Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00L'édito politique Patrick Cohen, le procès de Nicolas Sarkozy pour un présumé financement
00:05libyen de sa campagne de 2012 a commencé il y a un mois, qui a-t-on appris ?
00:10Pas mal de choses, et d'abord, ce procès devait avoir lieu, il y a un mois la question
00:15a été posée, l'image accablante, historique, d'un ancien président et de deux de ses
00:19ministres de l'intérieur jugés pour corruption et association de malfaiteurs, cette image
00:23est-elle accablante pour les prévenus, pour la République ou pour la justice ? Il y a
00:29un mois, l'avocat de Nicolas Sarkozy assurait que le dossier était vide, aucune preuve
00:32d'une théorie, disait-il, née comme ça d'un claquement de doigts, aujourd'hui,
00:37après 14 journées d'audience, et même si l'implication directe de Nicolas Sarkozy
00:41n'a pas été démontrée, aucun observateur ne peut dire que le dossier est vide, que
00:45les juges se sont fourvoyés, que les louches manigances entre Paris et Tripoli ne méritaient
00:49pas d'être tirées au clair.
00:51Alors précisément, Patrick, qu'est-ce qui alimente le soupçon ?
00:54Ceux-ci, les deux plus proches de Kadhafi, un terroriste et un grand argentier, ont été
01:00approchés, protégés, exfiltrés clandestinement par les deux plus proches de Sarkozy, Claude
01:06Guéant et Brice Hortefeux, qui plaident la surprise, le malentendu ou l'ignorance étrange.
01:12Le terroriste, c'est Abdallah Senoussi, organisateur de l'attentat du décédiste
01:15d'UTA, 170 morts en 1989, condamné à perpétuité, recherché par la France, Senoussi est aussi
01:22le beau frère de Kadhafi qui ne cesse de réclamer aux Français l'enlevé du mandat
01:25d'arrêt de son protégé.
01:27Et voilà qu'à deux mois d'intervalle, Claude Guéant, puis Brice Hortefeux, se rendent
01:31à Tripoli et se retrouvent face à Senoussi, au restaurant ou chez lui, embarrassants et
01:37scandaleux, une ruse de l'intermédiaire Takyeddin, disent les deux hommes, qui une
01:41fois rentrés, assurent qu'ils ne pipent mot à leur patron Sarkozy du piège dans
01:45lequel ils seraient tombés, doublement étranges.
01:48Le grand argentier, c'est Béchir Salé, directeur du cabinet de Kadhafi, détenteur
01:52de tous les secrets du guide, Nicolas Sarkozy a admis hier qu'il avait facilité son exil
01:56en France à la chute du régime, mais l'année d'après, 2012, le 28 avril, à une semaine
02:01du second tour présidentiel, Mediapart publie la note qui mentionne un accord de la Libye
02:06pour que Béchir Salé alimente en millions la campagne Sarkozy, document pour lequel
02:11la justice a rejeté l'accusation de faux.
02:13Et le 3 mai, cinq jours plus tard, Béchir Salé, pourtant frappé d'une notice rouge
02:18d'Interpol, s'envole dans le jet d'un homme qui se dit l'ami de Sarkozy, l'intermédiaire
02:23Alexandre Joury, avec la bénédiction du chef du renseignement intérieur, Squarsini,
02:28et Guéant, ministre de l'Intérieur, prétend qu'il n'était au courant de rien, ni de
02:32la notice rouge, ni de ce que faisait son subordonné, là on est dans l'extravagant.
02:36Nicolas Sarkozy, Patrick, prétend qu'ils ont agi à son insu.
02:40Oui, même si pour Guéant et Hortefeux c'est difficile à croire, pour se sauver, il doit
02:44les mettre à distance, car le chef d'association de malfaiteurs, le rang comptable de ce qu'ont
02:50fait ses proches.
02:51« Pas de preuve d'argent », répète l'ancien président, « mais la preuve peut résulter
02:55d'un faisceau d'indices », a rappelé hier la présidente du tribunal.
02:58Voilà, il reste 25 jours d'audience, rien n'est écrit, mais quelle que soit l'issue,
03:03les juges et les journalistes de Mediapart n'auront pas travaillé en vain.