Emmanuel Macron a déjà effectué, en l'espace de 10 semaines, 5 déplacements publics sans presse. On aurait tort de s'y habituer.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00Maxence Lambrec, l'édito politique, le président et la presse, un désamour dangereux.
00:05Il en a marre, il veut retrouver de l'authenticité.
00:07Alors Emmanuel Macron ne prévient plus personne quand il se déplace.
00:11Pas même parfois le maire, le préfet, le député, en aucun cas.
00:15La presse, le 30 janvier dernier, il visite l'abbaye Saint-Michel en Thiers-Rache,
00:18puis un café à Hirson dans l'Aisne.
00:20Une semaine plus tard, l'hôpital d'Argenteuil.
00:23Le 4 mars, le village d'Augy dans Lyon, une maison France Service, une boucherie, un bistrot.
00:27Le 18 mars, un bar tabac en Haute-Marne.
00:30Vendredi dernier, dans les Deux-Sèvres, un bar tabac, un repas des aînés et une menuiserie pour y parler droit de douane.
00:35Rien ne relève ici de sa vie privée dans tous ces lieux.
00:38C'est bien le président de la République qui se déplace, celui que les Français ont élu
00:42et dont l'action publique n'est pas une histoire privée.
00:45L'Elysée répond que ses échanges sont plus spontanés.
00:48Surtout beaucoup plus tranquille, puisqu'aucun compte rendu n'est publié.
00:51Tout au mieux des photos sur les réseaux.
00:52Parfois, un article dans la presse régionale qui apprend la visite par ses propres sources et à court sur place.
00:58L'absence de caméra rend-elle le dialogue plus sincère ?
01:02C'est la figure du président lui-même qui crée souvent une réserve.
01:05Et en réalité, la caméra n'a pas disparu.
01:07Son équipe a filmé par exemple sa visite chez un boucher qui a publié la vidéo sur Facebook comme si c'était la sienne.
01:14Ne vous imaginez pas une nuée de caméras quand la presse débarque.
01:17Une seule suffit dans un lieu exigu.
01:19C'est ce qu'on appelle un pool.
01:20Cinq ou six journalistes tirés au sort, chargés de tout retranscrire aux autres.
01:24Est-ce que cela ne limite pas tout de même les mises en scène ?
01:26Non, quand la presse est au courant, les militants politiques ne débarquent pas dans le bistrot
01:31parce que l'adresse du bistrot n'est dévoilée qu'au dernier moment.
01:33Et puis, qui peut croire que c'est sa seule manière d'être au contact de la vraie France ?
01:38Il a des tas d'autres capteurs, à commencer par le courrier reçu à l'Elysée.
01:41Il tient simplement à envoyer l'image d'un président au contact sans artifice, bien plus apprécié que ne le diraient les sondeurs.
01:48Forcément, ne ressortent que les selfies sympas.
01:50Il a pris un café et un jeu de grattage comme un client normal, raconte la gérante du bar d'Irson.
01:56Il a donc fallu attendre près de huit ans.
01:58Mais le voilà de retour, le président normal, débarrassé de tout protocole et par la même de celles et ceux qui l'ont tant ennuyé.
02:06Ces journalistes qui, à ses yeux, manquent de déontologie, abîment notre démocratie.
02:10Et puis, c'est la mode de s'en passer ou de les choisir.
02:12Regardez les Etats-Unis.
02:14Pourquoi parlez-vous d'un désamour dangereux ?
02:16Parce qu'Emmanuel Macron crée un précédent banaliste qui fait rêver Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, entre autres.
02:22Ils peuvent déjà le remercier car il insinue l'idée que les journalistes biaisent le réel, perturbent les vrais contacts, n'apportent que des problèmes.
02:29Comme si la presse était facultative, que c'était un cadeau de l'accueillir et non un impératif démocratique.
02:35En tout cas, si la communication pouvait à terme remplacer l'information, pour l'instant, l'association de la presse présidentielle, dont je suis membre, semble crier dans le désert.
02:44Non, ce n'est pas une bataille corporatiste, mais un enjeu pour notre vie publique.
02:48La liberté de la presse, ici et maintenant.
02:49Maxence Landryk.