• il y a 9 heures
Thierry Breton, ancien commissaire européen au Marché intérieur, était l'invité de la matinale de France Inter ce jeudi, à l'occasion de la journée spéciale "Le nouveau désordre mondial, une journée pour comprendre sur France Inter". Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-7-10/l-invite-de-7h15-du-jeudi-13-mars-2025-7131296

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Transcription
00:00Une matinale spéciale pour comprendre ce nouveau désordre mondial.
00:05Nous sommes, je vous le rappelle, en direct et en public du studio 104 de la Maison de la Radio.
00:12Nous recevrons tout à l'heure Dominique de Villepin et Jean-Luc Mélenchon,
00:16mais le premier invité de cette spéciale est l'ancien commissaire européen chargé du marché intérieur.
00:23Thierry Breton, bonjour.
00:25Bonjour à vous et merci d'être là, Thierry Breton.
00:27Vous avez reçu ce micro début janvier.
00:29Vous nous aviez alors dit combien le Trump de 2025 était plus déterminé, plus organisé, plus préparé,
00:36plus revanchard aussi que le Trump de 2016.
00:39On le voit chaque jour, mais vous attendiez-vous à ce que nous avons vécu ces derniers jours ?
00:43Le lâchage de l'Ukraine, la guerre commerciale, la guerre à la science,
00:47mais aussi sa volonté d'annexer le Groenland ou de transformer Gaza en Riviera.
00:51Comment vous qualifiez le moment que nous traversons
00:54et qu'est-ce qui vous a le plus frappé de ces dernières semaines ?
00:57Je crois qu'on peut qualifier ça, Léa Salamé, en un mot.
01:02Ce n'était pas effectivement celui que nous avions anticipé.
01:05C'est la perte de confiance.
01:07C'est la perte de confiance que beaucoup d'États sur la planète avaient dans les États-Unis.
01:15Certains du reste vont même jusqu'à qualifier de trahison,
01:20notamment en ce qui concerne le comportement de l'administration américaine,
01:24sur le soutien à l'Ukraine, mais d'une façon plus générale,
01:28sur toute l'architecture de sécurité sur laquelle, il faut bien le dire,
01:32repose l'équilibre aujourd'hui de la planète.
01:34C'est-à-dire que ça, on ne l'avait pas anticipé, la réaction des autres pays,
01:38des anciens alliés où on est toujours alliés, qu'est-ce que vous dites ?
01:41Exactement. Bien sûr, nous, on voit évidemment ce qui se passe à nos portes.
01:46On vient de l'entendre dans votre reportage.
01:48Et par parenthèse, pas uniquement qu'en France,
01:51ce sentiment de la nécessité désormais de reprendre notre destin,
01:55y compris notre destin militaire et de défense en main,
01:59il est très présent au sein de tous les pays européens.
02:02Mais je reviens à l'Asie du Sud-Est.
02:04Quand vous allez en Corée du Sud, quand vous allez au Japon,
02:07quand vous allez aux Philippines et la Corée du Sud,
02:11c'est encore un pays qui est en guerre.
02:13Eh bien, on entend des choses que je n'avais pas imaginé pouvoir entendre.
02:16On entend quoi ?
02:17En particulier, il va peut-être falloir qu'on reprenne en main notre destin militaire,
02:21y compris en ce qui concerne la bombe nucléaire.
02:23Donald Trump a lancé la guerre commerciale, Thierry Breton,
02:27avec des droits de douane de 25% sur l'acier et l'aluminium,
02:32effectifs depuis mercredi.
02:34Il a d'ores et déjà prévenu qu'il appliquera prochainement le même taux
02:37à l'ensemble des marchandises européennes.
02:40La Commission européenne a eu raison de répliquer immédiatement
02:45en annonçant hier taxer un ensemble de produits américains.
02:49Je précise que la Chine, le Japon, le Royaume-Uni n'ont pas immédiatement répliqué.
02:54Alors, il faut savoir que nous avions une sorte de sursis,
02:57parce que ça date de 2019.
03:00Vous vous souvenez qu'à ce moment-là, c'était encore Donald Trump,
03:02Donald Trump 1, si je puis dire,
03:04et il avait voulu taxer et l'aluminium et l'acier.
03:08Et en contrepartie, la Commission européenne avait préparé des mesures de rétorsion,
03:13on s'en souvient, sur les Harley Davidson, sur les Gene Lewis, sur...
03:17Et le beurre de cacahuète.
03:19Et n'oubliez pas le bourbon du Kentucky.
03:21Et donc, ça c'était prêt.
03:23Et cet accord, si je puis dire, il tenait jusqu'au 30 mars.
03:28Donc, ces mesures étaient prêtes.
03:29Elles couvrent 8 milliards.
03:32Et donc, pour pouvoir, je dirais, équilibrer par rapport à la décision
03:38qu'a prise l'administration américaine,
03:40qui couvre à peu près 28 milliards de dollars, c'est-à-dire 26 milliards d'euros,
03:44donc il y a un nouveau paquet qui est en train d'être préparé,
03:47de 18 milliards supplémentaires, sur toute une gamme de produits.
03:50Donc, 1er avril, 8 milliards, ils étaient prêts.
03:54Et puis, mi-avril, 18 milliards supplémentaires,
03:56c'est quasiment pour balancer, je dirais, l'impact.
03:59Alors, on va voir ce que ça donne.
04:01Quand vous étiez commissaire européen, Thierry Breton,
04:02vous avez eu maille à partir avec Elon Musk.
04:05On se souvient de vos échanges de tweets, on va dire, peu diplomatiques,
04:08pour ne pas dire carrément électriques ou provocateurs,
04:10enfin, je ne sais pas quel mot vous utilisez.
04:11Enfin, en ce qui le concerne, provocateur.
04:14Oui, presque injurieux.
04:15Comment voyez-vous l'évolution de sa relation avec Trump ces derniers jours,
04:18les conséquences sur son business de son entrée en politique,
04:21la chute de Tesla en bourse ces derniers jours,
04:23sa valorisation boursière divisée par deux,
04:25et plus largement les inquiétudes de Wall Street
04:27sur la politique économique de Donald Trump ?
04:30Est-ce de nature à les faire réfléchir,
04:32ou peut-être à revenir en arrière, ou à atténuer certaines déclarations ?
04:36Alors, il faut prendre les choses étape par étape.
04:39D'abord, c'est un serial Twitter.
04:43Je ne sais pas comment il fait.
04:45S'il vous reste intéressant, ce matin, vos confrères Les Echos
04:48ont analysé tous ces tweets.
04:49Alors, c'est des milliers de milliers de milliers de tweets.
04:53Donc, comment on fait pour tweeter quasiment toutes les dix minutes,
04:56je parle du jour et de la nuit,
04:58pour diriger trois entreprises,
05:00et pour être à la tête de ce département de l'efficacité gouvernementale ?
05:05Tout ça en même temps, pour un seul homme,
05:07on ne voit jamais d'équipe autour de lui.
05:09Ça interroge, et ça interroge en particulier l'ancien patron que je suis.
05:12Je ne sais pas comment on fait pour diriger ça.
05:14Du reste, les actionnaires non plus,
05:15puisque pour beaucoup des actionnaires,
05:17ils ont perdu une partie très importante de leur valeur.
05:20On parle en particulier, évidemment, de Tesla.
05:22C'est l'entreprise phare qui est cotée.
05:24Vous avez vu qu'elle a perdu à peu près 50% de sa valeur.
05:26Pourquoi ?
05:27Eh bien, parce que, évidemment,
05:29quand on fait de la politique à ce niveau,
05:31et c'est ce qu'il fait, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt,
05:34lorsqu'il va soutenir Madame Alice Wedel,
05:37la leader de l'AFD en Allemagne,
05:39il y a des clients allemands à qui ça ne plaît pas,
05:43et donc qui décident de ne plus acheter de Tesla.
05:46Du reste, les ventes ont baissé de 73% par rapport à l'année dernière.
05:50Donc ça, cette dynamique-là, évidemment,
05:52elle se traduit ensuite dans les cours de bourse.
05:56Combien de temps ça va durer ?
05:57Personne ne le sait, mais c'est évident qu'aujourd'hui,
06:00pour que du reste, le président Trump soit venu à sa rescousse
06:04en achetant au vu et à su de tous une nouvelle voiture pour dire qu'il fallait le faire,
06:09c'est sans doute qu'il y a un peu le feu dans son empire.
06:11Thierry Breton, sur l'Ukraine maintenant,
06:14Donald Trump, peut-il gagner son pari
06:17d'imposer une paix dans les conditions de ce qui s'est passé il y a deux jours
06:22en Arabie Saoudite, c'est-à-dire un sommet avec Zelensky, mais sans les Européens ?
06:27Alors, d'abord, on voit bien la démarche transactionnelle,
06:31on avait déjà parlé du reste à ce micro.
06:34On dit, finalement, on ne va plus vous livrer les armes qu'on vous avait promises,
06:39et on ne va plus vous donner les éléments de sécurité
06:42qui fait que vous pouvez vous défendre sur le front contre Vladimir Poutine et les Russes.
06:48Et puis, deux jours après, on vous l'ordonne,
06:51et on a l'impression que finalement, Volodymyr Zelensky a gagné quelque chose.
06:55Vous voyez la logique transactionnelle, je tire le plus loin possible,
06:58je pousse le bouchon, et je reviens un peu derrière
07:00pour amener mon interlocuteur là où je veux l'amener.
07:02Elle est acceptable, cette rêve d'un mois, elle est acceptable par Poutine, vous connaissez Vladimir ?
07:06Alors, ça, évidemment, maintenant, c'est la grande question.
07:08Donc, on a maintenant à nouveau les États-Unis et l'Ukraine alignées,
07:13et c'était le moins, compte tenu, encore une fois, des engagements qui avaient été pris,
07:17y compris par l'ensemble des alliés.
07:19Donc, maintenant, évidemment, c'est la grande question.
07:21On a l'impression qu'il a voulu remettre, évidemment, maintenant le poids de la décision sur Poutine,
07:26le même Poutine du reste qui a profité de cette période de quelques jours
07:30où il n'y avait plus d'éléments de sécurité pour réattaquer à Koursk
07:35et essayer de reconquérir cette enclave, aujourd'hui, à la main des forces ukrainiennes.
07:40Maintenant, on va voir ce que va faire Vladimir Poutine.
07:43Il y a une réunion du reste qui va se tenir, je crois, dès aujourd'hui.
07:47Connaissant un peu les Russes et Poutine, je le vois mal, aujourd'hui,
07:52accepter d'un seul coup ce qui vient de se passer sans lui.
07:56Et on voit donc bien que, là aussi, pour reprendre la première question de Léa Salamé,
08:01les promesses en 24 heures, je règle la guerre,
08:05c'était des promesses, effectivement, qui n'engageaient que lui,
08:07mais certainement pas ce qui se passe sur le terrain.
08:09On va aller dans la salle, il y a une question avec Sonia De Villers, d'un éditeur, qui est venu.
08:13Mais je voudrais juste, parce que vous écoutez avec attention le Zoom en Pologne,
08:17puisqu'on parle de défense européenne, puisqu'on parle de réarmement,
08:20le plan d'Ursula von der Leyen de 800 milliards.
08:22Vous avez entendu les cours d'armement et de tir au lycée en Pologne, là ?
08:26Est-ce qu'un jour, on aura en France, dans les lycées, des cours pour comment tirer ?
08:32Non mais il faut aller, et j'entends aujourd'hui les débats qu'on a en France,
08:36est-ce qu'on est trop bellicite, etc.
08:38Mais je suis très étonné que ceux qui tiennent ce type de propos
08:42ne voient vraiment pas ce qui se passe aujourd'hui en Europe et dans le monde.
08:46On parle de la Pologne.
08:48Et aller donc en Finlande, la Finlande, pays de 5,6 millions d'habitants,
08:53qui a 1340 kilomètres de frontières, c'est tous les jours qu'il se passe ça.
08:57Il y a 800 000 réservistes.
09:00C'est la plus grande armée de réservistes aujourd'hui en Europe.
09:04Aller en Lituanie, aller en Estonie, aller en Lettonie.
09:07Donc ce qui se passe là, effectivement, c'est tous les jours.
09:11Pour moi, qui étais commissaire en charge des affaires de défense,
09:13je ne suis pas étonné, parce que je l'ai vécu même avant.
09:16Mais maintenant, évidemment, avec ce qui se passe, ça prend toute une dimension supplémentaire,
09:20y compris sur l'enclave de Kaliningrad, dont on sait qu'elle est revendiquée,
09:24vraisemblablement, par Vladimir Poutine.
09:26Sonia De Villers, vous êtes avec le public nombreux du 104.
09:30Oui, avec le public, et c'est la question de Fabienne.
09:33Bonjour Fabienne, que nous avons retenue.
09:35Bonjour, je voulais savoir si on peut sanctionner les GAFA
09:39alors que nos entreprises en dépendent.
09:41Voilà, question pour Thierry Breton.
09:43Eh bien oui, on peut sanctionner les GAFA, et nous avons mis des lois pour cela.
09:47Ce sont nos lois, je voudrais le dire, d'abord, bonjour au public,
09:50je voudrais le dire devant vous ce matin,
09:53les lois, on est le seul continent à l'avoir fait,
09:57elles ont été votées démocratiquement par le Parlement européen et par les 27.
10:01Le Parlement européen a voté ces lois à près de 90%, c'est quasiment du jamais vu.
10:06Donc ces lois, elles existent, ça s'appelle le DSA, ça s'appelle le DMA.
10:10Elles permettent effectivement de sanctionner très lourdement l'ensemble des GAFA,
10:15y compris du reste, le réseau X de Monsieur Musk,
10:18s'il ne respecte pas ces lois.
10:21Aujourd'hui, il y a trois enquêtes qui sont en cours,
10:24je ne peux pas vous en dire plus,
10:26mais je pense qu'il y a vraiment matière, effectivement, à les sanctionner,
10:29et les sanctionner lourdement.
10:316% du chiffre d'affaires de l'ensemble de la galaxie,
10:34et interdiction d'émettre sous saisine d'un juge,
10:37si jamais il ne respecte pas les problèmes qu'on a pu identifier.
10:42Merci Fabienne.
10:43Merci beaucoup Thierry Breton,
10:45également d'avoir été le premier invité de cette matinale spéciale.
10:49Merci.
10:50Merci.

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