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Le rapport et les recommandations de la commission d'enquête parlementaire sur les violences sexuelles dans le cinéma dans la culture ont été publiés ce mercredi 9 avril. Il dénonce entre autres des violences systémiques. 

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Transcription
00:00Et on va en parler avec l'un des rapporteurs de la commission d'enquête sur les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la culture, Erwan Balanant, député MNM.
00:12Bonjour et merci d'être avec nous. Stephen Bellery qui s'est procuré ce rapport est également là face à Paloma Garcia Martins.
00:20Merci d'être avec nous Paloma ce matin. Vous êtes coordinatrice d'intimité sur les tournages de films notamment.
00:25Et vous allez nous raconter en quoi consiste votre rôle aujourd'hui. Ce rapport, ce gros rapport, est donc le fruit de six mois de travaux,
00:34de près de 120 heures d'audition de cette commission d'enquête que vous avez menée, Erwan Balanant. Merci d'être là.
00:40Ce matin, Judith Gauderèche dit que ce rapport, il est impressionnant et assez terrifiant, mais elle n'est pas étonnée de son constat.
00:47Et vous, est-ce que ce que vous avez découvert au cours des travaux de votre commission est au-delà de ce que vous imaginez ?
00:55Oui, parce que ce qu'on a découvert, c'est que ce monde est une machine à broyer des talents en réalité.
01:03Et on ne pensait pas que c'était si systémique, que c'était endémique et que c'était si ancré dans ce milieu.
01:11Et donc, effectivement, on a commencé cette commission d'enquête en sachant qu'il y avait des dysfonctionnements,
01:17sachant qu'il y avait des violences. Le témoignage de femmes, celui de Judith Gauderèche,
01:22mais avant Adèle Haenel, encore avant Noémie Cochet et encore avant Maria Schneider,
01:29nous disait bien un certain nombre de choses.
01:31Mais ce qui nous est apparu, c'est qu'au-delà des cas symptomatiques et des cas connus et des cas de stars,
01:38vous aviez des techniciens, des techniciennes, des jeunes comédiens qui souffraient de violences tout au long de leur carrière.
01:45Et donc, il nous a fallu travailler, approfondir cela.
01:49Et c'est ce que nous allons faire avec ce rapport. Et nous faisons un certain nombre de propositions.
01:53Alors, on va les détailler, évidemment, dans quelques instants, ces propositions.
01:55Mais dans vos mots, il y en a un qui est terrible. C'est la notion de système.
01:59Système. Parce que pour se débarrasser et nettoyer un système, c'est loin d'être évident.
02:08Oui, mais on peut y arriver. Et j'espère qu'on va y arriver tout simplement aussi.
02:13Parce que je crois qu'il y a un frémissement dans ce milieu.
02:19Le monde du cinéma a déjà mis des choses en place via le CNC.
02:23Des choses qui vont plutôt dans le bon sens. C'est ce qu'on dit dans le rapport aussi.
02:26Et nous, je pense que ce qu'il faut qu'on fasse, c'est qu'il faut que les pouvoirs publics accompagnent.
02:31C'est un accompagnement et une amplification de choses qui ont commencé à se mettre en place.
02:38Mais on ne doit pas relâcher la pression parce que, tout simplement, vous avez des femmes, des hommes
02:46qui ont ce métier, cette passion dans le sang et qui, parfois, n'ont plus la force de le faire.
02:53Je redis aussi que s'il est systémique, c'est aussi parce qu'il est à l'image de notre société.
02:58Et moi, je le dis, notre société est encore profondément sexiste et patriarcale.
03:04Et le cinéma est le reflet de notre société.
03:07Je crois qu'il faut le dire parce qu'il ne faut pas non plus stigmatiser ce milieu.
03:12Il doit évoluer, mais il a commencé à évoluer et nous devons l'accompagner.
03:16– Alors, restez avec nous, Erwann Balanant.
03:18Steven Bellery a sous les yeux le rapport de votre commission d'enquête
03:21qui préconise 87 recommandations au total
03:25et particulièrement pour protéger les plus jeunes, les mineurs.
03:29– Oui, d'ailleurs, voilà, par exemple, c'est terminé les scènes sexualisantes pour les mineurs,
03:34tant dans la photo de mode qu'au cinéma.
03:36Par exemple, aussi les castings, les castings sauvages dans les recommandations,
03:39on les encadre, c'est terminé un casting, ça se fait dans une pièce,
03:43avec deux personnes minimum, on ne fait pas des tests de scènes intimes
03:46pour voir comment ça peut se passer, ça c'est déjà aussi une recommandation très concrète
03:50qui peut se faire très rapidement.
03:53Autre proposition, dans les scénarios, il faudrait désormais que les scènes intimes soient détaillées.
03:59Ce n'est pas « ils font l'amour », une ligne dans un scénario.
04:01Non, ça doit être plusieurs pages où est-ce qu'on pose les mains,
04:04quelle forme de baiser, quelles sont les formes que cette scène intime peut prendre.
04:08– Parce que jusqu'à présent, quand un script disait « ils font l'amour »,
04:11– La scène était laissée à l'appréciation de l'acteur ?
04:13– Du réalisateur, du moment, etc.
04:15Mais les acteurs ont besoin de se préparer.
04:18Et justement, par exemple, autre proposition,
04:20demander la présence d'un coordinateur d'intimité,
04:23c'est l'apparition d'un nouveau métier.
04:25Si un des acteurs le demande…
04:27– C'est-à-dire de façon systématique ?
04:27– Systématique, ça sera budgétisé dans les budgets des films.
04:30– Paloma, c'est votre métier ?
04:31– Effectivement.
04:32– Comment ça se passe ?
04:33– Comment ça se passe lorsqu'effectivement,
04:35un des acteurs demande l'intervention d'une personne comme vous ?
04:39– Ce n'est pas si compliqué que ça n'en a l'air.
04:43C'est-à-dire qu'on n'a pas l'habitude d'avoir ce genre de communication,
04:46comme vous l'expliquiez au début, c'est très flou,
04:48c'est l'appréciation.
04:49Mais ici, c'est simplement de poser les bases
04:51de quelles sont les intentions de la mise en scène.
04:53Donc moi, je vais d'abord m'entretenir avec le réalisateur
04:55ou la réalisatrice pour comprendre
04:56ce qui est important pour la scène,
04:59qu'est-ce qu'on veut voir à l'image,
05:00qu'est-ce qu'on n'a pas besoin de voir,
05:02quelles sont les choses essentielles
05:04et les choses un peu bonus.
05:05Parce que des fois, on a une idée en tant que metteur en scène
05:07ou metteuse en scène,
05:08mais au final, ce n'est peut-être pas cohérent
05:10ou ça ne marche pas avec les limites des acteurs et des actrices.
05:13Mais par contre, peut-être qu'autre chose peut émerger
05:15à partir de ces limites-là, auxquelles on n'aurait pas pensé.
05:18Donc moi, j'amène de la communication.
05:20Tout simplement, je rapporte les limites des acteurs, des actrices
05:23à la production, à la mise en scène
05:25pour trouver des solutions
05:25pour qu'on puisse raconter cette histoire
05:29tout en honorant les limites des personnes qui vont être à l'image.
05:32Qui les fixent elles-mêmes ?
05:33C'est-à-dire que les acteurs fixent leurs limites
05:34au moment de cette discussion préalable à la scène ?
05:37Alors oui, mais il faut savoir que les limites, ça peut changer.
05:39Donc la coordination d'intimité,
05:41c'est la coordination du consentement,
05:43c'est-à-dire que c'est un processus qui est plus long.
05:44Ce n'est pas qu'une question de permission.
05:46Donc je suis tout à fait enchantée
05:48de voir qu'on va amener beaucoup plus de précision,
05:50de détail dans ces scènes,
05:52voir des contrats, des annexes de contrats,
05:54des annexes de nudité,
05:55comme ça existe aux États-Unis.
05:56Mais il faut se rappeler que la scène d'intimité,
05:59c'est quelque chose de vulnérabilisant, à risque,
06:02et que nos limites peuvent changer.
06:04J'ai déjà travaillé sur des scènes de violences sexuelles simulées
06:06où la veille ou l'avant-veille,
06:08la comédienne a vécu une agression dans le métro.
06:10Évidemment, ça va changer ses limites.
06:12Donc ce n'est pas parce qu'on a dit en préparation
06:14que telle scène ne nous semble pas très compliquée
06:17que le jour même, on peut nous ramener
06:19à cette prise de position
06:21comme si elle était contractuelle.
06:23Et vous êtes habilité, par exemple, à dire à un réalisateur
06:27ou à un metteur en scène
06:28« Non, là, ce n'est pas utile, ce que tu proposes dans le scénario,
06:31cette main, ce geste, ce baiser ? »
06:34Ou ce sont les acteurs qui font passer ce message ?
06:36Moi, je suis au service de la mise en scène
06:40et des limites des acteurs.
06:42Donc je suis au service du récit,
06:43mais surtout des limites des acteuristes.
06:45Donc si, à un moment donné,
06:46quelque chose n'est pas compatible avec leurs limites,
06:49c'est là que je vais intervenir.
06:50Et encore une fois, j'interviens en forme de recommandation.
06:53Je ne suis pas productrice.
06:54Et ça se passe toujours de façon harmonieuse ?
06:57Il n'y a pas un moment où le réalisateur va s'énerver en disant
06:59« Si, moi, j'ai besoin de montrer ce bout de sein-là,
07:01donc laisse-moi montrer le bout de sein de l'actrice. »
07:03Oui, bien sûr, parce que tout changement
07:04demande un certain effort d'adaptation
07:06et que quand on a eu l'habitude d'avoir les pleins pouvoirs
07:09sur les corps des actrices et des acteurs,
07:12parce que ça ne concerne pas que les femmes,
07:14il est parfois un petit peu compliqué de s'adapter.
07:16Mais moi, je pense à la bonne volonté de cette industrie.
07:19il y a effectivement des dinosaures et des pratiques ancrées.
07:23Ah bon ?
07:23Oui, voilà, comme vous pouvez le constater,
07:25comme la commission d'enquête a pu le constater
07:27avec vraiment grand détail.
07:29Cependant, il y a une volonté de mieux travailler ensemble
07:32et je pense que les outils qui sont proposés
07:35vont vraiment être adoptés et adaptés.
07:39Il y a 87 recommandations, Erwan Balanant.
07:41Est-ce qu'il y aura un suivi, d'une façon ou d'une autre,
07:44de ces recommandations ?
07:47Ah oui, évidemment.
07:48C'est une première étape, ce rapport que je sors aujourd'hui,
07:53donc au nom de la commission d'enquête.
07:55Et cette première étape, on la pose sur la table
07:57de tout le secteur, de toutes les filières du cinéma,
08:01de l'audiovisuel, du monde de la musique, du spectacle vivant,
08:04pour que chacun déjà constate et prenne leurs responsabilités.
08:11Parce que dans les sujets que l'on va devoir aborder
08:13pour améliorer les choses, parce que moi, ce que je refuse,
08:17c'est le caractère déceptif, c'est-à-dire avoir un rapport
08:21et que ce rapport ensuite ne serve à rien.
08:24Ce rapport, c'est une étape, une étape qui ira sans doute
08:27sur un certain nombre de sujets vers une proposition de loi
08:30que l'on écrira, oui.
08:31Merci en tout cas d'avoir été avec nous ce matin, Erwann Balanant.
08:36Merci Palona, Martine, merci Steven.

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