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Malgré la répression, des journalistes afghans continuent de travailler dans l’ombre, pour le “Zan Times” entre autres. Ce média, basé au Canada, enquête sur les crimes des talibans, notamment envers les femmes et les minorités. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Zahra Nader, sa rédactrice en chef, se confie sur ce travail.

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Transcription
00:00Une jeune fille de 16 ans a été arrêtée pour violer le code de vêtement.
00:05Elle a passé deux semaines au prisonnier taliban.
00:08La nuit, elle a été libérée du prisonnier taliban.
00:11La seule chose qu'elle a dit à sa mère, c'est que je suis déshonoreuse,
00:15c'est-à-dire que quelque chose s'est passé à la prison.
00:18Et ce soir, elle s'est tuée.
00:21Pour nous, pour pouvoir raconter ces histoires,
00:24on sent que c'est notre responsabilité
00:28Depuis le retour des talibans au pouvoir,
00:30les journalistes afghans font l'objet d'une grande répression.
00:33Une réalité qui touche plus particulièrement les femmes.
00:36Selon les chiffres de Reporters sans frontières,
00:39plus des trois quarts d'entre elles ont cessé leurs activités journalistiques.
00:42Mais certaines continuent néanmoins de travailler dans l'ombre.
00:45Pour le Zann Times notamment, ce média afghan basé au Canada
00:49enquête sur les crimes commis par les talibans dans le pays.
00:52Nous avons interviewé sa rédactrice en chef.
00:56Je m'appelle Zahra Nader, je suis journaliste afghane.
00:59Je suis devenue journaliste au Kaboul.
01:01En 2017, je suis allée au Canada.
01:04Mais quand les talibans ont pris Afghanistan,
01:07j'ai vraiment ressenti une responsabilité.
01:10J'ai formé une équipe de journalistes afghans-femmes
01:13et nous avons lancé le Zann Times.
01:15Pour vous donner une idée, « Zann » signifie « femme ».
01:18Le Zann Times est notre façon de répondre
01:20à l'opération des talibans sur les femmes en Afghanistan.
01:22Nous parlons des droits humains, des droits des femmes,
01:24des droits LGBTQ, des droits de la minorité
01:27et de la façon dont les talibans oppriment l'Afghanistan.
01:34Je travaille avec deux équipes.
01:37Une d'entre elles est à l'intérieur de l'Afghanistan,
01:39surtout des journalistes femmes.
01:40Elles dépendent de la province où elles sont
01:42et elles travaillent anonymement.
01:44Les noms ne sont pas publiés
01:46et nous essayons de minimiser leur relation
01:48avec les talibans ou les informants talibans.
01:50Nous avons aussi un équipe d'exilés journalistes,
01:52autour de 12 personnes,
01:54qui sont des journalistes afghans
01:55qui vivent à l'extérieur de l'Afghanistan.
01:57La façon dont nous travaillons est très coopérative.
02:00Il y a des zones et des informations
02:02que nos collègues à l'intérieur de l'Afghanistan peuvent couvrir
02:04et il y a des zones qui sont trop risquées
02:06pour les couvrir.
02:07Notre équipe de l'extérieur de l'Afghanistan
02:09fait des appels, fait des interviews
02:11et collecte des informations sur ces histoires.
02:14Donc si nous devons recevoir un commentaire
02:15des talibans,
02:16notre équipe de l'extérieur de l'Afghanistan
02:18fait aussi ces appels
02:20et collecte des informations.
02:21Donc c'est une façon pour nous
02:22d'être en mesure d'opérer,
02:24possiblement d'essayer de garder nos journalistes en sécurité.
02:26Et il y a des temps où nous tuons une histoire
02:28parce que nous pensions que si nous publions une histoire,
02:31que nos journalistes, nos collègues
02:33ou les sources qui nous ont parlé
02:35leur vie serait en danger.
02:37Donc nous avons décidé de ne pas faire
02:39des histoires où nous pensions
02:41que le danger est immédiat
02:43et il n'y a pas de façon de le minimiser.
02:49Nous avons réalisé une histoire
02:51sur une jeune fille de 16 ans.
02:55Elle a été arrêtée
02:56pour violation du code de dresse.
02:58Elle a passé deux semaines
02:59dans la prison talibane
03:00et la nuit où elle a été libérée
03:02de la prison talibane,
03:04la seule chose qu'elle a dit à sa mère
03:06c'est que je suis déshonorée,
03:08ce qui signifie que quelque chose
03:10s'est passé à moi dans la prison.
03:12Et ce soir, elle s'est tuée.
03:14Dans un environnement comme l'Afghanistan,
03:16le concept de violences et de harcèlement sexuels
03:19est, d'une certaine manière,
03:21mis en place pour pressionner
03:23les femmes encore plus.
03:25Les femmes qui ont été, par exemple,
03:27harcèlées et tuées
03:29dans la prison talibane,
03:31quand elles sortent de la prison,
03:33elles sont littéralement silencées,
03:35surtout par leurs familles,
03:37parce que leurs familles ont peur
03:39que si elles parlent,
03:41elles vont stigmatiser la famille
03:43et faire honte à la famille.
03:45Ils devraient être silencés,
03:47ils devraient dénoncer
03:49que quelque chose s'est passé à eux.
03:51Et je pense que c'est ce qui me fait vraiment triste,
03:53c'est l'idée que, vous savez,
03:55ces femmes, certaines d'entre elles
03:57s'étaient tuées.
03:59On a couvert l'histoire d'une autre fille,
04:01de 23 ans,
04:03qui étudiait le médicament.
04:05Je pense que 22 jours après son arrêt,
04:07son corps a été trouvé dans un sac
04:09dans une des rues de Kaboul,
04:11dans un canal.
04:13On a demandé aux talibans d'appeler la justice.
04:15Et leur famille a été arrêtée par les talibans.
04:17Dès que nous avons parlé
04:19aux sources qui connaissaient
04:21cette histoire,
04:23ils nous ont dit que les parents
04:25ont disparu après avoir été arrêtés par les talibans.
04:27Les enfants ont été arrêtés aussi,
04:29mais les enfants ont été libérés.
04:31Pour les parents, il n'y a toujours pas de nouvelles
04:33sur ce qui s'est passé à eux.
04:35Donc, même si vous appelez la justice,
04:37c'est ce qui va se passer à vous.
04:39Pour nous, pour pouvoir raconter ces histoires,
04:41c'est notre responsabilité.
04:43Et nous devons faire ce travail,
04:45peu importe le coût.
04:51Être une femme aujourd'hui en Afghanistan
04:53signifie que vous n'avez pas le droit
04:55d'aller à l'école si vous êtes une jeune fille.
04:57Et j'étais une jeune fille en Afghanistan.
04:59Et en grandissant, j'ai souhaité
05:01l'opportunité, le droit
05:03d'aller à l'école.
05:05C'était mon plus grand rêve, mon rêve d'enfance.
05:07Et je suis allée à l'école.
05:09Quand ma famille souffrait, nous étions engagés
05:11qu'on puisse aller à l'école,
05:13qu'on puisse aller à l'université
05:15et devenir quelqu'un
05:17qui reviendra,
05:19qui va lutter pour les droits des femmes en Afghanistan.
05:21En ce moment,
05:23cette fille en Afghanistan
05:25n'a pas le droit d'aller à l'école
05:27parce qu'elle est née une femme en Afghanistan.
05:29Elle ne peut pas aller à l'université.
05:31En gros,
05:33son rêve, son objectif de vie
05:35est pris de lui.
05:37Elle ne peut même pas choisir
05:39son propre vêtement.
05:41Si elle n'a pas d'homme dans sa vie,
05:43elle ne peut pas quitter sa maison,
05:45même pour aller à l'hôpital.
05:47Qu'est-ce qu'il vous reste pour vous?
05:49Si vous ne pouvez pas choisir
05:51rien dans votre vie,
05:53si vous ne pouvez même pas gagner votre vie,
05:55quel genre d'homme êtes-vous?

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