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Comment concilier ambition professionnelle, maternité, mobilité internationale et envie de transmission ?
Aglaé de Beauregard, Directrice Générale de L’Oréal Luxe France, partage son parcours, son évolution au sein du groupe, les choix qui l’ont conduite jusqu’au Royaume-Uni, et son engagement pour encourager les jeunes femmes à viser les plus hauts postes. Un témoignage personnel, sincère et inspirant, tourné le 25 mars dans les locaux du MEDEF, lors de la session "Femmes et Gouvernance : Plus de femmes à la tête des organisations", dans le cadre du Think & Do Tank Marie Claire – Agir pour l’Égalité.

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Transcription
00:00Ça n'a pas commencé du tout comme un coup de foudre, mais effectivement ça a été une formidable aventure et ça fait 25 ans que j'ai louvoyé d'un job à un autre parce qu'on changeait extrêmement souvent chez L'Oréal.
00:18Donc c'est vrai que c'est presque autant de postes et de vies qu'on vit à l'intérieur de la même entreprise. On part à l'étranger, on change de métier, on change de côté de la barrière parfois.
00:29Donc en fait c'est vrai qu'on est balotté et que sans cesse on est remis aussi dans un bain où parfois ça chahute pas mal et on a vraiment parfois le sentiment même de quitter l'entreprise et de partir complètement ailleurs.
00:42Donc c'est vrai que 25 ans je ne les ai pas vus passer.
00:44Et ce n'était pas l'entreprise qui vous faisait particulièrement rêver au départ ?
00:48Je rêvais de travailler dans l'automobile, je suis une promo 2001, je suis la promo des années des chutes des Twin Towers où personne n'a pu prendre le job de ses rêves au démarrage parce qu'il fallait vite trouver un job.
01:02Et donc j'ai signé chez L'Oréal parce que j'avais un CDI chez L'Oréal et puis je me suis dit allons-y, on verra ce que ça va donner.
01:10Et puis j'ai mordu à l'aventure et puis voilà je suis toujours là.
01:14Qu'est-ce qui a fait Aglaé ? Vous avez compris depuis ce matin, beaucoup de gens se livrent avec beaucoup de vérité sur leur parcours.
01:21Qu'est-ce qui a fait la différence selon vous par rapport à d'autres femmes pour que vous réussissiez à accéder à ce niveau de responsabilité, directrice générale de L'Oréal Luxe en France selon vous ?
01:33J'espère la performance.
01:35Mais pour les femmes il n'y a pas que la question de la performance, il y a d'autres choses.
01:39Honnêtement il y a la performance, il y a une forme d'équilibre, il y a un style de leadership, il y a tout un mix qui font qu'aujourd'hui l'entreprise m'a choisi moi pour ses fonctions et ses responsabilités.
01:54C'est un ensemble en fait, c'est une vision sur le business, c'est une vision sur les hommes, sur les organisations, sur ce qui fait en sorte qu'une équipe est performante.
02:03Et voilà, donc je pense que principalement c'est ça, c'est aussi construire des parcours pour les femmes qui leur permettent aussi d'accéder à ces fonctions-là.
02:12Et c'est vrai qu'en travaillant chez L'Oréal, par rapport à d'autres cas que j'ai entendus ce matin, je suis aussi dans un environnement qui favorise l'égalité et très fortement et qui encourage le parcours des femmes.
02:26Donc c'est vrai que j'ai cette chance qui est notable.
02:29Vous avez rencontré aussi, comme toutes, des obstacles.
02:33Ah oui.
02:34Lesquels ?
02:35Déjà, moi j'ai quatre enfants, je les ai eus très jeunes, j'en avais 3 à 29 ans.
02:41Et ça va paraître complètement dingue à certains jeunes, peut-être qu'ils sont dans la salle, mais à cette époque-là, avoir un ordinateur portable, c'était un signe presque de niveau hiérarchique.
02:51Ce n'était pas lié au style de vie ni à la charge qu'on avait.
02:53Un Blackberry, c'est pareil, ça a été presque un Graal, mais donc dans un métier de marketing, on attend la validation, on check des mots, on check des images, etc.
03:02Derrière un ordinateur, jusqu'à ce qu'un tel ou un tel ait libéré les événements.
03:07Oui, c'est difficile.
03:08La partie technique, elle a été lourde pour moi au démarrage.
03:11Aujourd'hui, il y a beaucoup de barrières qui se sont levées sur ces points-là, mais franchement, c'était lourd.
03:16Je pense que la deuxième, c'est d'être totalement décoordonnée ou déphasée par rapport à mes collègues de travail.
03:23Quand on a 29 ans, qu'on doit courir pour aller relever une nounou, quand les autres vont boire un verre après le boulot, ce n'est pas tout à fait le même mindset.
03:30On a un double agenda en permanence dans la tête.
03:34J'étais hyper heureuse de le faire, mais c'est clair que ça fait un démarrage de carrière qui est assez sportif honnêtement.
03:40Quand on a préparé cet entretien anglais, vous m'avez dit à plusieurs reprises que L'Oréal savait très bien gérer les ruptures.
03:46De quelles ruptures est-ce que vous voulez parler ?
03:49Et est-ce que c'est un plus aujourd'hui pour une entreprise, justement, pour aider à l'accélération des femmes, de savoir gérer ces fameuses ruptures ?
03:58Oui, L'Oréal a une forte population féminine dans ses entreprises, donc avoir des congés de maternité, c'est une chose qui est évidemment assez naturelle.
04:08Et il y a un brassage très significatif à ce niveau-là.
04:14C'est vrai que les gens bougent, partent.
04:17Il y a un principe de règle, évidemment, pour que les choses soient organisées.
04:21Mais je dois dire que ces ruptures-là, elles nous font réfléchir, elles nous font avancer.
04:25Et quand on revient, comme on est aussi dans une entreprise qui est prête à prendre des paris avec nous,
04:30s'il y a évidemment des signaux forts de performance dans ces environnements-là, on avance ensemble.
04:34Et parfois même, ces ruptures nous aident à aller plus vite, à réfléchir.
04:39Je pense que les ruptures, elles sont difficiles quand on est au tout début de notre carrière,
04:44parce qu'on se regarde tous, on est tous dans les cinq premières années de vie professionnelle.
04:48C'est hyper important d'avoir atteint tel niveau, tel niveau, tel niveau.
04:52Moi, quand je suis revenue de congé maths, j'ai dû demander à quelqu'un qui avait été embauché le même jour que moi,
04:57partager le même bureau, s'il pouvait devenir mon boss, parce que j'avais besoin d'un job dans son équipe.
05:02Il m'a regardée hyper bizarrement, il m'a dit, Aglaé, tu te rends compte ?
05:05On a passé tant d'années ensemble, tu veux vraiment bosser pour moi ?
05:09Je dis, mais t'inquiète pas, ça va se passer de façon hyper pro.
05:12Quand je lui ai annoncé que j'attendais mon troisième enfant, il me dit, c'est dur quand même.
05:16Toi, tu vas vraiment passer pour l'emmerdeuse.
05:19Et ton mari, par contre, c'est le mec idéal, il a trois enfants, un boulot, une femme.
05:24Et c'était hyper juste.
05:26Et je lui ai dit, tu sais, je ne l'ai jamais vu comme ça, parce que de toute façon, c'est mon choix.
05:30Et j'ai toujours voulu avoir une famille, donc je fonce.
05:34Mais il me dit, c'est fou, je mesure la charge que vous portez par rapport aux hommes.
05:38Donc oui, les ruptures, on les gère et on les gère de façon intelligente pour qu'elles permettent à chacun de continuer l'aventure.
05:50Aglaé, vous avez évolué à l'étranger également au Royaume-Uni, où vous avez dirigé la marque Yves Saint-Laurent.
05:57En quoi est-ce que cette expérience à l'étranger, elle a été déterminante ?
06:01Est-ce que vous avez eu besoin de vous challenger davantage ?
06:05Est-ce qu'une femme a besoin de sortir davantage de sa zone de confort qu'un homme ?
06:11Alors, il y a deux questions.
06:13La première, c'est l'étranger.
06:14L'étranger, à partir du moment où c'est vous qui êtes muté, d'un seul coup, vous prenez la casquette de je suis capitaine de soirée.
06:21Je suis capitaine de famille, je suis capitaine de c'est moi qui prends les rênes.
06:25Donc, d'un seul coup, pour moi, qui ai la chance d'avoir un mari à mes côtés, ça faisait un équilibre qui était une très grosse prise de responsabilité à la fois professionnelle et personnelle.
06:38En plus, pour la petite histoire, tous les enfants n'ont pas eu de place à l'école dès le premier jour.
06:42Donc, je suis partie avec trois sur quatre, dont un bébé de six mois.
06:46Dans l'Eurostar, j'en menais quand même pas loin.
06:47Je me suis dit, bon, qu'est-ce qui va se passer ?
06:51Et en même temps, je voyais l'enthousiasme sur les visages des enfants et puis une nouvelle vie qui se dessine.
06:59Donc, oui, il y a cette partie-là où, d'un seul coup, on fait un choix de carrière entre l'un et l'autre.
07:03Et on a choisi le mien, même si on n'avait jamais eu cette discussion avec mon mari.
07:09Parce que même dans des moments où mon salaire compensait évidemment pas la charge de trois ou quatre enfants, on n'a jamais eu cette discussion.
07:16Mais d'un seul coup, on a mis un coup de projecteur où je me suis dit, oh là là, est-ce que je vais avoir les épaules pour assumer ?
07:23Et c'est vrai que, par exemple, là, l'Oréal a des systèmes pour accompagner votre conjoint, pour essayer de trouver un job dans les positions ou dans les pays dans lesquels on va travailler.
07:34Ça aide à, d'un seul coup, faire baisser la pression et se dire, bon, finalement, je dois penser à est-ce que je suis capable de faire ce job ?
07:40Et dans votre deuxième question, pardon, j'ai oublié.
07:42Est-ce qu'une femme a plus besoin de sortir de sa zone de confort qu'un homme pour prouver qu'elle est capable ?
07:50Je crois que le premier frein de la femme, c'est parfois elle-même.
07:54Parfois, elle se dit, je vais, quelqu'un d'autre pourra le faire mieux que moi.
07:59Et franchement, rien n'est écrit dans cette partie-là.
08:02Et je pense que c'est vraiment, parfois, ce premier frein qui est de se dire, et pourquoi pas moi ?
08:07Pourquoi pas moi ? Le nombre de fois où j'ai des gens dans mon bureau, des collaboratrices, où on se dit, tiens, et toi, pourquoi tu postules pas pour me remplacer ?
08:14Pourquoi tu mets pas ton nom ? Ah non, je pourrais jamais... Mais si, tu vas mettre ton nom.
08:17Moi non plus, j'étais absolument pas... J'avais jamais mis ce job sur ma liste.
08:22Donc c'est aussi de déclencher... Et généralement, on est meilleur pour coacher les autres que pour soi-même, d'ailleurs.
08:27Mais de se dire, oui, on peut le demander. Oui, on doit le demander.
08:32Donc je pense qu'on se met deux fois plus de pression, parce qu'on a vraiment envie, et de ne pas décevoir,
08:38et parce qu'on a un sentiment, quand même, parfois, d'être illégitime, à tort.
08:43Il y a une autre question sous-jacente, il ne nous reste que deux minutes, mais qui est très importante dans votre parcours à GLAE.
08:48Vous avez parlé supréptissement de votre mari. En quoi la notion de couple solide a-t-elle été déterminante dans votre carrière ?
08:57Et si elle a été déterminante, comment est-ce que vous aidez les femmes qui, aujourd'hui, n'ont pas cette solidité,
09:06ces fondations, et qui cherchent quand même à gravir les échelons, parce que la famille monoparentale, c'est un vrai sujet aujourd'hui ?
09:13C'est vrai que j'ai beaucoup de chance, et que je suis sensible au sujet que vous évoquez,
09:20parce que je pense que c'est une nouvelle entaille dans la capacité des femmes à se dire, oui, je peux rêver.
09:27Yes, I can, yes, she can, disait tout à l'heure.
09:31Et souvent, alors malheureusement, sur l'aspect personnel, je ne suis que le manager, il y a plein de choses que je ne peux pas faire.
09:37Je suis une oreille attentive, mais il y a plein de choses sur lesquelles je ne peux pas faire.
09:39Et puis souvent, les gens ont envie d'avoir deux vies.
09:43Il y a une vie professionnelle et une vie personnelle.
09:45En revanche, je me mets un point d'honneur, parce qu'il n'y ait aucune modification de parcours de carrière de ces femmes-là.
09:51Et mon job, quand je sens que ça commence à un peu flancher, c'est de dire, non, non, non, non, il y a trois mois, c'était ce job-là.
09:56Il y a six mois, c'était ce job-là.
09:57Et on va trouver une solution pour y arriver.
09:59Et si jamais c'est une histoire de géographie, c'est une histoire de géographie, c'est une histoire de timing, on va adapter le timing.
10:04Je suis intransigeante sur cette partie-là, parce que je pense que c'est un moteur d'avancer dans la vie.
10:10Et je pense aussi que c'est un moteur de bien-être pour ces femmes-là.
10:14Et aussi parce que je suis sensible à la génération du dessous.
10:18Et je me dis que le cataclysme, évidemment, il est pour ma collaboratrice, mais il est aussi pour les générations du dessous.
10:24Et les filles.
10:24Et les filles de celles qui sont confrontées au cataclysme.
10:27C'est très, très intéressant ce que vous dites.
10:29Et ça, je pense que c'est...
10:30Voilà, forcément, j'ai des enfants maintenant qui sont grands, j'en ai deux à l'université.
10:34Je vois dans leurs amis des gens qui sont obligés, qui sont des jeunes filles talentueuses, qui font des pas en arrière, pour des raisons parfois financières.
10:43Ça me fait vraiment mal au cœur.
10:45Et je me dis des gens très talentueux qui pouvaient aller loin.
10:48Et je ne vois quand même pas l'intégralité de la vie de la France.
10:51Et donc, ce sujet de la famille monoparentale, et ce sujet surtout qui pèse sur les épaules des femmes,
10:57parce que c'est plus de 80% qui sont vraiment sur les épaules des femmes,
11:01repose aussi la question des générations d'après.
11:04Et de ne pas faire des pas en arrière, parce que, initialement, on aura pas semé les bonnes graines.
11:09Et ça, je pense que c'est vraiment un message qu'il faut qu'on ait tous en tête.
11:11Parce que c'est des lames de fond.
11:14Tous les progrès dont on a discuté depuis ce matin, on peut très vite aussi repartir dans l'autre sens.
11:19Donc, la première chose, c'est l'éducation et c'est l'accès à l'emploi.
11:23Merci beaucoup. On restera là-dessus. On est pris par le temps.
11:25Mais c'était absolument passionnant.
11:27Merci d'avoir abordé avec sincérité ce sujet de la famille monoparentale qui est essentiel.
11:32C'est l'éducation et c'est l'éducation essentielle.
11:32C'est l'éducation et c'est l'éducation.

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