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Jeudi POPUP! Rencontre animée par Alex Masson, journaliste.

Né au Cambodge en avril 1975, Tian arrive en France en 1980. Diplômé des Arts décoratifs de Strasbourg, il signe avec L’Année du lièvre un récit sensible, en trois tomes, de la vie sous le régime sanguinaire des Khmers rouges.

Dans le cadre de la thématique Qui se souvient du génocide cambodgien ?

Plus d'infos : https://www.forumdesimages.fr/qui-se-souvient-du-genocide-cambodgien

Enregistré au Forum des images le 17 avril 2025.
Transcription
00:00:00Et puisqu'on parle de séance, je crois que vous vouliez nous montrer un petit avant-goût,
00:00:14un teaser d'un des albums pour introduire.
00:00:17Oui, c'est ça.
00:00:30Je me souviens que les trois mois de chantier à Komponton, c'est très très pénible sous le soleil,
00:00:56plus de 40 degrés, c'est loin du village, loin de la famille, on est séparé des enfants
00:01:04et on ne mange que deux fois en bol de soupe de riz, c'est très très difficile.
00:01:12Et après, j'ai demandé l'autorisation d'aller se baigner et j'ai profité, cherché des coquillas, des moules,
00:01:21parce qu'il y en a beaucoup, j'ai mis ces coquillas-là sous mon chapeau et je m'allonge.
00:01:31Et la fille, elle, elle est méchante, la chèvre, elle est venue soulever le chapeau
00:01:38et elle a vu les coquillages derrière.
00:01:43Et à ce moment-là, j'ai eu peur.
00:01:51C'est la voix de qui qu'on entend ?
00:02:06C'est la voix de mon père.
00:02:09Et en fait, c'est une anecdote qui m'a marqué parce qu'il me l'a raconté.
00:02:12Alors, il me disait, quand il était au chantier, c'est-à-dire qu'on réquisitionnait les forces vives,
00:02:19c'est-à-dire les jeunes, surtout les hommes, à aller creuser des digues, à faire des barrages en plein cagnard.
00:02:27Donc, vous imaginez, il fait entre 40 et 50 degrés, en fait, où le sol, il est complètement dur.
00:02:38Et il fallait creuser un mètre cube par jour, en fait, de trous pour faire cette digue.
00:02:44Et il me disait qu'il avait entendu que quand on était malade, on mangeait deux fois plus.
00:02:50Et du coup, il a fait semblant d'être malade.
00:02:53Et en étant malade, il voit qu'on mange deux fois moins, en fait, parce que le régime disait,
00:02:57si vous êtes malade, vous n'avez pas d'appétit.
00:02:59Donc, ça ne sert à rien de vous donner deux fois plus à manger.
00:03:01Et du coup, il s'est fait avoir.
00:03:04Et à ce moment-là, il se dit, bon, je vais aller mieux quand même.
00:03:07Donc là, il se dit, maintenant que je vais mieux, est-ce que je peux aller me baigner ?
00:03:13Et en se baignant, il en profite pour ramasser des coquillages.
00:03:16Et c'est à ce moment-là qu'il se fait espionner par une milice.
00:03:23Et elle ne dit rien.
00:03:26Et puis, tous les soirs, en fait, il y a un rassemblement pour juger nos propres actes.
00:03:31Faire l'autocritique.
00:03:31Faire l'autocritique.
00:03:33Et lui, il ne dit rien.
00:03:35Et puis, le chef, il dit, voilà, on est généreux avec le peuple.
00:03:42Et il y en a toujours qui abusent de cette générosité en allant manger au-delà de ce qu'on leur donne.
00:03:49Et lui, il s'est senti visé.
00:03:51Il s'est dit, comment je vais m'en sortir ?
00:03:54Si je ne dis rien, ils vont me tuer.
00:03:58Et donc, il a pris la parole et il a dit, écoutez, je comprends, en fait.
00:04:05Il disait, j'allais mieux.
00:04:07Et si j'ai décidé de me nourrir, c'est pour servir deux fois plus le peuple.
00:04:13Et du coup, il a été sauvé comme ça.
00:04:19Parce qu'après, au retour, ils notent.
00:04:22Ils notent et ils mettent à l'écart des gens, en fait, qui vont être exterminés plus tard.
00:04:28Donc, il y a deux différents groupes.
00:04:30Et ils voient qu'il y a des groupes qui se détachent.
00:04:35Voilà.
00:04:36Et donc, c'est à la fois comique, entre guillemets, la situation, parce qu'elle paraît absurde.
00:04:41Mais à la fois, je trouve que c'est tellement terrible d'être confronté à un pouce levé, à un pouce bas, juste pour cet acte de survie.
00:04:50Voilà.
00:04:50Je trouvais que c'était important.
00:04:52Alors, ne vous inquiétez pas.
00:04:54C'est ce qu'on dit à chaque fois, à Haïté, en fait, en Cambodgien, que les Khmer Rouges utilisent, en fait, pour envoyer se faire tuer.
00:05:02Aujourd'hui, c'est une date quand même un peu particulière, puisque le 17 avril, sauf erreur de ma part, c'est la date anniversaire pile des 50 ans de la prise de Phnom Penh par les Khmer Rouges.
00:05:14Mais ça pose une question d'emblée qui sont d'où viennent.
00:05:17J'allais dire ces albums, mais non, c'est clairement un triptyque, c'est vraiment un récit à part entière, qui donc, pour ceux qui ne l'auraient pas perçu,
00:05:27mais je pense que vous l'avez compris, sont un récit qui raconte la trajectoire d'une famille de la prise de Phnom Penh sur plusieurs années.
00:05:37Mais d'où ça vient l'envie de faire ces albums-là au départ ?
00:05:41Qu'est-ce qui vous a donné l'envie de se dire ?
00:05:42En quoi c'était important pour vous, à un titre personnel ou peut-être à un titre de devoir de mémoire collective, de faire ces albums-là ?
00:05:51Alors tout d'abord, les souvenirs que j'avais, j'en avais très peu de souvenirs de ces événements,
00:06:02puisque je suis né trois jours après les événements.
00:06:05Et j'avais l'impression que les cinq premières années de ma vie, j'avais que quelques images, peu de souvenirs.
00:06:14Et mes souvenirs ont commencé à être présents au moment où je suis arrivé en France en 80.
00:06:24J'avais cinq ans et demi.
00:06:27Et c'est en essayant un petit peu d'aller chercher ces souvenirs-là que j'ai eu l'idée d'interroger mes parents.
00:06:37Parce qu'en fait, mon père, il a cette qualité d'être très bavard sur cette histoire-là, mais avec les autres,
00:06:44mais pas avec forcément ses propres enfants.
00:06:46Peut-être parce qu'il avait souhaité préserver aussi.
00:06:53Du coup, quand j'étais enfant, j'entendais parler des petites anecdotes de l'histoire du Cambodge avec les Khmers Rouges,
00:06:59mais en fond, en fait, en arrière-fond.
00:07:03Et je me souviens de la sortie de Killing Field, en fait, La déchirure.
00:07:09La déchirure en français.
00:07:10Et c'est à partir de ce film-là, en fait, la bande-annonce de ce film que je savais placer le Cambodge dans une carte.
00:07:24Parce que je ne connaissais pas du tout le Cambodge.
00:07:27Mes parents ne me parlaient pas du tout de ce pays, de ce qui s'est passé.
00:07:31Et c'est en allant chercher tout ça, petit à petit, en interrogeant mes parents.
00:07:38Mais je suis allé un petit peu en forcing au départ, que j'ai commencé à connaître un peu toute cette histoire.
00:07:46Vous allez dessiner quand vous le sentez, selon votre humeur.
00:07:50On va peut-être basculer avant sur le PC pour qu'on voit quelques planches des albums.
00:07:58Donc ça, c'est une des planches, je crois même que c'est une des premières qui ouvre le premier album.
00:08:02Chaque chapitre s'ouvre justement par un repère documentaire, par un repère cartographique.
00:08:11Il y a une idée de quelque chose de très documenté.
00:08:14Mais quand vous disiez votre père était très bavard sur la question, il y a quand même cette idée, souvent, chez des gens qui ont vécu de tels conflits,
00:08:21par pudeur ou par post-traumatique, de masquer les choses.
00:08:26Est-ce que ça a été facile de trouver suffisamment de documentation, de trouver suffisamment de détails ?
00:08:33Alors, en termes de documentation, je suis allé chercher dans les journaux du Monde à cette période.
00:08:41Et il y avait des auteurs cambogéens qui ont abordé le sujet.
00:08:50Je me suis documenté à travers leurs ouvrages pour voir aussi si le vécu de mes parents coïncidait aussi avec leur vécu.
00:08:58Et j'ai remarqué que, oui, tous les Cambogéens sont passés par là, en fait, sont passés par la rééducation.
00:09:04Et le témoignage de mon père collait bien avec le film La déchirure ou bien d'autres romans aussi.
00:09:16C'est quelque chose qui m'a touché.
00:09:24Et quand j'ai demandé à mon père si ça l'intéressait de me témoigner, en fait, de raconter un peu toute l'histoire de A à Z,
00:09:36il me dit mais ça sert à quoi ?
00:09:38Il m'a dit ça, il m'a dit ça, ça sert à quoi ? Ça n'intéresse personne, en fait, cette histoire-là.
00:09:42Et ceux qui sont intéressés n'ont pas envie d'en parler.
00:09:46Et ça m'a travaillé, sa question.
00:09:50Et je pense qu'il a dû peut-être me tester aussi pour savoir si j'allais jusqu'au bout des choses.
00:09:59Et je me suis dit que s'il n'était pas là, ou la mémoire, en fait, elle est éphémère, en fait, quand il s'agit de parler ou de transmettre.
00:10:14Et je trouvais que le livre, la bande dessinée, c'était un support qui pouvait être intéressant aussi pour marquer la mémoire définitivement.
00:10:23Parce que finalement, quand il ne sera plus là, ou si sa mémoire n'est plus là, c'est difficile de le transmettre.
00:10:34J'avais besoin de l'enregistrer, de connaître son histoire, de pouvoir le retranscrire aussi, d'être au plus juste de son témoignage.
00:10:44À la différence près que, quelque part, vous êtes aussi dépositaire par ricochet de cette histoire.
00:10:50Parce que donc, vous êtes né là-bas au moment où ça arrive.
00:10:53Mais il y a un côté où ça aurait peut-être été plus facile en étant extérieur à cette histoire de la raconter.
00:11:01Est-ce qu'on se sent une charge, justement ?
00:11:03Parce que là, clairement, ce que vous avez indiqué, c'est l'idée de laisser une trace pour les générations suivantes et les gens qui auront oubliés.
00:11:10Parce que c'est vrai qu'il y a eu une amnésie au bout d'un moment sur certains conflits.
00:11:12Mais est-ce que ça, ce n'est pas un poids supplémentaire ?
00:11:17C'est l'idée, quelque part, d'avoir la responsabilité de raconter une histoire qui vous est finalement à la fois très collective et très intime.
00:11:23Oui. Je me suis beaucoup posé la question, en fait, de comment j'allais aborder le sujet.
00:11:30Et c'est vrai que la plupart du temps, on a la référence de Maus, de Art Spiegelman ou de Marjan de Satrapie pour Persepolis.
00:11:39Ensuite, il y a soit un sujet autobiographique où on se met en scène, ou comme Maus, où on va interviewer la personne qui a vécu.
00:11:49Et comme moi, je n'ai pas vécu directement dans le sens où j'étais bébé, donc après, sur mes cinq premières années, je n'ai pas eu de souvenirs.
00:11:58Il fallait que je trouve une forme de narration personnelle, mais à la fois qui soit juste et à travers les yeux de mon père,
00:12:09qui était un point important dans la survie aussi de ma famille, parce qu'il a été acteur de pas mal de choses.
00:12:20J'ai trouvé que c'était judicieux d'embarquer le lecteur, en fait, à travers son regard, son point de vue.
00:12:29Alors, bien sûr, j'ai interviewé aussi ma tante et mes oncles, mais celui qui a beaucoup parlé, c'est mon père.
00:12:37Et je trouve qu'à travers le regard de mon père, je peux aussi me projeter moi-même, étant à son âge.
00:12:43Avoir un enfant dans des conditions comme ça, c'est très difficile et je revisite un homme avant tout, avant d'être un père à travers son témoignage.
00:12:56Et ça, ça fait quelque chose.
00:12:59Il y a des cases où je suis très ému de dessiner et ça me faisait pleurer parce que j'ai l'impression de revisiter le passé
00:13:09et de refaire vivre des personnages qui sont morts maintenant, mais qui vivent à travers cet album.
00:13:16Donc, il y a comme un...
00:13:19C'est comme une machine à explorer le temps, enfin, à explorer le passé.
00:13:23Et c'est quelque chose de particulier comme émotion.
00:13:29Vous avez mentionné Maos et Persepolis, mais qui sont des albums qui ont quelque chose de particulier.
00:13:35C'est-à-dire que dans Maos, il y a l'idée de personnaliser les personnages par des animaux.
00:13:41Dans Persepolis, il y a un récit avec un dessin qui est quand même particulier.
00:13:46Comment ça s'est passé pour vous, cette idée justement d'avoir un album qui, effectivement, est souvent très documenté
00:13:50avec des parties qui sont écrites et qui sont vraiment une espèce d'état des lieux de l'époque
00:13:54et en même temps une narration à côté ?
00:13:57Comment est-ce que vous avez trouvé le bon style graphique pour vous ?
00:14:01Alors, le bon style graphique, il se trouve au départ à travers mes études.
00:14:09En fait, je fais l'école des arts décoratifs de Strasbourg.
00:14:13Et cette école nous enseigne beaucoup la narration avant de trouver un style.
00:14:18Ce n'est pas une école qui va vous former absolument à être un très bon dessinateur.
00:14:23Bien que le dessin soit aussi un outil indispensable, mais c'est avant tout raconter une histoire.
00:14:30Donc, pour moi, c'était le plus important.
00:14:33Et après, j'ai eu la chance d'être accompagné par un groupe dans ma promo de passionnés de BD.
00:14:40Et à cette époque, en fait, il y avait un éditeur indépendant qui s'appelle l'Association
00:14:49qui offrait la possibilité aux dessinateurs de tester plein de choses, d'avoir une ouverture graphique très riche.
00:14:57Et je faisais partie de cette dynamique-là d'étudiants qui découvraient toutes les possibilités
00:15:03qui pouvaient se faire en bande dessinée.
00:15:04Et donc, je me suis exprimé dans cette dynamique-là.
00:15:08Et j'aime beaucoup le trait lâché, le dessin.
00:15:12Et c'est comme ça que j'ai pu trouver mon style d'écriture graphique.
00:15:17Et je trouve que ça colle bien à la narration parce que quand on parle d'histoires tragiques,
00:15:26très difficiles à vivre, le dessiner de manière réaliste, je trouve que c'est lourd.
00:15:33C'est lourd pour le lecteur, c'est lourd aussi à porter.
00:15:38Et la bande dessinée, le dessin, il a la particularité d'avoir un filtre qui vous permet justement de prendre l'essentiel et pas tout prendre.
00:15:49Et donc, ce filtre-là nous permet justement de mieux digérer les événements qui se passent.
00:15:54Alors après, moi, je suis de caractère pudique.
00:15:58J'aime exprimer les choses de manière plus subtile.
00:16:02Et montrer l'horreur pour l'horreur de façon gratuite, c'est un peu exposer des choses qui n'ont pas forcément un grand intérêt à la narration.
00:16:13Je trouve que les personnes ont un imaginaire et j'ai envie d'aller chercher cet imaginaire-là, aller stimuler aussi cette tension qu'il y a dans l'imaginaire de chacun.
00:16:23Parce que moi, j'ai une vision de l'horreur qui peut peut-être être différente de la vision de l'horreur des autres.
00:16:28Et comment aller toucher le cœur des gens à travers cette horreur-là sans donner une direction.
00:16:37Ça, je trouve que c'est la manière la plus difficile.
00:16:41Et donc, la bande dessinée me donne cette liberté-là d'offrir la liberté aux gens de voir l'horreur à leur manière.
00:16:50À la différence près que ce conflit-là a quelque chose de très particulier dans le sens où il y a eu une extermination.
00:16:57Donc, il y a eu effectivement des actes très violents, mais il y a eu aussi un processus psychologique de rééducation de la population.
00:17:04Quand vous disiez l'idée de ne pas vouloir affronter certaines choses sur cette planche-là, par exemple,
00:17:10il y a quand même, malgré tout, à certains moments, des scènes violentes graphiquement, mais parce qu'il n'y a pas le choix.
00:17:15C'était aussi la réalité de ce conflit.
00:17:16Mais c'était quoi la limite ?
00:17:18À quel moment vous disiez ça, je peux effectivement l'illustrer, ça, je ne peux pas ?
00:17:22Alors, ça, ça vous fait rire parce que c'est vraiment un casté de chinois.
00:17:26Voilà, c'est du coup.
00:17:28Parce qu'en fait, vous voyez, c'est en trois tomes, mais ce n'est pas moi qui l'ai voulu.
00:17:31Moi, je l'avais un peu estimé sur 360 pages.
00:17:36C'est drôle parce que ça fait vraiment une vision à 360.
00:17:39Je l'avais découpée en trois parce qu'on m'avait imposé une pagination qui était de 120 pages.
00:17:46Et c'est très difficile de combiner dans le scénario des scènes d'action par rapport à d'autres scènes.
00:17:53Parce que mon père, quand il m'a raconté cette histoire, il y avait beaucoup, beaucoup de scènes d'horreur ou des scènes difficiles à supporter.
00:18:01Mais il fallait faire le tri sur les 120 pages.
00:18:04Il suffit que vous fassiez une scène d'action et tout de suite, vous avez déjà une dizaine de pages qui est consommée.
00:18:10Donc, comment trouver cet équilibre ?
00:18:12Et je l'ai partagé en trois par rapport à ça parce que déjà, 360, je divise en trois, ça fait 120, c'est direct.
00:18:23Et le premier tome, en fait, c'était le départ.
00:18:26Le départ où on voit des hommes en action, une famille en action parce qu'il fallait fuir le régime ou il fallait trouver une porte de sortie quelque part.
00:18:36La deuxième période, le deuxième tome, c'est la période où on est vraiment au cœur du régime parce que c'est comme un piège qui se referme derrière vous, où vous n'avez plus le choix.
00:18:48Vous êtes catapulté dans un village, vous êtes dans une idéologie, vous êtes dans un système.
00:18:54Et le troisième tome, c'est la fuite.
00:18:56Donc là, c'est vraiment très marqué.
00:18:58Et à travers ça, il y a une recherche aussi d'intensité qui monte.
00:19:07Le premier tome, vous voyez, ça monte, ça monte.
00:19:09Le deuxième, vous êtes au sommet d'une tension.
00:19:12Et le troisième, ça commence un peu à descendre.
00:19:15Et j'avais en mémoire comme un système cardiogramme.
00:19:21Comment on dit là ?
00:19:22Les électrocardiogrammes.
00:19:23Voilà. Et pour moi, le scénario, il est important dans ce sens-là où on part d'un point A à un point B.
00:19:30Le début de l'histoire et la fin, mais entre le point A et le point B, il y a des émotions qui arrivent.
00:19:38Et ces émotions-là, j'avais envie de le partager au lecteur.
00:19:41Et j'ai commencé à faire un cardiogramme comme ça d'intensité.
00:19:48Et chaque scène qui amenait à l'intensité, là, j'étais un peu plus bavard.
00:19:53Mais il ne fallait pas trop en mettre parce qu'au final, je n'avais pas envie d'énumérer le nombre d'actions horribles.
00:20:00Je voulais juste aussi ponctuer de façon précise pour qu'on puisse sentir l'attention quand même.
00:20:09Et ça, c'est un jeu d'équilibre entre le nombre de planches et les situations.
00:20:16Alors, mon père, en fait, quand j'ai dit que je voulais faire la bande dessinée, il disait, mais tu vas perdre ton temps.
00:20:25Je veux dire, ce n'est pas un métier. Il faut trouver autre chose.
00:20:29Et quand je l'ai fait, cette BD-là, ma grand-mère, avant de mourir, l'a vu.
00:20:36Et elle a tourné une page où on voyait les gens partir du marché.
00:20:40C'était sur cette page-là. Je ne sais pas si...
00:20:42Peut-être qu'on peut passer sur la caméra, effectivement, pour voir cette page-là.
00:20:45Cette page-là où on prévient la population qu'il va y avoir un bombardement américain et qu'il faut fuir le pays.
00:20:52Voilà. Cette scène-là, j'ai essayé vraiment d'être le plus...
00:21:00Alors, je ne dis pas plus réaliste, mais au plus près, en fait, de ce qu'ont vécu toutes ces personnes qui ont dû sortir, quitter l'hôpital quand on est malade.
00:21:13Enfin, c'est une évacuation brutale.
00:21:15Et vous imaginez Paris, toute l'île de France, évacuée en trois jours.
00:21:22Donc, c'est énorme.
00:21:24Et ma grand-mère, elle est tombée sur cette scène-là.
00:21:27Et elle a dit, oh, c'est le marché et tout, je me rappelle, on était là.
00:21:31Et là, déjà, pour moi, ça m'a fait des frissons parce que je me dis,
00:21:35ah oui, en fait, je n'ai pas vécu vraiment la scène parce que je n'étais pas encore né.
00:21:39Moi, je suis né au deuxième chapitre ou trois, je ne sais plus.
00:21:43Mais ces scènes-là, en fait, ma grand-mère les a vécues et ça l'avait transporté.
00:21:48Et c'est là où je me suis dit, c'est la magie de la BD parce qu'elle, elle ne lit pas le français, mais elle voit les images.
00:21:55Donc, pour moi, il y avait comme une espèce de reconnaissance directe.
00:22:00Et c'est là où je me dis, bon, la bande dessinée, c'est quand même quelque chose de magique.
00:22:04Donc, faire transmettre ça, faire partager des émotions pour ma grand-mère qui ne parle pas le français, c'est génial.
00:22:13Et mon père, qui a vu ce premier tome, il a dit, c'est incroyable parce que vers ma naissance, je crois que ça doit être là.
00:22:24Il disait, mais comment tu as pu faire cette scène alors que tu étais bébé ?
00:22:31J'étais là. Je n'étais pas là. Enfin, tu n'étais pas là. Si, quand même beaucoup.
00:22:36Et c'est à ce moment-là où il s'est dit, en fait, il a fait un travail qui peut être hyper intéressant.
00:22:43Il faut que je l'aide. Je l'aide.
00:22:46Alors, le deuxième tome, il était tellement présent que j'ai dû me détacher de lui.
00:22:51Parce qu'il a dit, mais ce n'est pas comme ça que ça se passe.
00:22:54Là, par exemple, tu aurais dû...
00:22:55Et c'est là où on réalise que ce n'est pas si évident que ça de faire une bande dessinée avec quelqu'un qui a vécu la scène.
00:23:05Parce que cette personne, elle a envie de retranscrire la réalité.
00:23:09Alors, je ne dis pas que toutes les scènes ou toute l'histoire, elle n'est pas réelle.
00:23:16Je ne dis pas ça.
00:23:16C'est que c'est très subtil de faire un mélange parce que c'est comme un film.
00:23:21C'est-à-dire qu'on est obligé, à un moment donné, de trouver des synthèses, de trouver une partie de la fiction sans altérer le fil narratif.
00:23:30Par exemple, il y a une scène où ça concerne deux personnes, mais j'ai dû le faire en une seule personne parce que c'était trop bavard sinon.
00:23:38Donc, il faut trouver cet équilibre d'économiser des pages ou de faire des ellipses, tout ça.
00:23:44Vous parliez de fil narratif, sauf qu'il y a une profusion de personnages dans cette bande dessinée qui fait que c'est une vraie pelote de fil narratif.
00:23:54Comment, puisque vous parliez de ponctuation, comment est-ce qu'on gère ça ?
00:23:57Alors là, je suppose qu'effectivement, la place de votre père et de votre grand-père était peut-être plus importante.
00:24:02Mais comment est-ce qu'on distribue le récit entre les multi-personnages de manière à ce qu'ils existent,
00:24:08mais sans non plus que ce soit trop confus et que le lecteur puisse s'y retrouver ?
00:24:11Alors déjà, moi, je ne me suis pas retrouvé au départ.
00:24:13D'où l'arbre généalogique.
00:24:15Parce que la famille est beaucoup plus nombreuse que ça.
00:24:17Et j'ai dû, par exemple, pour cette famille rose-là, qui ont tous péri,
00:24:22ils étaient plus nombreux.
00:24:25Ils étaient plus nombreux et c'était très difficile de tous les faire.
00:24:31Donc déjà, on se noie un petit peu avec les personnages au départ.
00:24:35Ce n'est pas évident.
00:24:37Ils sont tous asiatiques.
00:24:38Pour les européens, c'est un peu dur peut-être de se faire reconnaître.
00:24:41Et heureusement que j'ai donné quelques repères de visage.
00:24:45Mais à la base, on était beaucoup plus nombreux.
00:24:49Mais il fallait, voilà, c'est là aussi une partie de fiction.
00:24:54Mais j'ai essayé de préserver au maximum le film narratif.
00:24:59Et je trouve que je m'en suis assez bien sorti dans le sens où ça tombait pile dans les paginations qu'avait souhaité Gallimard pour la collection.
00:25:15Il y a deux axes dans cette bande dessinée qui sont en fait deux organisations.
00:25:24Je veux dire qu'il y a l'organisation des Khmer rouges et leur idéologie, mais il y a aussi l'organisation d'une famille.
00:25:31Pareil.
00:25:31Comment est-ce qu'on entremêle ça sans que, comment est-ce qu'on trouve l'équilibre ?
00:25:37Parce que les deux sont tout aussi importants, parce que ça pourrait très bien être l'histoire d'une famille sans ce conflit.
00:25:43En l'occurrence, ce conflit a une importance.
00:25:45Mais les deux, ce sont des récits parallèles quasiment.
00:25:49Alors oui, là quand vous me dites ça, je pense, alors je ne sais pas si beaucoup de gens ont visité l'Asie, surtout l'Asie du Sud-Est.
00:25:59Quand vous vous promenez dans la rue, en fait, vous voyez plein de fils électriques qui s'entremêlent comme une grosse bobine.
00:26:07C'est un vrai bordel.
00:26:08Donc la famille cambodgienne, c'est un peu ça en fait.
00:26:11C'est-à-dire que c'est un vrai bordel dedans et il faut vraiment venir tisser.
00:26:15Enfin, il faut venir vraiment tirer un fil pour connaître la partie familiale.
00:26:24Et pour moi, en fait, ça a été une grande réflexion aussi sur le fil narratif.
00:26:32C'est-à-dire que le premier tome, on parle beaucoup de...
00:26:40Enfin, c'est l'action, c'est le déplacement, c'est toute une logistique.
00:26:44Vous imaginez toute une famille qui essaye de fuir sans la voiture, avec un bébé et puis beaucoup d'affaires.
00:26:55Donc il fallait avoir beaucoup d'idées pour pouvoir transporter toute la famille avec une grand-mère qui se déplace difficilement.
00:27:04Donc il y a beaucoup de scènes où on voit les hommes se mettre en action sur le premier tome.
00:27:12Et sur le deuxième tome, on voit beaucoup les femmes œuvrer pendant que les hommes sont au travail, sont épuisés aussi par le travail.
00:27:22Et on m'a dit un jour que pendant la Seconde Guerre mondiale, c'était pareil.
00:27:32C'est-à-dire que les hommes étaient en action, les femmes, quand il y avait une sédentarisation ou quelque chose qui était beaucoup plus installé,
00:27:40c'était les femmes qui œuvraient beaucoup plus pour la survie des hommes, donner aussi, partager aussi leur nourriture et tout.
00:27:46J'ai pensé à ça et quand j'ai interviewé mes tantes, ma grand-mère, c'était pareil.
00:27:52Et je voulais marquer chaque tome par le rôle des hommes et des femmes.
00:28:00Donc le premier tome, c'est beaucoup les hommes.
00:28:03Le deuxième tome, c'est beaucoup les femmes.
00:28:07Ma grand-mère, elle m'a beaucoup aidé.
00:28:12Quand j'étais petit, j'étais mis dans une garderie gardée par des enfants de 10 ans.
00:28:17Donc une vraie garderie.
00:28:19Et mes tantes se sont débrouillées pour faire semblant d'être malades, cacher une cuillère pour me nourrir.
00:28:27Ma grand-mère, elle voyait que je ne mangeais pas parce que j'étais avec des inconnus, je ne les connaissais pas.
00:28:33Et du coup, se débrouillait pour aller trouver un petit peu de riz brûlé, de la casserole, de la cuisine pour me nourrir.
00:28:43Donc j'ai des souvenirs comme ça de femmes, de tantes ou de grand-mères qui m'ont beaucoup aidé.
00:28:52Et je trouvais qu'il fallait, comment dire, c'est comme une dédicace, mais comme un hommage.
00:29:06Voilà, un hommage parce que c'est important.
00:29:09C'est important.
00:29:10Et puis après la fuite, on retrouve un petit peu le mélange des acteurs, autant des femmes que des hommes.
00:29:18Il y a quelque chose, et on le voit même sur ces trois couvertures-là, c'est que vous avez mentionné beaucoup l'idée d'une évacuation, d'une mouvement.
00:29:24Mais l'idée d'une mouvement de manière globale, elle est là tout au long.
00:29:28C'est-à-dire qu'il y a très peu de cases, en fait, où on est dans des moments de répit.
00:29:32Il y a vraiment une idée de mouvement physique, mais aussi de mouvement mental qui est au cœur de ce récit-là.
00:29:38Est-ce que c'est quelque chose qui a été instinctif ou dicté par les événements, en fait ?
00:29:43Ou c'est quelque chose sur lequel vous avez mis soin, justement, d'être dans cette idée du mouvement en permanence ?
00:29:48Alors, je me rends compte que, oui, ça c'est une idée, enfin, c'est une question intéressante.
00:29:54Il y a beaucoup de choses où je l'ai fait de manière instinctive.
00:30:00Notamment, par exemple, pour les couleurs ou pour cette idée de mouvement.
00:30:03Parce qu'à travers le témoignage de mon père, c'est que du mouvement.
00:30:08La vie, c'est du mouvement.
00:30:09Et pour survivre, il fallait que ça soit en mouvement.
00:30:12Et donc, de toute façon, la mort, elle est là quand il n'y a plus de mouvement.
00:30:20Donc, j'ai remarqué d'ailleurs que mon père, par exemple, était moins traumatisé que ma mère parce qu'il était en mouvement.
00:30:27Il était en action.
00:30:28Il était tout le temps dans la survie.
00:30:30Il avait une responsabilité.
00:30:32C'était nous.
00:30:33C'était...
00:30:35Alors, je fais un bref parcours de mon père.
00:30:39Lui, c'est un fils d'agriculteur, un exploitant agricole.
00:30:44Et il avait déjà cette habitude de vivre à la campagne, de travailler à la campagne.
00:30:50Donc, il savait comment survivre dans ces...
00:30:53Alors, la campagne, vous imaginez à cette époque où il n'y a pas l'eau courante et l'électricité.
00:30:58On est quasiment dans un village où il fallait se débrouiller.
00:31:02Et surtout, pour la population des villes qui sont beaucoup plus désavantagées, dans le sens où, dans l'idéologie, c'est que vous allez trimer.
00:31:11Vous allez trimer plus que nous parce que vous ne connaissez pas.
00:31:14Vous ne connaissez pas comment nous, on a enduré les difficultés de la vie.
00:31:18Donc, mes parents, du côté de ma mère, c'était des bourgeois qui avaient l'habitude de vivre en ville, qui n'ont jamais travaillé la terre.
00:31:30Donc, ça a été très difficile pour eux.
00:31:32Et mon père, lui, il était en mouvement parce qu'il savait se débrouiller.
00:31:38Il était malin.
00:31:39Et il a aidé pas mal comme ça pour...
00:31:45Donc, oui, le mouvement, c'est la vie.
00:31:47Donc, il y avait une envie.
00:31:49Alors, c'est ça qui est étonnant.
00:31:51C'est qu'on pourrait se laisser abattre, mais il y avait toujours...
00:31:59Il me disait toujours...
00:32:02À chaque fois...
00:32:03Enfin, on avait toujours l'appréhension de mourir tous les jours.
00:32:06Mais il y avait toujours cet espoir de se dire...
00:32:09Ah, on a maintenu un jour de plus pour la vie.
00:32:14Et il y avait toujours cette envie de survivre.
00:32:17Voilà.
00:32:17Et il vivait au jour le jour, à chaque fois.
00:32:20Je reviens sur cette idée de deux lignes qui sont effectivement cette famille, mais aussi l'organisation avec mère.
00:32:26Notamment sur certaines choses, sur la manière dont on a instrumentalisé les enfants.
00:32:30Dans la mer, on a fait des enfants, des chevilles vraiment ouvrières de cette idéologie qui surveillaient les parents.
00:32:38On les a endoctrinés.
00:32:39Il y a une planche, mais je crois que je ne l'ai pas gardée, où on voit carrément à un moment un enfant sur un dessin dans un cours
00:32:45et qui raye la notion de père et de mère pour dire que le père, finalement, aujourd'hui, à partir de là, c'est la patrie.
00:32:51Est-ce que ça, ce n'est pas aussi une difficulté supplémentaire de raconter une idéologie et de la transposer, quelque part, de manière accessible
00:33:01pour qu'on comprenne ces mécanismes-là, qui ont été des mécanismes très long cours, très compliqués d'endoctrinement ?
00:33:07Donc il y a quelque chose qui n'est pas forcément facile à mettre en case ou à mettre en narration.
00:33:16Non, ça ne doit pas être sur celui-là.
00:33:18Ça doit être sur le deuxième tome.
00:33:21C'est cette image-là, en fait.
00:33:23Oui.
00:33:28Le régime Khmer Rouge, c'est un régime qui disloque la famille, qui est quasiment religieuse dans le sens où l'encart, l'organisation,
00:33:43qui contrôle tout ça, c'est comme le parent de tout le monde, de tout un peuple.
00:33:49Et les enfants, c'est les enfants de l'organisation, de l'encart.
00:33:54Et les parents n'ont plus de valeur, en fait, ne sont plus l'autorité, en fait, de l'enfant.
00:34:00Et moi, je trouve que cette manière d'amener, de conduire l'idéologie, je trouve qu'elle est terrible, en fait.
00:34:09Elle est terrible.
00:34:10Et quand j'en parle, je trouve que c'est une pièce maîtresse du régime.
00:34:18C'est d'ailleurs une grosse partie de ce second tome.
00:34:22Oui, oui, oui.
00:34:23Et je trouve que c'est important de le préciser parce que dans un régime totalitaire, il y a toujours cette envie de déshumaniser l'être humain, en fait.
00:34:37De le rendre vraiment à l'état de subordination, de ne plus avoir son propre caractère, sa propre personnalité.
00:34:45Mais on voit aussi dans les vêtements, moi, je me souviens, alors je ne sais pas si j'en parle dedans, je ne crois pas.
00:34:51C'est que mes parents, ils me disaient que, enfin, mon père, ma mère, ils me disaient qu'on était obligés d'être conformes à la demande de l'idéologie.
00:35:02On va même jusqu'à teindre les vêtements et tout pour se fondre dans cette idéologie-là, pour ne pas avoir de problème.
00:35:09Parce que si on se distingue trop, on est vu comme quelqu'un qui se rebelle ou quelqu'un qui est différent.
00:35:15Il ne fallait pas qu'il y ait des différences.
00:35:17Les filles ou les femmes sont coupées pareilles.
00:35:24Les garçons aussi.
00:35:27Ça me fait penser à l'état islamique ou Daesh.
00:35:31C'est-à-dire qu'au nom d'un dieu ou au nom d'une supériorité, il faut se soumettre à cette idéologie-là.
00:35:38Et donc, cette montée-là extrémiste...
00:35:40D'ailleurs, il y a les dix commandements aussi.
00:35:42Les dix commandements de l'Ankar.
00:35:45Dans le deuxième tome, je le note sur le titre à chaque fois, les chapitres.
00:35:51Ankar prend grand soin de vous.
00:35:54Tous frères, sœurs, pères, mères, le peuple et le cerveau d'Ankar.
00:35:58C'est ça.
00:35:59C'est comme les fourmis dont vous n'avez plus de personnalité.
00:36:02Est-ce que c'est ce qui a amené le fait d'un portrait, presque pour lutter contre cette vision déshumanisatrice,
00:36:11on a des raisons que le mot existe,
00:36:14a amené à un portrait de famille qui, lui, est au contraire très chaleureux ?
00:36:17Ils sont victimes, évidemment, de ce régime-là,
00:36:20mais il n'y a pas la sensation d'une victimisation dans la mesure où il y a un côté d'une cellule
00:36:24qui est toujours très solidaire, très chaleureuse, très humaine, justement.
00:36:28Est-ce que c'était, quelque part, justement, une volonté de contrer la volonté de déshumaniser des Khmers ?
00:36:36D'en faire un cercle qui, lui, soit à l'inverse, dans une humanité totale ?
00:36:41Est-ce que vous pouvez répéter ?
00:36:43Oui, oui.
00:36:44On parlait de l'idéologie Khmers qui était vraiment quelque chose d'une extermination,
00:36:49mais totale, y compris psychologique.
00:36:52Alors que la famille telle que vous l'avez montré dans cette bande dessinée,
00:36:54au contraire, elle reste très soudée, elle reste très chaleureuse dans des rapports extrêmement humains ?
00:36:59Comme s'il y avait ce contraste, quoi.
00:37:01Alors, il y a toujours un paradoxe, parce que, comment dire,
00:37:07il y a l'idéologie, et puis après, comment cette idéologie-là est appliquée ?
00:37:13Et au sein de la famille, il y a quelque chose qui se contredit aussi à travers cette idéologie.
00:37:20Et j'avais envie aussi de montrer ça.
00:37:24C'est-à-dire qu'on ne peut pas l'appliquer.
00:37:26C'est impossible.
00:37:27Même les Khmers rouges, entre eux, ont du mal à l'appliquer.
00:37:30À tel point que les...
00:37:32Alors, j'en parle pas dedans, mais il y a certaines filles Khmers rouges, par exemple,
00:37:39qui sont tellement déshumanisées dans le sens où elles ont la même coupe de cheveux,
00:37:43avec les mêmes habits, le même port de krama,
00:37:45où elles essayent de se distinguer un peu en mettant un petit peu de fantaisie dans leurs vêtements et tout,
00:37:52pour se démarquer.
00:37:53Mais ça reste très discret et tout.
00:37:55Il y a cette...
00:37:57Au plus profond de l'humain, il y a cette envie de se distinguer à l'autre, en fait.
00:38:03Et donc, je voulais apporter ça dans la cellule familiale, en fait.
00:38:08Il y a quelque chose d'intime qui ne peut pas, en fait, finalement, se déshumaniser.
00:38:15Donc, c'est ça aussi qui crée cet espoir, cette envie de survivre face à quelque chose qui nous paraît immense et insurmontable.
00:38:25Chaque chapitre, on l'a vu, donc, s'ouvre.
00:38:29Je vais essayer de montrer une planche là, mais une planche qui est documentaire, qui est une cartographie,
00:38:33mais aussi certaines planches, notamment dans le deuxième et dans le troisième album,
00:38:36qui sont des espèces de modes d'emploi de la survie,
00:38:39en disant, voilà ce qu'il ne fallait pas dire pour éviter d'être pris en défaut,
00:38:44voilà ce qu'il ne fallait pas porter pour être pris en défaut.
00:38:47Est-ce qu'au-delà, justement, de ce côté de témoigner de ça,
00:38:51il y avait ce côté de faire quelque part une forme presque de tutoriel du quotidien de vie sous ce régime-là ?
00:38:58Oui, parce que pour bien comprendre, en fait, le système,
00:39:02il fallait justement ce tutoriel qui est au dos de chaque chapitre,
00:39:08mais sans se faire sortir le lecteur de l'histoire.
00:39:11Et ça, c'était quelque chose qui me paraissait, comment dire, vital.
00:39:21C'est-à-dire, comment faire, en fait, pour impliquer le lecteur
00:39:27ou les inviter à vivre la même chose que cette famille ?
00:39:32Alors, je dis cette famille parce que c'est la mienne,
00:39:34mais ça aurait pu être n'importe quelle famille du Cambodge,
00:39:38parce que tout le monde est passé par là pendant cette période-là.
00:39:43Les tutoriels permettent de...
00:39:46Ça me fait penser un peu à des jeux de rôle, en fait,
00:39:49où on va suivre une aventure et puis de temps en temps,
00:39:52on va avoir des petits tips pour compléter notre panoplie,
00:39:57pour essayer de comprendre l'histoire ou aller un peu plus loin,
00:40:01sans faire sortir le lecteur de l'histoire.
00:40:04et j'ai trouvé que c'était important d'avoir quelques repères quand même
00:40:09pour les personnes qui ne connaissent pas l'événement.
00:40:15Sortir de l'histoire, parce que l'heure avance,
00:40:18mais je ne sais pas d'heure si vous voulez dessiner ou pas un monde,
00:40:21mais sortir de l'histoire, ça implique aussi de comment est-ce qu'on sort de cette histoire,
00:40:24mais au sens littéral du terme.
00:40:26Une fois que vous avez fini ces albums-là, comment vous vous sentez ?
00:40:30Est-ce qu'il y a un côté d'un soulagement ?
00:40:32Est-ce qu'il y a un côté de se dire de pouvoir passer à autre chose éventuellement ?
00:40:35Est-ce que de toute façon, cette histoire-là restera ancrée en vous
00:40:38parce qu'elle touche à quelque chose de très intime ?
00:40:42Comment est-ce qu'on sort, peut-être pas de cette histoire-là,
00:40:44mais de ce travail-là ?
00:40:46C'est vrai qu'après les trois tomes, je me sens beaucoup plus soulagé,
00:40:55parce que j'ai l'impression de trouver toutes les pièces du puzzle
00:40:58et d'en faire une image qui, pour moi, devient de plus en plus cohérente.
00:41:05Et comme toute personne qui est à la recherche de ses origines,
00:41:11de son passé, de son histoire, on a toujours besoin d'avoir en détail
00:41:16toute la trame.
00:41:19Et le fait d'avoir exploré cette histoire-là,
00:41:22c'est clair que je me retrouve beaucoup plus.
00:41:30Après, le Cambodge, c'est une partie de moi,
00:41:33donc je trouve des inspirations aussi ailleurs,
00:41:38à travers le pays, à travers le quotidien de maintenant.
00:41:44Je m'intéresse beaucoup au stress post-traumatique,
00:41:47donc pour moi, ça a été une première pierre aussi
00:41:50en quête de résilience.
00:41:54C'est un peu comme une thérapie aussi, quelque part,
00:41:57quand on se connaît mieux, on arrive mieux aussi à voir le devant,
00:42:01aller au-devant des choses.
00:42:07Et cette trilogie me fait rebondir sur beaucoup d'autres histoires de vie.
00:42:16Alors, j'aime beaucoup écouter les histoires de tout le monde.
00:42:21Et pour le coup, le Cambodge fait partie aussi des thématiques
00:42:26que je trouve indispensables.
00:42:28Alors, ce n'est pas forcément sur cet événement-là,
00:42:30ça peut être aussi sur l'avant,
00:42:33comment les Cambodgiens qui n'ont pas vécu cette scène
00:42:36l'ont vue aussi à distance ou ont vécu ça avant,
00:42:42ou bien après,
00:42:43comment la jeune génération de maintenant vive
00:42:46dans un autre monde
00:42:49et qui n'ont pas connaissance de cette histoire.
00:42:51C'est un terreau très riche, en fait, pour trouver l'inspiration.
00:42:59J'aimerais qu'on revienne sur le PC en régie
00:43:01parce qu'à la fin du troisième album, il y a un épilogue,
00:43:04mais qu'il y a quelque chose de très particulier
00:43:06parce que déjà, la forme est différente,
00:43:08narrativement, par rapport aux autres.
00:43:10Mais, alors, je mets précisément le côté nouveau départ
00:43:13après 80, c'est qu'il se passe aussi quelque chose au Cambodge.
00:43:17C'est-à-dire que depuis les années 80-90,
00:43:19il y a un essor à nouveau, peut-être même 2000,
00:43:22il y a un essor à nouveau du Cambodge,
00:43:23y compris culturellement,
00:43:24parce qu'on voit apparaître des films cambodgiens
00:43:28vers ceux de David Chou, par exemple,
00:43:29alors que la majorité des films d'avant ont disparu.
00:43:32Mais quel regard vous portez,
00:43:34après avoir fait ces albums-là,
00:43:35sur le Cambodge actuel ?
00:43:38Et de fait, par exemple,
00:43:40ces albums-là, est-ce qu'ils sont traduits là-bas ou pas ?
00:43:43Et quelle attente vous avez d'un retour, justement,
00:43:46du Cambodge actuel sur ces albums-là ?
00:43:50Alors, une fois que les trois tomes ont été publiés
00:43:53chez Gallimard,
00:43:55j'ai eu une proposition, en fait,
00:43:58d'un éditeur cambodgien.
00:44:00Donc, c'est une ONG à la base
00:44:03qui oeuvre pour lutter contre l'illettrisme.
00:44:06Et le directeur a souhaité le traduire en cambodgien.
00:44:11Donc, pour moi, c'est un peu une reconnaissance.
00:44:16Avant de le faire, je me suis toujours dit,
00:44:19un jour, cette histoire, ce témoignage,
00:44:22reviendra au Cambodgien, entre guillemets,
00:44:25ou reviendra au pays comme moi.
00:44:28Je suis retourné pour essayer de puiser de l'inspiration,
00:44:32pour essayer de me reconnecter avec la source,
00:44:35de mes origines.
00:44:37Et le fait de le voir traduit,
00:44:41c'est comme une consécration.
00:44:43C'est assez émouvant.
00:44:45Et je trouve que c'est normal, en fait.
00:44:48C'est normal parce que cette mémoire,
00:44:52ça se partage, ça se partage au-delà des frontières.
00:44:57Et le fait de retrouver le Cambodge
00:45:00et de voir qu'il y a des lecteurs cambodgiens
00:45:02qui s'y intéressent parce qu'il y a une période
00:45:04finalement qui reste complètement floue,
00:45:08juste après les événements,
00:45:09vu que le gouvernement a été composé aussi
00:45:12de personnes, Khmers Rouges.
00:45:16Du coup, l'histoire a été un peu effacée.
00:45:20On en parle très peu aussi à l'école.
00:45:22Et pour moi, le fait que ça soit traduit,
00:45:25c'est aussi une revanche par rapport à ça.
00:45:28Et je trouve que c'est important, en fait.
00:45:32C'est important qu'on marque l'histoire à travers ce livre.
00:45:37Je vois...
00:45:39J'en parlais avec ma femme tout à l'heure,
00:45:42où je disais, c'est fou, là, on arrive à 50 ans.
00:45:47Et le premier tome, je me souviens,
00:45:50il est sorti à l'année du Lièvre,
00:45:52le jour de l'anniversaire, justement,
00:45:53de la prise du pouvoir par les Khmers Rouges.
00:45:55Mais il n'y a plus cette histoire-là.
00:45:58Ces événements-là ont disparu
00:46:00parce que c'est passé.
00:46:03Mais le livre, il existe toujours.
00:46:04Et je trouve ça vraiment très symbolique, en fait.
00:46:08C'est important.
00:46:09C'est important qu'on grave dans le marbre.
00:46:12Donc, le marbre, c'est celui-là.
00:46:13Après, ce n'est pas des tablettes de la Bible.
00:46:16Mais c'est...
00:46:18Je trouve que...
00:46:20Je me souviens, il y a quelques années,
00:46:22quand c'est sorti, je dis,
00:46:23mais je bénis l'humanité d'avoir inventé l'écriture
00:46:26et le dessin
00:46:28parce que c'est à travers ça
00:46:30qu'on arrive à transmettre.
00:46:31Et quand je ne serai plus là
00:46:32ou quand mes enfants seront grands-pères,
00:46:37ils peuvent, à leur tour, dire
00:46:38« Bon, ça me saoule, cette histoire.
00:46:41Va lire l'histoire de ton arrière-arrière-grand-père,
00:46:43parce que ça résume tout. »
00:46:45Bref, je trouve ça formidable, en fait.
00:46:49Je trouve ça formidable.
00:46:50Donc, c'est génial.
00:46:52Et ça, je pense que c'est la chance
00:46:54que j'ai, moi, de survivre,
00:46:57d'être arrivé ici en France en 80.
00:46:59Alors, j'étais complètement paumé
00:47:00parce que je devais me readapter à des codes
00:47:02alors que j'étais dans un village
00:47:04sans éducation ou quoi que ce soit.
00:47:09Et le fait d'arriver en France,
00:47:11d'avoir suivi une éducation française, normale,
00:47:15et puis après,
00:47:17de m'avoir ouvert à cette réflexion aussi.
00:47:21Parce que ce n'est pas évident d'écrire une histoire
00:47:24qui parle de son propre pays
00:47:25et de ne pas avoir de jugement.
00:47:27Je trouve que j'aurais pu très bien orienter
00:47:31mon opinion politique ou mon avis
00:47:34ou me déchaîner avec de la colère
00:47:36parce que ce qui s'est passé, c'est horrible.
00:47:39Et donc, je m'en fais un jugement personnel.
00:47:40J'aurais pu orienter ça.
00:47:42Mais je pense que ma scolarité,
00:47:49l'accès à cette réflexion aussi d'équilibre,
00:47:53ça m'a donné le courage d'être neutre aussi.
00:47:58D'être neutre et de se dire,
00:47:59bon, on va s'appuyer sur le témoignage,
00:48:01on va voir ce qui s'est passé
00:48:02et de ne pas porter de jugement à l'histoire.
00:48:06Et vous voyez que dans le troisième tome,
00:48:08par exemple, mon père,
00:48:10a été sauvé par un Khmer rouge.
00:48:13Et donc, je trouve que ce n'est pas noir et blanc.
00:48:17Quand on parle de Khmer rouge,
00:48:19il y a aussi dedans des personnes
00:48:21qui subissent ce régime
00:48:22et qui essayent de s'en sortir comme ils peuvent
00:48:25parce que c'est ça,
00:48:27c'est l'histoire personnelle,
00:48:28la peur, la survie de sa famille, avant tout.
00:48:32Et je trouve que c'est important
00:48:34de se mettre en retrait,
00:48:36de ne pas avoir de jugement,
00:48:37mais de dire vraiment l'essentiel.
00:48:39Voilà, ça s'est passé comme ça.
00:48:42On ne va pas en juger,
00:48:43mais il s'est passé.
00:48:44Ça s'est passé comme ça.
00:48:46Et donc, c'est important
00:48:47de créer une histoire
00:48:49qui n'est pas d'émotion personnelle
00:48:52où on va s'acharner sur telle personne.
00:48:55À la différence près,
00:48:56c'est la joindre sur l'épilogue,
00:48:57que si on parle d'un côté
00:48:58d'émotion personnelle,
00:48:59dans cet épilogue,
00:49:01qui a quand même une forme
00:49:01aussi un peu différente,
00:49:03là, pour le coup,
00:49:04il y a quelque chose de...
00:49:06Déjà, une intervention très claire
00:49:08parce que ça ne devient que des cases
00:49:09de relations entre vous
00:49:10qui apparaissez et votre famille,
00:49:12mais un côté projectif aussi.
00:49:14Il y a un côté genre que cet album
00:49:15pourrait très bien s'arrêter
00:49:16sans cet épilogue.
00:49:18Il y a une case marquée fin, d'ailleurs,
00:49:20et après, il y a cet épilogue-là.
00:49:22En quoi il était important
00:49:23pour vous, cet épilogue-là ?
00:49:24D'avoir un côté projectif
00:49:26et de dire,
00:49:27demain, on ne sait pas
00:49:28de quoi ce sera fait,
00:49:29mais il va se passer autre chose.
00:49:32Oui, alors, c'est drôle,
00:49:33cette question-là,
00:49:33parce qu'à la base,
00:49:35je ne voulais pas le faire.
00:49:36Et c'est à la demande
00:49:37de mon éditeur.
00:49:38Il me dit,
00:49:39mais tu ne peux pas finir comme ça.
00:49:41Ça va frustrer les gens
00:49:42parce qu'ils veulent toujours
00:49:43avoir un petit peu d'épilogue
00:49:45et de savoir ce que tu es devenu,
00:49:46tout ça.
00:49:47Et c'est vrai que moi,
00:49:49je suis vraiment très discret.
00:49:50Je n'aime pas parler de moi.
00:49:51Et puis, d'ailleurs,
00:49:51je ne suis pas très à l'aise
00:49:53pour cette performance-là.
00:49:56Là, je voulais dessiner
00:49:57un petit peu aussi.
00:50:00C'est moi qui vous ai
00:50:01un peu coincé sur la conversation.
00:50:02Non, mais en plus,
00:50:03je n'arrivais pas
00:50:03à poser le micro.
00:50:06Je peux poser le micro,
00:50:07je vais voir.
00:50:09Bon, je vais continuer
00:50:10à parler comme ça.
00:50:14Et donc, mon éditeur m'a dit,
00:50:16non, tu ne peux pas faire ça.
00:50:18Les gens, ils ont besoin
00:50:19de savoir ce qui se passe et tout.
00:50:21Alors, je me suis dit,
00:50:22bon, qu'est-ce que je vais faire ?
00:50:24Et c'est là où j'ai rassemblé
00:50:26un peu toutes les conversations
00:50:27que j'ai eues avec mon père
00:50:28pour dire à quoi ça sert.
00:50:31Ça ne sert à rien.
00:50:32Tu perds ton temps.
00:50:32Ou bien ma famille
00:50:36qui essaye un peu d'esquiver
00:50:42la question quand je leur pose
00:50:46trop de questions.
00:50:46parce qu'il y a des familles
00:50:48qui ont...
00:50:50Il y a juste une personne
00:50:51qui a survécu sur la quinzaine.
00:50:55Donc ça, c'est des moments difficiles.
00:50:57Et je pense que c'est vrai
00:50:59qu'on ne peut pas laisser le public
00:51:02comme ça.
00:51:04Et je me suis dit,
00:51:05bon, c'est important
00:51:06qu'il traverse jusqu'au bout.
00:51:10Donc jusqu'au bout,
00:51:11c'est jusqu'à notre arrivée en France.
00:51:13et comment aussi c'était dur.
00:51:16Bon, je n'arriverai pas à dessiner.
00:51:18Ce que je voulais dire,
00:51:20c'est...
00:51:20Alors, c'est émouvant
00:51:21parce qu'au final,
00:51:23mon éditeur a raison.
00:51:25C'est-à-dire qu'un nouveau départ,
00:51:27je trouve que finalement,
00:51:29j'ai bien fait de le faire.
00:51:31Parce qu'on vit en fait actuellement
00:51:33un moment où on banalise
00:51:37entre guillemets les migrants.
00:51:40Les migrants,
00:51:41ce mot migrant, en fait,
00:51:42moi, me révolte
00:51:43parce qu'on ne connaît pas
00:51:45leur histoire.
00:51:50Ah, ça m'émeut.
00:51:51Je vois ça.
00:51:52Mais prenez votre temps.
00:51:56Quitter un pays,
00:51:57ce n'est pas facile.
00:52:00Et on banalise ça, en fait,
00:52:01à travers migrant.
00:52:03Migrant, qu'est-ce que ça veut dire ?
00:52:05Et puis, avant,
00:52:06quand on était arrivés en 1980,
00:52:08c'était réfugiés politiques.
00:52:09On portait en fait une histoire derrière.
00:52:14Maintenant, il n'y a plus d'histoire.
00:52:16Les gens qui viennent,
00:52:17c'est pour voler le pain de la bouche des gens.
00:52:19Mais non, il n'y a pas que ça.
00:52:22Il y a un partage.
00:52:23Il y a, si on connaît l'ail, l'oignon,
00:52:27c'est complètement basique,
00:52:29mais des mots aussi.
00:52:30C'est parce qu'à travers cet échange,
00:52:33si on parle de route de la soie,
00:52:36c'est parce qu'il y a une richesse
00:52:38qui se partage, en fait.
00:52:40Et l'humanité,
00:52:41l'évolution de l'humanité
00:52:42n'a jamais connu de frontière.
00:52:44C'est comme les animaux.
00:52:45Je veux dire,
00:52:46il y a des territoires
00:52:46qui sont plus abondants,
00:52:47mais ça se partage.
00:52:49Quand on voit les animaux
00:52:50se partager une flaque d'eau
00:52:52parce que c'est la survie de tout le monde
00:52:55et que chacun va essayer
00:52:56de trouver sa place,
00:52:57c'est le partage aussi.
00:53:01Et c'est marrant
00:53:01parce que ce sont des animaux sauvages
00:53:03qui chassent les autres.
00:53:04Mais par contre,
00:53:04quand il s'agit de partager
00:53:06un lieu pour boire,
00:53:12on n'est plus dans la chasse.
00:53:15Vous voyez ?
00:53:16Donc,
00:53:17se fermer à ça,
00:53:19je trouve que c'est injuste.
00:53:22C'est injuste pour la personne aussi
00:53:24qui pense que c'est en se fermant
00:53:26qu'on arrive à se protéger.
00:53:27Mais c'est injuste aussi pour l'autre
00:53:29parce que l'autre a envie de contact.
00:53:33Et je trouve qu'à travers cet épilogue,
00:53:36ça montre ça.
00:53:37C'est-à-dire que ça montre
00:53:38le métissage qui fait la richesse aussi
00:53:41de ce partage,
00:53:44mais aussi qu'à un moment donné,
00:53:45on retourne à la source.
00:53:47La personne qu'on a donné une chaise
00:53:49pour s'asseoir
00:53:50a envie de revenir
00:53:51dans son propre pays
00:53:53pour apporter
00:53:54son expérience.
00:53:57Moi,
00:53:58j'ai fait l'expérience
00:53:59de retourner après mes études
00:54:01au Cambodge
00:54:01pour essayer de voir
00:54:02si cette source était intacte,
00:54:05cette envie de se reconnecter
00:54:06avec mon pays.
00:54:07Je retourne de temps en temps
00:54:09pour faire des interventions,
00:54:10pour partager mon expérience,
00:54:11pour dire
00:54:11voilà ce que la France m'a donné,
00:54:14voilà ce que j'ai pu en faire.
00:54:15Et voilà ce que je peux vous partager aussi,
00:54:19vous qui n'avez pas eu peut-être
00:54:20l'opportunité d'avoir accès
00:54:22à cette ouverture d'esprit.
00:54:24Donc l'ouverture d'esprit,
00:54:25moi je remercie la France de l'avoir
00:54:27parce que je ne pense pas
00:54:28qu'avec le régime qu'on a aussi au Cambodge,
00:54:31j'aurais pu avoir l'idée
00:54:33de faire aussi un livre
00:54:34comment dire
00:54:35comment dire
00:54:38pas orienté peut-être.
00:54:43Neutre.
00:54:44Neutre, oui.
00:54:46Alors j'avais une dernière question,
00:54:47j'ai déjà une partie de la réponse là
00:54:48et quand je vous promets
00:54:50dans un état plus émotionnel,
00:54:51vous y répondez si vous voulez,
00:54:53mais on est dans une période aujourd'hui
00:54:55qui est très confliquée,
00:54:56qui est très conctuelle,
00:54:57mais aussi où on fait face
00:54:59à de nouveaux cas
00:55:00de génocide
00:55:00ou prétendu génocide.
00:55:02Quel regard vous avez, vous,
00:55:05sur ces conflits-là,
00:55:07sachant que quelque part
00:55:07vous êtes issu aussi
00:55:09d'un conflit similaire ?
00:55:12Est-ce que vous vous en protégez ?
00:55:14Est-ce que vous êtes au contraire
00:55:15plus attentif,
00:55:17plus dans le compassionnel ?
00:55:20Encore une fois, vous y répondez.
00:55:21Alors, avant de faire cette histoire,
00:55:25je me suis beaucoup intéressé aussi
00:55:27sur la mécanique
00:55:28d'un régime totalitaire.
00:55:30comment ce régime
00:55:33s'installe progressivement.
00:55:34Alors, je me suis intéressé
00:55:35à la Deuxième Guerre mondiale
00:55:36qui est vraiment inévitable.
00:55:40Après, je me suis intéressé aussi
00:55:41au génocide arménien,
00:55:44au Rwanda.
00:55:46Et ça passe toujours
00:55:47par la déshumanisation
00:55:51et la banalisation aussi
00:55:53de la violence.
00:55:54Et tous ces exemples-là
00:55:58m'ont inspiré aussi
00:56:00le fil narratif
00:56:03de mon histoire.
00:56:05Et je trouve que c'est important
00:56:09de s'intéresser
00:56:10à d'autres histoires
00:56:12pour justement comprendre ça
00:56:14et voir aussi plus loin,
00:56:18c'est-à-dire actuellement,
00:56:20comment s'installe progressivement
00:56:24un régime totalitaire
00:56:25et comment on banalise des mots
00:56:27ou on banalise aussi l'individu
00:56:30ou on va orienter, dépenser.
00:56:34Et donc, on voit peut-être
00:56:37plus facilement venir
00:56:38les problématiques.
00:56:44À partir de là,
00:56:46la parole va être
00:56:46de ce côté-là.
00:56:48Il y a un micro, je crois,
00:56:50qui va circuler.
00:56:50Donc, si vous avez des questions,
00:56:51des commentaires,
00:56:52des opinions.
00:56:54Voilà.
00:56:54Madame, là-haut.
00:56:57Bonsoir.
00:56:58Merci beaucoup
00:56:59pour votre intervention.
00:57:04Je ne connaissais pas
00:57:06votre travail avant,
00:57:07mais je trouve ça
00:57:09très inspirant.
00:57:12Je suis moi-même
00:57:13issue de parents
00:57:17cambodgiens immigrés
00:57:18et je suis née en France.
00:57:20J'ai aussi fait
00:57:21les arts décoratifs
00:57:22de Strasbourg.
00:57:24Et aujourd'hui,
00:57:27j'avais déjà fait
00:57:28quelques projets
00:57:28assez documentaires
00:57:31par rapport au passé
00:57:32de mes parents
00:57:33de manière très timide
00:57:35parce qu'on n'en a pas parlé.
00:57:36et aujourd'hui,
00:57:40en voulant faire du cinéma,
00:57:42je ressens de plus en plus
00:57:46l'envie
00:57:46de raconter
00:57:48ces choses
00:57:49que je n'ai pas vécues aussi.
00:57:51Donc, c'est aussi intéressant
00:57:53pour moi
00:57:53de voir
00:57:54comment est-ce
00:57:56qu'on vit aussi
00:57:58ces choses
00:57:59par cette projection,
00:58:01par ce partage
00:58:03que vous avez eu
00:58:04avec votre père.
00:58:05et dans la mesure
00:58:07où moi,
00:58:07personnellement,
00:58:08j'éprouve
00:58:11cette difficulté
00:58:12de partager
00:58:15notamment parce qu'il y a
00:58:17la barrière de la langue
00:58:18et culturelle.
00:58:21et je voulais savoir
00:58:24à quel point
00:58:25ça a pu être
00:58:26difficile
00:58:27ou pas
00:58:28dans le processus
00:58:29d'avoir
00:58:32ces moments
00:58:32de partage
00:58:33avec votre père
00:58:34et peut-être
00:58:34d'interviewer
00:58:36d'autres membres
00:58:36de votre famille.
00:58:38Est-ce que vous parlez
00:58:39Khmer,
00:58:39Cambodgien ?
00:58:40Est-ce que...
00:58:41Combien de temps
00:58:42ça a pris
00:58:43dans votre recherche ?
00:58:45Plusieurs années,
00:58:46j'imagine.
00:58:47Mais voilà,
00:58:48c'est quelque chose
00:58:49qui m'intéresse beaucoup.
00:58:52Alors,
00:58:53avant de réaliser
00:58:54ces trois tomes,
00:58:55j'avais déjà
00:58:56cette idée
00:58:57de...
00:58:57une envie
00:58:59de raconter
00:59:00l'histoire
00:59:01de mes parents.
00:59:01je pense que
00:59:04c'est
00:59:04tout un parcours.
00:59:07Tout un parcours
00:59:08parce qu'il y a
00:59:09des difficultés,
00:59:11pas forcément
00:59:11la langue
00:59:12parce que je parle
00:59:12cambodgien,
00:59:13mais c'est le rapport.
00:59:15C'est le rapport
00:59:17avec les parents.
00:59:19J'ai des parents...
00:59:20Mon père,
00:59:21par exemple,
00:59:22il est très bavard
00:59:22avec les autres,
00:59:23mais très peu avec moi.
00:59:25Donc,
00:59:26les histoires,
00:59:27je suis toujours
00:59:27un spectateur.
00:59:29Il parle surtout
00:59:31beaucoup aux Français,
00:59:33mais pas avec
00:59:33les Cambodgiens,
00:59:34par exemple.
00:59:35Donc,
00:59:36à chaque fois
00:59:36que j'avais des amis
00:59:38qui étaient là,
00:59:39là,
00:59:39ils lançaient des anecdotes
00:59:40et puis après,
00:59:41ça partait.
00:59:43Et je me disais,
00:59:43tiens,
00:59:43c'est curieux quand même.
00:59:44Il parle beaucoup
00:59:46aux Français,
00:59:47mais peu
00:59:48avec sa propre famille.
00:59:50Ou bien,
00:59:51c'était juste
00:59:52pour dire,
00:59:52ah oui,
00:59:52mais tu te rappelles,
00:59:53on avait vécu ça,
00:59:55mais c'est juste
00:59:55pour essayer
00:59:56un peu
00:59:57de vérifier
00:59:58l'information
00:59:59si c'est juste.
01:00:01Mais il n'en parlait
01:00:02jamais vraiment.
01:00:04En fait,
01:00:04c'est que des petits
01:00:05aspects de la vie
01:00:07parce que ça touchait
01:00:08une situation précise.
01:00:11Et ça a été,
01:00:13au début,
01:00:13difficile quand même.
01:00:16Je me rappelle,
01:00:17la première fois,
01:00:18j'essayais d'installer
01:00:19un micro.
01:00:21Il n'était pas
01:00:22très motivé.
01:00:23donc j'ai caché
01:00:25avec des fleurs
01:00:26pour faire comme si
01:00:27c'était une conversation
01:00:28normale,
01:00:29mais je l'enregistrais
01:00:30quand même.
01:00:31Et petit à pied,
01:00:32je pense qu'il s'est
01:00:32pris au jeu.
01:00:33Il s'est pris au jeu
01:00:34parce que...
01:00:36Bon,
01:00:38peut-être qu'il était fier
01:00:40aussi d'être le héros
01:00:40du personnage,
01:00:41je ne sais pas,
01:00:42mais je pense que le fait
01:00:44que ça soit un débrouillard
01:00:45et acteur aussi
01:00:47de l'histoire,
01:00:50il avait beaucoup
01:00:51d'anecdotes à dire.
01:00:52Et je pense que pour lui,
01:00:54c'était une manière aussi
01:00:55de faire sa propre thérapie
01:00:57quelque part,
01:00:58puisqu'il le racontait
01:01:00de manière humoristique
01:01:02et puis il n'en revenait
01:01:02tellement pas,
01:01:03en fait,
01:01:05qu'il racontait
01:01:06cette histoire-là.
01:01:07Et je le croyais
01:01:08moins traumatisé
01:01:09que ma mère,
01:01:10mais en fin de compte,
01:01:11il me disait,
01:01:12à la fin,
01:01:12c'est ça qui me scotchait,
01:01:13il m'a dit,
01:01:14mais tu sais,
01:01:15je fais des rêves
01:01:15où j'ai toujours
01:01:18l'impression d'être là-bas.
01:01:18Et oui,
01:01:22c'est très difficile
01:01:23parce qu'il faut
01:01:24les motiver.
01:01:25Moi,
01:01:26j'interrogeais
01:01:26de temps en temps,
01:01:27mais ça se vit
01:01:29au quotidien.
01:01:30C'est-à-dire que
01:01:30tous les dimanches,
01:01:32tous les week-ends,
01:01:33j'allais les voir
01:01:34et puis je notais,
01:01:36je notais,
01:01:36je notais,
01:01:37je notais.
01:01:38Alors après,
01:01:38une fois que la barrière
01:01:39du premier tome
01:01:40est passée,
01:01:41là,
01:01:41il est intéressable.
01:01:42Dès que j'arrive,
01:01:43ah bah tiens,
01:01:44regarde,
01:01:45je vais te faire
01:01:45un plan de la maison
01:01:46et elle était là
01:01:47et puis moi,
01:01:48mais c'était trop en fait.
01:01:50C'était trop
01:01:51et après,
01:01:52ils vérifiaient mes planches.
01:01:54Donc à un moment donné,
01:01:55j'ai dit,
01:01:55attends,
01:01:56écoute papa,
01:01:56il y a trop de choses,
01:01:59je ne peux pas tout mettre.
01:02:00Il dit,
01:02:00laisse-moi faire
01:02:01et après,
01:02:02j'allais moins souvent.
01:02:03Mais c'est vrai
01:02:04que c'est très difficile.
01:02:06C'est très difficile.
01:02:07Là,
01:02:08alors je vais vous montrer
01:02:09peut-être celui-là
01:02:10qui est parlant.
01:02:11je ne sais pas
01:02:12si on peut le voir.
01:02:14C'est le découpage
01:02:17d'un chapitre.
01:02:18C'est le premier chapitre
01:02:19du troisième tome.
01:02:21Vous voyez en fait
01:02:21ce que je fais,
01:02:23alors comme je suis
01:02:24très bordélique
01:02:25sur mon bureau,
01:02:28je fais beaucoup
01:02:28de petites scénettes
01:02:31sur un chapitre.
01:02:33Je compte le nombre
01:02:33de pages qu'il y a
01:02:34et je fais par exemple
01:02:36pour cette case-là.
01:02:38Je vais vous montrer.
01:02:41C'est cette case-là.
01:02:50Cette case,
01:02:51c'est cette case.
01:02:54Voilà.
01:02:56Et donc,
01:02:58c'est un peu
01:02:59ma partition
01:03:00en musique
01:03:01où j'ai le premier tome
01:03:03et puis du coup,
01:03:04je fais mon scénario
01:03:05en fonction de ça.
01:03:06et j'ai tout écrit
01:03:10le témoignage
01:03:13de mes parents,
01:03:13enfin de mon père.
01:03:14J'ai tout écrit
01:03:15et après,
01:03:16je reprenais des scènes
01:03:17et je voyais
01:03:18si la scène,
01:03:19elle construisait
01:03:21le fil narratif
01:03:22et est-ce que ça nécessitait
01:03:25beaucoup de planches
01:03:26à faire ou pas ?
01:03:27Je ne sais pas
01:03:29si j'ai répondu
01:03:30à votre question.
01:03:32En tout cas,
01:03:33n'hésitez pas
01:03:34à revenir à la charge
01:03:36parce que c'est
01:03:36un long travail
01:03:38pour les familiariser
01:03:42au témoignage
01:03:44parce que ce n'est pas facile
01:03:45pour eux aussi.
01:03:46Et quelquefois,
01:03:46moi,
01:03:47j'ai dû être
01:03:48un peu plus en retrait
01:03:50par rapport à d'autres personnes
01:03:51qui ne souhaitaient pas.
01:03:52je laissais vraiment
01:03:53la liberté
01:03:54à la famille
01:03:56de parler de ça.
01:03:58Donc,
01:03:58vous allez trouver
01:03:59qu'il y en a
01:04:00qui sont plus bavards
01:04:01que d'autres.
01:04:02Il faut aller vers eux.
01:04:05Merci beaucoup.
01:04:06Il y avait une question
01:04:06un peu plus bas.
01:04:07Attendez.
01:04:08On va faire dans l'ordre
01:04:09et vous après.
01:04:11Alors,
01:04:12excusez-moi,
01:04:12déjà, bravo
01:04:13pour votre intervention.
01:04:14Vraiment,
01:04:15j'ai trouvé ça remarquable.
01:04:16Merci.
01:04:17Et,
01:04:17bon,
01:04:18vous avez dit
01:04:19que vous n'aimez pas
01:04:20beaucoup parler de vous.
01:04:21je vais vous poser
01:04:22quand même une question
01:04:23sur votre expérience,
01:04:25enfin,
01:04:25votre vécu.
01:04:27En fait,
01:04:28vous avez donc grandi
01:04:29jusqu'à 5 ans
01:04:30sous le régime
01:04:31Khmer Rouge.
01:04:32Donc,
01:04:33vous étiez enfant.
01:04:34Donc,
01:04:34j'imagine,
01:04:34vous avez commencé
01:04:36à parler,
01:04:38enfin,
01:04:38pas à étudier
01:04:40puisqu'on n'étudiait pas,
01:04:41mais peut-être
01:04:43probablement aussi
01:04:44à passer par
01:04:44la propagande
01:04:46Khmer Rouge.
01:04:47Et vous avez
01:04:48côtoyé d'autres enfants.
01:04:49quels souvenirs
01:04:51personnels
01:04:52vous,
01:04:53il vous reste
01:04:54de ça ?
01:04:55Et aussi,
01:04:55une question délicate
01:04:56qui doit se poser
01:04:57pour beaucoup de gens
01:04:59qui ont vécu
01:05:00sous ce régime.
01:05:01Est-ce qu'il y a
01:05:02une part de soi
01:05:03qui,
01:05:04à un moment,
01:05:05s'identifie
01:05:06à l'agresseur ?
01:05:07Ou au moins partiellement ?
01:05:09Parce qu'apparemment,
01:05:10c'est un mécanisme psychologique
01:05:11qui est possible
01:05:11pour ne serait-ce
01:05:13que pour survivre.
01:05:14et voilà,
01:05:16mes questions,
01:05:17c'était celle-là.
01:05:18Alors,
01:05:18pour répondre
01:05:19à la première question,
01:05:21j'ai quelques souvenirs
01:05:22de mon enfance
01:05:24et maintenant,
01:05:26je ne sais plus
01:05:27si c'est parce que
01:05:27mes parents
01:05:28m'en ont parlé
01:05:29ou si,
01:05:30finalement,
01:05:31c'est moi
01:05:32qui avais ce souvenir.
01:05:34J'en ai deux
01:05:34qui m'ont marqué
01:05:36et que,
01:05:37de temps en temps,
01:05:37je fais ça
01:05:38dans les dédicaces.
01:05:39j'en ai une
01:05:42où mon père
01:05:43allait nettoyer son buffle.
01:05:46C'est un buffle
01:05:47qui a été donné
01:05:48par le chef du village
01:05:51pour qu'on s'en occupe.
01:05:52Et mon père
01:05:54m'amenait
01:05:55à ce moment-là
01:05:56et je me souviens
01:05:57d'être sur le dos
01:05:58de ce buffle
01:05:59à caresser
01:05:59les cornes.
01:06:01Et je voyais
01:06:02mes petites mains
01:06:02potelées
01:06:03caresser
01:06:04et aller
01:06:06à l'ondulation
01:06:07de ces cornes
01:06:08de buffle.
01:06:09Et ça,
01:06:10vraiment,
01:06:10j'ai l'impression
01:06:11de le voir
01:06:11avec mes yeux
01:06:13d'enfant
01:06:13cette scène.
01:06:15Et ça,
01:06:16c'est quelque chose
01:06:16qui m'a marqué
01:06:17et je me suis toujours
01:06:18demandé
01:06:18si c'est moi
01:06:20qui les avais imaginés
01:06:21ou si c'était mon père
01:06:22qui me l'avait raconté
01:06:23parce qu'il m'avait raconté
01:06:25aussi cette scène.
01:06:26Et il y en a une autre.
01:06:27Alors,
01:06:27cette fois-ci,
01:06:27ça,
01:06:27c'est vraiment moi.
01:06:30J'étais à la garderie
01:06:31et je pense
01:06:33qu'il n'y avait pas...
01:06:34Enfin,
01:06:35je me suis enfui
01:06:36de la garderie.
01:06:37Pour quelles raisons ?
01:06:38Je ne sais pas.
01:06:38Peut-être qu'il n'y avait
01:06:39pas assez à manger
01:06:39ou parce que j'ai été frappé
01:06:41par d'autres petits
01:06:42parce que c'est vraiment
01:06:43une garderie
01:06:44laissée comme ça.
01:06:46Et je suis passé
01:06:48par la fenêtre.
01:06:49C'est des maisons,
01:06:49vous imaginez,
01:06:50des maisons plein pied
01:06:51avec des fenêtres
01:06:52très ouvertes.
01:06:54Et je suis passé
01:06:55et je me suis enfui
01:06:56pour aller
01:06:56chez mes parents.
01:07:01C'est une maison
01:07:02que mon père a construite
01:07:03parce qu'il fallait
01:07:04partir de zéro.
01:07:05Il fallait couper du bois
01:07:07pour construire
01:07:08sa propre maison.
01:07:10Et là,
01:07:10j'attendais,
01:07:11je me souviens,
01:07:12pleurer,
01:07:12attendre mes parents
01:07:13et ils m'ont retrouvé
01:07:15parce que j'étais pieds nus.
01:07:16J'avais un pied un peu
01:07:17écarté comme ça
01:07:18et ils m'ont reconnu,
01:07:19ils m'ont suivi à la trace
01:07:20et après,
01:07:21ils sont venus me chercher.
01:07:23Et après,
01:07:24je n'ai plus de souvenirs.
01:07:25Alors après,
01:07:25je ne sais pas
01:07:26ce qui s'est passé.
01:07:26mais si vous voulez,
01:07:30déjà,
01:07:31quand on vit
01:07:32en fait ces scènes-là
01:07:33et qu'on n'a pas
01:07:33de référence,
01:07:35pour nous,
01:07:35c'est une vie normale.
01:07:37Pour un enfant,
01:07:38c'est une vie normale
01:07:38de ne pas avoir de jouets,
01:07:40de vivre dans ces conditions
01:07:41un peu à la mouglie,
01:07:43comme ça,
01:07:44à côté de la forêt.
01:07:46Ça,
01:07:46c'est normal.
01:07:47Après,
01:07:49le choc,
01:07:50c'était d'arriver en France
01:07:51et puis de voir
01:07:52tout le confort qu'il y a
01:07:53et puis après,
01:07:55alors,
01:07:56tout le temps passé
01:07:58jusqu'à ma maturité,
01:08:01ma réflexion,
01:08:04mes prises de conscience,
01:08:06ça a été une quête de soi,
01:08:07en fait,
01:08:07une quête de soi
01:08:08pour se reconnecter
01:08:09avec plein de choses
01:08:09parce que,
01:08:11moi,
01:08:11l'image que j'avais
01:08:12de moi enfant,
01:08:13en fait,
01:08:14une fois en France,
01:08:14c'est comme si
01:08:15j'étais coupé de tout,
01:08:17en fait.
01:08:17C'est comme si
01:08:18quand on me parlait,
01:08:19j'étais dans une grotte
01:08:20où j'entendais
01:08:21juste un écho
01:08:22de voix,
01:08:23de gens
01:08:23qui parlent
01:08:24mais pourtant,
01:08:25la personne,
01:08:26elle est en face.
01:08:28C'est ce trauma-là
01:08:29qui est resté
01:08:31très présent
01:08:31qui m'a,
01:08:32comment dire,
01:08:34perturbé
01:08:34dans le sens
01:08:35que j'avais des problèmes
01:08:36d'inattention,
01:08:37des choses comme ça.
01:08:38Après,
01:08:39je pense que c'est
01:08:42ce qui aide
01:08:45un petit peu,
01:08:46c'est les croyances,
01:08:48c'est la culture
01:08:49aussi
01:08:50de mon pays.
01:08:52je pense que
01:08:53j'ai la chance
01:08:54en fait
01:08:54d'être dans un pays
01:08:56où à travers
01:08:57la religion,
01:08:58à travers
01:08:59la spiritualité,
01:09:01il y a beaucoup
01:09:01cette notion
01:09:03de résilience,
01:09:04cette notion
01:09:05de chercher
01:09:06à aller
01:09:07toujours de l'avant.
01:09:08et je pense
01:09:10que
01:09:11si on n'a pas
01:09:13de...
01:09:15comment dire...
01:09:18je ne voudrais pas...
01:09:20enfin,
01:09:20comment dire...
01:09:21la spiritualité
01:09:23et
01:09:23la quête
01:09:26de ça,
01:09:28en fait,
01:09:29ça aide beaucoup
01:09:30je trouve
01:09:30à dépasser
01:09:32déjà les traumas
01:09:33mais aussi
01:09:34à se distinguer
01:09:35de cette violence.
01:09:37alors,
01:09:37quand je vous avais
01:09:38parlé
01:09:38de cette
01:09:40pudeur,
01:09:43de cette envie
01:09:43aussi
01:09:44de se détacher
01:09:45de l'horreur,
01:09:46de ne pas y entrer
01:09:48mais tout en évoquant,
01:09:51c'est une démarche
01:09:52aussi
01:09:52qui
01:09:54permet aussi
01:09:57de se mettre
01:09:58à distance.
01:10:00Et je pense
01:10:01que c'est important
01:10:02en fait
01:10:02de se guérir
01:10:03de soi-même,
01:10:04de cette colère
01:10:05ou de cette tranquille...
01:10:06Quand je fais
01:10:08ces livres-là,
01:10:10il n'y a pas
01:10:11de colère.
01:10:12Il n'y a pas
01:10:12de colère.
01:10:12C'est un témoignage.
01:10:15Voilà.
01:10:17Je ne ressens pas,
01:10:18moi...
01:10:19Quand j'étais jeune,
01:10:22je ressentais
01:10:22de la colère.
01:10:23Je ressentais
01:10:24de la...
01:10:25comment dire...
01:10:26d'un sentiment
01:10:27de dire
01:10:28mais pourquoi
01:10:28on est là ?
01:10:29C'est injuste.
01:10:30On avait une vie
01:10:31calme,
01:10:31paisible et tout.
01:10:32après,
01:10:34avec la maturité,
01:10:37je pense que
01:10:37ce qu'on dépose
01:10:38aussi
01:10:39sur un ouvrage
01:10:40comme ça,
01:10:41ça nous permet
01:10:41aussi de se mettre
01:10:42à distance
01:10:43de cette colère.
01:10:45C'est ça
01:10:46qui aide.
01:10:48Et en fait,
01:10:49alors,
01:10:49moi j'ai vécu
01:10:50avec des parents
01:10:51aimants.
01:10:53Ça aide aussi.
01:10:54Je me souviens,
01:10:55ma mère,
01:10:56elle m'a toujours dit
01:10:56tu sais,
01:10:58ton arrière-grand-mère
01:10:59en fait,
01:11:00avant ta naissance,
01:11:01a cousu
01:11:02et a préparé
01:11:02des langes
01:11:03pour toi
01:11:04et a toujours été proche.
01:11:06Et quand je suis retourné
01:11:07au Cambodge,
01:11:08par exemple,
01:11:09cette grand-mère
01:11:09n'a pas survécu
01:11:11pendant le régime,
01:11:12j'ai eu des tantes,
01:11:13des cousines
01:11:13de mes parents,
01:11:14de ma mère,
01:11:15par exemple,
01:11:16ou que j'ai revues
01:11:17qui ont été surprises
01:11:18de me voir
01:11:19en pleine forme.
01:11:21Et je ressentais,
01:11:23comment dire,
01:11:24de l'amour,
01:11:25de l'amour
01:11:25comme si c'était
01:11:26ma deuxième maman.
01:11:28Et j'ai toujours été entouré,
01:11:29c'est pour ça que j'ai mis
01:11:30le deuxième tome
01:11:31un hommage aux femmes
01:11:35parce que mes tantes,
01:11:38ma grand-mère,
01:11:39beaucoup de femmes
01:11:40étaient autour de moi,
01:11:42à s'occuper de moi
01:11:42en fait,
01:11:43mais que je n'avais pas conscience.
01:11:44Et je lui ai dit
01:11:45à ma mère,
01:11:46je lui ai dit,
01:11:46tiens,
01:11:46ta cousine,
01:11:47je l'ai revue
01:11:48et j'ai l'impression
01:11:49que c'est comme
01:11:49ma deuxième maman.
01:11:50Et elle m'a raconté,
01:11:51elle m'a dit,
01:11:52oui,
01:11:52elle s'est beaucoup occupée de toi,
01:11:53chaque femme
01:11:54avait un rôle,
01:11:56celui qui nettoyait
01:11:56les cacas,
01:11:57celui qui nourrissait
01:11:58en cachette.
01:11:59En fait,
01:12:00ce que je veux dire,
01:12:00c'est qu'au Cambodge,
01:12:02il y a cet esprit aussi collectif.
01:12:04Même s'il y a un régime
01:12:05comme ça,
01:12:05l'esprit de famille
01:12:06est encore présent.
01:12:08Même si on a envie
01:12:09de disloquer,
01:12:10ça ne disparaîtra jamais
01:12:12en fait,
01:12:12parce que les femmes
01:12:14sont garantes
01:12:15en fait de ça,
01:12:16de la transmission,
01:12:17de l'amour,
01:12:18de toutes ces choses en fait.
01:12:19Et moi,
01:12:19j'ai eu cet amour-là.
01:12:21Et je pense que c'est ça aussi
01:12:22qui m'a préservé
01:12:23de ce côté agresseur,
01:12:25agressé,
01:12:26parce que je n'étais pas isolé.
01:12:28C'est le régime
01:12:28qui nous isole.
01:12:30Mais au fond,
01:12:30il y a une cellule
01:12:31qui me protégeait de ça.
01:12:34Et la dernière question,
01:12:35on sera devant.
01:12:36Oui.
01:12:37C'est vous qui voulez
01:12:38poser une question tout à l'heure ?
01:12:39Oui,
01:12:39je vous en prie,
01:12:39il y a le micro qui va arriver.
01:12:42Oui,
01:12:42bonsoir.
01:12:44Bonsoir.
01:12:44Je ne sais pas si,
01:12:46enfin,
01:12:46comment dire,
01:12:47je ne sais pas si le premier tome,
01:12:48le premier album,
01:12:49le premier tome est paru
01:12:51il y a déjà quelques temps
01:12:52ou si c'est vraiment tout récent.
01:12:55Ben oui,
01:12:55d'ailleurs,
01:12:56j'ai fait la savoir.
01:12:56C'est en 2011.
01:12:57Mais je peux poser aussi la question,
01:12:58est-ce que vous pensez
01:12:59qu'il y a une chance
01:13:00ou est-ce que c'est déjà
01:13:01envisagé de façon précise
01:13:05qu'il puisse être publié
01:13:07au Cambodge ?
01:13:10Alors,
01:13:10ça a été traduit en cambodgien
01:13:11après la sortie du troisième tome,
01:13:15c'est-à-dire que ça devait être sorti
01:13:16en 2017 ou 2018.
01:13:18Pour un peu étendre
01:13:23votre question aussi,
01:13:25il a été traduit aussi en anglais
01:13:27et là,
01:13:29dernièrement,
01:13:30en turc.
01:13:31Alors moi,
01:13:31je me suis dit,
01:13:32mais pourquoi en turc,
01:13:33en fait ?
01:13:34Parce que c'est autant le Cambodge
01:13:36avec le protectorat français,
01:13:38on pouvait deviner
01:13:40une espèce de relation.
01:13:42Mais en fait,
01:13:44je me suis dit,
01:13:45mais en fait,
01:13:46les Kurdes
01:13:49ont connu aussi
01:13:50un génocide
01:13:51et peut-être aussi
01:13:52qu'à l'intérieur
01:13:53de la Turquie,
01:13:55il y a des mouvements
01:13:56aussi,
01:13:57les traits contestataires
01:13:59ou qui veulent aussi
01:14:00dénoncer des choses,
01:14:01mais pas de manière directe.
01:14:02et qu'à travers ce support-là,
01:14:04il y a une réelle réflexion
01:14:05sur,
01:14:06comme je disais,
01:14:07cette histoire
01:14:08aurait pu se passer
01:14:09n'importe où.
01:14:09Alors il se trouve
01:14:10que le destin
01:14:11m'a fait naître
01:14:13au Cambodge,
01:14:13mais on connaît tous
01:14:15des histoires comme ça
01:14:17dans différents pays,
01:14:18en Europe
01:14:19avec la Deuxième Guerre mondiale,
01:14:21liée au génocide
01:14:22des Juifs.
01:14:23Donc je pense
01:14:26que c'est important
01:14:27d'avoir un support
01:14:29pédagogique
01:14:30pour transmettre
01:14:31quelque chose,
01:14:32même si ça ne concerne
01:14:33pas notre pays.
01:14:35Et comment est-ce que
01:14:37ça a été reçu
01:14:39et diffusé
01:14:40au Cambodge ?
01:14:42Alors au Cambodge,
01:14:43ça a été très bien reçu
01:14:46parce que mon éditeur
01:14:47a bien ouvré
01:14:50dans le sens
01:14:50où il y avait
01:14:52des salons.
01:14:52Alors j'ai été surpris
01:14:53parce qu'il y avait
01:14:54beaucoup d'étudiants
01:14:55qui ont acheté
01:14:56ce livre
01:14:57et l'ont fait partager.
01:14:59Et c'est une première
01:15:00expérience pour les Cambodgiens
01:15:01aussi pour une bande dessinée.
01:15:03Juste après la guerre,
01:15:04il y a beaucoup d'auteurs
01:15:05qui sont morts.
01:15:09Et c'est une première
01:15:09bande dessinée
01:15:10qui arrive
01:15:11et qui parle
01:15:11de leur propre pays.
01:15:12Donc il y a
01:15:13une réelle découverte.
01:15:15Et la toute dernière question
01:15:17viendra de là-bas
01:15:18pour qu'il y ait le temps
01:15:18d'une sorte de dédicace
01:15:19juste derrière.
01:15:22Bonsoir Tiane.
01:15:24Bonsoir Sandrine.
01:15:26Est-ce que tu acceptes
01:15:27de dire deux mots
01:15:28sur ta prochaine bande dessinée
01:15:30parce qu'il y a quand même
01:15:31un lien évident ?
01:15:32Oui, oui, oui.
01:15:33On va même essayer
01:15:34de nous montrer la couverture
01:15:35si on n'a pas le souci technique
01:15:36de tout à l'heure.
01:15:38Est-ce que j'ai...
01:15:38Ah oui.
01:15:40Oui, en fait,
01:15:41la prochaine bande dessinée,
01:15:44en fait,
01:15:46elle s'appelle
01:15:46Le piano de Leipzig.
01:15:48Et c'est l'histoire
01:15:50d'une pianiste cambodgienne.
01:15:52Donc,
01:15:54une musicienne
01:15:55qui est née
01:15:56dans les années 60,
01:15:57en fait,
01:15:58qui est partie
01:15:59avant les événements
01:16:01Khmer Rouge,
01:16:02qui est partie
01:16:03pour fuir
01:16:04une famille,
01:16:05enfin,
01:16:06un papa toxique.
01:16:08Et elle est partie
01:16:10en Allemagne de l'Est,
01:16:12en ex-Allemagne de l'Est,
01:16:13en RDA,
01:16:13pour étudier le piano.
01:16:15Et lorsque les Khmer Rouge
01:16:18sont arrivés au pouvoir,
01:16:20on a demandé
01:16:21aux étudiants
01:16:22de revenir
01:16:23pour reconstruire
01:16:25soi-disant le pays,
01:16:26mais c'était plus
01:16:26pour les tuer, quoi.
01:16:29Tous les intellectuels
01:16:30étaient mis
01:16:31soit à S21
01:16:32ou soit étaient déjà...
01:16:33Enfin,
01:16:34étaient tués
01:16:34sur le tarmac.
01:16:37Et elle,
01:16:39elle ne connaissait pas du tout
01:16:40tout ce qui se passe
01:16:41au Cambodge
01:16:43à ce moment-là.
01:16:43et elle disait
01:16:45que si je n'arrive pas
01:16:48à emmener mon piano
01:16:50avec moi,
01:16:51je ne rentre pas.
01:16:54Et finalement,
01:16:55elle est restée
01:16:56en Allemagne
01:16:58et le piano
01:16:58lui a sauvé la vie.
01:17:00Alors,
01:17:00au-delà de ça,
01:17:01c'est une femme
01:17:02qui s'est beaucoup battue
01:17:04pour sa liberté,
01:17:05l'émancipation,
01:17:07tout ça.
01:17:07Et là,
01:17:08on a une vision
01:17:09d'une Cambodgienne
01:17:10dans un pays
01:17:12qu'elle ne connaît pas
01:17:13pas du tout
01:17:14en Europe,
01:17:15en Allemagne de l'Est.
01:17:16Et donc,
01:17:17je fais l'histoire
01:17:18de ce personnage
01:17:20qui évolue
01:17:21avec un fond.
01:17:23C'est en Allemagne,
01:17:24ça ne se passe pas
01:17:25au Cambodge,
01:17:25mais elle a un passé
01:17:27lié au Cambodge.
01:17:29Et pour faire la promo
01:17:30jusqu'au bout,
01:17:30c'est une sortie
01:17:31qu'en septembre,
01:17:32c'est ça ?
01:17:32en septembre.
01:17:34Et voilà,
01:17:35donc c'est...
01:17:36Et ça s'appelle ?
01:17:37Le piano de Leipzig.
01:17:40Merci.
01:17:40Comme ça,
01:17:41je ferai un dessin
01:17:41plus visible.
01:17:43Parce que là,
01:17:43je n'ai pas pu.
01:17:44Merci,
01:17:45merci de vos questions.
01:17:46Merci Alex.
01:17:48Merci au Forum des Images aussi.
01:17:51Merci Soko.
01:17:52Merci.

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