Dans son édito du 12/04/2025, Jules Torres revient sur la visite du président Emmanuel Macron dans un bar-PMU des Deux-Sèvres.
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00:00Emmanuel Macron a déjeuné ce vendredi avec une quinzaine de maires de villes moyennes à l'Elysée.
00:06Le motif officiel, Jules, c'est sentir le pouls du pays.
00:10C'est une bonne nouvelle, quand on est chef de l'État, il vaut mieux le sentir un petit peu.
00:13La veille, le président avait déjà joué les visiteurs surprises dans un bar PMU des Deux-Sèvres.
00:20Opération authenticité au calcul politique, quel est le véritable objectif du chef de l'État, Jules Torres ?
00:25Emmanuel Macron enfile son costume de président proche du peuple, proche des Français, car il le sait.
00:31Il traîne une image désormais désastreuse, une image froide, déconnectée, indifférente.
00:36Alors il tente de renouer depuis la gifle des Gilets jaunes.
00:39Le lien avec les Français, on l'a bien vu, s'est rompu.
00:42Et maintenant que son pouvoir a été raboté par une dissolution ratée et des législatives où il est désormais minoritaire,
00:48le voilà qui essaie un reset politique avec les Français.
00:51Trop tard peut-être, mais il s'y emploie, faute d'incarner l'autorité.
00:54Le président de la République joue la carte de la proximité.
00:58C'est dans cet esprit qu'hier, dans le très feutré salon des ambassadeurs de l'Élysée,
01:02Emmanuel Macron a convié une quinzaine de maires, pas des poids lourds de grandes métropoles, non,
01:07ceux des villes moyennes ou petites, bonifacio, hautains, haras ou encore lourdes,
01:11tous fidèles ou bienveillants à l'égard du président, des élus de terrain,
01:15sélectionnés comme pour cocher la case France réelle.
01:17Même logique cette semaine dans les Deux-Sèvres, à Toir, au 83 rue Jules Michelet, le chef de l'État.
01:23A pousser la porte d'un bar baptisé le Prums, entrer en solo, poignet de main avec les clients,
01:29café pris à la volée, une scène qui peut étonner mais qui tend à devenir un rituel.
01:33Si vous nous écoutez ce matin depuis un bar PMU, un bar tabac,
01:37gardez un oeil sur la porte, Emmanuel Macron pourrait bien débarquer et sans même vous prévenir.
01:41Honnêtement Jules, ces réunions avec des maires, ces visites dans des PMU, à quoi servent-elles ?
01:46Officiellement, vous l'avez dit, elles servent à prendre le pouls du pays.
01:50En tout cas, c'est ce que nous dit l'entourage présidentiel quand on lui pose la question.
01:54Car avant le Prums de Toir, il y avait eu le bar des Quatre Fesses en Haute-Marne,
01:58oui, c'est bien son nom, où Emmanuel Macron avait d'ailleurs acheté un ticket de grattage.
02:02Février, il était à Roulan, dans le Doubs.
02:04En janvier, il était à Hirson, dans l'Aisne.
02:06Et à chaque fois, la même mise en scène.
02:08Le président débarque seul, sans conseiller, sans journaliste,
02:11juste quelques officiers de sécurité pour assurer évidemment sa sécurité.
02:15Alors le président, dans ces moments-là, il écoute, il questionne,
02:19et bien souvent, il hoche la tête, car la vérité sort toujours de la bouche du patron du comptoir.
02:23L'exercice a une vertu, casser l'image du président hors sol, sourd aux colères,
02:27et c'est vrai, 120 caméras accrochées à ses talonnettes,
02:30le président paraît plus accessible et le moment paraît plus vrai.
02:34Mais justement, c'est là que le bave l'est, c'est que cette mise en scène,
02:36du naturel, elle finit par sonner un petit peu faux.
02:39Le président, dans un bar tabac, certes, c'est une image forte,
02:42mais aussi un aveu embarrassant, ça veut dire qu'Emmanuel Macron,
02:45et bien il ne croise plus personne pour de vrai.
02:47Il faut scénariser la spontanéité, programmer l'imprévu,
02:50bref, c'est de l'authenticité, en quitte et surtout quand on retient l'opinion,
02:53et bien seulement quelques clichés flous, pris à la volée sur des téléphones,
02:57des images pas cadrées, des images non officielles qui circulent,
03:00et donnent une illusion d'instantané.
03:02Mais même cela, les Français n'y croient plus vraiment.
03:05À force de vouloir éviter donc la mise en scène,
03:07le président a fini par la renforcer,
03:09et les Français, eux, voient surtout un chef de l'État en campagne permanente,
03:12mais toujours loin de leur réalité.
03:14Mais d'ailleurs, on le voit bien, Emmanuel Macron peut bien multiplier les apparitions,
03:18il n'a jamais été aussi impopulaire.
03:20Oui, et contrairement au déjeuner feutré avec les élus locaux,
03:23dans un bar PMU, le président est challengé, il est contredit,
03:26parfois sèchement, mais les Français sont toujours courtois et toujours polis,
03:29parce que vous avez raison, jamais Emmanuel Macron n'a été aussi impopulaire.
03:33Depuis 8 ans, le fossé s'est creusé,
03:35le président n'a pas fait grimper le pouvoir d'achat,
03:38il n'a pas endigué l'immigration, il n'a pas rétabli la sécurité,
03:41il a laissé l'école et l'hôpital dans un flou brumeux de renoncements,
03:44il a organisé des grands débats inutiles,
03:47des conventions citoyennes sans lendemain.
03:49Résultat, plus personne ne le suit.
03:50Depuis la dissolution qui plus est,
03:53le fossé est devenu un gouffre, relégué au second plan.
03:56Emmanuel Macron n'a plus les mains sur le volant,
03:58son champ d'action se résume à deux focales,
04:01le grand angle et l'ultrazoom,
04:02théorise son entourage, le grand angle,
04:04on a bien compris que ce sont les crises internationales,
04:06la guerre en Ukraine, le conflit à Gaza,
04:08les tarifs douaniers imposés par Donald Trump
04:11et l'ultrazoom,
04:12ce sont ces immersions soudaines dans un bar tabac ici,
04:15un déjeuner avec des mères.
04:17Là, deux focales,
04:18mais plus de vision, on l'a bien compris,
04:20c'est là que le vernis craque.
04:21À force de vouloir incarner à la fois le président stratège
04:24et le président de comptoir,
04:25Emmanuel Macron n'est plus tellement audible.
04:27Alors oui, il sert des paluches,
04:29il interrompt des steaks frites,
04:30il esquisse des sourires,
04:31mais la scène sonne creux,
04:32on ne rejoue pas la proximité
04:33quand on a passé huit ans à théoriser
04:35la verticalité du pouvoir,
04:37souvenez-vous, du président Jupiter.
04:39Alors une question s'impose,
04:41pourquoi ce virage maintenant ?
04:42Est-ce que la peur de finir comme une ombre effacée
04:45avant même le générique de fin
04:46se pose une question à Emmanuel Macron ?
04:48Car à force de multiplier ses apparitions,
04:50le président de la République
04:51ne reconstruit pas un lien,
04:52il souligne la fracture entre lui et les Français.
04:56Ce retour sur le terrain
04:56ressemble donc moins à une reconquête des Français
04:59qu'à un barou d'honneur.