A un an des municipales, l'épuisement des maires de France. Patricia Roches, maire sans étiquette de Coren-Les-Eaux, dans le Cantal, est l'invitée de Céline Landreau.
Regardez L'invité de Céline Landreau du 18 avril 2025.
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00:007h10, RTL Matin, Céline Landreau et Thomas Soto.
00:04Il est 8h16, l'interview de Céline Landreau au cœur de l'actualité.
00:07Et ce matin, Céline, vous avez décidé de vous intéresser aux maires des élus au bord de la crise de nerfs à moins d'un an des municipales.
00:14Ils en ont gros sur le cœur.
00:15Patricia Rochesse est maire de Corinne-les-Eaux, c'est dans le Cantal.
00:18Et ce matin, elle a accepté de vous parler. Bonjour et bienvenue Madame la maire.
00:22Bonjour Patricia Rochesse.
00:24Bonjour et merci.
00:25Vous êtes maire effectivement de Corinne-les-Eaux dans le Cantal, 470 habitants, une école, 5 agents municipaux.
00:32Maire pour quelques mois encore, car vous faites partie de ceux qui disent stop, qui ne veulent plus de cette écharpe tricolore trop lourde à porter.
00:39Vous avez prévenu, ce sera votre dernier mandat. Cette décision, elle est définitive, irrévocable ?
00:46Oui, elle est définitive, irrévocable. Je compte les mois.
00:49Donc oui, c'est vraiment une décision mûrie.
00:53Au cours du mandat, j'ai déjà eu quelques moments où c'était vraiment très difficile et où je me suis interrogée sur le fait de démissionner.
01:01Là, j'ai repris un peu de force et me dire que 10 mois restent seulement, ça m'aide à tenir jusqu'à la fin.
01:10Qu'est-ce qui est si difficile ?
01:13La quantité de travail à réaliser.
01:18Après, il y a aussi différentes manières d'être maire.
01:21Nous, on a fait le choix de faire de nombreux projets.
01:25On s'est concentré sur l'eau et l'assainissement et on a mené de nombreuses réalisations.
01:30Donc, derrière, il y a évidemment les recherches de subventions, l'inquiétude face au fait que peut-être on n'en aura pas assez,
01:38parce qu'il y en a aussi de moins en moins sur des projets.
01:41Là, par exemple, on mène un projet d'un million d'eux.
01:44Quand on est une commune avec un budget de 350 000, c'est quand même des projets importants qui…
01:51Ça nous empêche un peu de dormir parfois.
01:53Et puis, à côté de ça, vous avez les sollicitations du quotidien.
01:56Ce n'est pas toutes les semaines, mais presque, que vous avez un petit miracle à accomplir.
02:00Vous avez un seul agent, par exemple, à l'école.
02:03Quand cet agent connaît quelques soucis de santé et qu'il faut le remplacer,
02:07on apprend le soir à 6 heures qu'elle ne sera pas là le lendemain matin à 7 heures.
02:12Vous voyez, c'est des choses…
02:13Et des familles qui attendent une solution tout de suite.
02:16Exactement.
02:17Oui, ils ne comprendraient pas qu'on les appelle en disant « Désolée, aujourd'hui, il n'y a pas de garderie ».
02:22Donc, il faut absolument trouver une solution.
02:25D'après le CEVIPOF, si 70% des maires des communes de plus de 9000 habitants
02:28sont prêts à se représenter en mars prochain,
02:31ils ne sont que 37%, deux fois moins dans les toutes petites communes,
02:36moins de 500 habitants.
02:37C'est le cas de la vôtre, Corinne Lézot.
02:39Comment expliquer une telle différence ?
02:40C'est plus difficile d'être maire dans une toute petite commune ?
02:44Pour avoir été élue aussi à Saint-Four en tant qu'adjointe,
02:48donc là, c'est 6500, 7000 habitants.
02:52C'est vrai que ce n'est pas la même chose.
02:55On a des services, des agents à nos côtés.
02:59On est aussi considéré différemment quand on est une grande commune
03:03et maire d'une grande commune.
03:05Et c'est vrai qu'il y a moins de proximité aussi.
03:08Là, moi, je suis dans la commune où j'ai grandi,
03:11où je connais tout le monde.
03:12Donc, les sollicitations sont aussi un peu plus importantes.
03:17On pourrait imaginer que ça rende les choses plus simples,
03:19justement, cette proximité avec les citoyens.
03:22C'est l'inverse, en fait ?
03:24Alors, ça dépend.
03:26Quelquefois, c'est plus simple.
03:27Et puis, d'autres fois, c'est un peu plus compliqué
03:30parce qu'on ne comprend pas qu'on ne puisse pas dire oui
03:32à un sujet en particulier.
03:34Vous voyez, là, on a travaillé sur le PLUI.
03:36Par exemple, les terrains...
03:38Alors, c'est le plan local d'urbanisme.
03:40C'est pour déterminer les terrains constructifs,
03:43notamment, pas que ça, mais entre autres ça.
03:46Et donc, vous savez, dans les communes,
03:47les terrains constructifs,
03:48quand on a un terrain agricole,
03:49c'est quelque chose d'important.
03:51Donc, quand vous vous dites,
03:52non, là, ça ne va pas être possible
03:54de mettre ces terrains en constructif
03:56pour des raisons très concrètes.
03:58On a une station d'épuration
03:59qui est au maximum de ce qu'elle peut accueillir.
04:02Vous voyez, il y a des raisons
04:03qui font que nous, on a une vue globale
04:06et qu'on travaille pour la communauté
04:08et pas pour l'individu.
04:09Ça veut dire qu'il faut prendre le risque
04:11de se fâcher avec des voisins de toujours,
04:13des proches, sa famille, parfois ?
04:15Exactement, oui.
04:18Est-ce que cette sur-sollicitation,
04:20elle se traduit aussi dans votre vie personnelle,
04:23quotidienne ?
04:24Le téléphone qui sonne,
04:26y compris le week-end,
04:27y compris le soir tard,
04:28parfois pour des sujets
04:30qui ne sont pas forcément essentiels ?
04:32C'est ça aussi ?
04:33Oui, évidemment.
04:33Oui, parce qu'il y a des personnes
04:35qui, par exemple,
04:37des personnes parfois un peu âgées
04:39qui ont un souci
04:40et c'est arrivé encore dernièrement,
04:43on a une fois par semaine,
04:44on nous appelle pour le même sujet
04:46alors qu'on travaille à régler le problème
04:49et ça ne va pas assez vite.
04:51Et donc, pour eux,
04:52il n'y a que ce souci-là.
04:54Et puis, comme ils vous connaissent bien,
04:55ils vous appellent beaucoup
04:56et ils trouvent ça presque normal.
04:58et vous êtes sollicité aussi
04:59par les services de l'État.
05:02Par exemple,
05:02un troupeau de vaches qui dévague,
05:04on vous appelle dans la nuit.
05:06On avait une voiture
05:07qui avait été aussi,
05:10suite à la fermeture d'autoroutes,
05:12qui était coincée dans les congères.
05:15Là, on vous appelle.
05:16C'est des choses parfois
05:18et vous ne savez pas forcément
05:19comment gérer la chose en plus.
05:22Dans l'urgence,
05:23on peut aussi parfois
05:24prendre des décisions
05:25qui ne sont pas toujours
05:26les plus éclairées.
05:27Et ça, pour une indemnité
05:28qui évidemment dépend
05:29selon les communes
05:31mais qui pour vous
05:31est relativement modeste ?
05:34Alors, jusqu'à 500 habitants,
05:37en fait, c'est 850 euros
05:38nets par mois.
05:41Et avant,
05:41donc sur le premier mandat,
05:43c'était 550 euros nets par mois.
05:44On a été un peu revalorisé.
05:46En revanche,
05:47je pense que là,
05:47il y a vraiment quelque chose
05:48à faire sur cette partie-là
05:50parce que vous voyez,
05:51la plus petite commune
05:52dans le Cantal,
05:52c'est 32 habitants
05:53et c'est exactement
05:54la même indemnité.
05:55Pour un travail
05:56qui n'est évidemment pas le même.
05:57Vous nous l'avez dit tout à l'heure,
05:59Patricia Rochesse,
06:00vous êtes une enfant du pays.
06:01Votre père a été maire
06:02de cette commune avant vous.
06:04Il vous avait déconseillé
06:05d'être maire
06:06et pourtant,
06:07vous y êtes allée.
06:07Tout à fait.
06:10Eh bien oui,
06:10je ne sais pas si j'ai voulu tester,
06:14mais effectivement,
06:15il m'avait dit
06:16que c'était très compliqué
06:18et il m'avait dit
06:19en plus,
06:20tu es une femme.
06:21Donc voilà,
06:22ça rajoutait la difficulté.
06:23Et ça,
06:24je l'avais vu
06:24avec ma prédécesseur
06:26qui était la première femme
06:27mère de Corinne
06:27et qui en plus,
06:28elle n'était pas partie
06:29pour être mère
06:30par un concours de circonstances
06:32parce que chez nous,
06:33vous savez,
06:33on raye encore.
06:35Donc le scrutin de liste,
06:37voilà,
06:37le scrutin de liste
06:38va changer les choses
06:39et c'est peut-être
06:39une bonne chose,
06:40mais elle s'est retrouvée maire
06:41sans jamais avoir été élue
06:42et elle a vraiment vécu ça
06:45très difficilement
06:46et elle m'avait appelée d'ailleurs
06:47en me disant
06:48t'es sûre que tu veux y aller
06:48parce que je t'assure
06:49que c'est difficile.
06:50Et elle avait raison,
06:51c'est difficile.
06:52Vous nous l'avez dit,
06:53dès le début,
06:54vous comptez les mois
06:55avant ce qu'on pourrait
06:56presque qualifier de libération
06:57en vous entendant.
06:59Est-ce que vous regrettez
06:59aujourd'hui
07:00de vous être engagée ?
07:02Non.
07:03Ça par contre,
07:04non,
07:04parce que ça a été
07:05vraiment une expérience,
07:08excusez-moi d'être
07:10un peu émue,
07:10mais non,
07:11c'est une belle expérience,
07:12vraiment,
07:12et j'invite,
07:13alors ça va être difficile
07:14de me croire,
07:15mais j'invite tous ceux
07:16qui n'ont pas connu
07:17cette expérience d'élu
07:19à s'investir
07:20parce que vraiment,
07:21c'est des choses
07:23assez extraordinaires
07:24mais en même temps,
07:26c'est effectivement
07:26trop pesant à un moment
07:28et je vois,
07:29alors je trouve
07:30que c'est bien quand même
07:31de voir de plus en plus
07:32de mères le dire
07:33que c'est difficile
07:34parce que pendant des années,
07:36je pense qu'on n'a rien dit aussi
07:37parce qu'on est moins légitime,
07:41on se sent moins légitime
07:41et quand on est une femme,
07:42peut-être encore plus
07:43parce qu'on dit
07:44« la pauvre,
07:45elle n'est pas assez costaud »
07:46alors que je pense
07:49que pour ces messieurs,
07:50c'est tout aussi difficile
07:51que nous
07:51et franchement,
07:53on a vu des collègues mères
07:54qui ont connu
07:56des choses assez terribles,
07:58un qui a reçu
07:59des menaces de mort,
08:01un autre qui a reçu
08:01un cocktail Molotov
08:03sur sa vitre la nuit,
08:05enfin des choses
08:05qui sont juste incroyables
08:07et pour eux,
08:08ça a été aussi
08:09très difficile à vivre.
08:10Pour une étude
08:11de l'Association
08:12des maires de France,
08:13pointez le problème
08:14pour 8 maires sur 10
08:15qui jugeaient
08:16leur mandat usant
08:17pour leur santé,
08:17c'est votre cas aussi ?
08:19Oui,
08:20là vraiment,
08:21c'est aussi pour ça
08:22que je souhaite
08:22mettre un terme.
08:24Oui,
08:24c'est effectivement,
08:26je sens que c'est au-delà
08:28de ce que je peux supporter
08:30et que 6 ans de plus,
08:32ça serait encore plus dur.
08:33Et puis là,
08:34franchement,
08:35une campagne,
08:36c'est aussi très difficile
08:37à mener.
08:38Il y a toujours eu
08:38deux listes dans ma commune,
08:40alors même si j'ai été
08:41à chaque fois élue
08:41au premier tour
08:42avec celle de mon équipe
08:43et que j'ai été
08:44à chaque fois très bien élue
08:45et j'en remercie
08:46les Corinthiens d'ailleurs
08:47qui me font confiance.
08:49La première fois,
08:50j'étais d'ailleurs
08:50la seule femme élue,
08:51donc vous voyez
08:51la confiance qui m'a été faite.
08:54Mais c'est vrai
08:55que refaire une campagne,
08:57retrouver des gens,
08:58motiver des gens
08:59parce qu'on n'est pas
09:00tout seul aussi.
09:01C'est ce qu'on comprend.
09:02Oui,
09:02et puis voilà,
09:04il faut aussi,
09:05vous avez non seulement
09:06les employés communaux,
09:06non seulement les administrés,
09:08mais aussi votre équipe
09:09à garder solidaire
09:11pendant tout le mandat.
09:13Il y a parfois des sujets
09:15sur lesquels
09:15on n'est pas toujours d'accord.
09:16Merci beaucoup Patricia Rochesse.
09:18Madame la mère.
09:19Merci à vous.
09:19Merci à vous.