Le moustique est responsable chaque année, de près d'1 million de personnes dans le monde, causé en grande majorité par le paludisme. Le continent africain est le plus durement frappé avec 94% des cas. Des chiffres vertigineux qui ne connaissent aucune amélioration. Des ONG se mobilisent pour que les gouvernements africains se réapproprient leurs politiques de santé publique. C'est l'un des objectifs de l'ONG de notre invitée : Olivia Ngou, directrice exécutive d’Impact santé Afrique.
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00:00Nous retrouvons notre invité au cœur de l'info.
00:02Le moustique est responsable chaque année de la mort de 720 000 à 1 million de personnes dans le monde.
00:09Et la grande majorité de ces décès est causée par le paludisme, une maladie due à un parasite.
00:14Le continent africain est le plus durement frappé puisqu'on y enregistre 95% des cas.
00:19Des chiffres vertigineux qui ne connaissent aucune amélioration.
00:23Au contraire, avec le démantèlement de l'aide au développement américain,
00:26on craint une reprise de la maladie et la multiplication de poches de résistance.
00:32Des ONG se mobilisent pour que les gouvernements africains se réapproprient leur politique de santé publique.
00:37Et c'est l'un des objectifs de l'ONG de notre invitée, Olivia Engou.
00:42Bonsoir, vous êtes directrice exécutive d'Impact Santé Afrique.
00:46Concrètement, un enfant meurt du paludisme chaque minute.
00:50L'énoncé, c'est prendre la mesure de l'ampleur de cet enjeu.
00:55Comment expliquer qu'il y ait encore aujourd'hui une telle létalité de ce parasite ?
01:04Alors oui, merci.
01:05C'est très grave qu'aujourd'hui encore, on perd des enfants à cause d'une maladie qu'on peut prévenir et on peut traiter.
01:12Il faut savoir que les enfants de moins de 5 ans sont très fragiles à cause de leur système immunitaire qui se développe encore.
01:19Et lorsque ces enfants sont malheureusement piqués par des anophèles femelles qui donnent le paludisme, ça peut conduire à des anémies très sévères.
01:28Et ça entraîne les décès rapides dans les 48 heures si ces enfants ne reçoivent pas de tests et de traitements appropriés.
01:35C'est pour ça que malheureusement, aujourd'hui, on a encore plus de 265 millions de cas de paludisme avec environ plus de 600 000 décès par an.
01:47Et 17% de ces décès sont les enfants de moins de 5 ans.
01:52Donc c'est vraiment les premières victimes de cette maladie qu'on peut prévenir et qu'on peut guérir.
01:57C'est ça qui est d'autant plus choquant dans ce que vous évoquez, vous venez de le dire à l'instant, c'est une maladie dont on peut guérir.
02:04Et on sait que l'OMS a décidé de mettre en place cette journée internationale pour lutter contre le paludisme en 2007.
02:12Ça commence à faire un moment et les objectifs qui avaient été posés par l'OMS sont très loin aujourd'hui d'avoir été réalisés.
02:23Comment est-ce qu'on explique cette difficulté-là de l'organisation internationale ?
02:30Alors il faut dire que la lutte contre le paludisme, c'est déjà la lutte des pays d'abord, des pays africains, des ministères de la Santé publique,
02:38qui travaillent sans relâche pour mettre fin à cette maladie.
02:41Bon déjà, il faut reconnaître qu'entre 2000 et 2015, on a eu une réduction de plus de 50% des cas de décès du paludisme chez les enfants de moins de 5 ans.
02:50On a fait d'énormes progrès dans le passé avec l'arrivée des nouveaux tests de diagnostic rapide, des nouvelles moustiquaires et d'autres nouvelles innovations.
02:59Ça a permis vraiment de réduire les décès et surtout les financements importants comme ceux du Fonds mondial pour la lutte contre le paludisme,
03:06la tuberculose et le BASIDA et aussi les fonds GAVI qui ont permis d'apporter ces nouvelles innovations.
03:13Malheureusement, depuis 2015, on assiste à des perturbations qui affectent l'atteinte des objectifs de 2030.
03:21Et parmi ces perturbations, on a en premier lieu la résistance.
03:25On a la résistance aux médicaments, aux insecticides et avec les vecteurs et les moustiques qui se développent maintenant
03:33et qui se mutent à chaque fois qu'on découvre des nouveaux remèdes, ces moustiques continuent à se muter et provoquent des résistances.
03:43Ensuite, on a un grand challenge avec les changements climatiques qui provoquent des perturbations en matière de saisons de pluie, par exemple.
03:51Et vous savez que la prolifération des moustiques est directement liée à l'eau.
03:55Donc, avec les inondations, les saisons de pluie et les saisons de pluie qui sont devenues presque imprévisibles.
04:01Là, on assiste à vraiment une remontée de cas dans plusieurs pays.
04:05Ce qui est plus inquiétant, c'est qu'on voit que ces cas sont aussi maintenant arrivés dans des pays qui n'avaient presque plus de paludisme,
04:15dans certaines régions comme le Kenya.
04:17Et on remarque qu'avec le changement climatique, avec les inondations, on commence à retrouver le paludisme dans ces pays-là.
04:24Ensuite, il y a aussi un grand challenge qui est arrivé depuis les années 2015, c'est celui du financement qui n'est pas adéquat et qui n'est pas suffisant.
04:33On est seulement à près de 40% des fonds mondiaux mobilisés nécessaires pour toucher toutes les populations qui sont affectées par le paludisme.
04:43Et vous, vous vous doutez bien que…
04:45Oui, allez-y.
04:46Effectivement, Olivia Ngoo, je vous attends, vous êtes passionnante.
04:48C'est pour ça que je vous laisse nous expliquer tout ça.
04:51Mais sur l'aspect du financement, c'est vrai qu'on va l'évoquer à l'instant, il y a l'arrêt de l'aide américaine.
04:57Vous allez nous expliquer comment cela peut impacter les actions sur place, menées sur place.
05:02Mais déjà, effectivement, cette cause-là, cette lutte-là était sous-financée.
05:06En 2023, les bailleurs internationaux ont consacré seulement 4 milliards de dollars,
05:10alors qu'il faudrait 8 milliards pour apporter de l'aide et sauver ces vies, sauver ces enfants.
05:15Exactement. Et le plus dangereux ou le plus triste, c'est qu'on a des solutions,
05:22mais on n'arrive pas à atteindre toutes les populations.
05:24Les solutions ne sont pas encore assez répandues et assez déployées là où il faut.
05:31Je vous prends l'exemple, par exemple, des nouveaux vaccins.
05:32On a eu l'innovation l'année dernière avec des nouveaux premiers vaccins historiques de lutte contre le paludisme,
05:38mais ces vaccins ne sont déployés que dans certains districts.
05:41Tous les enfants de moins de 5 ans en Afrique ne sont pas encore touchés par ces vaccins par faute de financement.
05:49Donc, d'un côté, on a les outils, on a les solutions.
05:52D'un autre côté, on a des grands défis pour pouvoir déployer ces solutions-là,
05:57mais surtout vers les populations qui meurent à cause de cette maladie qu'on peut prévenir.
06:01Et ces populations sont des populations qui se trouvent dans les zones les plus reculées,
06:05dans des zones rurales, dans des zones où il n'y a pas de centre de santé.
06:08Dans des zones où lorsqu'on est piqué par un moustique et qu'on a 48 heures pour se faire tester et traiter,
06:14on n'a pas de centre de santé et on n'a pas accès rapide.
06:19Parce qu'il faut savoir que le paludisme, c'est une question de temps.
06:22On joue avec le temps.
06:23On n'a que 48 heures pour rapidement se faire traiter de manière efficace.
06:28Et dans ces zones-là où on n'a pas ces médicaments,
06:31où des fois même on n'a même pas les moyens pour pouvoir financer un traitement de paludisme grave,
06:37et bien on va malheureusement perdre des enfants inutilement.
06:43D'où l'importance à ce moment-là que les gouvernements des pays concernés,
06:47les gouvernements africains, prennent le relais et soient présents
06:51et mettent en place un maillage qui n'est pas le seul ressort des ONG ou des associations.
06:57Oui exactement, donc les gouvernements ont vraiment de grands rôles à jouer.
07:03Je vais commencer par les gouvernements africains.
07:05Nos gouvernements doivent absolument augmenter désormais le financement alloué à la santé.
07:11On le dit depuis 2001, depuis la déclaration d'Abouja,
07:14qui demandait aux gouvernements africains d'allouer 15% de leur budget à la santé.
07:20Dans la plupart des pays, on est malheureusement à moins de 5%.
07:24Donc il est vraiment temps que cette augmentation soit réelle d'allocations budgétaires allouées à la santé
07:30pour la lutte contre le paludisme et pour tout le système de santé,
07:33toutes les réformes qui vont concerner même le personnel de santé,
07:36qu'on s'assure vraiment qu'on investisse suffisamment de moyens dans la santé.
07:40Et en plus de cela, nos gouvernements peuvent aussi jouer un grand rôle
07:45pour accélérer déjà la prévention, l'utilisation des outils efficaces,
07:50parce que comme je l'ai rappelé, on a les outils qui sont efficaces.
07:54Maintenant, il faut s'assurer que les populations les utilisent
07:56et il faut mettre beaucoup de moyens dans les programmes de sensibilisation, d'éducation
08:01pour utiliser déjà des outils qui sont efficaces et mettre vraiment l'accent sur la prévention.
08:06Et un autre point, c'est aussi se débarrasser et mettre l'accent sur la destruction des causes du paludisme
08:13et s'attaquer aux causes profondes de ces moustiques-là,
08:16à nos fels femelles qui se développent,
08:18aller maintenant creuser pour étendre des programmes
08:22qui vont permettre de s'attaquer aux gîtes larvaires,
08:26de remettre les pulvérisations intradomiciliaires,
08:29de vraiment mettre en place des programmes qui vont s'attaquer à la cause même du paludisme
08:35et ces programmes environnementaux nécessitent forcément la participation de plusieurs ministères
08:43et plusieurs secteurs.
08:44Alors la lutte contre le paludisme ne peut pas être juste le problème du ministère de la Santé,
08:49le ministère de l'Environnement et l'Habitat, l'éducation, l'agriculture
08:54doivent s'y mettre pour qu'on puisse définitivement mettre fin à cette maladie.
09:00Il faut une synergie effectivement des différents ministères.
09:03Ce que l'on comprend aussi, c'est que ce n'est pas qu'une lutte africaine.
09:08Ce n'est pas circonscrit de ce que vous disiez tout à l'heure justement.
09:11Il y a des poches de résistance qui se mettent en place.
09:13Donc ça nous concerne tous aujourd'hui.
09:17Oui, alors bien que 90% des cas de paludisme se retrouvent dans un continent qui est l'Afrique,
09:23il faut savoir que la lutte contre le paludisme ne doit pas juste être un problème africain
09:27ou une lutte africaine parce que malheureusement les moustiques n'ont pas de frontières
09:32et on assiste à une propagation de la résistance.
09:38Si on ne peut pas maintenir et vraiment adresser la riposte paludisme en Afrique de manière efficace,
09:44on va se retrouver dans quelques années à avoir des résistances,
09:47à avoir des moustiques qui pourront donner le paludisme à des personnes
09:51et on n'aura pas de traitement efficace pour cette maladie-là.
09:57Et imaginez-vous, si on n'arrive pas à contenir ce problème,
10:01très rapidement il va devenir un problème de sécurité mondiale et de sécurité sanitaire mondiale.
10:07Donc ce n'est pas vraiment un problème africain.
10:09C'est pour ça qu'en même temps, il est très important que les gouvernements des pays extérieurs
10:15continuent, ne relâchent pas les efforts maintenant.
10:18Après avoir investi pendant 40-50 ans, après avoir découvert toutes ces innovations-là,
10:25ce n'est pas le moment de relâcher les efforts
10:28parce que malheureusement, pendant ce temps, le moustique ne nous attend pas.
10:32Il va se développer, il va se muter, il va devenir plus résistant
10:36et on risque de se retrouver avec une maladie pour laquelle on n'aura pas de traitement du tout.
10:42On entend, Olivia Ngu, votre mobilisation, votre détermination,
10:48on voit bien à quel point vous vous appuyez sur cette communauté,
10:51vous êtes impliquée auprès de ces communautés.
10:54Comment réagissent les politiques que vous interpellez ?
10:57Est-ce qu'ils répondent à votre appel ?
11:01Alors, de manière très surprenante, les leaders politiques avec lesquels on travaille
11:05répondent très favorablement une fois qu'on leur donne les informations clés
11:09parce qu'on s'est rendu compte qu'ils n'avaient pas vraiment beaucoup d'informations.
11:12Donc, beaucoup pensaient qu'avec l'arrivée des vaccins, avec l'arrivée des moustiquaires,
11:16le périodisme, c'était une maladie déjà presque du passé.
11:21Et lorsqu'on leur donne des évidences venant du secteur de la recherche
11:25qui sont très, très, très alarmants sur les résistances,
11:28sur les nouveaux vecteurs même qui sont en train de se développer,
11:31comme la Nophel-Steven-6 qui commence à piquer en milieu uber
11:34et pour lequel on n'a pas encore de traitement,
11:37lorsqu'on remarque déjà, lorsqu'on leur donne les informations clés,
11:43alors ces leaders commencent à nous écouter
11:45et commencent à vouloir absolument mettre en place des actions concrètes.
11:53Par exemple, on a maintenant aujourd'hui les parlementaires
11:56qui vont se réunir la semaine prochaine au Ghana
11:59et qui ont décidé de former la coalition des parlementaires africains
12:04pour mettre fin au paludisme en Afrique.
12:06Et ça, ce sera une grande première.
12:08Et un de leurs objectifs, ce sera justement d'assurer
12:10l'augmentation de la mobilisation des fonds domestiques
12:14et ensuite assurer maintenant qu'il y ait des écosystèmes africains
12:18favorables à des solutions locales pour la lutte contre le paludisme,
12:24mais aussi à s'assurer que les solutions actuelles,
12:27telles que la nouvelle moustiquaire imprégnée à double insecticide,
12:33les nouveaux vaccins, les nouveaux traitements,
12:35que ces nouvelles innovations soient déployées
12:38vers les populations qui en ont besoin.
12:40Je vous remercie beaucoup, Livia Ngu.
12:42Je rappelle que vous êtes directrice exécutive d'Impact Santé Afrique.
12:44Merci pour vos actions, votre détermination,
12:47pour la parole que vous portez pour ces populations,
12:50pour que ces enfants, ces femmes et ces hommes
12:52ne soient pas des statistiques, mais qu'ils puissent être sauvés.
12:55On comprend l'importance de ces journées aussi pour mobiliser
12:58les acteurs qui travaillent sur le sujet.
13:01Merci à vous.