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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Chers amis, j'ai longuement hésité avant d'ouvrir pour vous ce dossier aujourd'hui.
00:16J'ai longuement hésité car ce n'est pas une affaire courante.
00:21Bien qu'elle mette simplement en scène un homme et une femme avec toutes les difficultés classiques du couple,
00:25elle est plus compliquée car derrière cet homme il y a un pays et derrière cette femme il y a un autre pays.
00:35Plus exactement une civilisation et une autre.
00:39Et si j'ai hésité c'est que la plupart du temps lorsqu'on parle de civilisation différente,
00:44on en arrive à un mot qui ne me plaît pas plus qu'à vous, le racisme.
00:49Le racisme, tout le monde en parle, certains le vivent, beaucoup en meurent et des pays entiers en souffrent.
00:57Mais, avant toute chose, le racisme c'est d'abord un mot dont la définition dans nos encyclopédies européennes,
01:04bien que précautionneuse, dit bien ce qu'elle veut dire.
01:07La voici.
01:09Système qui attribue une supériorité à une race sur les autres.
01:15Bien entendu, nos encyclopédies s'empressent d'ajouter que, du point de vue moral,
01:20le racisme est contraire aux idées d'humanité, de justice, de fraternité, de charité, d'égalité,
01:27de dignité de l'homme et de respect de la personne humaine.
01:32Bien entendu, mais le mot est là, et les faits aussi, malheureusement.
01:37Alors j'ai finalement décidé d'ouvrir ce dossier et je me permettrai, en le refermant tout à l'heure,
01:41de vous donner deux opinions différentes à son propos,
01:44celle de quelqu'un qui a préparé ce dossier et connaît bien, je dois le dire,
01:48les deux civilisations qui vont s'affronter, et la mienne.
01:51Je vous réserve, à vous qui m'écoutez, l'opinion la plus difficile,
01:55celle des jurés, autrement dit, à vous de juger.
01:59Nous sommes en 1923, l'une des années folles dans le monde comme à Londres.
02:24À Londres, il existe à cette époque un endroit fou, fou, fou, où se rencontrent les heureux, les riches,
02:30les désœuvrés, les duchesses et les fils de rois, le Savoy Hotel.
02:35Dans l'un des grands salons, à l'heure du déjeuner, les petites tables regorgent du scintillement de l'argenterie,
02:41des lumières de cristal et des bijoux de femmes.
02:44On parle, on rit, on discute de choses sans importance avec le plus grand sérieux.
02:49Les voix sont feutrées, élégantes, la musique douce.
02:54Le chef d'orchestre, en queue de pie, fait le tour des tables, son violon vissé sous le menton,
03:00courbant le dos vers les décolletés, un sourire de commande aux lèvres.
03:05Il s'approche d'une table.
03:07Les plats sont intactes, une jeune femme l'occupe.
03:11Elle est jeune, très belle.
03:12Une merveilleuse robe de lamée, une fourrure, négligeablement jetée sur les épaules,
03:18des yeux très grands, très bleus, des bijoux de reine,
03:23mais un regard désespéré.
03:27Le chef d'orchestre a l'habitude.
03:29Ce n'est sûrement pas grave.
03:31Rien n'est grave dans tout ce luxe.
03:33La jeune femme est seule.
03:35L'homme n'est pas venu au rendez-vous.
03:36Petite déception sentimentale, sans doute.
03:39Il se penche, au-dessus des cheveux blonds, savamment bouclés.
03:45« Si vous le permettez, madame, mon orchestre est à votre disposition.
03:49Avez-vous un air favori ? »
03:52La jeune femme lève la tête en sursautant.
03:56On dirait qu'elle sort d'un rêve, brutalement.
03:59Puis, elle semble réaliser ce qui se passe, où elle est, et ce qu'on lui demande.
04:05L'homme, toujours courbé, infiniment aimable, attend.
04:08Il attend qu'on lui réponde « Jouez-moi, valse de Vienne » ou n'importe quoi d'autre.
04:14Mais le silence s'étire.
04:16Et lorsque la jeune femme le ronde, une voix claire, mais sans expression,
04:20c'est au tour du chef d'orchestre de sursauter.
04:23« Je vous remercie beaucoup, mais mon mari a décidé de me tuer dans les 24 heures,
04:29et je n'ai pas le cœur à écouter de la musique. »
04:35Quand on est chef d'orchestre au Savoie, depuis aussi longtemps que Ronald Milton,
04:39on en a entendu d'autres.
04:40Pourtant, Dieu sait le nombre d'excentriques qui hantent les salons de l'hôtel.
04:44Mais ça, ça, le chef d'orchestre ne l'a jamais entendu.
04:48La jeune femme n'ajoute rien et son regard se perd à nouveau dans le vague.
04:52Alors, avec le fruit d'une longue habitude, Ronald Milton s'incline profondément en répliquant
04:58« Je souhaite que vous soyez ici demain, à la même heure, madame. »
05:04En reprenant son violon et son air compassé, il s'éloigne discrètement.
05:09Quelques minutes plus tard, la jeune femme est rejointe par son mari.
05:13Aucun doute à ce sujet, c'est bien le mari.
05:15Il porte une alliance, la jeune femme aussi,
05:17et une certaine tension s'établit entre eux dès qu'ils sont ensemble.
05:22De loin, les employés de l'hôtel perçoivent les éclats polis mais violents d'une discussion entre eux.
05:28L'homme veut danser, sa femme ne veut pas.
05:31Il insiste assez brutalement avec un manque de courtoisie
05:34que n'arrive pas à dissimuler son smoking impeccable et sa silhouette de dandy.
05:38La jeune femme a l'air très en colère.
05:40Manifestement, il se passe à cette table quelque chose de beaucoup plus sérieux
05:43qu'une simple querelle d'amoureux.
05:45À un moment même, on entend distinctement la voix de la femme
05:49qui domine presque le flot des violons.
05:51« Si vous insistez, je vous casse la bouteille sur la tête ! »
05:56Le drame, car il y aura drame,
05:58se passera effectivement 24 heures plus tard, au cours de la nuit suivante.
06:02Il est inévitable.
06:04Seuls, bien sûr, les deux partenaires le savent.
06:08Il est temps maintenant, avant qu'éclate définitivement cette situation,
06:12d'une façon d'ailleurs qui vous surprendra,
06:13il est temps de vous expliquer pourquoi elle va éclater de vous présenter ce couple étrange
06:18qui va justifier mon préambule de tout à l'heure.
06:22Elle, tout d'abord.
06:23C'est une Française, Marguerite Laurent.
06:27Jeune parisienne de 20 ans, belle, intelligente,
06:30issue d'une famille bourgeoise
06:30qui, à l'époque déjà, à l'avant-garde de la libération des mœurs,
06:34accordait à sa fille une liberté exceptionnelle.
06:37C'est en profitant de cette liberté que Marguerite avait rencontré l'homme de sa vie.
06:42Une réception, au printemps de 1922, dans les jardins de l'ambassade égyptienne à Paris.
06:49Lui, il a 22 ans, il est égyptien et très riche.
06:55Fils d'un ingénieur célèbre dans son pays, fondateur d'une association philanthropique,
06:58le père avait reçu des autorités égyptiennes le titre de B.
07:02Et à sa mort, son fils, Fami, avait hérité du titre et d'une fortune considéra.
07:07Fami vit comme un prince.
07:11Il est attaché d'ambassade à Paris, élevé dans les collèges anglais, rompu à la civilisation européenne.
07:16Rien ne laisse deviner une différence possible de culture et de mentalité
07:20entre ce seigneur égyptien et un lore anglais.
07:23Oxford fabrique tous les jeunes gens qui lui sont confiés sur un modèle standard,
07:28les munis de la même cravate, de la même distinction à toute épreuve
07:31et du même vernis anglais.
07:34On peut dire que Fami est un honorable produit d'Oxford,
07:37avec le charme oriental en plus.
07:40Pour vous le décrire physiquement, je ne vois qu'un personnage,
07:43un acteur de cinéma qui fait battre les cœurs des dames depuis quelques années déjà,
07:47Omar Sharif, même visage volontaire et doux à la fois,
07:50regard de feu ou de velours, élégance du geste, beauté hautaine, tout y est.
07:56Lorsque le sombre Fami a rencontré la Claire Marguerite,
07:59le coup de foudre a éclaté avec une violence telle, une passion si incontrôlable,
08:04qu'ils n'ont pas réfléchi ni l'un ni l'autre à leurs différences extrêmes.
08:07D'ailleurs, on aurait eu beau le leur dire, qu'ils n'y auraient pas cru.
08:11Beaux tous les deux, intelligents et libres tous les deux,
08:13et amoureux, quoi de plus normal et de plus dangereux aussi.
08:19Marguerite et Fami passent ensemble un été merveilleux de Deauville à Biarritz,
08:23de Casino en Bâle.
08:24L'automne les ramène à Paris éblouis,
08:27et lorsque le jeune homme repart pour l'Égypte,
08:29Marguerite ne supporte même plus l'idée d'une séparation.
08:32Elle le rejoint au Caire, où elle l'épouse en septembre 1922.
08:36L'incident dont je vous parlais au début dans les salons de l'hôtel Savoy
08:42se situe exactement dix mois plus tard, en juillet 1923.
08:47En dix mois de vie commune, le monde va basculer pour l'un comme pour l'autre.
08:52La Française et l'Égyptien vont apprendre à se connaître
08:56et à se haïr aussi violemment qu'ils saient.
08:59Je pense très sincèrement en ce qui me concerne que cet affrontement
09:02se serait produit de toute façon entre ces deux personnalités si différentes,
09:06en dehors même de tout contexte de race et de civilisation.
09:09Fami est un homme trop entier, trop fier, trop volontaire et trop dominateur.
09:12Marguerite est une femme trop entière, trop fière, trop volontaire et trop dominatrice.
09:17Entre deux êtres qui finalement se ressemblent à ce point et qui s'aiment à ce point,
09:21les étincelles sont inévitables, surtout après le coup de foudre traditionnel
09:24qui aveugle complètement les deux partenaires.
09:27Mais je dois reconnaître que la différence fondamentale qui existait à l'époque
09:31et qui existe encore sur la conception de la femme orientale et européenne
09:35ne pouvait qu'envenimer les choses.
09:44Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
09:49Ce qui se passe ce jour-là au Caire, le matin du fastueux mariage
09:53de Marguerite Laurent et de Fami, baie d'Egypte,
09:56nous l'avons appris par des correspondances que la police retrouva à l'époque
09:59et par des témoins.
10:00Notamment l'un d'entre eux, Saïd Enani,
10:04secrétaire particulier de famille, confident, ami, âme d'année même,
10:09dont le principal rôle semble avoir été celui de maintenir à tout prix son jeune maître
10:13dans le respect des traditions arabes,
10:16avec peut-être un peu trop de fanatisme et d'efficacité.
10:19Marguerite débarque dans une ville inconnue
10:23qui n'a rien de tout ce qu'elle aurait pu imaginer.
10:25Elle y débarque le jour même de son mariage,
10:28attirée dans un guet-apens qu'elle ignore
10:30et dont elle serait incapable de comprendre le sens si elle le connaissait.
10:34En effet, elle a reçu un télégramme de son amant
10:36qui a motivé son départ précipité de Paris.
10:39Ce télégramme, c'est le secrétaire qui l'a envoyé au nom de son maître
10:42et il dit ceci,
10:43« Je suis gravement malade et crains que mes jours ne soient en danger.
10:47Je veux t'épouser maintenant.
10:49Viens, le temps presse.
10:51Aucun homme au monde ne pourrait t'aimer comme je t'aime. »
10:55Or, ce n'est pas vrai, famille n'est pas malade,
10:57mais son roué secrétaire lui a conseillé cette astuce
11:00pour attirer la jeune femme au caire et activer le mariage.
11:04Au cours d'un interrogatoire, beaucoup plus tard,
11:06le juge d'instruction demandera à Saïd et Nani,
11:08« Mais pourquoi avez-vous employé ce subterfuge ?
11:12Puisqu'ils s'aimaient tous les deux,
11:13elles seraient venues de toute façon. »
11:16Le plus important était de lui faire abandonner sa religion catholique,
11:19de la convaincre de devenir musulmane
11:21et d'accepter le contrat de mariage selon nos règles.
11:24Mais quelles règles ?
11:25Chaque homme a le droit de répudier sa femme
11:27si elle a cessé de lui plaire.
11:30Il fallait que Marguerite renonce à un droit quelconque de divorce.
11:33Une femme ne doit rien posséder, rien décider, rien exiger,
11:37le mari et le maître.
11:40Marguerite ne sait rien, bien sûr.
11:42Elle n'imagine même pas que son amant soit capable
11:45de se laisser convaincre d'une ruse pareille.
11:48Elle se rend compte, bien sûr, que son époux n'est pas malade,
11:51mais il avoue, « Je t'aime trop, je ne pouvais plus attendre.
11:54Pardonne-moi, épouse-moi aujourd'hui, la fête est préparée.
11:57Mon palais n'attend plus que toi. »
11:59Malgré cet enthousiasme, cette folie, cette précipitation
12:02qu'elle s'acharna à mettre sur le compte de l'amour,
12:05Marguerite a peur dès ce premier jour.
12:08En une seconde, elle se sent dépersonnalisée.
12:11On l'habille, on s'empresse autour d'elle.
12:14Elle n'a plus rien à commander ni à décider.
12:16La robe est là, étrange et séduisante, brodée d'or.
12:20Les parfums sont imposés, les bijoux aussi.
12:22Une nuée de femmes l'entourent, dont elle devine mal les fonctions.
12:26Servante, cousine, sœur, esclave, maîtresse.
12:31La même admiration les confond toutes devant son mari,
12:34qui lui semble tout à coup inconnu, vêtu des vêtements traditionnels.
12:39Lorsqu'elle signe devant des hommes empressés le contrat de mariage,
12:42qui fait d'elle une chose répudiable et sans bien personnel,
12:46elle sait déjà que rien ne sera plus comme avant que.
12:48C'est elle qui va devoir s'adapter, s'aider, comprendre.
12:54Elle sent que tout le monde attend, et son mari le premier,
12:57qu'elle devienne quelqu'un d'autre, qu'elle devienne une femme musulmane.
13:02Mais il est trop tard.
13:04Le tourbillon a fait son œuvre.
13:08Marguerite Laurent est devenue l'Allah Famille,
13:11ce qui n'a rien à voir avec Madame Famille, traduction littérale, mais fausse.
13:16Voilà.
13:17La vie qu'elle va connaître désormais dans cette ville, des mille et une nuits,
13:20va devenir insupportable pour son éducation, son intelligence de française
13:23et le respect qu'elle a de sa condition de femme.
13:28Le Nil n'a rien à voir avec la Seine,
13:30les 400 mosquées de Touloun, d'Aran ou d'El Hazard,
13:33avec Notre-Dame, les murs de la citadelle du Caire,
13:36ne sont pas les Champs-Élysées.
13:39Le secrétaire, l'efficace Saïd et Nani,
13:41harcelé de questions par le juge d'instruction britannique,
13:43n'ira plus tard que Marguerite ait reçu de mauvais traitements,
13:46des menaces ou que son mari l'ait réduite en esclavage.
13:49Mais au cours du procès,
13:51un certain nombre de documents faisant partie de la correspondance privée
13:54de Famille, son mari, circulèrent entre les mains du jury.
13:58L'une de ses lettres, adressée par Famille à sa sœur, disait ceci.
14:01« En ce moment, je suis en train de faire son éducation.
14:05Hier, par exemple, je ne me suis pas présenté ni au déjeuner ni à dîner.
14:09Je l'ai également laissé seul pendant le concert de musique orientale.
14:11J'espère ainsi qu'elle apprendra à respecter mes désirs.
14:16Avec les femmes, il s'agit de se montrer énergiques
14:19et de ne rien leur concéder. »
14:22Ce dressage dont parle souvent Famille tourne à la catastrophe.
14:25Marguerite ne cède pas ce révolte
14:27et sa résistance atteint une sorte de paroxysme
14:30lors d'un voyage à Londres,
14:32le premier depuis son mariage,
14:33où elle retrouve brutalement la civilisation qui est la sienne,
14:36où elle se reconnaît à nouveau en tant qu'individu
14:38parmi d'autres individus.
14:40Elle récupère son personnage, sa force, son caractère.
14:43En un mot, à Londres,
14:44elle est « Madame Famille » et elle a des droits.
14:47En une journée à l'hôtel,
14:49les choses se précipitent.
14:51Si elle dit si froidement au chef d'orchestre du Savoy,
14:54« Mon mari a décidé de me tuer dans les 24 heures »,
14:57c'est parce qu'elle en est convaincue.
14:59En effet, la veille au soir,
15:00au cours d'une querelle plus violente que les autres,
15:02son mari s'est de nouveau écrié
15:04« Si tu ne cèdes pas,
15:06je jure sur le Coran que je te tuerai,
15:08que tu mourras de ma main. »
15:10Or, il y a dans un tiroir de la chambre de son mari
15:13un pistolet, lourd,
15:16parfaitement entretenu, chargé en permanence
15:17et menaçant.
15:20Le couple vient maintenant
15:21de quitter le salon de l'hôtel Savoy
15:23et de regagner ses appartements.
15:26Les portes claquent,
15:27des éclats de voix jaillissent
15:29jusque dans le couloir.
15:30Les domestiques n'osent guère intervenir au Savoy,
15:33les clients sont rois
15:35et la discrétion est de rigueur.
15:38Le soir tombe.
15:40Après quelques temps de calme inquiétant,
15:42la querelle reprend.
15:44L'une des fenêtres de l'appartement est ouverte.
15:48Un coup de feu claque !
15:50Nouveau silence.
15:52Puis,
15:53un autre coup de feu plus étouffé.
15:57Et le silence revient.
15:59Définitivement.
16:00L'histoire courte et violente
16:05de ce mariage difficile
16:06entre l'Égyptien Fami
16:07et la jeune Française Marguerite Laurent
16:09vient de se terminer brutalement
16:11sur le somptueux tapis
16:13d'un appartement du Savoy de Londres.
16:16Un corps sans vie
16:18y est allongé.
16:20Celui de Fami,
16:22époux dominateur,
16:25en effet,
16:26c'est l'esclave
16:26qui a tué son maître.
16:28Meurtre par accident,
16:31d'ailleurs,
16:31beaucoup plus que prémédité,
16:33Marguerite,
16:33menacée d'être battue,
16:34a saisi le revolver,
16:35a tiré par la fenêtre
16:36pour faire peur à son mari,
16:37le faire reculer.
16:38Il n'a pas reculé.
16:40Et dans un mouvement instinctif,
16:42elle a retourné l'arme sur lui
16:43en tirant une deuxième balle.
16:44Ce crime passionnel au cours du procès
16:47va pourtant prendre une couleur
16:48de racisme
16:49et d'incompréhension
16:50entre les avocats anglais
16:52pour la défense de Marguerite,
16:53égyptiens pour la partie civile
16:55au nom de la famille Dubé.
16:59Marguerite est acquittée
17:00pour la passion d'abord,
17:02la défense audacieuse
17:03de son avocat ensuite.
17:05Voici la fin de la plaidoirie
17:06de Sir Edouard Maral.
17:08La grande erreur
17:10de Marguerite Laurent
17:11est la pire
17:11que puisse commettre
17:12une femme européenne,
17:13épouser un oriental.
17:15Il est de notoriété publique
17:17que les orientaux
17:17traitent leur femme
17:18d'une façon
17:19qui n'a aucun rapport
17:20avec celle
17:21qu'attend une occidentale
17:22de son mari.
17:24Il y avait aussi
17:25une lettre importante
17:26écrite par Marguerite
17:26en janvier 1923,
17:28plusieurs mois avant le drame,
17:29à l'homme d'affaires
17:30de sa famille en France.
17:31Moi, Marguerite Laurent,
17:33j'accuse formellement
17:34au cas où je viendrai
17:35à décéder,
17:36Ali, B, famille,
17:37d'être responsable
17:38de ma mort.
17:39Il a juré sur le Coran
17:40de se venger sur moi
17:41si je ne cédais pas
17:42complètement à tous ses désirs.
17:44Je dois périr
17:44de sa main
17:45dans trois mois,
17:46dans huit jours,
17:46demain peut-être.
17:47Il a prêté ce serment
17:48sans aucun motif déterminé,
17:50ni par jalousie,
17:51ni après une scène,
17:52ni à la suite
17:53d'un mauvais comportement
17:54de ma part.
17:55Je désire
17:55et je réclame justice
17:57pour moi
17:57et l'enfant qui est né.
18:01Cet acquittement,
18:02approuvé à l'unanimité
18:04par la presse londonienne,
18:05provoqua une violente réaction
18:07de la part de l'Ordre
18:08des avocats égyptiens
18:09qui adressa
18:10au premier procureur
18:11de la Couronne
18:11un télégramme
18:13de protestation
18:13libellée ainsi.
18:15Nous accusons
18:16Sœur Éloire Maral,
18:18avocat de Mme Famille,
18:20d'avoir insulté
18:21par ses généralisations
18:22tous les hommes d'Égypte
18:24et du Proche-Orient.
18:25Le Caire,
18:26en septembre 1923.
18:27Je vous l'ai dit,
18:31je crois très sincèrement
18:32que ce drame
18:33entre époux
18:34aurait pu se dérouler
18:36sans l'affrontement
18:37de l'Orient
18:37et de l'Occident.
18:39Ces deux êtres impulsifs
18:40et passionnés
18:41ne sont pas uniques,
18:41ils auraient pu être
18:42tous deux chinois,
18:43belges, américains,
18:44peu importe.
18:45Ils se ressemblaient trop
18:46pour s'aimer sans drame.
18:48Je ne pense pas
18:48que chaque mariage
18:49entre deux êtres
18:50de races différentes
18:51et de civilisations différentes
18:53soit obligatoirement
18:54un échec,
18:55surtout à notre époque.
18:56Mais je dois vous livrer
18:57une autre opinion,
18:58celle d'une femme
18:59qui a vécu ce problème
19:00et connaît aussi bien
19:00l'Orient que l'Occident
19:02dans ce domaine.
19:03Elle pense, cette femme,
19:04que la réussite
19:05dans ce domaine
19:05est une exception,
19:06dont elle connaît
19:07peu d'exemples,
19:08un seul, même à sa connaissance,
19:10qui a réuni deux êtres
19:11si équilibrés,
19:12si calmes,
19:13si intelligents,
19:13si foncièrement humains
19:14et compréhensifs,
19:15qu'ils ne peuvent être
19:16que l'exception
19:17qui confirme la règle.
19:18Et comme, dans tout jugement,
19:19il faut tenir compte
19:20des deux plateaux de la balance,
19:22je me devais
19:23de les équilibrer
19:26carnellement.
19:37Vous venez d'écouter
19:39les récits extraordinaires
19:40de Pierre Bellemare,
19:41un podcast
19:43issu des archives d'Europe 1.
19:46Réalisation et composition musicale
19:48Julien Tarot.
19:50Production Estelle Lafon.
19:52Patrimoine sonore
19:53Sylvaine Denis,
19:55Laetitia Casanova,
19:56Antoine Reclus.
19:58Remerciements à Roselyne Bellemare.
20:00Les récits extraordinaires
20:01sont disponibles sur le site
20:03et l'appli Europe 1.
20:05Écoutez aussi le prochain épisode
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