Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Europe 1 matin week-end, 6h-9h, Lénaïque Meunier.
00:06Europe 1, 8h13, c'est l'heure de l'interview Actu d'Europe 1 matin week-end.
00:10Lénaïque Meunier, vous évoquez les discussions en cours autour de la fin de vie
00:13avec le médecin urgentiste et ancien ministre de la Santé, François Braune.
00:17Oui, parce que c'était cette semaine à l'Assemblée, projet de loi sur la fin de vie, vous l'avez dit,
00:20un projet de loi profondément modifié depuis l'annonce par Emmanuel Macron
00:24de la volonté d'ouvrir l'accès à un droit à mourir en France.
00:27De quoi inquiéter notamment les soignants, à qui reviendrait donc cette tâche ?
00:32Il y aura deux textes. Aide à mourir, soins palliatifs. Bonjour François Braune.
00:36Bonjour Madame Meunier.
00:37Vous êtes médecin urgentiste, vous avez également été ministre de la Santé
00:40et vous avez lancé un appel cette semaine avec des médecins, des scientifiques, des juristes.
00:47Quel est le sens de cet appel ? Quel est-il ?
00:49Le sens de cet appel, c'est déjà de bien prononcer les choses
00:54et de bien remettre un petit peu ce projet de loi à sa place, si je peux dire ainsi.
00:59Déjà, vous l'avez dit, et c'est très important, il y a maintenant deux textes
01:03et je crois qu'il faut vraiment remercier le Premier ministre d'avoir poussé ces deux textes.
01:07Un sur les soins palliatifs, qui est du soin,
01:10donc qui concerne complètement les professionnels de santé.
01:14Et ce soin palliatif qu'il faut continuer à développer, c'est là la priorité absolue.
01:18Et un autre, qui s'appelle Fin de vie, mais il faut dire les mots,
01:22qui est un texte sur l'euthanasie et sur le suicide assisté.
01:26Et ce texte n'est pas un texte de santé.
01:29On essaie d'entraîner une certaine confusion.
01:31C'est un sujet de société, c'est un sujet qui interroge notre société et son rapport à la mort.
01:38Et je crois qu'il est important d'avoir ce débat de société
01:40qui, contrairement à ce qu'on nous dit, n'a pas eu lieu et n'aura pas lieu à l'hémicycle.
01:45Il faut bien reposer les choses de façon extrêmement précise.
01:50Et puis, étant un texte de société, l'immense majorité des soignants
01:55ne veut pas être partie prenante directe de ce texte,
01:59puisque dans sa rédaction actuelle, il impose à un médecin ou à un soignant,
02:03si jamais le choix était fait d'aller vers une euthanasie ou un suicide assisté,
02:07il impose aux soignants de faire ce geste.
02:09Ce qui est complètement contre-intuitif et paradoxal pour des gens qui dédient leur vie aux soins.
02:16Oui, parce que l'aide à mourir, c'est effectivement un geste fatal,
02:19ce qui n'est forcément pas, François Beaune, anodin pour un médecin qui en serait chargé.
02:23Dans le monde des soignants, il n'y a pas que les médecins qui seraient chargés,
02:26les infirmiers aussi, il me semble.
02:28Oui, les médecins, les infirmiers.
02:29Alors, les pharmaciens, on n'en parle pas,
02:31alors que c'est eux qui feront la préparation et qui donneront la préparation.
02:34Ce texte est mal ficelé sur plein de points.
02:39Il est imprécis, il ne nomme pas les choses, ce qui est quand même important.
02:43Et puis, il oublie des parts entières de la réflexion.
02:48Par exemple, on n'aborde pas du tout cette notion d'obstination déraisonnable,
02:53vous savez, celle qui fait que le médecin va trop loin dans les gestes de survie et de réanimation.
02:59Souvent sous la contrainte des familles, mais on n'a aucun moyen de revenir en arrière.
03:02La notion de temporalité, sur l'évolution de la maladie,
03:07sur les délais de décision qui semblent totalement inadaptés.
03:10Que faire vis-à-vis des tentatives de suicide ?
03:12Vous savez, dans ma carrière d'urgentiste,
03:14j'ai eu à réanimer beaucoup de gens qui avaient fait une tentative de suicide.
03:18Que va-t-on faire maintenant que quelque part, ce suicide,
03:21assisté ou pas, devient quelque part légal ou il deviendrait légal ?
03:26On voit bien que ce texte n'est pas prêt.
03:28La réflexion dans la société n'est pas du tout aboutie.
03:30Il faut vraiment faire passer le texte sur les soins palliatifs.
03:34C'est une urgence.
03:35Et par contre, se donner le temps d'avoir un vrai texte de société.
03:39Parce que le périmètre, effectivement, il est très très large.
03:41Si on regarde ce projet de loi sur l'aide à mourir,
03:45on parle de personnes atteintes de diabète, des dialysés.
03:48Donc, c'est vrai que là encore, c'est assez stupéfiant.
03:53Oui, il est tellement large qu'il est surtout très très flou.
03:56On ne parle pas non plus des pathologies psychiatriques.
03:59Enfin, on voit bien que ce n'est pas bien fait.
04:02Et que tout le monde n'a pas été ni écouté ni entendu.
04:05Dans les exposés, vous savez, d'un texte,
04:07le député Falorni qui a présenté ce texte,
04:10dans ses exposés, parle de l'humilité d'écouter avant de décider.
04:14C'est très bien, mais j'aimerais qu'il y ait aussi l'honnêteté d'écouter tout le monde.
04:18Et d'écouter la voix des soignants.
04:19Et alors, justement, François Braune, le grand perdant dans ce débat,
04:22au final, c'est le soin lui-même, le développement des soins palliatifs.
04:26Nous sommes très en retard ?
04:28Nous sommes en retard.
04:30Alors, nous ne sommes pas très en retard.
04:32On entend toujours qu'il y a des départements qui n'ont pas de soins palliatifs.
04:35Ce n'est pas tout à fait vrai.
04:37Ils n'ont pas d'unités qui sont dédiées.
04:39Il faut continuer à développer ces unités.
04:41Il faut développer des choses qui sont extrêmement positives dans ce projet de loi
04:47et dans les réflexions.
04:48Je pense à ces maisons de répit, à ces maisons de vie qui sont décrites.
04:51Enfin, il y a énormément de travail à faire sur les soins palliatifs,
04:55de gros moyens à mettre en œuvre sur ces soins palliatifs.
04:58Et malheureusement, ce débat vient au deuxième point,
05:02derrière ce projet de loi d'euthanasie et de suicide assisté,
05:06qui ne dit pas son nom et qui occupe tout l'espace de discussion politique,
05:11mais pas l'espace de discussion de société.
05:13Et c'est là que doit avoir lieu cette discussion.
05:15Vous trouvez qu'il y a un empressement à faire passer cette loi ?
05:19On sent bien qu'il y a la volonté de certains d'avoir une loi un petit peu totémique
05:25qui passe très rapidement.
05:27Je pense que ce n'est pas une bonne idée.
05:29Alors, les arguments sont, ça fait longtemps qu'on en parle,
05:31on n'a pas réussi à avancer, il faut aller plus vite.
05:34Non, je ne crois pas qu'il faille aller plus vite.
05:36Alors, bien sûr, dans la loi actuelle, la loi Claes-Néoletti,
05:41il y a déjà énormément de choses.
05:44Je pense en particulier à l'arrêt des traitements qui peut être demandé.
05:47Je pense à cette sédation profonde et continue.
05:50On a beaucoup de choses.
05:52Il y a des situations qui n'entrent pas dans ce cadre.
05:55Il faut probablement se pencher de façon très précise et très professionnelle
05:59sur ces quelques situations.
06:01parce qu'il faut arrêter d'imaginer que ça concerne des dizaines de milliers de personnes.
06:05Ce n'est absolument pas le cas.
06:06Est-ce que vous avez un message à adresser aux députés
06:10qui, eux-mêmes, peuvent être divisés sur le sujet, François Brunet ?
06:14Oui, je crois, je sais qu'ils sont divisés sur le sujet.
06:17Le message, c'est, dans le cadre de ce qui est mis en avant,
06:21la liberté, l'égalité, la fraternité,
06:24ne nous privez pas de ce vrai débat de société démocratique
06:29qui doit avoir lieu sur ce sujet de l'euthanasie et du suicide assisté.
06:33Par contre, votez très rapidement la loi sur les soins palliatifs.
06:37Merci, François Brunet, de votre intervention ce matin
06:40sur Europe 1, ancien ministre de la Santé, médecin urgentiste.
06:44Et effectivement, c'est un véritable débat presque anthropologique
06:47auquel nous assistons en ce moment.