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  • 06/03/2025
L'avocat de Nicolas Sarkozy, Patrice Spinosi, était l'invité du Face à Face sur BFMTV et RMC ce jeudi 6 février, pour évoquer sa potentielle exclusion de l'ordre de la Légion d'honneur après sa condamnation définitive dans l'affaire des écoutes, ainsi que les suites juridiques données à celle-ci.

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Transcription
00:00Bonjour, merci de venir ce matin. Vous venez, et je le précise, parce qu'hier, nous en avons débentu ici même, la Légion d'honneur pourrait être retirée à Nicolas Sarkozy.
00:11Voici ce que François Lecointre a affirmé hier dans le journal Le Parisien. François Lecointre, il est à la tête donc de la chancellerie de la Légion d'honneur.
00:22Il a dit, comme vous l'avez remarqué, le président Sarkozy a été sanctionné par la justice de manière définitive. Donc, comme le Code de la Légion d'honneur le prévoit, la procédure disciplinaire va être lancée.
00:35Nicolas Sarkozy, qui est au rang le plus élevé de la Légion d'honneur, grand croix de la Légion d'honneur, en tant qu'ancien président de la République. Quelle est votre réponse, maître ?
00:46Alors, ma réponse, je la réserve plus spécifiquement, justement, au grand chancelier, puisque ce qui a été annoncé, c'est l'ouverture, en réalité, d'une procédure qui tend à ce que la Légion d'honneur doit supprimer et à le déchoir de son titre de grand croix.
01:08Ce sur quoi nous voulions insister, par rapport à ce qui a pu être dit hier, c'est cette question de l'automaticité. Nous sommes dans une hypothèse avec Nicolas Sarkozy, et là, je vais vous parler de droit, je ne vais pas vous parler...
01:20– Mais c'est très bien, je crois que c'est votre métier, ça tombe bien. – Voilà, donc c'est précisément mon métier.
01:23– Moi, je vous pose les questions que je veux, mais vous répondez quand vous voulez.
01:27– Ce que je veux dire, c'est que la question qui se pose, à notre sens, c'est une question purement juridique.
01:32Vous l'avez dit vous-même, Nicolas Sarkozy est aujourd'hui grand croix. Il est grand croix parce qu'il a été grand maître de l'ordre.
01:39C'est-à-dire que quand vous êtes président de la République, est attaché à votre fonction de président de la République le fait que vous deveniez le grand maître de l'ordre de la Légion d'honneur.
01:51Et parce que vous êtes le grand maître de la Légion d'honneur, vous atteignez la dignité de grand croix.
01:56Nicolas Sarkozy, par exemple, avant d'être président de la République, il avait la Légion d'honneur.
02:00Et parce qu'il est devenu président de la République, il est devenu grand croix.
02:03La question qui se pose, qui est la question purement juridique que nous posons, c'est celle de savoir si la procédure,
02:09qui est la procédure commune, habituelle, qui s'exerce pour l'ensemble des membres communs, entre guillemets, de la Légion d'honneur,
02:17a vocation à être transposée de façon parfaitement équivalente à une hypothèse où cette dignité n'est pas attachée à ses mérites particuliers,
02:27mais bien à la fonction qu'il a exercée.
02:30Ce que vous voulez dire, c'est que Nicolas Sarkozy, ce n'est pas l'homme, c'est le président qui a reçu la Légion d'honneur.
02:37Alors, c'est absolument certain. C'est-à-dire que ce n'est que parce qu'il est devenu président de la République que Nicolas Sarkozy est devenu grand croix de la Légion d'honneur.
02:48En fait, vous me dites qu'il faut séparer l'homme du président.
02:52C'est les deux corps du roi. Ça fonctionne exactement de cette manière-là.
02:55Ce qu'a voulu en réalité le droit, c'est honorer celui qui est le chef de l'État parce qu'en sa qualité de chef de l'État,
03:04vous savez que l'ordre de la Légion d'honneur, ça remonte à Napoléon.
03:08Et donc, le principe même, c'était que le chef de l'État était par nature le grand maître de l'ordre.
03:14C'est d'ailleurs lui qui a vocation à prendre les décrets qui sont susceptibles de déchoir ou de ne pas déchoir.
03:20Il en pense quoi Nicolas Sarkozy ? Est-ce que c'est quelque chose qui l'affecte particulièrement ?
03:24Est-ce que c'est vraiment pour lui cette question de la décoration de la Légion d'honneur est une question essentielle ?
03:30Non, je ne dirais pas ça comme ça. En réalité, la question que nous allons poser est une question qui intéresse Nicolas Sarkozy.
03:37Non, mais il y a des gens qui se fichent des breloques.
03:39Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des gens même qui en font une sorte d'argument presque sur leur manière de...
03:43Il y en a qui refusent la Légion d'honneur, il y en a qui disent, vous savez, moi les décorations...
03:47Non, ça a du sens pour lui, c'est important.
03:49Je pense que Nicolas Sarkozy, au-delà de lui en fait, ce qu'il cherche à défendre ici, c'est sa fonction.
03:57Il est ancien président de la République française.
04:00Ce qu'on est en train d'envisager, c'est de retirer la Légion d'honneur à un ancien président de la République française.
04:06Et la question que nous posons, c'est est-ce qu'on peut retirer sa Légion d'honneur à un ancien président de la République française,
04:11ancien grand maître de l'Ordre ? Est-ce qu'il va perdre cette qualité d'ancien grand maître de l'Ordre ?
04:15Alors, ça a été fait uniquement pour Philippe Pétain.
04:21Donc, déjà, il faut toujours se méfier juridiquement des comparaisons avec ce qui a pu se passer à la période de la guerre.
04:27C'est un moment où on a porté des atteintes qui sont des atteintes exceptionnelles à l'ensemble des règles habituelles.
04:32Parce que ce qui lui est reproché, c'est l'infamie ?
04:34Exactement. Le problème qui était le problème de Philippe Pétain, c'est qu'il a été condamné pour indignité nationale.
04:40Donc, c'était dans le cadre de ses fonctions de chef de l'État qu'il avait méconnu ses obligations.
04:48Donc, on est dans une hypothèse qui est une hypothèse complètement différente.
04:50Je ne dis pas que nous avons raison.
04:52Moi, la raison de ma présence sur le plateau aujourd'hui, c'est de dire, hier, on a laissé entendre que tout était acquis.
04:59Je dis juste...
05:00François Lecointre qui est à la tête de la Légion d'honneur.
05:05Je suis un peu étonnée. Je trouve que votre plaidoirie est très convaincante.
05:10Je suis étonnée que François Lecointre ait été aussi affirmatif dans le fait que ça serait retiré.
05:16D'abord, c'est une procédure contradictoire. Vous pouvez plaider.
05:19Oui, tout à fait.
05:20C'est comme un procès.
05:21Mais François Lecointre, il est dans son rôle.
05:24Il dit, écoutez, il y a un texte qui, normalement, prévoit qu'à partir du moment où vous avez été condamné à la punition de prison,
05:29de façon systématique, vous avez peur de la Légion d'honneur.
05:31Il devrait le savoir. Vos arguments, il devrait les connaître.
05:33Il n'y a pas de raison.
05:34En bon avocat, vous avez trouvé un angle mort dans cet usage qui veut qu'on retire systématiquement la Légion d'honneur à toute personne qui a été condamnée.
05:45Lecointre, finalement, applique.
05:47Il y a eu beaucoup.
05:49Claude Guéant, par exemple, on lui a retiré la Légion d'honneur en 2019.
05:53Et là, effectivement, je veux dire, il y a deux personnes qui sont dans cette situation, deux anciens présidents, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
06:02François Hollande, la question ne se pose pas pour lui.
06:04Ce que je veux dire, c'est que c'est vrai qu'il y a peut-être un angle mort.
06:07En bon avocat que vous êtes, vous trouvez ce petit exercice.
06:11Mais moi, je ne suis pas là pour être un bon avocat.
06:13Je ne suis pas là pour la chicane.
06:15Et Nicolas Sarkozy, il n'est pas là, justement, pour s'agripper à une Légion d'honneur.
06:19On pose une question de droit.
06:21On pose une vraie question de droit.
06:23Est-ce que l'ancien grand maître est susceptible d'être déchu de la même manière que n'importe quelle autre personne,
06:29sachant que sa place dans la Légion d'honneur dépend de l'élection et non pas des mérites qui étaient les siens, tel que ça peut être le cas ?
06:39Il me semble que Jacques Chirac avait été condamné à de la prison.
06:41Oui, mais pas à un enferme.
06:43Pas à un enferme, à deux ans de prison.
06:45Donc on n'était pas dans la même prison ferme.
06:47Maître Spinozzi, dans l'argumentaire de François Lecointre, il y a ce mot.
06:53Comme vous l'avez remarqué, le président Sarkozy a été sanctionné par la justice de manière définitive.
06:57Oui, c'est vrai.
06:58Est-ce totalement définitive ?
07:00Je me souviens d'avoir reçu sur RMC votre consoeur, maître Jacqueline Lafon,
07:04le lendemain de ce jugement rendu par la Cour de cassation,
07:08qui disait « nous avons encore des procédures possibles, quelles sont-elles ? »
07:12Et peut-on dire que cette sanction est totalement définitive ?
07:17Alors, là encore une fois, je vais répondre en juriste, la sanction est définitive en droit national.
07:22Il n'y a aucun doute là-dessus.
07:24En droit national. En fait, à chaque fois, je guette.
07:26Non, mais il n'y a pas de…
07:27Dans vos arguments, il y a un mot, je me dis. Là, c'est le mot « national ».
07:30Soyons francs, la sanction est définitive.
07:32Pour notre droit, la sanction est définitive, c'est acquis, donc c'est totalement normal.
07:36Et il n'y a pas d'argument juridique qui tente à dire que la sanction n'est pas définitive.
07:39Ce qui est vrai, en revanche, c'est que nous avons annoncé un recours à la Cour européenne des droits de l'homme.
07:46Nous continuons à défendre que la condamnation de Nicolas Sarkozy est contraire au droit au procès équitable.
07:53Pourquoi ? Parce que Nicolas Sarkozy a été condamné sur le fondement uniquement des déclarations
07:59qu'il a pu faire à son avocat et qui ont été interceptées…
08:03Dans le cadre d'échanges entre clients et avocats.
08:05Sur le cadre de l'écoute de Aïn Bismuth.
08:08Nicolas Sarkozy, c'est le seul prévenu en France qui se retrouve dans cette situation.
08:13Ça n'est jamais arrivé. En tout cas, on n'a jamais trouvé d'autres exemples de personnes
08:17qui, sur la seule fois des déclarations qu'il a pu faire à son avocat, se retrouvent condamnées.
08:21Cette question a vocation à être portée à la Cour européenne des droits de l'homme.
08:24Quand ?
08:25La semaine prochaine.
08:27La semaine prochaine ?
08:28Je peux vous dire, puisque c'est nous qui déposons le recours, c'est extrêmement concret.
08:31Il est écrit ?
08:32Il est écrit, il est rédigé, nous sommes en train de le finaliser.
08:35Il sera déposé la semaine prochaine.
08:37Nous allons donc saisir d'une requête la Cour européenne des droits de l'homme
08:42qui aura à se prononcer sur cette question.
08:44Alors, c'est long. Je ne vais pas vous faire de fausses joies.
08:47Ça ne va pas se passer d'ici six mois.
08:49Il faut prendre plusieurs années, en général trois ans.
08:52Vous aurez quand de revenir ?
08:54Oui, peut-être.
08:56Ce qu'il faut juste savoir, par rapport à ce qu'on est en train de se dire,
08:59parce que c'est important, là encore une fois juridiquement,
09:03si nous obtenons satisfaction dans la Cour européenne des droits de l'homme,
09:06c'est-à-dire si nous obtenons que les juges européens disent
09:08oui, effectivement, c'est à tort que Nicolas Sarkozy a été condamné
09:12sur les interceptions avec son avocat.
09:14Alors, certes, la décision de condamnation qui a été prononcée aura été définitive,
09:20mais nous avons la possibilité, c'est exceptionnel,
09:23de passer par une procédure qui est une procédure de réexamen,
09:27une procédure de révision.
09:29Et si nous obtenons satisfaction dans la Cour européenne des droits de l'homme,
09:31nous pourrons remettre en cause cette condamnation définitive
09:34et, le cas échéant, repéder la relaxe de Nicolas Sarkozy.
09:37Merci, maître, d'être venu sur ce plateau, Patrice Spinoza, avocat.
09:43C'est très... Vous m'honorez.
09:46J'aimerais, là. Je quitte la chicane dans la grande pensée philosophique.
09:53Le philosophe et l'avocat.

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