Antoine de Caunes, on le connaît en tant qu’animateur, présentateur, humoriste ou encore cinéaste… On ne le connaissait pas (encore) pour ses talents d’auteur de bande dessinée. Il sera présent cette année à la Foire du livre pour présenter sa BD « ll déserte », illustrée par Xavier Coste, dans laquelle il retrace l’aventure vécue par son père Georges, parti vivre sur une île déserte en Robinson Crusoé moderne. Découvrez leur interview, en vidéo.
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00:00Bonjour Antoine. Bonjour. Bonjour Xavier. Bonjour. Bonjour Thévier. Bonjour Antoine. Comment vous appelez-vous ?
00:05Laure. Bonjour Laure. Bonjour. Bonjour Laure. On peut continuer comme ça longtemps.
00:09Antoine, on vous connaît en tant qu'animateur, présentateur, cinéaste ou encore humoriste.
00:14On ne vous connaissait pas encore en tant qu'auteur de bande dessinée.
00:16Alors, Il Déserte, c'est le nom de votre BD, à tous les deux, qu'on va pouvoir découvrir très bientôt
00:20car elle sort le 28 mars et on pourra aussi la découvrir à la foire du livre.
00:23Alors, qu'est-ce qu'elle raconte cette histoire ?
00:25C'est une bonne question ça.
00:26Elle raconte l'histoire de... J'avais un père journaliste qui en 1962 a eu la folle idée d'aller se faire larguer sur une île déserte
00:35en plein milieu du Pacifique.
00:38Oui, c'est correct.
00:39Une île déserte qui était totalement inhospitalière, mais ça il ne s'y attendait pas.
00:43Il s'est retrouvé sur un bloc rocheux au milieu de la mer.
00:47L'idée c'était de montrer qu'un homme civilisé peut survivre dans les conditions d'un naufrage
00:51et dans une nature plus ou moins hostile pendant un an.
00:55Il voulait tenir un an et donc il était parti avec rien, avec un peu de tôle, des biscuits, un fusil, des cartouches et des graines à planter.
01:05Et un émetteur radio, c'est-à-dire qu'il pouvait émettre mais pas recevoir.
01:09Donc, tous les soirs, il donnait de ses nouvelles à la radio.
01:11Moi, j'avais 8 ans à l'époque, donc j'écoutais mon père parti tous les soirs en train de raconter ses aventures
01:16en me demandant ce qu'il foutait là-bas, pourquoi il était parti.
01:18Et en fait, ce livre essaie de répondre à cette question.
01:21Il a passé combien de temps sur ce livre ?
01:224 mois.
01:23Pas un an ?
01:24Non, il a été rapatrié de force au bout de 4 mois parce qu'il allait mourir.
01:28Donc, vous dites à l'âge de 8 ans, vous avez perdu votre père, mais vous dites perdu de vue.
01:328 ans !
01:33Ah oui, c'est vrai, on est en Belgique.
01:348 ans !
01:358 ans !
01:36Vous l'avez perdu de vue, alors c'était il y a plus de 60 ans et vous continuez toujours à vous interroger ?
01:41Ben non, justement, le livre m'a permis de, je ne sais pas si j'ai répondu à la question,
01:47mais au moins, j'ai dégagé plein d'interrogations qui restaient sans réponse.
01:52Après sa mort, vous héritez des carnets intimes de votre père, mais vous mettez un temps fou à l'ouvrir.
01:598 ans !
02:00Pourquoi ?
02:01Pourquoi ? Parce que d'abord, il y a une écriture totalement illisible.
02:07Vraiment, c'était éprouvant d'essayer de déchiffrer ça.
02:10Et puis ensuite, parce que pour moi, c'était une affaire du passé.
02:14Je préférais en rester aux souvenirs que j'en avais, et puis la vie était passée, et puis voilà.
02:17Et j'avais ce cahier, ce journal intime, qu'il a donc tenu sur l'île,
02:21que j'avais récupéré il y a quelques années, qui était dans ma table de chevet, qui était là,
02:25qui attendait en fait, qui attendait son heure.
02:27Et ben voilà, il a eu raison d'attendre, parce que finalement, on l'a exhumé et qu'on l'a traduit.
02:32Le mot n'est pas trop fort, parce qu'il y a des gens dans ce métier qui ont tout retranscrit.
02:37Donc il est devenu lisible, et en devenant lisible, évidemment,
02:41il y avait là toute la matière à construire une histoire entre ces différents points de vue,
02:45entre ce qu'il racontait à l'antenne, ce qu'il vivait en réalité,
02:48le point de vue du môme que j'étais à l'époque, et le point de vue du vieillard que je suis aujourd'hui,
02:51qui regarde son père qui a 30 ans de moins que lui.
02:53Et quand vous ouvrez ces carnets intimes, c'est quoi votre première réaction ?
02:57C'est très émouvant, parce qu'en fait, évidemment, je découvre autre chose que ce qu'il racontait.
03:01D'abord parce que c'était un homme assez taiseux, qui se confiait peu,
03:05notamment pour tout ce qui est de l'intime.
03:07Donc j'ai découvert plein de choses extrêmement émouvantes là-dedans.
03:10J'étais persuadé qu'en écoutant, par exemple, ce qu'il racontait à la radio,
03:14que seul importait à ses yeux l'expérience, la relation de ce qu'il était en train de vivre.
03:19Alors qu'évidemment, vous le lisez dans le journal intime, il était extrêmement perturbé, inquiet,
03:26et notamment pensant à ses enfants.
03:27J'avais deux sœurs aînées, qui le sont encore plus aujourd'hui.
03:30Il y en a une qui a 8 ans de plus, c'est pour vous dire.
03:32Et d'un seul coup, en lisant le journal, on se rend compte qu'en fait, non, il ne nous avait pas écartés.
03:37Et ça fait du bien ?
03:38Oui, ça fait du bien, bien sûr.
03:39Mais je n'ai pas fait ça pour Stéphane Catharsis, ce projet.
03:42Pour moi, c'est un livre qui a, je dis ça sans la moindre prétention,
03:45mais qui a une valeur presque universelle, parce qu'on parle des relations entre...
03:49des difficultés des relations entre un père et son fils.
03:51Et donc, ça concerne beaucoup de gens.
03:53Des pères qui ont des fils, des fils qui ont des pères, ça fait du monde sur Terre.
03:57Xavier, vous vous passionnez pour cette histoire ?
04:00Déjà, pourquoi ?
04:01Parce qu'elle est passionnante, enfin, on peut dire, normalement.
04:03La question, l'heure...
04:05Je vais essayer de répondre plus sérieusement que le monsieur.
04:07Déjà, moi, ça tombait à pic, parce que ça faisait longtemps
04:10que je tournais autour du thème de la Robinsonade.
04:12C'est quelque chose qui me fascine.
04:13J'adore les récits d'aventure, mais j'ai tendance à plutôt être un dessinateur casanier.
04:17J'aime dessiner les paysages, etc.
04:19Et on n'est pas allé sur l'île, et j'aime bien rêver des endroits comme ça,
04:22rêver à des conditions de vie difficiles, mais je n'ai pas envie de vivre ça.
04:25Et c'est peut-être parce que je n'ai pas envie de vivre ça que ça m'intéresse.
04:27Il se trouve aussi que je n'avais jamais entendu parler de cette histoire.
04:29Donc, du coup, j'avais une énergie qui était authentique et sincère au début du projet.
04:33Et Antoine s'est replongé dedans.
04:36Depuis tes huit ans, en fait, tu t'étais passé...
04:38Huit ans.
04:40Et on ne pensait pas que ça allait être un projet aussi intime
04:42et que la relation père-fils, finalement, allait prédominer le livre.
04:45Et on a travaillé de manière très artisanale et assez éclatée.
04:50Et moi, j'ai bien aimé cette manière de faire.
04:52Comment on fait pour dessiner une île qu'on n'a jamais vue en vrai ?
04:55En vrai, j'aurais bien aimé aller sur place.
04:57Malheureusement, pour les questions de budget et de temps de trajet,
05:00c'était un peu compliqué, parce que c'est vraiment un tout petit îlot en Polynésie.
05:03Et finalement, le fait de ne pas être allé sur place, je vois ça comme une chance.
05:05Comme son père n'a pas trouvé l'île rêvée,
05:08c'était important aussi que moi aussi, finalement, je la fantasme.
05:12C'est toujours plus intéressant de fantasmer, de toute façon,
05:14à un endroit où c'est bien plus riche, en fait.
05:17C'est bien plus passionnant.
05:18Si on devait faire un docu, un pur docu, on serait allé sur l'île, mais sinon...
05:22Comment c'est de travailler avec Antoine Decaune ?
05:24Oh, c'est un rêve.
05:26Je ferais pas la même réponse si je n'étais pas là.
05:28C'est quelqu'un de formidable.
05:30Vous voyez, je me disais.
05:31Vraiment, c'était une super collaboration.
05:33Et c'est vrai que c'est assez atypique
05:36de travailler avec une personnalité publique et d'être projeté dans son intimité.
05:39J'étais avec lui à défricher les archives familiales.
05:43Des fois, on retrouvait des lettres que ton père t'avait envoyées quand tu étais petit.
05:47Et d'ailleurs, j'ai rarement travaillé aussi intensément.
05:50D'habitude, je suis plus laborieux.
05:53Et là, on était dans une énergie qui fait que dès que tu écrivais,
05:57j'essayais de dessiner aussitôt, ou dès que tu me racontais une scène,
06:00tout était fluide.
06:02Mais parce que, comme je te sentais submergé d'émotions par moments,
06:05et moi, j'ai tendance à une espèce d'éponge.
06:07Donc, dès que je capte un truc,
06:09je me dis qu'il faut le coucher sur papier pour essayer de le retranscrire.
06:11C'est vrai que par moments, le dessin est un peu lâché.
06:14Mais pour moi, ça participe justement qu'il y ait un espèce de bouillonnement de vie
06:18qui va à l'encontre finalement du fait d'avoir un livre sur une personne toute seule sur Nile.
06:22Bon, je l'ai déjà faite, mais je la refais.
06:24Animation, présentation, télévision, radio, cinéma, bande dessinée.
06:28Ça y est, la boucle est bouclée ?
06:30La boucle n'est jamais bouclée.
06:32Jamais bouclée ?
06:33Non, tant qu'on est vivant, ce n'est pas bouclé, non.
06:34Vous allez partir sur une île déserte ?
06:36Non, je ne vais pas partir sur une île déserte.
06:37En revanche, j'ai envie de refaire du cinéma.
06:40Je suis en train d'écrire un autre bouquin.
06:42Pas une BD, un dictionnaire amoureux.
06:45On développe un projet de fiction en ce moment avec mon copain Poulpe.
06:49Non, on n'a pas fini.
06:50Bah, hâte de voir la suite.
06:51Et moi donc.
06:53Merci beaucoup.
06:53Merci.