00:43:18de ce qui est bon pour le pays,
00:43:20des politiques à mener pour le pays.
00:43:23L'Assemblée tournait en ridicule votre position politique hier.
00:43:26François Bayrou a un peu fanfaronné
00:43:28parce qu'il était aussi conforté par le fait
00:43:29que le Rassemblement national, là aussi,
00:43:31n'allait pas voter la motion de censure.
00:43:33Et donc, il s'est permis cela.
00:43:35Il avait une attitude très différente
00:43:39quand il s'agissait de négocier sur le budget
00:43:41et de discuter avec nous de la question de la censure
00:43:44suite au 49.3 sur le budget.
00:43:48Donc voilà, il prend ses aises
00:43:50parce qu'il est conforté par le Rassemblement national.
00:43:52Oui. Allez, il nous reste quelques secondes
00:43:54pour évoquer un texte important
00:43:56qui est examiné aujourd'hui au Sénat
00:43:58pour interdire le mariage entre un Français et un étranger,
00:44:01présent de façon irrégulière en France.
00:44:03Quelle est la position du Parti socialiste sur ce texte ?
00:44:05Vous pouvez le présenter.
00:44:06Oui, nous sommes évidemment contre ce texte
00:44:08qui, dans sa forme actuelle, est inconstitutionnel.
00:44:12Cela a même été dit à l'époque
00:44:13par celui qui, aujourd'hui, garde des Sceaux
00:44:15et qui était ministre de l'Intérieur
00:44:17au moment de la loi Immigration.
00:44:19Et cela a été dit par le rapporteur lui-même en commission.
00:44:22Je sais qu'il y a des amendements
00:44:23où ils vont essayer de rendre ce texte votable,
00:44:26mais même les amendements restent inconstitutionnels
00:44:29puisque la liberté matrimoniale, c'est une liberté fondamentale
00:44:32qui est garantie par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
00:44:37et par la Convention européenne des droits de l'homme.
00:44:39Et puis, ce que le texte cherche à faire,
00:44:42soi-disant, c'est pour protéger les mères,
00:44:44en réalité, ça va les exposer beaucoup plus
00:44:46parce que ça va leur demander de devenir des personnes
00:44:49en situation de contrôler l'immigration,
00:44:52alors que ça n'est pas leur rôle.
00:44:53Quand on leur demande de célébrer les mariages,
00:44:55on leur demande pas de devenir des contrôleurs de l'immigration.
00:44:58Eh bien, merci. On suivra le parcours de ce texte.
00:45:00Maintenant, les prochaines étapes. Merci à vous.
00:45:02Merci.
00:45:07Allez, on en vient au deuxième thème dans cette émission,
00:45:10et c'est la proposition de loi pour interdire le mariage
00:45:12entre un Français et un étranger,
00:45:14présent de façon irrégulière en France.
00:45:16Le texte proposé par le centriste Stéphane Demilly
00:45:19a été soutenu par Gérald Darmanin et Bruno Retailleau.
00:45:23Zoom sur les débats qui se tenaient ce matin en séance.
00:45:26Je soumets aujourd'hui à votre examen une proposition de loi simple,
00:45:30univoque et laconique.
00:45:34Simple car elle s'appuie sur le bon sens,
00:45:36univoque car elle clarifie la loi et laconique
00:45:39car tout cela ne tient qu'en une seule phrase.
00:45:42Si cette proposition, me semble-t-il, revêt ces trois qualités,
00:45:46je suis bien conscient que le chemin parlementaire et juridique
00:45:49ne bénéficie pas tout à fait des mêmes qualificatifs.
00:45:53Nous en avons beaucoup parlé avec M. le rapporteur,
00:45:55que je remercie pour sa disponibilité.
00:45:59Cette proposition vise à encadrer juridiquement
00:46:01le mariage des personnes séjournant irrégulièrement
00:46:03sur notre territoire.
00:46:05Pour le dire plus simplement, cette proposition vise à ce que
00:46:09le mariage ne soit autorisé qu'aux personnes séjournant
00:46:12de manière régulière sur notre territoire.
00:46:15Cette mesure, qui m'apparaît logique et légitime,
00:46:19je l'évoque régulièrement dans mon territoire,
00:46:21avec les élus, avec les citoyens, bien sûr,
00:46:23mais aussi ici, avec les collègues du Sénat,
00:46:26et la plupart du temps, la réaction est à peu près la même.
00:46:29Face à la découverte, pour certains, de cette incohérence,
00:46:32comment se fait-il que cette mesure ne soit pas déjà en place ?
00:46:36Comment est-il possible de marier quelqu'un
00:46:38qui n'est pas en situation régulière sur le territoire ?
00:46:41Est-il concevable de lire les articles de loi du Code civil
00:46:45dans la maison municipale de la République
00:46:46à quelqu'un qui n'a pas le droit d'être là ?
00:46:49Voilà les retours et les réactions interrogatives
00:46:53de ceux à qui j'en parle.
00:46:55Et pourtant, s'il s'agit bien d'une mesure
00:46:57qui semble évidente à beaucoup,
00:46:59notre droit en l'état actuel des choses
00:47:00ne permet pas de s'opposer au mariage
00:47:02d'une personne en situation irrégulière.
00:47:05Notre droit, actuellement, ne permet pas de s'opposer
00:47:09au mariage d'une personne faisant l'objet d'une OQTF.
00:47:12Dans notre chambre parlementaire, il y a beaucoup d'anciens maires,
00:47:15et je sais que certains d'entre vous
00:47:17ont été confrontés à cette situation.
00:47:20Je voudrais d'ailleurs vous rappeler l'expérience douloureuse
00:47:23du maire d'Aumont, Stéphane Villemotte,
00:47:26que nous avons reçu la semaine dernière au Sénat.
00:47:29Il a refusé de célébrer le mariage d'un individu
00:47:32placé sous obligation de quitter le territoire français,
00:47:34ancien président d'une mosquée fermée pour discours haineux
00:47:37et apologie du djihad armé.
00:47:40Pour ce refus, notre collègue Villemotte
00:47:42a reçu des menaces de mort,
00:47:44il a reçu des pressions,
00:47:46et son domicile a dû être protégé.
00:47:48Et monde à l'envers,
00:47:49cet individu sous OQTF a porté plainte contre le maire,
00:47:53qui de ce fait encourait une peine de prison,
00:47:55d'inéligibilité et le versement de dommages et intérêts.
00:47:59Heureusement, la justice a tranché en faveur du maire.
00:48:03Mais comment est-ce possible de placer un élu de la République
00:48:07dans une telle situation ?
00:48:09Comment est-ce possible que les maires risquent
00:48:11de longs mois de procès,
00:48:12parfois aggravés d'un stress personnel et familial,
00:48:16alors qu'ils agissent pour le bien du territoire ?
00:48:18S'il y a bien un espace parlementaire
00:48:20pour répondre à ces interrogations,
00:48:22c'est ici, au Sénat.
00:48:25La législation actuelle contre les mariages de complaisance
00:48:27ne suffit pas et place les officiers d'Etat civil
00:48:31dans des situations, vous l'avez bien compris, ubuesques.
00:48:34Face à une demande de mariage
00:48:36émanant d'une personne en situation irrégulière,
00:48:39le maire doit rechercher, je cite,
00:48:41une présomption de fraude
00:48:43ou examiner, je cite toujours,
00:48:45la sincérité de l'Union.
00:48:47Bref, on demande au maire
00:48:49de se transformer en inspecteur Colombo
00:48:52ou en ersatz d'huissier conjugal pour enquêter.
00:48:55Mes chers collègues, vous le savez,
00:48:58ce n'est pas le rôle du maire,
00:49:00d'autant plus que la volonté d'investiguer du maire
00:49:02ou de l'adjoint délégué variera selon sa propre sensibilité.
00:49:07D'autre part, le temps consacré à ces investigations,
00:49:10les moyens développés pour ces investigations
00:49:12et les conclusions tirées de ces investigations
00:49:15sont plurielles et varient d'une mairie à une autre,
00:49:18comme le confirme lui-même le syndicat de la magistrature.
00:49:21Pour le dire autrement,
00:49:23il n'y a pas d'égalité de traitement
00:49:25et ces disparités peuvent être interprétées
00:49:27comme une inégalité devant la loi,
00:49:30en complète opposition, d'ailleurs, avec l'article 6
00:49:33de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
00:49:37qui stipule que la loi est la même pour tous,
00:49:40soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
00:49:42Bref, ma présente proposition de loi
00:49:45est un moyen de clarifier, d'uniformiser notre droit
00:49:48et, in fine, de protéger les élus.
00:49:51Elle n'est pas, contrairement à ce que j'ai pu lire,
00:49:53un texte dégueulasse de nos droits fondamentaux.
00:49:56Elle n'est pas non plus un texte teinté d'un quelconque ressentiment
00:49:59vis-à-vis des étrangers.
00:50:01Et enfin, elle n'est pas un texte populiste,
00:50:04surfant sur l'actualité politico-juridique
00:50:06d'Anne Hédille de Leraud,
00:50:08puisque ma proposition de loi, je le rappelle,
00:50:11a été déposée en 2023, suite à l'affaire Villemotte.
00:50:15Je souhaite également anticiper ici les préoccupations légitimes
00:50:19que soulève cette proposition, notamment au regard
00:50:22des droits individuels et du respect des libertés individuelles.
00:50:26Par exemple, je n'ignore pas la jurisprudence
00:50:28du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel,
00:50:31qui a estimé qu'une telle mesure constituerait
00:50:34une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux du mariage.
00:50:38Mais plus de 20 ans après cette décision,
00:50:41je rappelle que le contexte a drastiquement évolué.
00:50:44En 2003, le nombre d'OQTFs prononcés était de 20 000 par an.
00:50:48En 2023, ce sont 130 000 OQTFs
00:50:52qui ont été prononcés en France, soit six fois plus.
00:50:55Pour rendre sa décision, le Conseil constitutionnel
00:50:59s'était basé sur les articles 2 et 4
00:51:01de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
00:51:03qui consacre la liberté personnelle.
00:51:06Je tiens d'ailleurs à vous lire spécifiquement l'article 4 concerné.
00:51:10La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.
00:51:14L'exercice des droits naturels de chaque homme n'a deux bornes
00:51:16que celles qui assurent aux autres membres de la société
00:51:19la jouissance de ces mêmes droits.
00:51:20Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
00:51:24Je répète la dernière phrase.
00:51:26Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
00:51:30Je vous propose donc aujourd'hui de faire bouger le curseur de ces bornes,
00:51:34puisque c'est nous qui faisons la loi.
00:51:36Certains autres vont peut-être aussi évoquer
00:51:39nos engagements internationaux,
00:51:41comme l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme.
00:51:44Là aussi, relisons-le,
00:51:47l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille
00:51:50selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit.
00:51:53Là aussi, permettez-moi de répéter la fin de l'article
00:51:56selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit.
00:52:00Le texte est clair.
00:52:01Il s'agit d'un droit encadré par les lois nationales des Etats,
00:52:05et c'est une de nos prérogatives, une fois de plus,
00:52:08que de faire évoluer les lois.
00:52:10Au travers de sa jurisprudence,
00:52:13la Cour européenne des droits de l'homme
00:52:15a d'ailleurs régulièrement clarifié sa position
00:52:18et indiqué que, concernant les restrictions
00:52:21que la loi nationale peut appliquer aux droits du mariage,
00:52:24les Etats jouissent, je cite,
00:52:26d'une ample marge d'appréciation,
00:52:28notamment lorsqu'ils sont appelés à protéger
00:52:31les intérêts de la société.
00:52:34On pourrait d'ailleurs citer ici l'exemple du Danemark,
00:52:38pays membre de l'Union européenne,
00:52:41qui impose depuis 2002 la détention d'un titre de séjour valide
00:52:46pour les étrangers qui souhaitent se marier dans le pays.
00:52:50Même si certains me rappelleront la particularité danoise
00:52:53liée au mécanisme d'exception,
00:52:55il n'en reste pas moins vrai que je propose la même mesure.
00:52:59C'est également le cas depuis 2011 pour la Suisse,
00:53:03pays membre du Conseil de l'Europe.
00:53:06Oui, mes chers collègues,
00:53:08le mariage est une institution protégée par la loi,
00:53:12mais rien n'interdit de la préciser,
00:53:14donc de la faire évoluer
00:53:15pour éviter des contournements de son esprit.
00:53:19Je souhaite appeler aujourd'hui à un débat riche,
00:53:22à un débat constructif et à l'examen approfondi
00:53:25des amendements déposés sur ce texte.
00:53:28Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, disait Boileau.
00:53:34En interdisant le mariage en situation irrégulière,
00:53:37cette proposition de loi vise une fois de plus
00:53:41à clarifier les choses, à protéger les mères
00:53:44et à prévenir les abus.
00:53:47Puisque j'ai évoqué un homme de lettre du XVIIe siècle,
00:53:50permettez-moi de conclure avec un autre auteur
00:53:53de la fin du XVIIe, première moitié du XVIIIe,
00:53:56Montesquieu, qui, dans l'esprit des lois, disait
00:53:59que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
00:54:03Mes chers collègues, il me semble que cette proposition de loi
00:54:06est utile et qu'elle renforce les lois de notre République.
00:54:09Applaudissements
00:54:12...
00:54:14Merci, mon cher collègue. La parole est à monsieur Stéphane
00:54:17Lerudulier, rapporteur de la Commission des lois.
00:54:20Vous avez 10 minutes, monsieur le rapporteur.
00:54:22Applaudissements
00:54:27Merci, monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat,
00:54:30monsieur le garde des Sceaux,
00:54:32madame la présidente de la Commission des lois.
00:54:34Mes chers collègues, c'est le hasard du calendrier,
00:54:37mais nous voici réunis aujourd'hui
00:54:41pour débattre d'une proposition de loi
00:54:44de notre collègue Stéphane Demy,
00:54:48dont le dispositif a été présenté à l'instant
00:54:53et qui trouve actuellement un large écho
00:54:54dans l'actualité judiciaire,
00:54:56dans l'actualité médiatique et dans l'actualité politique.
00:55:00Alors, il ne me revient bien évidemment pas
00:55:03à la qualité de rapporteur de la Commission
00:55:06de prendre position sur les affaires judiciaires
00:55:09pendantes qui accaparent l'attention de la presse
00:55:12et qui interpellent très largement
00:55:15une large partie de notre population
00:55:18quant à la justesse de notre législation civile
00:55:21et pénale en la matière.
00:55:23Je rappellerai simplement que le maire de Béziers,
00:55:27monsieur Robert Ménard, n'est pas le seul maire,
00:55:30et ça a été dit par l'auteur,
00:55:33assigné en justice pour avoir refusé de célébrer un mariage
00:55:37dont l'un des futurs époux était soumis à une obligation
00:55:41de quitter le territoire français.
00:55:44Vous avez cité le maire d'Aumont également,
00:55:46monsieur Stéphane Villemotte, que nous avons eu l'honneur
00:55:49de recevoir au Sénat il y a quelques jours.
00:55:53Cela étant dit, et sans que ce contexte judiciaire
00:55:56ne soit ignoré, la Commission des lois
00:56:00a adopté une position en deux temps,
00:56:03et j'espère vous en convaincre,
00:56:06et fondée sur une analyse juridique approfondie
00:56:11plutôt que sur les motions à court terme
00:56:14qui suscitent, partagées ou non,
00:56:17les procédures judiciaires en cours.
00:56:19Permettez-moi tout d'abord, avant de vous présenter
00:56:21cette position en deux temps,
00:56:23d'éclairer nos collègues membres d'autres commissions
00:56:27et de dresser un rapide état du droit
00:56:30en la matière.
00:56:31En l'Etat, la liberté de mariage est certes consacrée
00:56:35par plusieurs décisions constitutionnelles,
00:56:37elles sont au nombre de 4, et les traités internationaux,
00:56:40mais elle n'est pas pour autant absolue.
00:56:44Ses limites à la liberté matrimoniale
00:56:47peuvent n'être déterminées que par la loi,
00:56:50donc que par le législateur,
00:56:52comme l'a d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises
00:56:54le Conseil constitutionnel.
00:56:57Nous sommes donc aujourd'hui dans notre rôle.
00:57:01Les restrictions à la liberté et au mariage
00:57:04prévues par la législation française
00:57:06sont cependant peu nombreuses,
00:57:08elles sont au nombre de 4,
00:57:10elles concernent exclusivement les mineurs,
00:57:13la polygamie, la consanguinité
00:57:16et l'absence de consentement,
00:57:18et je m'arrêterai sur cette absence de consentement
00:57:21qui constitue en fait le coeur de la question
00:57:24qui nous est soumise ce matin,
00:57:27car c'est sur ce surfondement
00:57:29que repose le dispositif civil
00:57:31de présentation des mariages simulés ou arrangés,
00:57:35ce qu'on appelle couramment les mariages blancs
00:57:38ou encore les mariages gris.
00:57:39Et en effet, quand on regarde la jurisprudence
00:57:43de la Cour de cassation,
00:57:45elle a toujours associé les mariages arrangés
00:57:49à un vice de consentement,
00:57:52et c'est sur ce motif que le ministère public
00:57:54peut s'opposer à de tels mariages
00:57:57sur ces îles bien évidemment préalables
00:57:59de l'officier d'Etat civil
00:58:01qui doit apprécier, notamment au vu des pièces
00:58:05fournies par les époux et les éductions qu'il peut mener,
00:58:09s'il existe, je cite, des indices sérieux
00:58:13laissant présumer un mariage simulé ou arrangé.
00:58:17Le procureur a ensuite le choix
00:58:20soit de laisser procéder au mariage,
00:58:24soit de s'y opposer,
00:58:26soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration
00:58:31dans l'attente des résultats d'une enquête.
00:58:34Ce sursis est limité pour l'heure
00:58:37à une durée d'un mois renouvelable une fois,
00:58:40à l'expiration de laquelle il fait connaître
00:58:43par une décision modifiée à l'officier d'Etat civil
00:58:46s'il laisse procéder au mariage
00:58:49ou s'il s'oppose à sa célébration.
00:58:52Alors bien que ces dispositions constituent une entrave
00:58:56à la liberté du mariage, le Conseil constitutionnel
00:58:59a considéré que le cadre législatif actuel
00:59:02était conforme à la Constitution,
00:59:05d'une part car la liberté du mariage
00:59:07ne fait pas obstacle à ce que le législateur
00:59:11prenne des mesures de prévention
00:59:13ou de lutte contre les mariages
00:59:16contractés à des fins étrangères à l'union matrimoniale,
00:59:19et d'autre part car il a réfuté explicitement
00:59:23l'existence d'un droit de contracter mariage
00:59:26à des fins étrangères à l'union matrimoniale.
00:59:29Il y a donc une reconnaissance constitutionnelle
00:59:33de ces bornes à la liberté de mariage,
00:59:36mais celle-ci est, en l'état du droit
00:59:39et de la jurisprudence actuelles,
00:59:41dissociée du droit au séjour.
00:59:43Autrement dit, la liberté de mariage
00:59:47n'est pas conditionnée à la régularité du séjour.
00:59:51C'est la raison pour laquelle le maire,
00:59:54en tant qu'officier d'Etat civil,
00:59:57ne dispose d'aucun pouvoir
00:59:59pour s'opposer formellement au mariage
01:00:02de toute personne en situation irrégulière
01:00:05sur le territoire national
01:00:07ou encore une personne impliquée,
01:00:11soumise, pardon, au QTF.
01:00:14Et cela résulte malheureusement
01:00:15d'une décision du Conseil constitutionnel de 2003
01:00:20qui énonce clairement le respect de la liberté du mariage
01:00:24s'oppose à ce que le caractère irrégulier
01:00:27du séjour d'un étranger fasse obstacle par lui-même
01:00:30au mariage de l'intéressé.
01:00:33Et l'officier d'Etat civil
01:00:36ne peut pas, en l'état actuel du droit,
01:00:38demander une pièce justifiant de la régularité du séjour
01:00:43des futurs époux, même à titre informatif.
01:00:47Et le code prénal prévoit d'ailleurs
01:00:52qu'un maire qui s'opposerait de façon illégale
01:00:56à la célébration d'un mariage
01:00:58ait passé d'une peine de 5 ans d'emprisonnement,
01:01:0375 000 euros d'amende,
01:01:05ainsi qu'une peine complémentaire d'inégibilité.
01:01:09Ce sont ces peines qu'encourent actuellement
01:01:12le maire de Béziers ou encore le maire d'Aumont.
01:01:16Voilà, rappelé très brièvement le cadre juridique
01:01:20qui structure notre débat de ce jour.
01:01:24Toujours dans l'objectif de cadrer ce débat
01:01:28et afin d'éviter certaines polémiques stériles
01:01:33de la part des opposants au texte,
01:01:35je précise d'ores et déjà
01:01:39que l'incompatibilité du dispositif initial du texte
01:01:43au regard de la jurisprudence constitutionnelle
01:01:47n'a jamais été niée par la Commission
01:01:49et qu'elle a même été formalisée clairement
01:01:52dans le rapport de la Commission des lois
01:01:54adopté à l'unanimité.
01:01:56Le débat ne porte pas donc sur une éventuelle marge
01:02:01d'interprétation que laisserait le Conseil constituant
01:02:04sur le dispositif initial du texte.
01:02:07J'insiste sur le dispositif initial du texte.
01:02:10J'en viens désormais à la position de la Commission
01:02:13qui s'est construite en deux temps.
01:02:16Consciente de la fragilité constitutionnelle
01:02:19du texte initial et également gênée,
01:02:22et cela a été dit par l'auteur,
01:02:24par le caractère assez lacunaire du texte
01:02:29qui ne précisait notamment pas quelle serait l'autorité
01:02:33qui serait chargée de se prononcer
01:02:35sur le respect de la condition de la régularité du séjour,
01:02:39la Commission a rejeté le texte à l'unanimité
01:02:42lors de son 1er examen la semaine dernière,
01:02:46mais pour des raisons sans doute différentes
01:02:50entre les groupes politiques.
01:02:51Il ne s'agissait toutefois pas d'un rejet sec,
01:02:55et ce, pour deux raisons.
01:02:57En 1er lieu, parce qu'une majorité des commissaires
01:03:00partagent les deux objectifs que porte ce texte,
01:03:03à savoir la protection des officiers d'Etat civil,
01:03:07des maires,
01:03:08qui ne disposent pas toujours en l'état actuel du droit
01:03:11de toutes les informations nécessaires
01:03:14à l'appréciation de la légalité des mariages,
01:03:17et le renforcement de la prévention
01:03:21de la lutte contre les mariages simulés ou arrangés
01:03:24qui dévoient une institution centrale de notre société
01:03:29et qui sont encore, nonobstant le déni
01:03:32dont font part certaines associations,
01:03:34que j'ai auditionnées, une vraie réalité.
01:03:38En 2d lieu, et parce que je m'y étais engagé
01:03:40auprès de la Commission,
01:03:43nous avons déposé lors de la séance publique
01:03:46des amendements qui permettent, selon moi,
01:03:49de concilier les exigences du Conseil constitutionnel
01:03:53et les objectifs portés par cette proposition de loi.
01:03:58Ces amendements que nous avons travaillés
01:04:00en bonne intelligence et en bonne coordination
01:04:02avec les services du ministère de la Justice
01:04:05constituent, je pense, une voie de passage raisonnable
01:04:08que je vous présenterai plus en détail dans quelques instants
01:04:11lorsque nous les examinerons en matière d'amendements.
01:04:15Ces 3 amendements, j'insiste,
01:04:18ont un caractère détachable du dispositif initial du texte
01:04:22et peuvent être vus soit comme une façon
01:04:24de le compléter utilement en précisant les moyens
01:04:26dont disposeront les maires et les ministères publics
01:04:29pour s'opposer au mariage,
01:04:30dont l'un ou moins des futurs époux est en situation irrégulière,
01:04:34soit comme un renforcement,
01:04:36même sans que le dispositif initial ne soit pas adopté,
01:04:39des prérogatives des maires et du ministère public
01:04:42pour lutter contre les mariages simulés.
01:04:45Enfin, et pour conclure, et j'en termine,
01:04:47il est vrai que la situation des maires d'Aumont et de Béziers
01:04:51nous appelle et nous interpelle
01:04:54et que la jurisprudence du Conseil constitutionnel
01:04:57interroge quant aux marges d'action réduites
01:04:59qu'elle laisse aux législateurs.
01:05:02C'est la raison pour laquelle nous estimons, en effet,
01:05:05que le mariage est une institution
01:05:06qui doit être protégée de tout dévoiement
01:05:09et qu'ainsi, la liberté matrimoniale
01:05:11ne doit pas être confondue avec un passe-droit.
01:05:15Je vous remercie.
01:05:16Merci, monsieur le rapporteur.
01:05:20La parole est à monsieur Gérald Darmanin,
01:05:22ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice.
01:05:27Applaudissements
01:05:37Merci, monsieur le président.
01:05:39Madame la présidente de la Commission des lois,
01:05:42monsieur le rapporteur,
01:05:45monsieur l'auteur de la proposition,
01:05:46cher Stéphane Demilly,
01:05:48mesdames et messieurs les sénateurs.
01:05:51Certains textes que nous sommes amenés à examiner
01:05:55nécessitent des démonstrations juridiques très fines
01:05:58et d'autres relèvent de la simple évidence
01:06:01pour ne pas dire du bon sens.
01:06:04La proposition de loi de Stéphane Demilly
01:06:06et de ses collègues centristes que nous examinons aujourd'hui
01:06:09appartient sans doute à cette dernière catégorie.
01:06:13Elle repose sur une idée simple.
01:06:15Le mariage, acte d'engagement,
01:06:17ne peut être conclu que par des personnes
01:06:19en capacité de s'engager.
01:06:23La proposition de loi qui nous est présentée
01:06:25est nécessaire parce qu'elle répond à une incohérence criante.
01:06:29Comment un Etat peut-il constater
01:06:31qu'une personne est en situation irrégulière
01:06:34et lui permettre d'accéder à une institution
01:06:36aussi forte et symbolique que le mariage
01:06:40qui ouvre en droit français des droits durables ?
01:06:44La situation irrégulière signifie par essence
01:06:47que l'intéressé n'a pas vocation à demeurer durablement
01:06:50sur le territoire national.
01:06:52Dans ces conditions, comment justifier l'accès
01:06:56à une institution impliquant une forme de pérennité ?
01:07:01Cette contradiction fragilise l'autorité de l'Etat
01:07:04et nourrit l'incompréhension criante de nos concitoyens.
01:07:08Plus encore, elle vient placer au coeur de ce paradoxe
01:07:10les acteurs essentiels de la démocratie,
01:07:12que sont les maires, représentants de l'Etat,
01:07:16représentants du préfet,
01:07:17représentants du procureur de la République.
01:07:20Les maires sont les 1ers garants de la légalité des actes civils.
01:07:25Or, ils sont aujourd'hui en 1re ligne d'un front
01:07:27qu'ils n'ont pas choisi.
01:07:30La célébration des mariages est à la fois un devoir
01:07:33d'officier d'Etat civil, mais également un acte fort
01:07:36qui peut participer à la construction d'une famille
01:07:38dans sa commune.
01:07:40Le mariage n'est pas une simple déclaration d'amour.
01:07:43Il n'est pas nécessaire d'être amoureux pour se marier
01:07:47et il n'est pas nécessaire de se marier pour être amoureux.
01:07:51Un mariage oblige à une communauté de vie.
01:07:57Un mariage oblige au recours, à l'assistance,
01:08:01à l'éducation des enfants,
01:08:04tout ce qui est désormais dit et redit
01:08:08dans toutes les salles de mariage de France
01:08:10lorsque maires comme vous,
01:08:12j'ai lu les articles du Code civil.
01:08:15Comment obliger à une communauté de vie
01:08:18au recours, à l'assistance, à l'éducation des enfants,
01:08:23à la pérennité de la famille
01:08:26quand on doit être expulsé du territoire national ?
01:08:30Mariage d'amour, mariage d'argent,
01:08:33on voit se marier toutes sortes de gens, disait Brassens.
01:08:37Mais les maires sont souvent les spectateurs
01:08:38des tentatives d'instrumentalisation
01:08:40de cette institution.
01:08:42Nous ne comptons plus les témoignages d'élus
01:08:44qui font part de leur malaise face à des situations
01:08:47où la fraude est soit criante, soit larvée,
01:08:51et vient les placer dans une position
01:08:52où le courage n'est aujourd'hui plus suffisant.
01:08:56En l'état de notre droit,
01:08:57et alors même qu'ils ont connaissance
01:08:59de l'irrégularité du futur conjoint,
01:09:01les maires se retrouvent contraints de célébrer un mariage
01:09:04ouvrant le droit direct à une régularisation.
01:09:09Quand bien même un signalement au parquet a été fait,
01:09:12quand bien même le parquet a répondu,
01:09:15quand bien même une mesure d'éloignement
01:09:17a-t-elle été ordonnée,
01:09:18le maire se retrouve obligé de célébrer une union
01:09:22qui ne constituera qu'un obstacle à l'état de droit.
01:09:27Si cette proposition de loi est l'oeuvre d'un sénateur,
01:09:29il n'y faut pas y voir un hasard.
01:09:32Le gouvernement, la société ne peut être sourd
01:09:35à la volonté de la Chambre
01:09:36représentant les collectivités locales,
01:09:38porte-parole des maires.
01:09:40Le gouvernement, la société ne peut être sourd
01:09:42au cri des larmes du maire Daumont, dans le Nord,
01:09:45qui courageusement a essayé de poursuivre
01:09:47ce qu'a fait l'Etat
01:09:49lorsqu'il a interdit la mosquée radicalisée,
01:09:51lorsqu'il a exigé l'expulsion de la personne radicalisée,
01:09:56mais que la loi obligeait le maire à marier.
01:10:00Mettre en cohérence notre droit
01:10:01est avant tout une manière de protéger les maires,
01:10:04de leur redonner les moyens d'agir face aux abus,
01:10:07mais surtout de restaurer l'autorité de l'Etat
01:10:10et de nos lois dans chacune des mairies de France.
01:10:13Remettre du bon sens dans notre droit,
01:10:15remettre du bon sens au ministère de la Justice,
01:10:18voilà l'oeuvre du sénateur de Milly,
01:10:20que je soutiens particulièrement.
01:10:23Deux débats vont donc se tenir ce matin,
01:10:25dont la légitimité est bien sûr entière.
01:10:28Sur le fond, certains vont soutenir que cette mesure
01:10:30constitue une atteinte aux libertés fondamentales.
01:10:33A cela, je veux dire très clairement qu'en République,
01:10:35les droits s'acquièrent dans le respect des règles communes
01:10:37et nulle part ailleurs.
01:10:40La régularité du séjour est la condition même de l'intégration.
01:10:43Permettre à une personne en situation irrégulière de se marier
01:10:46ouvre le droit à une régularisation,
01:10:49ce qui affaiblit considérablement nos règles de vie en commun
01:10:51et l'action qu'a votée par ailleurs le Parlement
01:10:53et qui a été validée par le Conseil constitutionnel.
01:10:57Ce texte vise à rétablir une logique simple.
01:10:59L'accès au mariage et aux nombreux droits qu'il offre
01:11:02ne se conçoit pas sans respect de nos lois sur le séjour.
01:11:07Le 2e débat est juridique.
01:11:09Le Parlement ne pourrait pas légiférer
01:11:10parce que la Constitution ou la Convention européenne
01:11:13des droits de l'homme l'interdisent.
01:11:16S'agissant des engagements internationaux de la France,
01:11:18il faut regarder la réalité en face.
01:11:21La Suisse ou encore le Danemark, gouvernement socialiste,
01:11:26ont déjà adopté des législations comme celles que vous allez voter,
01:11:30j'en suis sûr, dans quelques instants.
01:11:32Si le Danemark, pays classé numéro 1 des États de droit
01:11:35par le World Justice Project, a estimé pouvoir interdire
01:11:38le mariage aux personnes en situation irrégulière,
01:11:40je crois que la France peut suivre le gouvernement socialiste,
01:11:43membre de l'internat socialiste européenne.
01:11:46La France peut s'engager sur cette voie.
01:11:52Sur le plan constitutionnel,
01:11:54personne ne méconnait la décision, M. le rapporteur,
01:11:57que vous avez rappelée, rendue en 2003
01:11:59par le Conseil constitutionnel,
01:12:01et personne n'entend en mépriser l'autorité.
01:12:05Mais il n'est pas interdit dans la Constitution
01:12:09de prendre une telle loi.
01:12:11Il s'agit d'une interprétation, une jurisprudence,
01:12:15faite par le Conseil constitutionnel.
01:12:18Mais l'instabilité n'est pas l'immobilisme.
01:12:21Demander au Conseil constitutionnel
01:12:24de réexaminer sa position n'est pas un acte de défiance,
01:12:28mais bien au contraire, un acte de confiance
01:12:30dans sa capacité à s'adapter aux réalités de l'autre temps,
01:12:33comme l'a voulu Michel Debrède, général de Gaulle,
01:12:35lors de la Constitution de 1958.
01:12:38Poser 2 fois la même question au juge constitutionnel
01:12:41à 20 ans d'intervalle
01:12:43n'est ni insolent ni kamikaze.
01:12:47C'est reconnaître que la société évolue,
01:12:50que les enjeux changent,
01:12:52qu'il appartient à notre plus haute juridiction
01:12:53d'accompagner cette évolution,
01:12:55en un mot, d'entendre le consentement du peuple français,
01:12:59qui a changé, sur le mariage
01:13:02et sur les personnes qui peuvent se marier
01:13:03sur son sol national.
01:13:05Mesdames et messieurs les sénateurs,
01:13:07on ne se marie pas en entrant dans une mairie par effraction.
01:13:10Ca a été dit par M. le rapporteur sur les mariages gris
01:13:13et sur tous ceux qui utilisent, sans doute,
01:13:16notre générosité et notre légalité
01:13:18pour escroquer non seulement le futur conjoint,
01:13:22mais la République.
01:13:24C'est pour cette raison que le gouvernement
01:13:26soutiendra la proposition de loi
01:13:27et les amendements de M. le rapporteur
01:13:28qui en rendent, je crois, la constitutionnalité parfaite,
01:13:32visant à lutter contre les mariages frauduleux,
01:13:35à sécuriser juridiquement l'interdiction proposée,
01:13:38à soutenir les maires de France
01:13:40et à rétablir l'autorité de l'Etat.
01:13:41Voilà pour les extraits de la séance
01:13:42qui se tenait ce matin au Sénat.
01:13:44Pour en parler, j'accueille ici Mélanie Vogel.
01:13:45Bonjour.
01:13:46Vous êtes sénatrice écologiste
01:13:48représentant les Français établis hors de France.
01:13:50Les débats de ce matin, qu'est-ce que vous en pensez ?
01:13:53Les soutiens de ce texte qui parle d'un texte de bon sens,
01:13:56une proposition de bon sens,
01:13:59quand vous êtes présente de façon irrégulière sur le territoire,
01:14:01vous ne devriez pas pouvoir vous marier.
01:14:03Qu'en pensez-vous ?
01:14:05Que pour une partie,
01:14:07malheureusement pour maintenant l'entièreté de la droite
01:14:09et du centre au Sénat,
01:14:11c'est devenu le bon sens que de s'attaquer à la constitution.
01:14:14En réalité, la liberté de se marier,
01:14:17elle est reconnue par la constitution.
01:14:19Le Conseil constitutionnel a dit à plusieurs reprises
01:14:22que le fait d'être en situation régulière,
01:14:24qui est un problème en soi,
01:14:26mais ne fait pas obstacle à la liberté individuelle
01:14:29garantie par la constitution.
01:14:30Il y a eu un délibéré en 2003, déjà, sur cette question.
01:14:32En 93, puis en 2003.
01:14:34Et donc, en réalité, ma lecture,
01:14:37c'est que ce qu'essayent de faire la droite et le centre aujourd'hui,
01:14:40apeurés par le fait que l'extrême droite grandit sur des thèmes
01:14:44qu'ils veulent essayer de se réapproprier,
01:14:47ce qu'essayent de faire la droite et le centre,
01:14:49au fond, c'est de fragiliser
01:14:50notre architecture constitutionnelle
01:14:53et le Conseil constitutionnel en disant
01:14:55que nous voudrions bien, c'est le bon sens,
01:14:58d'empêcher des gens en situation régulière de se marier,
01:15:00mais le Conseil constitutionnel nous l'empêche.
01:15:02La constitution nous l'empêche.
01:15:04La Déclaration universelle des droits de l'homme et de la société
01:15:06nous l'empêche.
01:15:07La Convention européenne des droits de l'homme nous l'empêche.
01:15:09La Cour européenne de justice nous l'empêche.
01:15:11Et donc, on a un problème avec cette constitution
01:15:13et cette Déclaration universelle.
01:15:14Et donc, en fait, c'est à ça qu'ils veulent s'attaquer.
01:15:16Et moi, je crois que le fait que cette proposition de loi
01:15:18vienne du groupe centriste devrait nous alerter
01:15:21sur l'état du débat public
01:15:26autour des droits fondamentaux en France.
01:15:27Il y a quelque chose qui s'est joué ici
01:15:29entre l'Alliance de la droite et du centre.
01:15:31Vous dites qu'ils étaient davantage modérés auparavant
01:15:33et que c'est en train de changer, c'est ça ?
01:15:36Moi, mon impression, c'est qu'il y a aujourd'hui un glissement.
01:15:40Et d'ailleurs, on a non seulement les Républicains,
01:15:43les centristes, mais aussi le gouvernement
01:15:45qui soutient cette proposition de loi,
01:15:47qui soutenaient même originellement
01:15:50sa rédaction anticonstitutionnelle.
01:15:53Et donc, on a une majorité de parlementaires,
01:15:56appuyés par le gouvernement, qui disent
01:15:58qu'on aimerait bien pouvoir violer la constitution.
01:16:00Et moi, je crois que c'est très grave.
01:16:02Le texte qui se veut un écho des difficultés des maires
01:16:05qui se retrouvent à gérer cette situation.
01:16:07On a vu notamment des associations de maires
01:16:09soutenir la proposition dans certains départements.
01:16:12C'est que donc, pour eux, il y a un sujet ?
01:16:15En fait, si on est maire
01:16:18et qu'on entend simplement appliquer la loi,
01:16:21il n'y a pas de sujet.
01:16:23Le mariage doit être prononcé si le procureur
01:16:26ne vous a pas dit de ne pas le faire.
01:16:28Vous devez prononcer le mariage.
01:16:29Et donc, si vous n'avez pas de problème
01:16:31avec le fait de respecter la loi,
01:16:32vous n'avez pas de problème comme maire.
01:16:34Le problème que vous citez, ce sont des maires
01:16:36qui ne veulent pas marier les gens en situation régulière,
01:16:39alors qu'ils ont l'obligation de le faire,
01:16:41et qui se trouvent en difficulté.
01:16:43Mais encore une fois,
01:16:45s'ils n'ont pas de problème avec la loi,
01:16:46ils n'ont pas de problème avec les mariages.
01:16:48Oui. Derrière, il y a aussi la question
01:16:49du faible taux d'application des obligations
01:16:52de quitter le territoire en France, les OQTF.
01:16:55Cette lutte contre l'immigration illégale, irrégulière,
01:16:58ce n'est pas un sujet pour vous ?
01:17:00Alors d'abord, tout ça, normalement,
01:17:03ne devrait avoir aucun rapport,
01:17:05parce que la lutte contre les mariages blancs, etc.,
01:17:08c'est la lutte contre les mariages de complaisance
01:17:10faits sans intention matrimoniale.
01:17:12On n'a aucune raison de penser, de manière objective,
01:17:14que les gens qui ne sont pas en situation régulière
01:17:17ont des intentions matrimoniales
01:17:18différentes de ceux qui sont en situation régulière,
01:17:20à part si on est très, très xénophobe.
01:17:21Mais bon, on va dire que ce n'est pas ça.
01:17:23Donc, il n'y a pas de lien.
01:17:24Maintenant, le problème des OQTF,
01:17:26qui est un problème complètement différent des mariages,
01:17:28oui, la France prononce un nombre d'OQTF
01:17:32qu'elle ne peut pas exécuter,
01:17:33dont des OQTF pour des gens qui ne sont pas expulsables.
01:17:37Et donc, au lieu d'avoir une approche pragmatique
01:17:39comme l'Allemagne ou l'Espagne ou d'autres pays,
01:17:41même l'Italie, qui se disent
01:17:43qu'en fait, il vaut mieux régulariser les gens
01:17:44pour notre économie, pour eux,
01:17:47pour aussi l'encombrement de nos tribunaux,
01:17:49on a une approche dogmatique qui ne sert à personne,
01:17:51absolument à personne,
01:17:52et qui consiste à prononcer des OQTF
01:17:55qu'on ne peut pas exécuter.
01:17:57Eh bien, merci.
01:17:58Merci, Mélanie Vogel, pour cette réaction à notre micro.
01:18:01Et nous, on suivra le parcours de ce texte.
01:18:03Merci à vous.
01:18:08Allez, on passe au dernier thème dans cette émission.
01:18:11Et à la situation internationale,
01:18:12Donald Trump qui s'en prend à Wlodimir Zelensky,
01:18:15qu'il a qualifié de dictateur, hier, aux États-Unis.
01:18:19Ce changement de ton est-il un renversement
01:18:22des alliances sur l'échiquier international ?
01:18:24Hier, le président du Sénat qui a fait un discours solennel
01:18:27à quelques jours du troisième anniversaire
01:18:30de la guerre en Ukraine.
01:18:31Mesdames et messieurs les ministres,
01:18:32mes chers collègues,
01:18:35j'ai le plaisir de saluer dans la tribune d'honneur
01:18:39une délégation de députés ukrainiens
01:18:41conduite par madame Lyudmila Bishminster,
01:18:45présidente du groupe d'amitié Ukraine-France de la RADA.
01:19:08...
01:19:27Elle est accompagnée par notre collègue Nadia Sologub,
01:19:30présidente du groupe d'amitié France-Ukraine,
01:19:32qui fait un travail remarquable. J'en profite pour lui dire.
01:19:34...
01:19:41La délégation s'est entretenue aujourd'hui
01:19:43avec Jean-François Rappin,
01:19:45président de la Commission des affaires européennes,
01:19:47et avec Cédric Perrin,
01:19:49président de la Commission des affaires étrangères,
01:19:51de la Défense et des forces armées du Sénat.
01:19:56Alors que les combats se poursuivent à l'est
01:19:58et au sud-est de l'Ukraine,
01:19:59que la Russie conduit des attaques brutales
01:20:02contre des infrastructures civiles,
01:20:04la France continue de condamner cette guerre d'agression
01:20:07comme elle l'a fait dès la première heure.
01:20:09Sa solidarité avec l'Ukraine est inébranlable,
01:20:12de même que son soutien politique humanitaire et militaire.
01:20:17Nous tenons à l'affirmer avec force,
01:20:19il ne peut y avoir de négociation
01:20:21sans la participation de l'Ukraine et sans l'Union européenne,
01:20:25car il en va de la sécurité collective
01:20:28du continent européen tout entier.
01:20:30Applaudissements
01:20:34...
01:20:45Le Sénat apporte lui-même un soutien parlementaire actif.
01:20:49En témoigne les trois résolutions adoptées en 2022 et 2023,
01:20:53la première condamnant la guerre d'agression,
01:20:55la deuxième reconnaissant le génocide ukrainien de 1932 et 1933,
01:21:00la troisième dénonçant les déportations
01:21:03d'enfants ukrainiens par la Russie.
01:21:06L'année 2025 marquera le dixième anniversaire
01:21:09de notre coopération avec l'ARADA.
01:21:12Cette coopération se développe aujourd'hui en particulier
01:21:16dans la perspective de l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne.
01:21:21Cet avenir en commun, nous y croyons.
01:21:23Seul il ouvre un horizon de paix durable et juste
01:21:26que nous appelons de nos voeux.
01:21:27Alors, mes chers collègues, en votre nom à tous,
01:21:30j'assure à nouveau nos amis ukrainiens
01:21:33du soutien du Sénat de la République française
01:21:36dans leur combat pour la liberté et la souveraineté de leur pays.
01:21:40Applaudissements
01:21:43...
01:21:55Voilà pour cette séquence qui s'est jouée hier en séance ici au Sénat.
01:21:59Pour en parler, j'accueille Nadia Sologoub, bonjour.
01:22:01Vous êtes sénatrice centriste de la Nièvre également,
01:22:04présidente du groupe d'amitié France-Ukraine.
01:22:08Peut-être un mot sur l'actualité très forte des dernières heures,
01:22:11puisqu'on a entendu hier Donald Trump dire
01:22:14que Zelensky était un dictateur sans élection.
01:22:18Ce sont des mots très durs.
01:22:19Comment cela a-t-il vécu par les Ukrainiens ?
01:22:23Nous, on était en contact direct avec une délégation d'Ukrainiens
01:22:26au moment où ces déclarations ont été faites.
01:22:28C'était très intéressant de voir que leur délégation
01:22:31est totalement transpartisane.
01:22:32Il y a également des représentants de l'opposition,
01:22:35Vladimir Zelensky.
01:22:37Par contre, tous unanimement étaient choqués et frappés
01:22:40par la violence de ses propos,
01:22:41parce qu'il ne cautionne pas ce genre de déclaration.
01:22:44En ce qui concerne les élections,
01:22:46des choses toutes bêtes que tout le monde peut comprendre.
01:22:49Comment on peut faire des élections quand des hommes sont mobilisés au front ?
01:22:52Qu'une partie de la population est à l'étranger...
01:22:5420 % du territoire est occupé.
01:22:56Et qu'on n'a pas les frontières précises du pays.
01:22:58Donc, concrètement, on ne peut pas les accuser de ça.
01:23:00Et y compris l'opposition reconnaît à Zelensky
01:23:03le fait qu'il tient bon depuis le premier jour.
01:23:05Parce que Donald Trump semble dire
01:23:06qu'il n'a plus que 3 % de soutien de sa population.
01:23:09C'est faux, c'est de la fake news.
01:23:11Nous, on a vu une grande unanimité dans la délégation
01:23:13des sept députés, délégation totalement transpartisane.
01:23:17Ils étaient à Paris, oui.
01:23:19Alors, est-ce que cela signe un bouleversement d'alliances,
01:23:23un renversement d'alliances
01:23:25avec ce rapprochement éclair entre la Russie et les États-Unis,
01:23:29qui passe au-dessus de l'Ukraine pour négocier ?
01:23:31Et au-dessus de l'Europe.
01:23:32En tout cas, ce sont des déclarations d'une grande violence.
01:23:36On a l'impression que les choses s'accélèrent énormément,
01:23:38que les Ukrainiens étaient eux-mêmes en état de choc,
01:23:41mais quelque part, nous aussi, les Européens.
01:23:44Comment est-ce qu'on réagit à ça ?
01:23:46Bien souvent, on se demande à qui ça profite,
01:23:47qu'est-ce qu'il est en train de faire, qu'est-ce qui se passe ?
01:23:49On essaie d'analyser ce qui se passe et de prévoir la suite.
01:23:52Mais malgré tout, comme tout ça est très complexe,
01:23:54eh bien, on continue à travailler ensemble.
01:23:56Les chefs de l'État, Emmanuel Macron,
01:23:58qui réunit aujourd'hui les chefs de parti.
01:24:01Qu'attendez-vous de cette rencontre à l'Élysée ?
01:24:02C'est une forme de cohésion nationale autour de cette question.
01:24:05Oui, et puis peut-être être force de proposition concrètement.
01:24:08Oui, c'est exactement ce que je disais.
01:24:10Comment analyser les choses,
01:24:11comment les comprendre,
01:24:13quelle stratégie, aussi bien politique,
01:24:15ce qui m'échappe à ce niveau de l'État,
01:24:18mais aussi concrètement, comment est-ce qu'on continue nos partenariats
01:24:21et comment est-ce qu'on les rend plus opérationnels ?
01:24:23Emmanuel Macron qui pourrait se rendre à Washington
01:24:25dès le début de semaine prochaine.
01:24:27La France, elle peut jouer un rôle à ce niveau-là des négociations ?
01:24:31Écoutez, quand on est Français, on ne se pose même pas la question.
01:24:34Voilà, il faut que la France existe.
01:24:36On a, pour citer aussi une autre déclaration,
01:24:39il est impensable qu'on disparaisse.
01:24:40Oui. Vous avez reçu des parlementaires de La Rada.
01:24:43On le disait, on l'a vu dans l'extrait juste avant.
01:24:45L'objectif de cette rencontre,
01:24:46quel est-il ?
01:24:48Alors, extrêmement opérationnel.
01:24:50Déjà, nous constituons deux groupes d'amitié.
01:24:52Le groupe d'amitié France-Ukraine au Sénat,
01:24:54un groupe à l'Assemblée nationale et un groupe à La Rada d'Ukraine.
01:24:58Nous entretenons des relations amicales
01:24:59et ce déplacement a été prévu depuis un moment.
01:25:02Après, nos collègues ukrainiens nous ont fait une sorte de liste de course,
01:25:06de rendez-vous techniques qui souhaitaient mener des rencontres
01:25:10sur des sujets comme les sujets agricoles,
01:25:12comme ce matin, on avait un petit déjeuner de travail
01:25:14sur le sujet reconstruction, réseau et eau, énergie.
01:25:17Ah, des choses très concrètes.
01:25:19Et vous aidez le Parlement ukrainien
01:25:21sur des analyses techniques, des problématiques techniques sur le terrain.
01:25:24Surtout, on a fait des mises en contact, des mises en relations
01:25:27parce qu'on a beaucoup d'acteurs en France qui travaillent
01:25:29et puis on a des entreprises françaises
01:25:30qui ont des intérêts très forts avec l'Ukraine, les aider
01:25:33et puis être présents aussi dans cette reconstruction.
01:25:36Et puis, par exemple, on parle d'intégration européenne,
01:25:38on ne pourra pas avancer tant qu'on n'aura pas parlé d'agriculture.
01:25:41Donc voilà, mettons-nous autour d'une table
01:25:43et travaillons concrètement.
01:25:44Et peu importe le brouhaha international,
01:25:46il faut continuer à travailler.
01:25:48Lundi, le 24 février, ça signera un triste anniversaire,
01:25:51les trois ans de la guerre en Ukraine.
01:25:53Vous organisez une manifestation ce dimanche, vous nous le dites.
01:25:57Alors, pas moi du tout,
01:25:58ce sont la diaspora ukrainienne de France qui est très, très active,
01:26:02qui organise beaucoup, beaucoup de choses tout au long de l'année.
01:26:05Mais j'y serai avec ma collègue et amie
01:26:07présidente du groupe d'amitié Ukraine-France.
01:26:09Avec quel message aujourd'hui, principal ?
01:26:12Alors, on a porté ce message toutes les deux
01:26:15pendant tout le temps du séjour, pas de victoire sans amitié.
01:26:18Et voilà, continuons à travailler ensemble.
01:26:20Le message aussi, c'est qu'on se trouve devant un peuple qui est épuisé
01:26:23et ils ont besoin plus que jamais de choses techniques, adaptées.
01:26:28Ne leur envoyons pas n'importe quoi.
01:26:29Essayons d'éviter de partir dans tous les sens aussi,
01:26:31parce qu'ils nous ont raconté des choses un petit peu ahurissantes.
01:26:35Voilà, structurons-nous.
01:26:37Au niveau européen, structurons-nous pour être plus efficace,
01:26:39pour apporter une aide vraiment opérationnelle,
01:26:41pour être dans des vrais partenariats.
01:26:43Quand on a parlé d'énergie, il faut adapter nos réseaux.
01:26:45Ce n'est pas le tout de dire on bascule sur l'énergie européenne
01:26:48si nos réseaux ne sont pas en cohérence.
01:26:51Il faut qu'on continue à travailler, voilà.
01:26:53Bien, merci. Merci pour cette réaction à notre micro, Nélissa Legault.
01:26:56Merci beaucoup.
01:27:02Et c'est la fin de cette émission. Merci à vous de l'avoir suivie.
01:27:04Très belle suite des programmes sur Public Sénat.
01:27:06N'hésitez pas à lire les décryptages, à voir les replays
01:27:09sur notre plateforme publicsenat.fr.
01:27:12Prochain rendez-vous avec l'info dans quelques minutes.
01:27:14À 18h, Thomas Hugues et ses invités pour Sens Public.
01:27:17Très belle suite des programmes.

Recommandations