Le 24 février 2022, des chars ont déferlé sur l'Ukraine. Des bombes sont tombées du ciel. L'agresseur était la Russie. Ksenia Bolchakova et Veronika Dorman, deux journalistes françaises d'origine russe, se sont retrouvées plongées dans un abîme d'un genre nouveau : "leur" Russie est devenue un empire du mal. Alors que les troupes du Kremlin s'enlisaient en Ukraine, elles ont sillonné la Russie pendant trois semaines pour dresser le portrait d'une société où la culture de la violence est enseignée depuis la petite enfance. Partout où c'était possible, la propagande d'Etat a réussi à inverser les notions de bien et de mal.
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00:00:00...
00:00:00Esquade, tête à droite.
00:00:13Halte, vos numéros dans l'ordre.
00:00:171, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13.
00:00:22Courez !
00:00:25Courez !
00:00:26Courez !
00:00:27Je m'appelle Olga Zahran.
00:00:30Et je dirige un centre sportif militaro-patriotique appelé le Jeune Soldat.
00:00:35Allez, accélérez !
00:00:37Plus vite !
00:00:41Je vais vous en faire baver aujourd'hui.
00:00:44C'est clair ?
00:00:49Aujourd'hui, nos guerriers russes accomplissent leur devoir envers la patrie.
00:00:56Ils défendent le monde russe.
00:00:58Et oui, nous, nous entraînons les enfants pour qu'ils soient prêts à affronter les heures sombres qui arrivent.
00:01:06Toujours, avant de viser, il faut bien faire attention à retenir sa respiration et enlever le cran de sûreté.
00:01:12Où est-ce que tu diriges ton arme ?
00:01:17Qu'est-ce que je viens de dire ?
00:01:19Je vais vraiment m'énerver, c'est pas possible !
00:01:23Il faut respecter les règles de sécurité.
00:01:26Si tu t'habitues à mal faire, Dieu nous en garde.
00:01:29Un malheur peut vite arriver.
00:01:31Dasha, approche.
00:01:32Ce que nous mettons aujourd'hui dans leur crâne va déterminer ce qu'ils seront dans le futur.
00:01:44Ils doivent savoir manipuler une arme.
00:01:46Ils doivent être préparés physiquement, préparés moralement.
00:01:50Regarde bien.
00:01:54Préparez-vous.
00:01:56On vise les cuillères.
00:01:58Feu !
00:02:00Allez, allez, allez !
00:02:02Bien joué !
00:02:04Comment je vois l'avenir de mon pays, la Russie ?
00:02:08Je la vois puissante.
00:02:10Il ne s'agit pas seulement de démilitariser, de dénazifier l'Ukraine.
00:02:28C'est l'ensemble du monde occidental hostile et défavorable que nous devons reformater.
00:02:35La Russie va les écraser.
00:02:40Le 24 février 2022, notre monde a basculé.
00:02:52Des chars ont déferlé sur l'Ukraine.
00:02:59Des bombes sont tombées du ciel.
00:03:02L'agresseur était la Russie, notre pays d'origine.
00:03:10Une guerre lancée sous les applaudissements d'une grande partie de la population.
00:03:16Complices.
00:03:17Et dans le silence estomaqué de l'autre.
00:03:24Pour comprendre comment les Russes ont pu sombrer dans cette folie,
00:03:42nous sommes retournés dans ce pays qui a vu naître nos parents
00:03:45et que nous ne reconnaissons plus.
00:03:47une Russie qui se referme sur elle-même.
00:03:55La guerre est amour.
00:03:57La guerre est amour.
00:03:59La guerre est l'avenir.
00:04:01La guerre est l'avenir.
00:04:02Voyage au cœur d'une société malade.
00:04:08Viscéralement violente.
00:04:12Où la jeunesse est sacrifiée au service de l'Etat.
00:04:16Où la propagande et les rêves d'empire ont corrompu les esprits.
00:04:20esprits
00:04:50moi je suis de la vieille école
00:04:53l'union soviétique est le pays qui m'a tout donné
00:04:57une éducation
00:04:59la confiance en l'avenir
00:05:01lorsque l'URSS s'est effondrée en 1991
00:05:05j'avais 20 ans
00:05:07mais je n'ai pas pu l'accepter
00:05:09c'était extrêmement douloureux pour moi
00:05:17Olga est née dans la région de Lugansk
00:05:19dans ce qui était à l'époque
00:05:21la république socialiste soviétique
00:05:23d'Ukraine
00:05:25à la chute de l'URSS
00:05:27elle s'installe en Russie
00:05:29et fait carrière comme juriste
00:05:33en 2014
00:05:35lorsque la guerre éclate dans le Donbass
00:05:37Olga prend les armes
00:05:39et s'engage aux côtés des séparatistes pro-russes
00:05:43pendant deux ans
00:05:45elle livre de l'aide humanitaire
00:05:47pour le front
00:05:49et les civils
00:05:55j'ai obtenu ma première médaille
00:05:57à l'été 2015
00:05:59et ensuite vous savez
00:06:01ça a été comme une pluie de médailles
00:06:07ça c'est ma croix de membre de l'union des bénévoles du Donbass
00:06:11j'ai beaucoup aidé
00:06:13alors ils m'ont décoré
00:06:15celle là c'est la médaille du pacificateur
00:06:19ça c'est une médaille
00:06:21pour l'aide humanitaire
00:06:23livrée en 2014
00:06:29j'ai travaillé comme ça
00:06:31pendant plus de deux ans
00:06:33mais quand dans le Donbass
00:06:35la situation s'est stabilisée
00:06:37j'ai compris qu'il fallait
00:06:39et pile à ce moment là
00:06:41en 2016
00:06:43au mois de mai
00:06:45le ministre de la défense
00:06:47Sergueï Shoigu a créé ce mouvement
00:06:49cette douille redresse là
00:06:51et ça rentre
00:06:53voilà
00:06:55un mouvement de jeunesse patriotique nationale
00:06:57de la Younarmia
00:07:03un membre de la Younarmia doit donner le bon exemple
00:07:07c'est un patriote
00:07:09prêts
00:07:11à vos marques
00:07:13partez
00:07:19la Younarmia
00:07:21l'armée des jeunes
00:07:23recrute de 6 à 18 ans
00:07:25c'est une organisation tentaculaire
00:07:27avec des dizaines d'antennes implantées
00:07:29sur la quasi-totalité du territoire russe
00:07:33en 2016
00:07:34le mouvement ne comptait que 25 000 membres
00:07:37aujourd'hui
00:07:38il en revendique 1 million
00:07:40240 000
00:07:50les meilleurs d'entre eux
00:07:51participent chaque année
00:07:52à la parade militaire du 9 mai
00:07:54sur la place rouge
00:07:57des couleurs beige et rouge
00:07:59de leurs uniformes
00:08:01aux conditionnements idéologiques
00:08:02qu'ils subissent
00:08:06ces gamins nous rappellent
00:08:07les jeunesses hitlériennes
00:08:08des années 30
00:08:15nous avons l'impression
00:08:16de vivre un dangereux retour en arrière
00:08:18d'autant plus que sous couvert de patriotisme
00:08:20les enfants sont embrigadés
00:08:22dès l'école
00:08:23l'école
00:08:24l'école numéro 36
00:08:25est la seule qui a accepté de nous ouvrir ses portes
00:08:26l'école numéro 36
00:08:27est la seule qui a accepté de nous ouvrir ses portes
00:08:29l'école numéro 36
00:08:30est la seule qui a accepté de nous ouvrir ses portes
00:08:32comme beaucoup d'établissements publics
00:08:34comme beaucoup d'établissements publics
00:08:35elles comptent depuis 2019
00:08:37un détachement de la yunarmia
00:08:38des petits soldats
00:08:39qui bénéficient de plus d'établissements publics
00:08:41comme celui de porter le drapeau
00:08:42tous les lundis matins
00:08:43place-toi là
00:08:44l'école numéro 36
00:08:45l'école numéro 36
00:08:46est la seule qui a accepté de nous ouvrir ses portes
00:08:48l'école numéro 36
00:08:49est la seule qui a accepté de nous ouvrir ses portes
00:08:51comme beaucoup d'établissements publics
00:08:54elle compte depuis 2019
00:08:56un détachement de la yunarmia
00:08:58des petits soldats qui bénéficient de privilèges
00:09:01comme celui de porter le drapeau tous les lundis matins
00:09:04place-toi là
00:09:05toi, tu suis cette ligne
00:09:06tu marches là
00:09:07c'est une fonction honorifique
00:09:09et tous les élèves ne sont pas capables de le faire correctement
00:09:12moi, j'ai été choisi parce que j'ai gagné plusieurs compétitions d'athlétisme
00:09:15c'est pour ça qu'on m'a confié cette responsabilité
00:09:17c'est une fonction honorifique
00:09:22et tous les élèves ne sont pas capables de le faire correctement
00:09:26moi, j'ai été choisi parce que j'ai gagné plusieurs compétitions d'athlétisme
00:09:30c'est pour ça qu'on m'a confié cette responsabilité
00:09:34alignez-vous, je passe
00:09:39mettez-vous sur la ligne
00:09:41sur la ligne
00:09:42nous sommes réunis pour la présentation du drapeau national de la fédération de Russie
00:09:49elle a lieu chaque lundi avant le premier cours
00:09:52cette nouvelle initiative a été soutenue par Vladimir Vladimirovitch Poutine
00:09:57en avant, marche !
00:09:59cette cérémonie a été rendue obligatoire en septembre 2022
00:10:14en pleine guerre contre l'Ukraine
00:10:17les élèves doivent apprendre à vénérer les symboles d'un état intrusif
00:10:22omniprésent
00:10:24un état qui a mis au pas l'institution scolaire
00:10:27nous nous réunissons avec les élèves tous les lundis
00:10:43nous chantons solennellement l'hymne
00:10:45puis chacun regagne sa classe
00:10:47pour suivre les discussions sur les choses importantes
00:10:49bonjour les enfants
00:10:52c'est un plaisir de vous accueillir pour nos discussions sur les choses importantes
00:10:56aujourd'hui notre pays célèbre la journée des volontaires
00:10:59nous allons parler de ces personnes qui rendent notre monde plus lumineux et plus joyeux chaque jour
00:11:05une heure d'enseignement périscolaire
00:11:08officiellement destinée à inculquer aux enfants des valeurs
00:11:11comme l'amitié ou le respect de la mémoire historique
00:11:13et pendant que vous regardez la vidéo réfléchissez à cette phrase
00:11:19vivre c'est agir
00:11:22en réalité une pure séance de lavage de cerveau
00:11:26ces vidéos sont fournies par le ministère de l'éducation
00:11:44si celle ci paraît presque inoffensive
00:11:47la toute première du genre l'était beaucoup moins
00:11:51aujourd'hui nous allons parler de toutes ces choses qui vont nous aider à donner un sens à ce qui se passe
00:11:58nous allons parler des événements en ukraine
00:12:02intitulé les défenseurs de la patrie
00:12:05ce film met en scène une fillette de 12 ans
00:12:08interviewant un journaliste de la télévision d'état
00:12:11et un historien proche du pouvoir
00:12:14au Christa la crise ukrainienne n'a pas commencé hier
00:12:17et en réalité ça dépasse largement l'Ukraine
00:12:19du coup j'ai une question
00:12:20l'opération militaire spéciale c'est quoi
00:12:23nous voulons imposer la paix à l'Ukraine
00:12:26pour empêcher le développement de son potentiel militaire
00:12:29pour détruire le danger global qui menace notre pays
00:12:32censé expliquer ce que vladimir poutine appelle son opération militaire spéciale
00:12:38ce clip inverse les rôles
00:12:43agressée par l'Ukraine
00:12:44la Russie est présentée en victime
00:12:47obligée de se défendre
00:12:50nous n'attaquons pas les bâtiments résidentiels
00:12:53nous ne frappons jamais les civils
00:12:55nous ne détruisons pas les infrastructures sociales
00:12:57les jardins d'enfants les écoles les réseaux d'eau potable
00:13:00d'électricité
00:13:02je me rends compte que je n'ai pas été assez prudente
00:13:04en regardant les informations
00:13:07mais maintenant je vais faire attention à bien tout vérifier
00:13:10au huitième jour de l'invasion russe
00:13:16cette vidéo est montrée à 20 millions d'écoliers
00:13:19collégiens et lycéens à travers le pays
00:13:21dans la foulée les écoles organisent des flash mob en soutien à la guerre
00:13:30le Z la lettre badigeonnée sur les blindés russes en Ukraine est devenu le symbole de la guerre et reprise dans toutes ces démonstrations de loyauté envers le pouvoir
00:13:45le Z la lettre badigeonnée sur les blindés russes en Ukraine est devenu le symbole de la guerre et reprise dans toutes ces démonstrations de loyauté envers le pouvoir
00:13:59à Saint-Pétersbourg
00:14:03à Samara
00:14:05ou encore à Novosibirsk
00:14:07les directeurs d'établissements rivalisent de créativité pour mettre en scène leurs élèves avant de diffuser ces images sur les réseaux sociaux
00:14:15Ces douze derniers mois
00:14:19ces manifestations pro-pouvoir se sont multipliées
00:14:22pour devenir un phénomène national
00:14:24Je m'appelle Tatiana Chervenko
00:14:32Je m'appelle Tatiana Chervenko
00:14:35Je travaille dans l'école 1747 de Moscou
00:14:37Tant que j'en ai encore la possibilité, je parle au nom de tous les profs qui ne sont pas d'accord avec ce système
00:14:57Tatiana prend d'énormes risques à nous parler
00:15:00Elle a tenu à le faire à visage découvert, par conviction
00:15:08J'ai vu les contenus de ces fameuses discussions sur les choses importantes
00:15:13On était incité à parler de l'opération militaire spéciale
00:15:17Il fallait expliquer à des enfants de 9 ans qu'il ne faut pas avoir peur de mourir pour la patrie
00:15:21Et j'ai décidé de ne pas le faire
00:15:25Dès le premier cours, les élèves sont arrivés en me disant
00:15:30Il paraît qu'on doit avoir des cours de patriotisme
00:15:34J'ai répondu, oui les enfants, nous devons tous être de bons patriotes
00:15:39Et la chose la plus patriotique pour nous, puisque nous sommes en classe spécialisée en maths, c'est de faire des mathématiques
00:15:45Donc maintenant, nous allons résoudre quelques problèmes élémentaires
00:15:52Membre du seul syndicat de professeurs indépendants du pays
00:15:56Tatiana décide de médiatiser le problème
00:15:59Avec nous, Tatiana Tchervenko, professeure de mathématiques à l'école 1747
00:16:03Le 7 septembre 2022, elle donne une interview à Docht
00:16:07Une chaîne d'opposition interdite en Russie et exilée en Europe
00:16:10C'est un sujet très grave, parce que c'est de nos enfants dont il s'agit
00:16:16Cette intervention lui vaut une dénonciation écrite, adressée à la direction de l'école
00:16:23Le document intitulé
00:16:26Violation par un enseignant de ses obligations professionnelles, liste ses torts
00:16:31Tchervenko Tatiana Vladimirovna raconte dans l'interview ses activités de sabotage des cours qu'elle est censée mener
00:16:39Elle fournit des chiffres, selon lesquels 50% des parents d'élèves ont un avis négatif sur l'éducation patriotique dispensée aux élèves
00:16:47Et sur les discussions sur les choses importantes
00:16:49Une délation au relant d'un autre temps
00:16:56Au sein de l'école, certains enfants et parents d'élèves se plaignent à leur tour de l'enseignante
00:17:04Tatiana écope de deux blâmes
00:17:07Le premier, pour refus de dispenser les cours patriotiques
00:17:10Le second, pour son passage TV, dont elle aurait dû avertir sa hiérarchie
00:17:17Des enregistrements comme ça, j'en ai plein
00:17:23Elle a gardé les preuves des pressions subies lors des innombrables convocations dans le bureau de la directrice
00:17:29Tatiana Vladimirovna, ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il ne faut pas se comporter comme ça
00:17:35Ce n'est pas digne d'un enseignant
00:17:39Vous devez comprendre que nous travaillons dans une institution d'enseignement public
00:17:46Nous sommes financés par le gouvernement de Moscou
00:17:50Et nous effectuons des tâches confiées par l'Etat
00:17:53Notre rôle est d'élever des patriotes
00:17:55Vous, vous pensez différemment
00:17:57Moi aussi je suis patriote
00:18:00L'approviseur qui lui fait ainsi la leçon est Marina Sotnikova
00:18:05Comme beaucoup de chefs d'établissement du pays
00:18:08Elle est aussi députée municipale de Russie Unie
00:18:11Le parti de Vladimir Poutine
00:18:13Entre école et pouvoir, la collusion est désormais totale
00:18:18La notion de patriotisme, telle qu'elle est définie par la direction de mon école
00:18:24C'est qu'il faut servir et se soumettre à ceux qui sont actuellement au pouvoir
00:18:27A ceux qui te payent
00:18:30Et vu que nous sommes rémunérés par le gouvernement
00:18:32Notre rôle, c'est de servir sa soupe
00:18:35Les blâmes
00:18:36Les blâmes
00:18:37Les blâmes
00:18:38Les blâmes
00:18:40Ça va être la première audience
00:18:48Dans mon procès contre l'école
00:18:50Nous espérons faire annuler ces blâmes que nous considérons comme illégaux
00:18:55Les blâmes reçues par Tatiana sont un motif de licenciement
00:19:01Avec son avocat, elle les a contestés en justice pour garder son poste
00:19:09Ces derniers temps, j'ai perdu tous mes procès
00:19:13Mais j'espère que la tendance va s'inverser
00:19:16Il va bien falloir qu'on gagne à un moment ou à un autre
00:19:18En janvier 2023, après des semaines de batailles juridiques, Tatiana sera finalement licenciée
00:19:34Nous revenons à un système où une hiérarchie très stricte est présente dans toutes les institutions d'Etat
00:19:40Partout où l'Etat et la société interagissent, dans les écoles, dans tout le système éducatif
00:19:45Cette tendance s'est accentuée ces dernières années
00:19:49C'est un rapport de force permanent
00:19:52On te dit que tu n'as pas de valeur en tant qu'individu
00:19:55Tu n'es qu'un petit rouage dans la machine
00:19:58Et des rouages comme toi, il y en a beaucoup
00:20:01Et chacun séparément ne représente pas grand chose
00:20:06Des rouages, des boulons dans la machine d'Etat
00:20:11Sous Vladimir Poutine, nos écoles sont devenues des fabriques de citoyens dociles
00:20:17Et grâce à ses fidèles fonctionnaires, elles servent aussi à corrompre la démocratie
00:20:24L'écrasante majorité des bureaux de vote se trouvent dans des écoles
00:20:34En général, les profs qui y enseignent sont désignés d'office pour tenir les bureaux le jour des élections
00:20:40Et les enseignants savent que c'est à eux d'organiser les fraudes
00:20:43Je suis observatrice d'élections depuis 2018
00:20:56J'ai déjà surveillé 15 scrutins
00:20:59On peut dire que je suis une observatrice assez expérimentée
00:21:02Et par conséquent, tous les gens comme moi, simplement parce qu'on exige le respect des règles
00:21:07On est de facto considérés comme des opposants au régime en place
00:21:09Beaucoup d'observateurs ont baissé les bras
00:21:14Mais pas Anastasia Bacholdina, qui continue de surveiller les scrutins
00:21:18Tant que son travail est toléré par les autorités
00:21:21Aux législatives de septembre 2021, elles constatent des fraudes
00:21:27Dans une dizaine de bureaux de vote de la région de Moscou
00:21:29Là, je rentre dans le bureau numéro 2867
00:21:36La forme la plus répandue de manipulation est le vote sous la contrainte des employés de la fonction publique
00:21:43Vous venez de quelle organisation ?
00:21:47Du petit bateau, la maternelle numéro 2
00:21:51Pour l'instant, on est neuf, mais d'autres collègues arrivent dès qu'elles auront fini avec les enfants
00:21:56Ici, c'est toute l'équipe pédagogique de cet établissement qui va voter pour le candidat du parti au pouvoir
00:22:03Sous la surveillance de sa directrice, cette femme aux cheveux noirs
00:22:09En fait, c'est du chantage
00:22:12On dit aux fonctionnaires, vous savez, si un tel ne gagne pas, vous ne toucherez pas vos primes trimestrielles
00:22:16On ne vous dit pas, vous êtes obligés de voter, mais vous l'êtes
00:22:20Autre méthode, le carousel
00:22:23Une technique qui consiste à faire voter plusieurs fois dans divers bureaux de vote un même groupe d'électeurs
00:22:29Salut les gars, vous savez ce que j'ai ?
00:22:33C'est une vidéo sur laquelle on vous voit sortir d'un autre bureau de vote
00:22:37Regarde, là c'est toi, et hop, là c'est toi
00:22:42En fait, vous avez déjà voté, on nous a dit qu'on s'était trompé de bureau
00:22:51Il y a aussi le bourrage d'urne, la fraude électorale la plus répandue
00:22:56Et voilà justement une photo que j'ai prise d'une urne qui a été bourrée
00:23:02Lors du dernier scrutin, Anastasia va en repérer un
00:23:06Grâce au positionnement suspect des bulletins dans l'urne, délicatement plié par pile de dix
00:23:13Elle filme le fraudeur, à gauche, prit la main dans le sac
00:23:17Croyant parler au commanditaire de la manipulation, il se confond en excuses
00:23:21Je vous le dis, je ne sais pas ce qui a pu se passer
00:23:26Si on m'avait dit qu'il fallait mieux les mélanger, je les aurais beaucoup mieux mélangés
00:23:30C'est tout problème, visiblement vous ne saviez pas
00:23:32Non, je ne savais pas
00:23:34Résultat, ça fait des couches de bulletins
00:23:36Oui, je les ai bien secoués pourtant, autant que j'ai pu en tout cas
00:23:39Mais surtout, je voulais réussir à y mettre tous les bulletins qu'on m'avait dit d'y mettre
00:23:44Ça en faisait combien ?
00:23:47Là, il est en train d'avouer tout ce qu'il a fait
00:23:51Sans s'en rendre compte, il a donné totalement sa faute
00:23:57Dépêche-toi, dépêche-toi
00:23:59Des fraudeurs décomplexés
00:24:02Et des irrégularités innombrables
00:24:07Madame, levez-vous
00:24:08Elle cache des bulletins sous ses fesses
00:24:12C'est ainsi que le parti de Poutine, Russie Unie, s'assure depuis des années une majorité systématique à chaque scrutin
00:24:21Des votes pour Russie Unie
00:24:27Des petites croix pour Russie Unie, parfait
00:24:30C'est encore écrit dans la Constitution que nous sommes un pays démocratique
00:24:37Et donc les autorités mettent en place une imitation de démocratie
00:24:41Mais c'est une démocratie Potemkin
00:24:43Une démocratie sans véritable choix
00:24:45Avec des gens qui continuent à s'agiter et à plier des petits papiers
00:24:49Les fraudes électorales ne choquent plus
00:24:54Elles sont devenues un état de fête
00:24:58Accepté par la grande majorité des Russes
00:25:01Il n'en a pas toujours été ainsi
00:25:06« Russia без Путина ! Russia без Путина ! »
00:25:13Cet hiver-là, la colère gronde dans les grandes villes du pays
00:25:22Les Russes de la classe moyenne viennent de découvrir l'ampleur des fraudes orchestrées par le régime pour faire gagner le parti de Poutine aux législatives
00:25:33Lorsque les élections de décembre 2011 ont été volées aux citoyens, ils sont descendus dans la rue et ont manifesté sur les places
00:25:54Sous la présidence de Medvedev pendant 4 ans, il y avait eu une sorte de fausse libéralisation simulée en demi-teinte
00:26:07Mais une petite libéralisation tout de même
00:26:10Medvedev avait déclaré la liberté vaut mieux que la non-liberté
00:26:14Oh my god ! Génial !
00:26:17Il a découvert l'Amérique
00:26:18Mais ça a marqué les esprits
00:26:20Les gens sont devenus plus courageux
00:26:22Ils ont osé réclamer les droits politiques
00:26:25« Russia без Путина ! Russia без Путина ! »
00:26:29Malgré le froid et des températures qui descendent jusqu'à moins 20, les moscovites n'ont pas hésité
00:26:34A l'époque, nous sommes correspondantes pour des médias français à Moscou
00:26:38Nous couvrons toutes ces manifs
00:26:43Et en tant que franco-russe, nous croyons nous aussi à cette révolte
00:26:48A cette société civile bourgeonnante et contestataire
00:26:52A ces leaders charismatiques
00:26:54Comme Boris Nemtsov
00:26:56Il y a Yashin
00:26:59Ou Alexei Navalny
00:27:02Je vois qu'il y a assez de nombre de gens pour prendre le Kremlin en Bélois
00:27:12Mais nous sommes des forces
00:27:15Nous ne faisons pas ça
00:27:17Mais si c'est un joueur et un joueur
00:27:20Vous allez continuer de tenter d'obtenir nous
00:27:26Nous les enlever
00:27:28Nous les enlever
00:27:30Nous les enlever
00:27:32Nous les enlever
00:27:34Nous les enlever
00:27:35Et le pouvoir a pris peur
00:27:43Car il a vu dans ses manifestations le spectre d'une révolution de couleurs
00:27:48Le pouvoir en Russie a très peur des révolutions
00:27:50En réponse à cela, la machine répressive s'est mise en branle
00:27:53Réélu à la présidence en mars 2012, Vladimir Poutine fait basculer la Russie dans un système autoritaire
00:28:10Où l'usage de la violence d'Etat va devenir la règle
00:28:12Le 6 mai 2012, lors du dernier grand rassemblement de l'opposition que connaîtra le pays
00:28:26Des affrontements éclatent
00:28:28Les forces anti-émeutes tabassent et arrêtent au hasard dans la foule des dizaines de manifestants
00:28:33Tout d'un coup, des citoyens ordinaires se sont retrouvés sous le rouleau compresseur de la machine répressive
00:28:44Et ont pris des peines de prison ferme
00:28:48A cette répression aveugle, s'ajoute l'élaboration d'une stratégie politique pour briser la contestation
00:28:54Et faire passer l'envie aux Russes de renverser le régime
00:28:58C'est le régime
00:29:04Il fallait simultanément effrayer la société et la mobiliser
00:29:09C'était juste après les printemps arabes
00:29:11Et le message envoyé par le régime à la société russe était le suivant
00:29:14Voulez-vous d'une révolution sanglante dans les rues de vos villes ?
00:29:17Voulez-vous qu'à Moscou, ça se passe comme en Syrie ou en Libye ?
00:29:21Nous, nous garantissons l'ordre
00:29:23Sans nous, il y aura le chaos, une révolution, tout le monde va mourir
00:29:28Les gens se sont dit, Poutine bien sûr est très mauvais
00:29:31Mais au moins il maintient l'ordre
00:29:33Et ceux qui participaient aux manifestations se sont détournés de l'opposition libérale
00:29:37Précisément parce qu'ils pensaient que cette opposition entraînerait le pays dans une révolution sanglante
00:29:42Ces menaces de révolution réveillent aussi une douleur fantôme
00:29:51Celle du chaos de 1991 qui a suivi la dislocation du bloc soviétique
00:30:01La peur de perdre les maigres acquis gagnés dans les années 2000
00:30:04Fait entrer une majorité de Russes dans le rang
00:30:06Notre liberté est troquée pour la sécurité
00:30:11Sournoisement, un arsenal législatif répressif est mis en place
00:30:19Les manifestations sont peu à peu interdites
00:30:23La presse libre est muselée, les ONG dissoutes
00:30:27Une chape de plomb s'abat sur notre pays
00:30:45Quant aux principaux chefs de file de l'opposition de l'hiver 2011
00:30:49Ils sont aujourd'hui en exil, morts ou en prison
00:30:54Le 7 novembre dernier, dans un tribunal de quartier à Moscou
00:31:12Se tient l'une des dernières audiences dans le procès qui opposit Yaya Chin à l'Etat
00:31:16La caméra par là, interdit de filmer la juge
00:31:24L'opposant est poursuivi au titre d'un tout nouvel article du code pénal
00:31:29Qui prévoit jusqu'à 15 ans de prison
00:31:32Pour discrédit des forces armées
00:31:34La justice lui reproche d'avoir diffusé sur internet
00:31:38Une vidéo dénonçant les crimes de guerre commis par les soldats russes à Boucha
00:31:41En Ukraine
00:31:47Il y a un autre âge
00:31:49Nous le connaissons bien pour l'avoir suivi si souvent sur le terrain
00:31:53Hey, je te filme là !
00:31:56Comme cette soirée de mai 2013
00:31:58Pour nous, il a toujours incarné l'espoir d'un changement démocratique
00:32:05Je rejoins des amis, des artistes, des photographes, des pubards
00:32:12Ils font un projet sur un mouvement révolutionnaire clandestin
00:32:16Qui lutte contre une dictature du futur
00:32:19Chef de file de l'opposition anti-Poutine
00:32:23Pugnace, déterminé
00:32:25Il n'en était pas moins sympathique et accessible
00:32:28J'ai 32 ans, j'ai fait des études
00:32:32J'ai travaillé à la fac d'économie de Moscou
00:32:34Spécialisée en politique anti-corruption
00:32:36Toujours prêt à faire campagne
00:32:38Même devant 3 babushkas perplexes
00:32:40Comme ici à Kostroma en 2015
00:32:42Pour des élections locales
00:32:43On nous répète toujours qu'on n'arrivera à rien
00:32:47Parce que nous sommes trop peu
00:32:49Alors que les députés de Russie Unie sont nombreux
00:32:51Inutile de vous battre
00:32:52Voilà ce qu'on me dit tout le temps
00:32:53Tout seul, tu n'arriveras jamais à rien
00:32:55Et bien moi, je ne suis pas d'accord
00:32:57Quelques semaines après cet énième procès
00:33:07Le 9 décembre 2022
00:33:08Ilia est condamné à 8 ans et 6 mois de prison ferme
00:33:13La peine la plus lourde jamais prononcée en vertu de la nouvelle loi
00:33:18Pour nous c'est un choc
00:33:218 ans et 6 mois
00:33:23Simplement pour des mots
00:33:24Depuis sa cellule, Ilia dessine son quotidien
00:33:39Nous, nous lui avons écrit des lettres
00:33:45Notre échange épistolaire dure depuis plusieurs mois
00:33:48Xenia, Véronika, salut à vous
00:33:54Je vous remercie pour vos mots bienveillants
00:33:58J'ai connu des jours meilleurs cela va sans dire
00:34:01Mais je me suis plutôt bien adapté à la vie carcérale
00:34:06Pourquoi je n'ai pas quitté la Russie
00:34:08Sachant que la prison serait inévitable pour moi
00:34:11Parce que je ne crois pas qu'il soit possible d'être un homme politique en dehors de son pays
00:34:15Une voix anti-guerre qui résonne à Moscou
00:34:19Même derrière les barreaux est bien plus forte que si elle venait de l'étranger
00:34:23Aurait-on pu imaginer qu'au final
00:34:28La politique de Poutine nous mènerait à cette monstrueuse guerre ?
00:34:32Nous n'y avons pas cru
00:34:34Nous avions continué de vivre avec l'espoir que les choses n'iraient pas jusqu'à un tel scénario catastrophe
00:34:38Mais un dictateur qui reste au pouvoir durant plus de 20 ans devient irrationnel et finit toujours par perdre le sens des réalités
00:34:46Notre pays a sombré et vit depuis l'entrée en guerre contre l'Ukraine en 2022 une dérive fasciste
00:35:00Ou même des enfants peuvent désormais être poursuivis pour dissidence
00:35:03Elle a été suivie pour dissidence
00:35:05Moi, je suis chercheuse en physique.
00:35:30Je travaille dans une université de médecine.
00:35:32Ah, et aussi, je suis inscrite à...
00:35:38Comme on dit déjà, Varia ?
00:35:39Au registre pour mauvais exercice des fonctions parentales.
00:35:43Et moi, je suis une délinquante juvénile.
00:35:46Je suis sous surveillance et toute l'école est au courant.
00:35:49J'ai entendu d'autres enfants en parler dans les vestiaires.
00:35:57Varia Galkina, 10 ans, est élève en CM2 dans la banlieue de Moscou.
00:36:02En septembre 2022, la fillette est dénoncée à la police par sa professeure principale
00:36:08qui lui reproche d'avoir chargé sur son téléphone portable cette image.
00:36:12L'icône d'une sainte, armée d'un lance-missile, disant gloire à l'Ukraine.
00:36:19Et d'avoir fait ce dessin.
00:36:21Deux enfants, un russe, un ukrainien.
00:36:23On peut t'y lire.
00:36:27Yazamir, je suis pour la paix.
00:36:33Le 5 octobre, sa mère, Elena, est convoquée à l'école.
00:36:37Le début d'un cauchemar pour la famille.
00:36:39Ce jour-là, j'étais en cours de russe.
00:36:49Rien ne laissait présager ce qui allait arriver.
00:36:51J'avais eu une mauvaise note en biologie.
00:36:52Et j'ai pensé qu'il m'avait fait sortir de mon cours pour me faire repasser un contrôle.
00:36:59Mais ensuite, j'ai compris que ce n'était pas ça.
00:37:01Et il y avait cette bonne femme qui m'attendait, la policière.
00:37:04Et là, je les vois dehors, devant l'école.
00:37:10Sous le porche, l'agent de police a dit
00:37:12« C'est bon, Varia vient avec nous au poste. »
00:37:16Moi, je suis en état de choc.
00:37:18Et Varia se met à pleurer.
00:37:20Elle est hystérique.
00:37:21« Maman, maman ! »
00:37:22Elle criait.
00:37:23Mais il m'empêchait de m'approcher de ma fille.
00:37:29Tout autour, il y avait des mamans, des papas qui attendaient leurs enfants.
00:37:33« J'ai dit, filmez ça ! Il faut que quelqu'un filme ! »
00:37:40Mais les gens restaient plantés là.
00:37:41Ils détournaient le regard.
00:37:43Ils faisaient semblant de ne rien voir.
00:37:51Au poste, Varia et sa mère sont interrogés par des policiers.
00:37:56Mais aussi par un agent du FSB, les services de renseignement russe.
00:38:03Qui soutenez-vous politiquement ?
00:38:07Et chez vous, vous regardez quoi la télé ?
00:38:09Quelles émissions ?
00:38:11Et sur votre téléphone, montrez-nous vos échanges de messages sur les réseaux.
00:38:16Moi, j'ai commencé à faire l'idiote.
00:38:20Je leur ai dit, je suis mère de deux enfants, je les élève toutes seules.
00:38:25Je n'ai pas le temps de m'intéresser à tout ça.
00:38:28Quand ils m'ont demandé, que pensez-vous de l'opération spéciale ?
00:38:32J'ai dit, qu'est-ce que c'est ?
00:38:33C'est quoi cette opération spéciale ?
00:38:36Comment ça ? Vous ne savez pas ce que c'est.
00:38:39Quel est votre avis sur le sujet ?
00:38:41Ah, parce qu'il faut avoir un avis ?
00:38:43Je n'en ai pas.
00:38:45Puis ils ont dit, maintenant, on va aller chez vous.
00:38:53Sans aucun mandat, une perquisition est menée à leur domicile.
00:38:58Toutes les pièces sont fouillées, ainsi que l'ordinateur d'Helena.
00:39:01À part se souvenir de la ville de Kiev, la police ne trouvera rien.
00:39:14Après tout ça, le soir, je me suis assise avec Varya.
00:39:20Je lui ai demandé, Varya, dis-moi ce que tu penses.
00:39:24Qu'est-ce qui te passe par la tête ?
00:39:27Elle m'a regardée et elle m'a dit, il est temps qu'on se tire d'ici, maman.
00:39:32Alors j'ai souri.
00:39:34J'ai compris qu'elle allait bien, que ma fille allait s'en sortir.
00:39:46On joue celle-là ?
00:39:46Hélena veut quitter la Russie, préserver ses filles des persécutions politiques qui se multiplient depuis le début de la guerre.
00:40:02Au 15 mars 2023,
00:40:1619 586 personnes ont été arrêtées pour avoir dénoncé la guerre.
00:40:20Notre pays retrouve ses vieilles habitudes de dictature policière,
00:40:29s'appuyant sur un système de surveillance des citoyens
00:40:32et sur des services de sécurité, terriblement efficaces.
00:40:38Ils sont partout, au plus près, littéralement dans l'immeuble d'à côté, il y a un bureau du FSB.
00:40:50Le siège se situe place Lubyanka, à Moscou,
00:40:54et il existe un immense réseau régional.
00:40:57Le FSB collecte des informations compromettantes sur les personnes considérées comme peu fiables.
00:41:02Mais depuis 2011-2012,
00:41:06après les manifs anti-Poutine,
00:41:08il a été décidé que le rôle principal dans les poursuites contre les opposants
00:41:11sera joué par une nouvelle structure,
00:41:14le comité d'enquête.
00:41:15Un comité qui a commencé à grossir comme un soufflé.
00:41:20Au début, c'était juste une tour de 12 étages,
00:41:23puis une deuxième.
00:41:24Ensuite, ils ont occupé un autre bâtiment,
00:41:26puis encore un autre,
00:41:27pour s'étendre à tout un pâté de maison.
00:41:32Et le nombre de collaborateurs du comité d'enquête s'est démultiplié de façon exponentielle.
00:41:44Désormais, ces 24 000 enquêteurs s'ajoutent aux 50 000 procureurs,
00:41:51aux 200 000 agents estimés du FSB,
00:41:55aux 340 000 hommes de la Garde nationale,
00:41:59et aux 800 000 policiers du pays.
00:42:02La machine à surveiller et à punir aux ordres de l'État russe
00:42:07est tentaculaire et redoutable.
00:42:19En Russie,
00:42:22toute activité qui n'est pas à l'initiative des autorités
00:42:25est considérée comme suspecte.
00:42:27Et si elle s'accompagne d'un discours critique,
00:42:31elle est interdite.
00:42:32Alexandre Tcherkassov a dû fuir la Russie.
00:42:45Il est l'un des piliers de Mémorial,
00:42:48une ONG récemment dissoute par la justice russe
00:42:51après des années de pression.
00:42:52prix Nobel de la paix 2022,
00:42:58Mémorial a documenté pendant plus de 30 ans
00:43:00les crimes du régime soviétique
00:43:02et reproche à Poutine
00:43:04de sans cesse réécrire notre histoire
00:43:06sous un angle favorable à l'État.
00:43:08L'histoire de notre pays au XXe siècle
00:43:16est une succession de tragédies.
00:43:19La révolution, la guerre civile,
00:43:24la terreur sous Staline, la famine,
00:43:26tout ça, l'État le présente
00:43:29comme une série de calamités et d'horreurs
00:43:33qui nous seraient tombés dessus de nulle part
00:43:35et dont l'État ne serait nullement responsable.
00:43:41Je suis désolé, mais non.
00:43:43La terreur, c'était bien une politique d'État.
00:43:48Du coup, l'État et ses services de sécurité
00:43:51se sont blanchis, innocentés.
00:43:54Et s'ils ont commis quelques incartades,
00:43:57c'était pour notre bien.
00:44:04Un État bienfaiteur
00:44:06est toujours victorieux.
00:44:14Voilà l'idée que Vladimir Poutine
00:44:16a réussi à imposer
00:44:18en instrumentalisant un événement fondateur
00:44:20de notre passé.
00:44:21La victoire contre l'Allemagne nazie
00:44:24en 1945.
00:44:29Lorsque nous arrivons à Moscou,
00:44:32la place rouge, métamorphosée,
00:44:35rhabillée en costume d'époque,
00:44:37célèbre le 81e anniversaire
00:44:39du départ des soldats soviétiques
00:44:41pour le front.
00:44:42L'ennemi enragé nous apporte la guerre.
00:44:47Va, pars, mon adoré, pars,
00:44:50là où bouillonnent les combats enragés.
00:44:57Le courage et l'héroïsme sont exaltés.
00:45:00La noblesse du sacrifice pour la patrie
00:45:02est mise à l'honneur.
00:45:03Quant aux horreurs de la guerre
00:45:06et ses 27 millions de morts,
00:45:10ils sont occultés.
00:45:14La mémoire de la guerre
00:45:15et la mémoire de la victoire
00:45:17étaient toujours liées
00:45:18aux coûts humains de cette victoire.
00:45:21Aujourd'hui, cette mémoire
00:45:23a été dévoyée.
00:45:24Nous sommes passés de la dache
00:45:25plus jamais ça
00:45:26à nous pouvons recommencer.
00:45:28Des écrans géants
00:45:34diffusent en parallèle
00:45:35les images de 1941
00:45:37et 2022.
00:45:43Notre malaise est profond.
00:45:46Cette commémoration
00:45:47vise clairement à justifier
00:45:49la guerre menée aujourd'hui
00:45:50par la Russie en Ukraine.
00:45:53Une fusion des deux époques
00:45:55pour une confusion totale.
00:45:58Et un seul message.
00:46:00Les 300 000 russes
00:46:01appelés sous les drapeaux
00:46:02doivent être dignes
00:46:03des exploits de leurs aïeux.
00:46:06Quant à l'ennemi,
00:46:07c'est le même.
00:46:09Des nazis qui noyotent l'Ukraine
00:46:10et veulent attaquer la Russie.
00:46:17Cette logique selon laquelle
00:46:19on lutte contre les nazis en Ukraine.
00:46:21Enfin, excusez-moi,
00:46:23le président de ce pays,
00:46:24si je peux me permettre,
00:46:26il est tout de même juif.
00:46:28Un candidat qui s'appelle
00:46:29Rabinovitch
00:46:30remporte plus de voix
00:46:31aux dernières élections
00:46:32que son adversaire nationaliste
00:46:34du secteur droit.
00:46:37Mais le Kremlin continue à dire
00:46:39qu'il n'y a que des nazis en Ukraine.
00:46:42Où est la logique ici ?
00:46:43Et ils n'ont pas besoin de logique.
00:46:46Leur système de pensée
00:46:47repose précisément
00:46:49sur la rupture avec la logique.
00:46:54Qu'importe la logique
00:46:56quand il faut souder les esprits.
00:46:59L'heure est à la glorification
00:47:00des soldats déployés en Ukraine.
00:47:04Qualifiés de héros de la Russie,
00:47:06ils nous scrutent
00:47:07à chaque coin de rue
00:47:08et continuent à partir
00:47:10pour le front par milliers.
00:47:15À ce jour,
00:47:16plus de 200 000 Russes
00:47:17auraient été tués
00:47:18ou blessés au combat.
00:47:22Notre pays est devenu
00:47:23un état cannibale.
00:47:25L'Udayetskirégémo.
00:47:28Une patrie qui dévore ses enfants.
00:47:29La guerre est entrée
00:47:54dans notre vie
00:47:55le 22 septembre,
00:47:56le lendemain
00:47:57de l'annonce
00:47:58de la mobilisation.
00:47:59Il a reçu une convocation.
00:48:02Il s'est rendu
00:48:02au bureau d'enrôlement militaire.
00:48:05Le jour même,
00:48:06il est parti combattre.
00:48:13J'étais en état de choc,
00:48:16hystérique.
00:48:18J'avais l'impression
00:48:18que cette guerre,
00:48:20elle était quelque part,
00:48:21là-bas,
00:48:22loin de nous.
00:48:23Et là,
00:48:24ça te tombe dessus.
00:48:26Et tu comprends
00:48:26que peut-être,
00:48:27tu ne reverras plus jamais
00:48:29ton mari.
00:48:29C'est terrifiant.
00:48:32Fais-moi un petit café.
00:48:34Rousslan,
00:48:3426 ans,
00:48:35est informaticien.
00:48:38Il y a trois ans,
00:48:39il a guéri d'un cancer
00:48:40et n'aurait jamais dû
00:48:41être mobilisé
00:48:42pour raison de santé.
00:48:44Pourtant,
00:48:45fin septembre,
00:48:46il se retrouve
00:48:46dans un camp d'entraînement
00:48:47à la frontière ukrainienne.
00:48:50Sonia remue ciel et terre
00:48:51pour essayer
00:48:51de le faire revenir.
00:48:53Elle écrit des dizaines
00:48:54de plaintes
00:48:55au ministère de la Défense
00:48:56et adresse même
00:48:57une lettre
00:48:58au président russe.
00:48:59En vain.
00:49:01Le 5 octobre,
00:49:03Rousslan est emmené
00:49:04dans les tranchées
00:49:04de la région de Kharkiv,
00:49:06au cœur des combats.
00:49:07Il était injoignable
00:49:11pendant genre cinq jours
00:49:12et je devenais
00:49:14complètement folle.
00:49:15J'ai téléphoné
00:49:16au ministère de la Défense.
00:49:17Ils ont une hotline
00:49:18et une base de données
00:49:19où ils recueillent
00:49:20les informations
00:49:20sur les morts
00:49:21et les blessés.
00:49:23J'ai appelé ce numéro.
00:49:25Ils m'ont dit
00:49:25qu'ils n'étaient
00:49:26dans aucune des listes.
00:49:27Ok.
00:49:29Puis après cinq jours,
00:49:30il a repris contact.
00:49:32Il m'a téléphoné
00:49:33de l'hôpital.
00:49:34C'est là qu'il se trouvait.
00:49:35Et je suis partie le chercher.
00:49:36Et nous voyons
00:49:37et nous l'avons pris.
00:49:40Quand Sonia le retrouve,
00:49:42il souffre
00:49:43d'une contusion cérébrale
00:49:44et du syndrome
00:49:45de stress post-traumatique.
00:49:48Rousslan aura passé
00:49:49quatre jours
00:49:50coincé sur la ligne de front,
00:49:52pilonné par l'armée ukrainienne.
00:49:57Ma grand-mère m'ordonne
00:49:58de t'embrasser.
00:50:04Vous êtes content
00:50:05d'être à nouveau
00:50:05à la maison,
00:50:06ensemble ?
00:50:08Bien sûr.
00:50:09Moi, je suis partagé.
00:50:11Pourquoi ?
00:50:15Comment ça,
00:50:16t'es pas content ?
00:50:17Ce n'est pas la question.
00:50:20C'est juste
00:50:20que j'arrête pas
00:50:21de penser à tous les gars
00:50:22qui y sont restés.
00:50:24On était tous devenus
00:50:24très amis dans la compagnie.
00:50:25qui sont revenus ?
00:50:26Il se demande pourquoi
00:50:33lui, il a survécu
00:50:35et pas les autres.
00:50:37Chacun son destin.
00:50:39C'est pas comme si
00:50:39tu avais fait exprès
00:50:40de revenir vivant
00:50:41et pas eux.
00:50:43Arrête, Sonia.
00:50:44une compagnie, c'est
00:50:48combien d'hommes ?
00:50:50C'est entre 100 et 120.
00:50:52Nous, on était 114.
00:50:54Et combien sont revenus ?
00:50:56On a eu différentes infos.
00:51:00Vas-y, explique.
00:51:02D'abord, on nous a dit 34.
00:51:04Mais aux dernières nouvelles,
00:51:06on serait plus que deux
00:51:07à être encore en vie.
00:51:12Depuis qu'il est rentré,
00:51:14il ne dort plus.
00:51:15Rousslan ne bénéficie
00:51:18d'aucun suivi.
00:51:19Ni psychologique,
00:51:21ni médical.
00:51:23Toutes les nuits,
00:51:23dans ton sommeil,
00:51:25je t'entends crier.
00:51:26Où es-tu ?
00:51:26Où es-tu ?
00:51:27Mais non,
00:51:27c'est pas tous les jours.
00:51:28Si, c'est tous les jours.
00:51:30Il y a peut-être une fois
00:51:31où tu n'as pas crié.
00:51:37J'ai peur qu'il vienne
00:51:40me l'arracher encore une fois.
00:51:42Mais je ne vais pas sortir
00:51:43sur la place rouge
00:51:43et dire
00:51:44« Poutine, arrête la guerre ! »
00:51:46Ce n'est pas nous
00:51:47qui décidons.
00:51:49Je sais parfaitement
00:51:51que les politiciens,
00:51:52les hauts responsables,
00:51:54ceux qui nous dirigent,
00:51:55ils s'en fichent de nous.
00:52:02À leurs yeux,
00:52:03nous n'avons aucune valeur.
00:52:14Je pense qu'il y a dans notre société
00:52:17un sentiment de désespoir
00:52:18qui est partout,
00:52:19pour tout le monde.
00:52:20On nous dit surtout
00:52:21« Ne protestez pas,
00:52:22ça ne marchera pas.
00:52:23Le pouvoir est plus intelligent que vous. »
00:52:25Les gens se sont mis dans la tête
00:52:26qu'il ne valait rien.
00:52:28En Russie,
00:52:29historiquement,
00:52:30les individus sont comme des objets jetables.
00:52:33L'homme est une unité de combat,
00:52:35la femme est là pour procréer.
00:52:36Une répartition traditionnaliste des rôles.
00:52:39Et lorsque tous ces hommes
00:52:40atteints de syndrome post-traumatique
00:52:41reviendront du front,
00:52:43personne ne s'en occupera.
00:52:44Comme ce fut le cas
00:52:45après les guerres d'Afghanistan
00:52:46et de Tchétchénie.
00:52:53Dans la société russe,
00:52:55l'idée qui prévaut,
00:52:57c'est qu'un homme ne peut pas être lâche.
00:52:59Il doit être un homme,
00:53:00un vrai, un guerrier.
00:53:09Je m'appelle Pavel Filatiev.
00:53:11« Je suis membre du 56e régiment
00:53:14d'assaut des troupes aéroportées
00:53:16et j'ai combattu en Ukraine
00:53:17pendant les deux premiers mois de la guerre.
00:53:20Mais j'ai été obligé de quitter mon pays
00:53:22et mon régiment
00:53:22parce que j'ai condamné cette guerre,
00:53:25cette opération.
00:53:26Je pourrais vous parler indéfiniment
00:53:38de mon honnêteté,
00:53:39de ma bonté,
00:53:39de ma droiture
00:53:40et ainsi de suite.
00:53:42Mais en vérité,
00:53:43je ne sais pas ce que je serais devenu
00:53:44si j'étais resté là-bas
00:53:45au bout de six mois
00:53:46à faire la guerre.
00:53:47Je ne sais pas qui je serais aujourd'hui.
00:53:49Je ne sais pas ce que je ferais,
00:53:50quelles atrocités je serais en train de commettre.
00:53:53Viole,
00:53:57bombardement de quartiers résidentiels,
00:53:59pillage,
00:54:00torture,
00:54:01assassinat de civils.
00:54:03Depuis février 2022,
00:54:06le procureur général d'Ukraine
00:54:07a enregistré
00:54:08près de 40 000 cas
00:54:09de crimes de guerre
00:54:10commis par les soldats russes.
00:54:11Un certain nombre de gars autour de moi
00:54:20croyaient sincèrement
00:54:21à ces histoires de nazis,
00:54:22de fascistes
00:54:23et éprouvaient vraiment de la haine
00:54:27envers l'Ukraine.
00:54:28Au sein de l'armée russe,
00:54:30il y a des commandants
00:54:30chargés de mener un travail politique
00:54:32et idéologique auprès des soldats.
00:54:36Ça ressemble à des cours.
00:54:38Les soldats sont rassemblés
00:54:40dans une salle
00:54:40une fois par semaine
00:54:41pendant une heure.
00:54:43Ces cours sont dispensés
00:54:44sur la base de documents spéciaux
00:54:45qui viennent d'en haut.
00:54:50Nous avons réussi
00:54:51à nous procurer
00:54:52un de ces documents.
00:54:54Il date du 26 février 2022,
00:54:57soit deux jours
00:54:58après le début
00:54:59de l'invasion de l'Ukraine.
00:55:02Intitulé
00:55:03« Toute la vérité
00:55:04sur les crimes de l'Ukraine
00:55:05dans le Donbass »,
00:55:07cet exposé de 48 pages
00:55:08liste les raisons
00:55:09de l'intervention militaire russe.
00:55:13Raison numéro 1
00:55:13des actions de la Russie,
00:55:15le nazisme d'État,
00:55:16la persécution
00:55:17et les assassinats
00:55:19des russophones.
00:55:21On peut y lire.
00:55:22« En Ukraine,
00:55:24des personnes sont tabassées
00:55:25pour avoir parlé russe,
00:55:27licenciées
00:55:28parce qu'elles sont russophones.
00:55:30Les persécutions
00:55:31sont légalisées
00:55:32par les autorités ukrainiennes. »
00:55:35Le document
00:55:36est aussi une compilation
00:55:37d'images insoutenables,
00:55:39de photos d'enfants morts,
00:55:41de cadavres carbonisés,
00:55:43présentés comme les victimes
00:55:44d'un génocide
00:55:45commis contre
00:55:46les populations russophones.
00:55:47Enfin,
00:55:50le document stipule
00:55:51que l'Ukraine,
00:55:52soutenue par l'Occident,
00:55:54prépare une attaque nucléaire
00:55:55contre la Russie.
00:55:58Des aberrations factuelles,
00:56:01des images
00:56:01le plus souvent non sourcées,
00:56:03voire détournées,
00:56:04mais qui contribuent
00:56:05à diaboliser l'ennemi,
00:56:07à le déshumaniser.
00:56:08« C'est un bon niveau ? »
00:56:14« C'est un bon niveau ? »
00:56:15« 1, 2, 3... »
00:56:17Le déferlement
00:56:18de violences en Ukraine
00:56:19s'explique aussi
00:56:20par une pratique
00:56:21qui a la peau dure en Russie,
00:56:23une pratique
00:56:24qui a forgé
00:56:24plusieurs générations d'hommes.
00:56:29La « didovshina »,
00:56:31littéralement,
00:56:32la loi des vieux.
00:56:40Un mécanisme
00:56:41de bizutage institutionnalisé,
00:56:44omniprésent,
00:56:45mais dont les images
00:56:46sont très rares.
00:56:47Cette vidéo amateur
00:56:51avait fuité dans la presse.
00:56:53On y voit trois officiers
00:56:54en train de passer
00:56:55à tabac toute une unité.
00:56:56« C'est un bon niveau ? »
00:57:06« C'est un bon niveau ? »
00:57:09C'est comme ça qu'on nous déroule sur Duhani.
00:57:12C'est bien sûr que c'est un peu pire, mais c'est comme ça qu'on nous déroule.
00:57:25Fils de militaire, Pavel a grandi dans une garnison.
00:57:30Lorsqu'il entame son service en 2007, lui aussi connaît humiliation et passage à tabac.
00:57:39Ces rapports hiérarchiques se construisent dès le moment où tu arrives à la caserne.
00:57:44On te fait comprendre que tu n'es rien.
00:57:46On te tabasse, on te force à faire des choses que tu ne veux pas faire, des choses que tu ne veux pas qu'on te fasse.
00:57:52Et c'est considéré comme normal.
00:57:57Nous étions comme des bêtes.
00:57:59C'était vraiment immonde.
00:58:09L'armée reste un sanctuaire de la violence.
00:58:13Prenez l'exemple de la tristement célèbre 64ème brigade, celle qui a commis des crimes à Boucha,
00:58:20qui a torturé, violé des gens, les a abattus, les mains liées dans le dos.
00:58:24On est allé voir ses antécédents.
00:58:27Elle est basée en Extrême-Orient russe, dans la région de Kabarovsk.
00:58:32Des choses terribles s'y passent.
00:58:34On retrouve constamment des cadavres à proximité de leur caserne.
00:58:39Il y a tout le temps des suicides là-bas.
00:58:42Une fois, en un mois à peine, il y a eu 7 personnes retrouvées mortes.
00:58:46Et ça, c'est juste l'histoire d'une seule brigade.
00:58:53C'est en Extrême-Orient que se trouvent les casernes les plus dures.
00:58:58C'est donc vers l'Est qu'il faut rouler,
00:59:00pour entendre les récits intimes sur cette violence.
00:59:04qui ronge la société russe dans sa chair.
00:59:21Magnitogorsk, traversé par le fleuve Oural,
00:59:25marque la frontière entre l'Europe et l'Asie.
00:59:27Érigée par Staline dans les années 30,
00:59:32autour d'une mine de fer,
00:59:34c'est une ville-usine gigantesque,
00:59:37froide,
00:59:38oppressante.
00:59:43Nous avons parcouru 1800 kilomètres pour un rendez-vous,
00:59:47aux abords de la cité industrielle.
00:59:48Pardonne-moi de t'avoir laissé partir à l'armée.
01:00:03Je me dis toujours que c'est de ma faute.
01:00:05On dit qu'on ne peut pas changer le destin,
01:00:14mais le tien aurait dû être différent.
01:00:22Tout aurait dû être différent.
01:00:27Quatre ans déjà que Svetlana Latiouk pleure son premier-né.
01:00:30Stas Kouzema,
01:00:32mort pendant son service militaire en 2019.
01:00:48Il est là, Stas.
01:00:52Avec ses potes,
01:00:53la veille du départ.
01:00:54Après ça,
01:01:10il est arrivé à la maison tout rasée.
01:01:12J'ai dit, mais qui êtes-vous ?
01:01:14Vous n'êtes pas mon fils.
01:01:15Que voulez-vous ?
01:01:17Et il me lance,
01:01:17maman, pourquoi tu ris ?
01:01:19De toute façon, ils vont me raser la tête là-bas.
01:01:24Là, c'est quand je l'ai accompagnée à la gare.
01:01:26Je suis allée comme une madeleine.
01:01:34Le 10 novembre 2018,
01:01:37Stas prend un train.
01:01:40Il quitte Magnitogorsk,
01:01:43pour où sous risque,
01:01:44à 8000 kilomètres de chez lui.
01:01:49Cette région regorge de casernes.
01:01:50La sienne porte le numéro 39,
01:01:55255.
01:02:06Sur les photos qu'il envoie à sa mère,
01:02:08Stas est toujours souriant.
01:02:11Mais ses images sont trompeuses.
01:02:14En réalité, il subit régulièrement des humiliations.
01:02:17Il est privé de nourriture.
01:02:19Et parfois,
01:02:21ses commandants l'empêchent de dormir.
01:02:26Le 29 mars 2019,
01:02:28alors que son unité se trouve dans une forêt
01:02:30pour un entraînement au tir,
01:02:32Stas disparaît.
01:02:40Celle-ci, je ne sais pas si je peux vous les montrer.
01:02:44Véronika, regarde.
01:02:45Il est retrouvé le lendemain matin,
01:02:49pendu à un arbre.
01:02:53J'ai eu accès au dossier.
01:02:55Et je l'ai pris en photo.
01:02:57Selon l'armée,
01:02:59son fils a mis fin à ses jours.
01:03:04Mais très vite émerge l'hypothèse
01:03:06d'un meurtre maquillé en suicide.
01:03:07Des conscrits vont raconter à Svetlana
01:03:11qu'ils ont vu leur commandant
01:03:12insulter et frapper Stas
01:03:14quelques heures avant sa disparition.
01:03:19Deux officiers
01:03:20qui vont tenter de passer
01:03:21l'affaire sous silence.
01:03:22Le lieutenant-chef Komiakoff
01:03:28est arrivé ivre
01:03:29et il a demandé aux soldats
01:03:30de ne pas dire
01:03:31qu'il avait tabassé Stas
01:03:32le matin de son décès.
01:03:34Genre, on ne va pas laver
01:03:35notre linge sale en public,
01:03:36pas vrai ?
01:03:37Ça n'a rien à voir
01:03:38avec sa mort, tout ça.
01:03:39Les garçons ont dit
01:03:40non, on va témoigner.
01:03:42Et ils ont témoigné.
01:03:44Si les garçons n'avaient pas
01:03:46agi comme ça,
01:03:46s'ils n'avaient pas été
01:03:48aussi courageux,
01:03:49il n'y aurait eu aucune preuve.
01:03:50Svetlana décide de se battre
01:03:53et porte plainte
01:03:54contre le ministère
01:03:55de la Défense.
01:03:57Après quatre ans
01:03:58de procédure,
01:03:59Evgeny Komekoff
01:04:00prend six ans
01:04:01de prison ferme
01:04:02pour abus de pouvoir
01:04:03ayant entraîné
01:04:04la mort d'autrui.
01:04:07Quant au deuxième
01:04:07bourreau de Stas,
01:04:09le capitaine
01:04:09Alexandre Sobolevski,
01:04:11il n'est condamné
01:04:12qu'à un an et demi
01:04:13avec sursis
01:04:14et travaille toujours
01:04:15dans l'armée.
01:04:16Des punitions dérisoires.
01:04:20Je veux que cet homme
01:04:24soit condamné
01:04:24à une vraie peine.
01:04:26Je sais bien
01:04:26que ça ne me rendra
01:04:27pas la vie plus facile.
01:04:28Ça ne m'a pas vraiment
01:04:29soulagé que le premier
01:04:30aille en prison.
01:04:31Mais au moins,
01:04:32il y a eu une sorte
01:04:33de châtiment.
01:04:37Pourquoi devrais-je
01:04:38arrêter de me battre ?
01:04:39C'était mon bébé.
01:04:41Je ne lui ai pas donné
01:04:41la vie pour qu'il soit
01:04:42tué par ces deux monstres.
01:04:43Svetlana a entamé
01:04:48de nouvelles poursuites
01:04:49pour rendre justice
01:04:50à son fils.
01:04:52Mais officiellement,
01:04:54les mauvais traitements
01:04:54dans l'armée
01:04:55n'existent plus.
01:04:58En août 2020,
01:04:59le ministère de la Défense
01:05:00a même annoncé
01:05:01qu'une victoire totale
01:05:02a été remportée
01:05:03sur le bizutage.
01:05:05Un énième mensonge
01:05:06relayé par la propagande
01:05:08d'État.
01:05:09Cette propagande
01:05:14a, depuis le début
01:05:15de la guerre en Ukraine,
01:05:17pris des proportions inouïes.
01:05:26Les chaînes publiques
01:05:27sont saturées
01:05:28de violences verbales
01:05:29et de discours haineux.
01:05:30Bonjour, chers amis.
01:05:44Bienvenue dans notre édition spéciale
01:05:45de l'émission 60 minutes.
01:05:48Brillante étoile
01:05:49dans la constellation
01:05:50des propagandistes,
01:05:52Evgeny Popov.
01:05:55L'homme s'en prend régulièrement
01:05:56aux reporters occidentaux
01:05:57qui couvrent la guerre.
01:05:59Surtout aux Allemands.
01:06:00et donnent des leçons
01:06:01de journalisme.
01:06:04Contrairement à vous,
01:06:05descendants de Goebbels
01:06:06et de propagandistes nazis,
01:06:09contrairement à votre
01:06:10propagande haineuse,
01:06:11nous, nous montrons
01:06:13la vraie image du monde.
01:06:15Evgeny Popov
01:06:16n'est pas seulement présentateur.
01:06:19Il est aussi député
01:06:20du parti de Vladimir Poutine
01:06:22et assume
01:06:23mener une guerre
01:06:24de l'information.
01:06:28Des fronts entiers
01:06:29de l'information
01:06:29à l'étranger
01:06:30travaillent contre la Russie
01:06:32et leurs objectifs.
01:06:34Même si on en parle ici
01:06:35un peu à la légère.
01:06:36Mais leurs objectifs
01:06:37sont gravissimes.
01:06:39Démembrer notre pays,
01:06:40déstabiliser la situation
01:06:42à l'intérieur.
01:06:44Aujourd'hui,
01:06:45il est question
01:06:45de la survie même
01:06:46de la Russie.
01:06:48Nous devons obtenir
01:06:49des garanties
01:06:50de sécurité
01:06:51de la part de l'Occident.
01:06:52que vous déplaciez
01:06:53vos saloperies de missiles
01:06:54le plus loin possible
01:06:55de nous.
01:07:01Tous ces discours complotistes
01:07:03évadent en guerre,
01:07:04martelés quotidiennement.
01:07:06On finit par infester
01:07:08les esprits.
01:07:08Ma ville est entourée
01:07:18de montagnes.
01:07:19Elle est comme
01:07:20dans un chaudron.
01:07:31Je suis désolée.
01:07:33C'est le bazar
01:07:34dans ma cuisine.
01:07:35Je suis venue chercher
01:07:38quelque chose,
01:07:39mais je ne sais plus quoi.
01:07:41J'ai fait infuser du thé
01:07:42avec de l'aigle entier
01:07:43et de la mélisse.
01:07:45Tiens, sens-le.
01:07:46Ça sent bon, non ?
01:07:47Notre dernière nuit
01:07:52en Russie,
01:07:53nous la passons
01:07:54chez Ludmilla,
01:07:5583 ans.
01:07:58Une babouchka
01:07:59qui nous rappelle
01:08:00tant nos propres grands-mères
01:08:01par ses petites attentions
01:08:03et son goût prononcé
01:08:05pour la télévision.
01:08:11Je regarde tout
01:08:13sur la guerre
01:08:13et tout sur la politique.
01:08:16Comme pour 75%
01:08:18des Russes,
01:08:19c'est sa seule source
01:08:20d'information.
01:08:20Ah !
01:08:26Et voilà notre adoré.
01:08:29Ah, j'aurais dû allumer
01:08:30plus tôt.
01:08:33S'il libère
01:08:34ne serait-ce qu'une partie
01:08:35de l'Ukraine,
01:08:36il va rentrer dans l'histoire
01:08:38en tant que vainqueur.
01:08:40Mais vous dites libéré.
01:08:41Libéré de qui ?
01:08:43Des nazis.
01:08:44De tous ceux
01:08:47qui ont bombardé
01:08:48pendant 8 ans
01:08:49Donetsk
01:08:49et Lugansk.
01:08:56Vous,
01:08:56vous pensez
01:08:57que c'est faux ?
01:08:58Mais à la télé,
01:08:59on les voit
01:09:00se réjouir
01:09:00les habitants
01:09:01de là-bas.
01:09:05Ludmilla
01:09:05n'a pas toujours
01:09:06admiré
01:09:06Vladimir Poutine.
01:09:08Elle lui en veut
01:09:08d'avoir augmenté
01:09:09l'âge du départ
01:09:10à la retraite,
01:09:11d'avoir changé
01:09:12la constitution
01:09:12en 2020
01:09:13pour se maintenir
01:09:14indéfiniment au pouvoir
01:09:15ou encore
01:09:16de s'être enrichi
01:09:17sur le dos du peuple.
01:09:20S'il avait bien
01:09:21fait son travail,
01:09:22le pays serait
01:09:23florissant aujourd'hui.
01:09:25Pas vrai ?
01:09:26Ma fille me dit
01:09:28souvent,
01:09:28maman,
01:09:29il n'en a rien à foutre
01:09:30de toi et des autres.
01:09:31C'est ce qu'elle dit.
01:09:33Il n'a pas besoin
01:09:33du peuple.
01:09:35Et vous,
01:09:36vous en pensez quoi ?
01:09:38Quand la guerre
01:09:39a éclaté,
01:09:40nous avons
01:09:41en quelque sorte
01:09:42recommencé
01:09:43à le respecter.
01:09:44Vous savez,
01:09:45la moitié du monde
01:09:46est contre nous.
01:09:47Et lui,
01:09:47il s'accroche.
01:09:49Les pays les plus forts
01:09:50se sont tous
01:09:50ligués contre lui.
01:09:51N'est-ce pas ?
01:09:53Ils disent,
01:09:53nous voulons
01:09:54que la Russie
01:09:54disparaisse.
01:09:56C'est tout.
01:09:57De quoi peut-on
01:09:57parler après ça ?
01:09:59Et qui a dit ça ?
01:10:02La télévision.
01:10:03Vous savez,
01:10:12ma mère est loin
01:10:13d'être stupide.
01:10:14Elle est intelligente,
01:10:16elle a passé sa vie
01:10:16à diriger des équipes,
01:10:18elle est pleine
01:10:19de joie de vivre.
01:10:21Elle ne ressemble pas
01:10:21à ces gens
01:10:22qui sont comme
01:10:23des moutons stupides.
01:10:26Non,
01:10:26c'est pas ça.
01:10:27Un matin,
01:10:32en téléphone,
01:10:33elle me dit,
01:10:35je pense que tout le monde
01:10:36comprend au fond de soi
01:10:38ce qui se passe,
01:10:39mais on ne veut pas
01:10:40se l'avouer.
01:10:42J'étais contente
01:10:43de l'entendre dire ça.
01:10:44J'ai même envoyé
01:10:44un SMS à mes amis.
01:10:45Petite victoire !
01:10:47Mais la fois suivante,
01:10:48quand je l'ai appelée,
01:10:49elle m'a reparlé
01:10:50de l'OTAN
01:10:50qui menace la Russie,
01:10:52de ces pauvres Ukrainiens
01:10:53qui souffrent
01:10:54de l'oppression du fascisme
01:10:55et doivent être secourus.
01:10:57Elle avait rechuté.
01:11:04Natacha Markovitch
01:11:05est la fille de Ludmilla,
01:11:07installée à Londres
01:11:08depuis quelques années.
01:11:10Psychologue,
01:11:12elle pense avoir diagnostiqué
01:11:13le mal
01:11:13dont souffre le peuple russe
01:11:15et qui n'a pas épargné sa mère.
01:11:19Je prends mes clés.
01:11:22J'ouvre la porte.
01:11:25Il s'agirait
01:11:26d'un trouble psychique
01:11:27à l'échelle
01:11:28de toute la nation.
01:11:33C'est ce qu'on appelle
01:11:35une psychose
01:11:36de masse induite.
01:11:38Quand la guerre
01:11:39a commencé,
01:11:40j'ai tout de suite vu
01:11:40les signes typiques
01:11:41d'appartenance
01:11:42à une secte.
01:11:43Comment ça fonctionne ?
01:11:44Vous ne vous sentez pas
01:11:45confiant à l'intérieur,
01:11:46vous avez l'impression
01:11:47que votre vie
01:11:48n'a pas vraiment de sens.
01:11:49et puis un homme arrive
01:11:53et vous donne
01:11:54une structure extérieure,
01:11:56une raison d'être.
01:11:57Il vous met dans la tête
01:11:58que vous n'êtes pas
01:11:59que des pucerons crasseux
01:12:00dont personne ne veut.
01:12:02Vous êtes le représentant
01:12:04de la grande nation russe.
01:12:07Et eux,
01:12:08tous ces gens
01:12:09qui essayent
01:12:10de vous faire sortir
01:12:10de la secte,
01:12:11ce sont eux les méchants.
01:12:13Ils sont le mal
01:12:14et ils péreront
01:12:15par le feu.
01:12:20Selon Natacha,
01:12:22pour sortir quelqu'un
01:12:23d'une secte,
01:12:24il faut l'en isoler.
01:12:26Impossible à faire
01:12:27avec tout un pays
01:12:28et ses 140 millions
01:12:29d'habitants.
01:12:32Plusieurs fois par semaine,
01:12:34elle appelle sa maman
01:12:35pour l'arracher
01:12:36ne serait-ce que
01:12:37quelques instants
01:12:37à son état d'hypnose.
01:12:44Maman, salut !
01:12:46Tu mets la vidéo ?
01:12:48Me voilà, tu me vois ?
01:12:50Je te vois.
01:12:50Je te vois maintenant.
01:12:52Je voulais te montrer
01:12:53comme c'est beau ici.
01:12:56Oh, qu'elle est belle,
01:12:57ta veste rouge
01:12:57aux couleurs vives.
01:12:59Elle est rose.
01:13:02Bon, Natacha,
01:13:03j'ai une faveur
01:13:04à te demander.
01:13:05Arrête de dire des choses
01:13:06contre la Russie.
01:13:08Arrête de me faire honte.
01:13:09Quoi ?
01:13:10Mais la honte, maman,
01:13:11c'est de soutenir
01:13:12la guerre russe en Ukraine.
01:13:13C'est le devoir
01:13:14de nos militaires.
01:13:15Maman, ce sont des envahisseurs
01:13:17et des terroristes.
01:13:19Arrête d'écouter
01:13:20tes vieilles voisines.
01:13:21Elles sont complètement
01:13:22zombifiées
01:13:22de façon irréversible.
01:13:24C'est un cauchemar.
01:13:28En Russie,
01:13:29tout ce qui est noir
01:13:29est devenu blanc
01:13:30et inversement.
01:13:33C'est super.
01:13:34Bon, ça va.
01:13:35Calme-toi, ma chérie.
01:13:39Mère et fille
01:13:40arrivent encore
01:13:41à se parler.
01:13:41Ce n'est plus le cas
01:13:43dans de nombreuses familles.
01:13:46Les Russes
01:13:47qui sont contre cette guerre,
01:13:49comme Natacha,
01:13:50comme nous,
01:13:51vivent aujourd'hui
01:13:52avec une identité estropiée.
01:13:55Une langue maternelle
01:13:56devenue celle des armes
01:13:57et du mensonge
01:13:58avec une douleur
01:14:00qui ne ressemble
01:14:01à aucune autre.
01:14:01Je me sens coupable.
01:14:07J'éprouve de la honte
01:14:08à être russe.
01:14:10Ce n'est pas moi
01:14:11qui lâche les bombes,
01:14:12mais je ne peux pas
01:14:12totalement me dédouaner
01:14:13de ce qui se passe.
01:14:17Je me sens profondément mal
01:14:19parce que mon pays
01:14:20est l'agresseur.
01:14:21Et en même temps,
01:14:22je n'ai pas le droit
01:14:23de me plaindre.
01:14:25Ce n'est pas moi
01:14:26qui souffre.
01:14:27Ce sont les Ukrainiens.
01:14:28Et pour finir,
01:14:35comme les dissidents soviétiques,
01:14:37portons un toast
01:14:38au succès
01:14:38de notre cause désespérée.
01:14:42C'est toujours vers ces dissidents
01:14:44que je me tourne
01:14:45quand ça va mal.
01:14:48Car ils me rappellent
01:14:49que tout n'est pas perdu.
01:14:52En Russie,
01:14:53les plus longues périodes d'horreur
01:14:55ont toujours pris fin brusquement.
01:14:58J'espère que la Russie
01:15:05subira une défaite majeure.
01:15:08Si importante
01:15:09que le pays sera forcé
01:15:10de se remettre en question.
01:15:11Non seulement
01:15:12pour se débarrasser de Poutine,
01:15:14mais aussi pour commencer
01:15:15à se reconstruire
01:15:16de l'intérieur.
01:15:17Parce que tel qu'il est,
01:15:19ce pays est incompatible
01:15:20avec le 21e siècle.
01:15:21Et il y a aussi pour le temps
01:15:22de l'événement.
01:15:22C'est un peu plus longues,
01:15:23c'est un peu plus longues.
01:15:25C'est un peu plus longues,
01:15:26c'est un peu plus longues.
01:15:26C'est un peu plus longues.
01:15:27C'est un peu plus longues,
01:15:28Sous-titrage MFP.
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