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Le personnel pénitentiaire pris pour cible : l'angoisse des surveillants hors des murs de la prison. Méssaoud, surveillant pénitentiaire en région parisienne, est l'invité de Céline Landreau.
Regardez L'invité de Céline Landreau du 17 avril 2025.

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Transcription
00:007h10, RTL Matin, Céline Landreau et Thomas Soto.
00:04Il est 8h17, l'interview de Céline Landreau avec un témoignage ce matin,
00:07celui d'un de ses gardiens de prison qui sont sur le qui-vive,
00:10comme le titre ce matin, le courrier de l'Ouest.
00:12Vous avez choisi de recevoir un surveillant pénitentiaire
00:14parce qu'aujourd'hui, ce métier est un métier à risque.
00:17Il a donc souhaité garder l'anonymat, nous l'appellerons donc Messaoud.
00:20Bonjour et bienvenue à vous.
00:21Bonjour Messaoud.
00:23Bonjour.
00:24Vous êtes surveillant dans un établissement de région parisienne,
00:26de la région parisienne qui n'est pas épargnée par la flambée de violences
00:29qui visent les prisons françaises et leurs agents.
00:32Villepin, Tréhaut, Nanterre, dans la nuit de mardi à mercredi,
00:35à Villenois, en Seine-et-Marne.
00:36C'est l'immeuble dans lequel vit une surveillante qui a été visée,
00:39un engin incendiaire retrouvé dans son hall.
00:42Messaoud, vous avez évidemment suivi tout ça.
00:44Est-ce que vous avez peur ?
00:47Écoutez, la peur, en fait, rythme notre quotidien.
00:51Là, au moment où je vous parle, je suis sur mon lieu de vacances
00:56et ma plus grande crainte, c'est de savoir dans quel état
00:58je vais retrouver mon domicile à mon retour.
01:00Mais cette peur rythme notre quotidien
01:01et malheureusement, les faits de ces derniers jours
01:05ne sont qu'une petite piqûre de rappel.
01:08Peur pour vous, pour vos proches aussi ?
01:10Vous parlez de votre domicile ?
01:12Bien sûr.
01:13Vous savez, je suis père de quatre enfants.
01:16Vous voyez, quand mes enfants remplissent les fiches de renseignement à l'école,
01:21je leur dis surtout, ne dis pas que je suis surveillant pénitentiaire.
01:24Dis-leur que je suis simplement fonctionnaire
01:25parce qu'on a peur des représailles vis-à-vis de nos enfants,
01:30de nos épouses, de ceux qui partagent nos vies.
01:33Je pense que jusque-là, le grand public imaginait bien
01:35que votre métier était difficile,
01:37que la violence pouvait en faire partie de votre quotidien.
01:39Mais on l'imaginait, quand on est à l'intérieur des prisons,
01:43ce n'est plus le cas, c'est nouveau ou pas ?
01:45Non, non, non.
01:46C'est un phénomène qui a un petit peu toujours existé.
01:51J'ai déjà croisé d'anciens détenus dans des centres commerciaux
01:54où il y a des échanges de regards assez véhéments.
01:58J'ai déjà vécu des menaces dans des centres commerciaux
02:01où malheureusement, on est obligé de faire profil bas
02:03pour pouvoir mettre à l'abri sa famille
02:04et puis éviter les agressions.
02:07Et j'ai une pensée émue pour tous mes collègues
02:09qui sont actuellement sur les coursives,
02:11qui rentreront chez eux ce soir
02:12et qui feront des tours de rond pour être sûrs de ne pas être suivis,
02:16regarderont dans les rétroviseurs.
02:18Voilà, c'est ce qui rythme aussi notre quotidien.
02:21Notre métier, on l'emmène avec nous à la maison.
02:24C'est impossible de cloisonner ?
02:28Oui, c'est très compliqué.
02:30Déjà, c'est un métier qui, psychologiquement,
02:32est très dur et très pesant.
02:34Être confronté à toute cette criminalité,
02:37cette délinquance, cette violence,
02:38déjà, ça peut changer un homme.
02:39Mais malheureusement, on sait que ça peut nous suivre
02:42en dehors des murs.
02:43Et puis, comme je dis toujours,
02:46c'est peut-être un raccourci,
02:47mais vous savez, mon uniforme, c'est ma tronche.
02:50Malheureusement, on a beau sortir en civil,
02:52vous savez, quand vous voyez un groupe de personnes
02:55à 19h qui quittent un établissement pénitentiaire,
02:57qui ont une coupe réglementaire,
02:58vous savez très bien que c'est du personnel pénitentiaire.
03:01On est facilement identifiable.
03:02Pour comprendre la place que ça peut prendre
03:04dans votre vie quotidienne,
03:05ça veut dire qu'il faut mettre en place
03:07des stratégies d'évitement ?
03:09Vous parliez des tours de rond-point.
03:10Est-ce que ça veut dire aussi aller habiter
03:11le plus loin possible de la prison
03:13pour être le moins au contact possible
03:15des détenus et de leurs familles ?
03:17Bien sûr.
03:19Parce que, enfin voilà,
03:20on pense toujours à la population pénale.
03:22Mais nous, derrière,
03:24on reçoit aussi les familles
03:25qui viennent au parloir, etc.
03:27Et quand on les croise dans les centres commerciaux,
03:29on peut les croiser aussi
03:30dans les villes dans lesquelles on habite.
03:32Et je connais énormément
03:32de surveillants pénitentiaires
03:34qui décident d'aller habiter
03:35à 30, 40, 50 minutes
03:36des établissements dans lesquels ils travaillent
03:39justement pour pouvoir avoir cette paix-là
03:40et pour pouvoir avoir cette sécurité.
03:42Ça, c'est à l'extérieur de l'établissement.
03:45Revenons à l'intérieur.
03:46Peut-être, par définition,
03:47vous surveillez des détenus
03:48avec donc des comportements
03:49qui peuvent être difficiles.
03:50Mais est-ce que c'est plus difficile qu'avant ?
03:52Est-ce que la relation avec les prisonniers a changé ?
03:56Non, du tout.
03:59La relation avec les détenus reste toujours la même.
04:03La grosse problématique qu'on rencontre
04:05dans notre administration actuellement,
04:06c'est cette petite complaisance.
04:08Vous savez, on prime la réinsertion
04:12avant la sécurité.
04:14Quand un détenu agresse un de mes collègues
04:17à Paris-la-Santé,
04:18on le transfère en mesure d'ordre et de sécurité,
04:20on l'envoie à Villepinte.
04:21Donc, juste à 20 minutes de l'endroit
04:23où il a commis l'effet,
04:25je ne comprends pas pourquoi
04:26on ne leur fait pas faire du tourisme pénitentiaire.
04:28On agresse un surveillant à Paris,
04:29on l'envoie à Marseille.
04:30Mais derrière, on dit non,
04:32il faut garder le lien familial
04:34pour que la personne puisse voir sa famille au parloir, etc.
04:38Et ça, ça se fait toujours au détriment
04:39des personnels pénitentiaires.
04:40Nous, on recroise toujours nos agresseurs.
04:43Vous avez le sentiment de ne pas être assez soutenu
04:45aujourd'hui par votre hiérarchie ?
04:48Alors, la hiérarchie en elle-même,
04:49que ce soit nos directeurs,
04:50que ce soit les directeurs interrégionaux,
04:53moi, de ce que je constate,
04:54ils font le nécessaire.
04:56Mais derrière, c'est au-delà,
04:58c'est au niveau du pouvoir politique.
04:59La réinsertion, c'est bien,
05:01mais la sécurité, c'est beaucoup mieux.
05:03Mais la justice, actuellement, n'est plus crédible.
05:07Et ça, on le voit dans le comportement
05:08de la population pénale.
05:09La justice a perdu en crédibilité.
05:11Quand vous accordez des permissions de sortie
05:12à une personne détenue
05:14et que ce dernier,
05:15il a droit à 10 permissions de sortie
05:17et qu'il arrive à chaque fois avec une heure,
05:19deux heures, trois heures de retard
05:20et on continue de lui donner des permissions de sortie,
05:23il en veut de la crédibilité,
05:25de la légitimité de la justice que je représente.
05:27Un de vos collègues nous disait hier,
05:29en préparant cette émission,
05:30qu'est-ce que vous croyez,
05:31quand on est petit,
05:31on rêve d'être voleur ou shérif ?
05:33Personne ne rêve d'être surveillant pénitentiaire.
05:36C'est un uniforme qui est plus difficile
05:37à porter que d'autres aujourd'hui ?
05:38En fait, si vous voulez,
05:41c'est un métier qu'on ne fait pas par vocation.
05:44C'est un métier qu'on ne fait pas par vocation,
05:46mais pour ma part,
05:46c'est un métier qui est devenu une passion.
05:48Puisqu'en réalité,
05:49pour que l'opinion publique puisse comprendre notre métier,
05:53en réalité, moi,
05:54dans l'établissement dans lequel je travaille,
05:55on a 1 000 détenus
05:56et en fait,
05:57on gère une ville de 1 000 habitants
05:59en totale autonomie
06:00avec 60 SDF,
06:01puisque j'ai 60 détenus qui dorment au sol.
06:04Et puis, on est facteur,
06:05on est pompier,
06:06on est psychologue,
06:06on est infirmier.
06:07Et en réalité, c'est ça notre métier.
06:09Et on a ces multiples casquettes.
06:12Et oui, ça peut être pesant psychologiquement.
06:14Revenons à l'actualité de ces dernières nuits,
06:16ces attaques dont vous avez été la cible,
06:19vous, les surveillants
06:19et les établissements pénitentiaires.
06:21Bruno Retailleau,
06:22le ministre de l'Intérieur
06:22qui était avec nous il y a quelques instants,
06:24donnait sa conviction pour lui,
06:27même si le parquet reste très prudent
06:30et dit qu'il n'y a pas de pistes privilégiées.
06:31Pour lui, ça pourrait porter
06:32la marque de la Narco-Racaille.
06:35C'est aussi votre sentiment ?
06:37Écoutez, je reste un peu dubitatif
06:40sur le groupe qui peut être à l'origine de ça.
06:44Maintenant, une chose est sûre,
06:46ça va vous paraître étonnant ce que je vais dire,
06:49mais quand j'entends défense des droits
06:50des prisonniers français,
06:52en réalité, je suis un petit peu d'accord avec ça,
06:54dans le sens où c'est mon métier.
06:55Moi, je veille aussi aux droits des détenus français.
06:58Moi, vous savez, quand je leur donne le repas,
06:59quand je leur donne la douche,
07:00quand je les envoie en promenade,
07:02quand je les envoie au parloir,
07:03en fait, c'est respecter leurs droits.
07:05Mais par contre, il y a une chose qu'ils ont oublié,
07:07c'est les devoirs.
07:08Et on oublie assez régulièrement ça
07:12dans nos établissements pénitentiaires.
07:13Quels sont les devoirs d'une personne détenue ?
07:15C'est d'avoir un bon comportement en détention
07:17et ça, malheureusement, ce n'est pas le cas.
07:18Là, quand j'entends le ministre qui nous dit
07:20« Oui, on va les retrouver »,
07:22je reste convaincu qu'on va les retrouver.
07:24Mais derrière, c'est des personnes
07:25qui ne seront pas condamnées à 20 ans de prison.
07:27C'est des personnes qui seront condamnées à 5 mois.
07:29On va leur proposer des aménagements de peine,
07:32on va leur proposer des semi-libertés
07:34et ils continueront de croiser nos collègues
07:36sur les parkings,
07:38de voir nos plaques d'immatriculation,
07:39de nous lancer des petits messages.
07:43Oui, on va les attraper, ça c'est sûr.
07:46Mais derrière, ils ne prendront pas 20 ans
07:48et ils iront en prison.
07:49Voilà, pour quelques mois seulement.
07:51Merci beaucoup.
07:52Merci beaucoup.

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