C'est une affaire qui ne cesse de prendre de l'ampleur : le scandale des violences physiques ou sexuelles qu'auraient subies plus d'une centaine d'anciens élèves du prestigieux établissement catholique de Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques. Les premiers éléments de l'enquête dévoilent un système qui se serait étalé sur près de 50 ans, une affaire tentaculaire qui impliquerait 11 membres de l'institution et résonne jusqu'au plus haut sommet de l'Etat. "Enquête sur l'enfer de Bétharram" un récit de Stéphanie Zenati avec toutes les équipes de Ligne Rouge.
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00:00Dans cet enfer qu'est l'établissement de Bétharame, un surnom revient. Cheval, un homme que Rodolphe Labeille décrit comme particulièrement sadique.
00:14Le chef des surveillants aurait régné par la peur et l'humiliation systématiques. Ce nom qui lui a été donné, il vient d'une bague qu'il portait.
00:25Il avait une chevalière, c'est pour ça qu'on l'appelait cheval. Il retournait sa chevalière et il mettait des grosses tartines.
00:33Il paradait comme un prince dans le dortoir, dans les salles d'études, dans la cantine et puis il dispensait sa parole et tous ses reproches à qui n'en voulait pas.
00:50C'était juste pour du plaisir, nous frapper, nous faire baisser la tête, nous faire baisser les yeux. Il nous passait à tabac.
00:59Les punitions de cheval sont brutales et mises en scène. Une torture psychologique aussi parce qu'avec lui, selon les récits des anciens pensionnaires, les coups pleuvent, peu importe le moment de la journée.
01:14Les passages dans son bureau étaient d'ailleurs particulièrement redoutés.
01:19Il faisait des petits tours autour de son bureau, il touchait 2-3 papiers pendant qu'on était quasi au garde-à-vous devant la porte à côté du fauteuil.
01:28Il se relevait et boum ! Une grosse tarte dans la tête. Et on ne la voit pas venir en fait. Totalement gratuit.
01:39Le surveillant cheval semble bien être l'illustration d'un système où les élèves de Bétaram souffrent un peu plus chaque jour. Les punitions semblent mécaniquement préparées, réfléchies.
01:52Parmi les sentences les plus dures, les plus redoutées, l'épreuve du Perron en pleine nuit.
01:59Vous étiez dehors, calbutes, t-shirts, chaussons, si vous avez eu le temps de les prendre. Dans le froid, hiver, été, j'étais face au mur comme un débile, les mains dans le dos, il ne fallait pas bouger.
02:13Et effectivement, si on bougeait de place, si cheval passait par là, on en ramassait encore une, c'est évident.
02:22Rodolphe Labeille a un sentiment, celui d'être pris au piège, sans pouvoir s'échapper. Son école et les dortoirs, c'est sa prison.
02:33Dans ce dortoir, nous n'avions ni le droit de chuchoter, ni le droit de parler, ni le droit de rire, ni le droit de lire certains livres.
02:46Nous n'avions le droit de ne rien faire. Une fois que la lumière était éteinte, nous n'avions plus le droit d'aller aux toilettes, sous risque de prendre une tarte dans la tête.
02:57Je suis un ronfleur, un surveillant, un pion, qui était un élève de première, qui passait pendant que je dormais et qui me mettait des grands coups de pied dans le lit pour que je me réveille.
03:08Et il s'approchait de moi, il me disait, ferme ta gueule Labeille, ferme ta gueule, tu ronfles. Je n'ai pas en mémoire une seule semaine ou un seul jour où je n'ai pas pris un coup.
03:24Et même sorti de l'enfer de Bétarame, 38 ans après, le traumatisme de Rodolphe Labeille reste bien là.
03:31Ancré au plus profond de lui, il espère une peine exemplaire.