Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 30 avril 2025 : l'historien Luc Mary. Il publie "Tuer Hitler : les 42 tentatives d'assassinat du Führer", chez Talent Éditions.
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00:00Bonjour Luc-Marie. Bonjour Elodie.
00:02Vous êtes historien spécialiste principalement et pendant longtemps de l'Antiquité.
00:06Vous avez d'ores et déjà publié plus de 51 ouvrages sur des pans de l'histoire assez divers et variés.
00:10C'est le regard tourné d'abord vers les étoiles et l'univers que vous avez démarré avec aussi un intérêt profond
00:16pour les événements des effets historiques majeurs, les petites histoires qui font la grande histoire, comme dirait l'autre.
00:21Les personnalités qui ont d'ores et déjà eu un impact sur le monde vous ont toujours intéressé.
00:25Donc évidemment on va aborder Elon Musk un court instant par exemple à qui vous avez consacré deux ouvrages
00:31pour comprendre le profil de cet homme que vous décrivez comme un surdoué sur le plan technologique
00:35et un sous-doué sur le plan humain, ce qui a le sens du futur, des affaires mais effectivement pas celui de l'humain.
00:42Et force est de constater que même si certains disent que vous avez raison, vous n'avez pas complètement tort.
00:49Aujourd'hui vous vous attaquez Adolf Hitler. Votre livre est passionnant.
00:52Il s'intitule « Tuer Hitler, les 42 tentatives d'assassinat du Führer » chez Talent Editions.
00:57Alors au premier abord on pense que c'est une fiction, un peu, à la manière d'Eric Emmanuel Schmitt.
01:03Et non, les faits sont réels, renseignés.
01:05Ce qui frappe le plus quand on lit ces 275 pages, c'est que la plupart qui ont tenté ça étaient allemands,
01:13souvent seuls, pas dans une organisation.
01:15Et c'est d'ailleurs sans doute par moments ce qui a fait capoter les tentatives.
01:22Quelles affaires avec un S finalement, Luc-Marie ?
01:25Oui, je suis attaqué à Hitler.
01:28En fait, ce n'est pas Hitler vraiment qui m'intéressait à travers ce sujet,
01:31c'est l'histoire d'une Allemagne qu'on a oubliée, de l'autre Allemagne,
01:35celle qui a dit non à Hitler entre 21 et 45, et plus spécialement entre 33 et 45,
01:40puisqu'on a tenté à 42 reprises de tuer le Führer.
01:45Alors de cette Allemagne, donc, qui voulait tuer Hitler pour tuer le nazisme,
01:50il ne voulait pas refaire un nazisme visage humain en disant que Hitler avait fait du tort au nazisme.
01:55Non, Hitler avait fait du tort à l'Allemagne et aux Allemands.
01:58Et donc ce qui m'a intéressé, c'est de voir qu'il n'y avait pas de portrait type,
02:04véritablement, du tyrannicide en herbe.
02:06Ça concerne toutes les couches de la société et toutes les strates de la société,
02:12aussi bien des hommes d'église, des militaires, des menuisiers, des ouvriers,
02:17que des conservateurs, que des hommes politiques, et spécialement des militaires d'ailleurs.
02:23Alors dans ce livre, je parle de 42 attentats, mais en fait, il y en a 32 qui concernent les Allemands.
02:29Donc il y a une résistance aux nazis.
02:32Mais il y a quand même dix attentats qui ont été perpétrés par des étrangers,
02:37notamment un Suisse, Maurice Baveau, qui a d'ailleurs été décapité.
02:41Qui s'appelait l'affaire Baveau.
02:42L'affaire Baveau.
02:43Et il y a deux Juifs américains, également, qui ont tenté de tuer Hitler,
02:48mais ils ne sont même pas passés à l'acte.
02:50Ils ont été arrêtés avant même de passer à l'acte.
02:53Il y a aussi trois tentatives de la part des services secrets britanniques.
02:57Une tentative de la part des Russes, via Olga Tchékova, la nièce même de Tchékov,
03:03qui devait l'empoisonner.
03:05Elle n'est pas passée à l'acte non plus.
03:07Et enfin, un macédonien.
03:11Donc, on peut dire que le gros noyau est allemand.
03:15Et c'est cette résistance allemande qui m'intéresse.
03:18Vous démarrez en citant Hitler, avec une phrase qu'il a donnée.
03:24Il a dit « Je suis convaincu que rien ne m'arrivera, car je connais la grandeur de la tâche
03:28pour laquelle la Providence m'a choisi. »
03:31Lui-même était convaincu qu'il était un élu indestructible.
03:34Il était invincible.
03:35Il l'a surtout crié, le jour même où il a frôlé la mort.
03:39Deux fois, il a frôlé la mort.
03:41Je dirais une fois.
03:42Une fois, véritablement, le 20 juillet 1944, lors de l'opération Walkiri,
03:46où seulement une bombe sur deux a explosé.
03:49Et là, il en a subi des séquelles quand même.
03:52Paralésie d'un bras, d'une main, des tremblements, etc.
03:57Cela étant, la Providence l'a protégé.
04:01Et on peut dire que cette histoire est aussi, je raconte, le triomphe également du hasard,
04:06des imprévus, des aléas, etc.
04:09Et d'autre côté, ça raconte aussi trois faillites.
04:13La faillite du professionnalisme,
04:15parce que tous ces attentats ont absolument été improvisés.
04:19La faillite de l'anticipation.
04:22Par exemple, la plupart des acteurs isolés imaginent l'attentat,
04:26mais ensuite, ils n'imaginent pas l'après-attentat.
04:29Pour reparler de Bavaud, après son attentat,
04:32il est reparti en Suisse en resquiant,
04:36en n'achetant pas un billet de train.
04:38Et tant est si bien qu'il a été arrêté,
04:40avec une arme en plus sur lui.
04:41Et la faillite également de la coopération
04:45entre les services secrets britanniques, notamment,
04:49et la résistance allemande.
04:50Il n'y a absolument pas eu de contact entre les résistants allemands
04:53et le SOE, le principal service secret anglais.
04:58L'envie de faire disparaître le Führer,
05:00on peut imaginer, avant d'ouvrir cet ouvrage,
05:02qu'il correspond à des dates, en tout cas des années,
05:07après le moment où il est arrivé au sommet du pouvoir.
05:11Et pas du tout.
05:13C'est ce que vous racontez.
05:14Ça commence à partir de 1921.
05:16Alors, dès 1921, il y a un premier attentat.
05:20Et ce qu'on peut parler d'attentat,
05:22il aurait échappé lors d'une bagarre dans une brasserie
05:24où il tenait un discours.
05:26Quelqu'un lui aurait tiré dessus.
05:27Mais un acteur qui n'a jamais été retrouvé.
05:31On n'a même pas retrouvé les douilles.
05:33Donc, ensuite, il y a eu un empoisonnement
05:35dans un hôtel luxueux de Berlin.
05:39Tous les convives ont été empoisonnés, sauf lui.
05:43Et alors, il y a deux grandes vagues d'attentats,
05:45pourrait-on dire.
05:46Il y a une grande vague en 1938-1939.
05:50Ce sont des attentats perpétrés par la Wehrmacht,
05:52qui ne veut surtout pas entrer en guerre.
05:54Parce qu'on estime que ce serait la destruction de l'Allemagne.
05:59Et là, c'est le fameux plan austère.
06:02Et Hans Auster, qui est général au sein de l'ABVER,
06:05le service de renseignement allemand,
06:06prend contact avec les Anglais.
06:09Il demande aux Anglais de taper du poing sur la table,
06:12de déclarer la guerre à l'Allemagne, mais sans la faire.
06:15Pour faire peur aux Allemands.
06:17Pour provoquer un coup d'État.
06:18Et les Anglais, eux, n'entrent pas du tout
06:20dans ce style de combinaison.
06:23De combinaison.
06:24C'est-à-dire qu'en 1938, nous sommes encore dans le souvenir
06:26de la Première Guerre mondiale.
06:28Le pacifisme, à outrance, l'emporte sur le militarisme.
06:32On ne veut surtout pas s'engager dans un nouveau conflit.
06:35C'est la première raison.
06:37Chamberlain comme Daladier sont pacifistes avant tout.
06:40Il est des alliés, finalement.
06:41Et la deuxième raison, c'est qu'on estime qu'Hitler est moins dangereux que Staline.
06:47En bref, Hitler, c'est le rempart face au communisme qui lui fait peur.
06:53La peste brune est préférée au péril rouge.
06:56Le plus grand thermomètre qui est mis en exergue dans cet ouvrage
07:00restent quand même, effectivement, ces hommes de main, ceux de la Wehrmacht.
07:06Et la bataille de Stalingrad, des dégâts collatéraux,
07:09à quel point elle a été très symbolique et très importante
07:12dans la chute d'Hitler et dans la remise en question
07:14de ses décisions, de sa vision du monde
07:18et de sa vision de la solution finale.
07:20Ah oui. Alors, Stalingrad,
07:22c'est la plus grande bataille
07:24de la Seconde Guerre mondiale
07:25et même peut-être de l'humanité.
07:27Un million de morts en huit mois.
07:29C'est un très petit nombre de kilomètres carrés.
07:32Oui. Stalingrad,
07:33c'est la grande défaite
07:35de la Wehrmacht. C'est le grand tournant de la guerre.
07:38Après Stalingrad, les Allemands n'avancent plus.
07:40Ils reculent. Ils reculeront jusqu'à Berlin.
07:43Et après Stalingrad,
07:44la Wehrmacht sait que,
07:45et surtout après la bataille de Kursk,
07:48les Allemands savent qu'ils ne peuvent plus gagner la guerre.
07:50Donc, la meilleure solution,
07:52pour éviter des représailles alliées
07:54certainement monstrueuses
07:56quand ils découvrons la Shoah,
07:57quand ils découvrons les camps de concentration,
07:59la meilleure solution,
08:01c'est d'abattre le Führer.
08:03Et Walkiri,
08:05Walkiri entre dans ce sens-là.
08:09Malheureusement, ça va être un échec total.
08:11Le Stoffenberg fait exploser,
08:14certes, sa bombe,
08:14mais seulement une bombe sur deux
08:16parce qu'il a été pris de vitesse
08:17dans le bunker même d'Hitler.
08:19Enfin, ce n'était pas le bunker,
08:20mais c'était un autre barraquement
08:21où les fenêtres étaient ouvertes,
08:23alors l'effet de souffle était moins grand.
08:24Il est reparti de la tanière du loup
08:28en étant persuadé qu'il avait tué Hitler.
08:31Et il est arrivé à Berlin en disant
08:32qu'il faut faire le coup d'État.
08:33Mais malheureusement pour lui,
08:35le général From, lui,
08:37est resté fidèle à Hitler.
08:41Et d'ailleurs,
08:42ce problème de loyauté aussi,
08:43c'est aussi la loyauté prussienne.
08:45Les Allemands n'aiment pas les coups d'État.
08:50Pour eux, il y a un problème de conscience,
08:52un espèce d'écartèlement
08:53entre la conscience morale
08:55qui est celle de tuer un piran
08:57et la conscience politique
08:58selon laquelle on ne peut pas tuer un homme
09:01à qui on a prêté un serment de fidélité,
09:04voire d'allégeance totale.
09:06Et pour les Allemands,
09:07le coup d'État et l'assassinat politique
09:10n'entrent pas dans leur mœurs.
09:12Pour terminer, comme toutes les spéculations,
09:16Yvon Bontrain,
09:17comment est-il mort, Hitler ?
09:20Alors moi, je crois à la thèse officielle.
09:23Il s'est empoisonné.
09:25Enfin, il a pris une capsule de cyanure,
09:27plutôt.
09:28Et dans le même temps,
09:30il s'est tiré une balle dans le crâne,
09:32ainsi qu'Eva Braun.
09:33Et ses corps, les corps ont été brûlés par la suite
09:35parce qu'il ne voulait surtout pas,
09:37ni vivant ni mort,
09:38être exposé devant ses ennemis.
09:44Parce que deux jours plus tôt,
09:45il avait entendu parler du...
09:48Enfin, il avait entendu parler
09:49de l'exécution de Mussolini.
09:50On avait exposé les corps de Mussolini
09:52et de sa femme
09:53dans un garage de Milan,
09:55pendu par les pieds.
09:56Alors il ne voulait surtout pas
09:57que son corps soit souillé par la foule
09:59et surtout par des Juifs
10:00ou des Soviétiques,
10:02qu'il méprisait littéralement.
10:04Donc je pense qu'Hitler
10:05n'a pas survécu à la guerre.
10:08Il est bien mort le 30 avril 1945.
10:10Il n'a pas été assassiné
10:12malgré 42 tentatives.
10:13D'ailleurs, les tyrans ne sont jamais assassinés.
10:15Les tyrans ne sont jamais assassinés.
10:17Staline n'a pas été assassiné.
10:18Mao n'a pas été assassiné.
10:19En revanche,
10:20les réformateurs
10:20comme Alexandre II de Russie
10:22qui a aboulé le servage en 1881,
10:25lui a été assassiné.
10:27Donc les tyrans sont invulnérables,
10:29il faut le dire.
10:29On les aura jusqu'à la fin.