• il y a 8 mois
Il y a 70 ans, à Dien Bien Phu, la France était défaite par le Vietminh. 1858-1954 : de la conquête à la défaite, il y aura eu près de cent ans. L’histoire de l’Indochine coloniale est pourtant aujourd’hui encore mal connue, comme effacée de nos mémoires collectives, réduite à des chromos exotiques. Dans ce hors-série exceptionnel, "le Nouvel Obs" décortique les rouages de la machine coloniale, du trafic d’opium à l’exploitation des corps, raconte la violence de cette guerre d’Indochine qui en engendrerait une autre, en Algérie. Et propose également de renverser le regard en donnant la voix à des auteurs et artistes asio-descendants, qui interrogent cette histoire.

Voici le replay de le conférence organisée dans notre auditorium pour le lancement du magazine, avec au programme :
- Table ronde "Colonisation, héritage empoisonné" avec Grace Ly, militante anti-raciste et autrice, Fabien Truong, sociologue et auteur, et Anna Moï, écrivaine
- Table ronde "Mémoire et transmission, les récits des asio-descendants", avec Hanae Bossert, autrice du podcast « Ma tonkinoise », Alix Douart-Sinnouretty, autrice du podcast « Vietnam sur Lot », Mai Hua, réalisatrice du film « Les rivières ».

Soirée animée par Doan Bui, journaliste au "Nouvel Obs".

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Transcription
00:00:00 Ah, voilà.
00:00:01 Bonjour tout le monde.
00:00:04 (Vietnamien)
00:00:05 Je vais faire semblant de parler vietnamien.
00:00:08 Ben je suis vraiment très contente que vous soyez là et si nombreux.
00:00:12 Et je pense que c'est la première fois que, en tout cas dans les locaux du monde,
00:00:15 ils voient autant d'asiatiques pendant un...
00:00:17 J'espère qu'ils vont pas avoir peur.
00:00:19 Donc je pense que c'est un peu comme en fait l'anniversaire de Dien Bien Phu.
00:00:22 C'est un peu Dien Bien Phu à l'envers, Béatrice qui va tomber là.
00:00:26 Mais en même temps, vous avez vu, nous sommes 67, avenue Pierre Mendès, France.
00:00:31 Donc on est un petit peu dans la thématique de ce hors-série.
00:00:34 Donc ce hors-série est très spécial pour nous parce que, en fait, je crois que c'est la première fois
00:00:39 que dans un magazine qui raconte cette histoire, qui a été un peu occultée finalement,
00:00:45 puisque dans la mémoire française, la guerre d'Algérie a un peu écrasé la mémoire de l'Indochine,
00:00:51 de quasiment 100 ans de colonisation et de cette guerre.
00:00:54 Et après la guerre du Vietnam, qu'on appelle pas guerre du Vietnam, mais Vietnam d'ailleurs,
00:00:59 avec les films, avec tout ça a écrasé aussi ce qui s'est passé avant.
00:01:03 Donc nous, ça nous semble important à l'occasion de l'anniversaire de Dien Bien Phu
00:01:07 de rappeler cette histoire occultée.
00:01:10 Et l'originalité de ce hors-série, c'est qu'on a voulu mettre en avant des asios,
00:01:17 les voix et le travail d'artistes asiodescendants.
00:01:22 Et donc ça aussi, je crois que c'est vraiment la première fois qu'on voit ça dans un média,
00:01:28 pas que le Nouvelle-Obs.
00:01:30 Donc je suis très fière de pouvoir vous présenter ça.
00:01:33 Et d'ailleurs, dans cette soirée, pareil, je n'ai pas été très mixte dans ces tables rondes
00:01:40 parce que je n'ai fait appel qu'à des asiodescendants aussi.
00:01:44 Donc voilà.
00:01:45 Pour la première table ronde, il va y avoir Anna Moy, écrivaine, qui est un peu ma star personnellement.
00:01:51 Anna, viens.
00:01:53 Et dans le dernier livre, 80 mots du Vietnam, beaucoup de romances,
00:02:00 beaucoup d'entre vous ont dû lire Renoir.
00:02:03 Je ne vais pas tous les dire là, Anna, mais ils seront en vente normalement à la sortie avec la librairie Jeunas.
00:02:10 Je vais appeler aussi la célèbre et ludique Grassley.
00:02:15 Donc vous connaissez aussi, qui est aussi autrice, qui a écrit ce roman,
00:02:22 Très Beaux Jeunes Filles Modèles, et qui est aussi à l'origine,
00:02:25 mets-toi à côté, ouais, et qui, entre autres, est à l'origine avec Rokhaya Diallo du podcast Kif-Taras.
00:02:35 Vous la connaissez certainement, enfin beaucoup d'entre vous en tout cas la connaissent,
00:02:40 et je pense qu'elle a fait beaucoup avancer notre compréhension des stéréotypes ratio,
00:02:45 et surtout en tout cas, tu l'as portée avec beaucoup de courage aussi dans l'espace public.
00:02:51 Donc moi je te remercie énormément pour ça.
00:02:54 Et il y a aussi Fabien Truong, qui est sociologue, mais aussi asiodescendant, romancier, qui vient de sortir Routines.
00:03:01 En fait, moi j'ai découvert Tes ascendances avec La Taille des Arbres,
00:03:05 dans son récit qui date de 2022, voilà, donc viens.
00:03:11 Et donc je l'invite sur plusieurs de ses casquettes, alors je vais vous expliquer pourquoi.
00:03:16 Donc la première table ronde, attendez je vais mettre le timer,
00:03:20 parce que le problème c'est que je suis très mauvaise pour gérer le temps,
00:03:25 et en fait, quelquefois je demande à Marie de me stopper, mais en fait, comme je la vois pas, ça sert à rien.
00:03:30 Donc excusez-moi, j'aurais dû mettre, voilà, je vais mettre un timer.
00:03:36 Hop. Donc la première table ronde, il s'agit de parler des héritages,
00:03:43 Marie tu peux mettre le premier placard ? Donc c'est pas celle-là.
00:03:48 C'est sur l'héritage de la colonisation, pourquoi j'ai rassemblé Fabien, Anna et Grâce.
00:03:55 Donc je ne vais pas faire semblant de vous voyer, parce que voilà, ça serait un peu ridicule.
00:03:59 Parce qu'en fait, Grâce, je lui ai demandé de travailler dans ce hors-série,
00:04:04 sur un sujet, sur le mythe de la "con gai" en fait.
00:04:09 Comment "con gai", ça veut dire "une fille" en vietnamien,
00:04:13 mais c'est devenu un mot qui, pendant la colonisation, désignait des femmes qui étaient à la fois,
00:04:19 des femmes qui étaient employées par des colons, qui étaient à la fois des bonnes, des esclaves sexuels.
00:04:25 Et donc en fait, dans cet article sur le porno-colonialisme, Grâce, elle a un peu déconstruit,
00:04:32 elle s'est construite, elle s'est plongée dans cette matière historique.
00:04:37 Et finalement, moi ce qui m'intéresse, c'est de savoir aussi comment,
00:04:41 par rapport à ta réflexion sur les stéréotypes racials sur les femmes asiatiques,
00:04:45 qu'est-ce que cette approche historique t'a inspirée.
00:04:51 Fabien, c'est un peu les mêmes raisons pour lesquelles j'ai sollicité Fabien,
00:04:55 puisque Fabien, sa casquette, c'est sociologue, t'as beaucoup travaillé sur les banlieues,
00:05:01 t'as travaillé aussi sur le djihadisme, t'as travaillé sur tous les phénomènes d'intégration,
00:05:08 ou de désintégration, on pourrait dire, dans pas mal de territoires.
00:05:15 Ton article d'ailleurs est dans une partie qu'on a appelée "Intersection coloniale",
00:05:20 parce qu'on s'est intéressés dans cet article à comment, au début de la colonisation,
00:05:25 les anthropologues ont essayé d'établir une hiérarchie des races.
00:05:31 Et là aussi, on retrouve ces stéréotypes aujourd'hui.
00:05:37 Et Anna, moi je voulais que tu nous parles plus d'un vrai héritage de la colonisation,
00:05:41 qui est le Kokomo, l'alphabet romain.
00:05:45 Et aussi, à part le Banmi et autres choses, je voulais que tu nous racontes un peu
00:05:52 quel est finalement le leg de ces quasiment 100 ans de colonisation française en Indochine.
00:06:01 On va peut-être commencer avec Fabien, sur la hiérarchie des races.
00:06:06 Je voulais juste que tu me dises, toi justement, qu'est-ce qui t'a frappé le plus dans ton enquête ?
00:06:11 Vu que tu avais cette double casquette, tu n'es pas forcément spécialiste de la période de la colonisation,
00:06:19 mais tu as ce regard de sociologue, qu'est-ce qui t'a frappé le plus dans ce que tu as découvert pendant cette enquête ?
00:06:27 - Plusieurs choses. Bonjour, déjà. C'est vrai que ça fait plaisir de voir autant de monde pour cette soirée.
00:06:35 Il y a plusieurs choses qui m'ont frappé. Déjà, pour resituer peut-être le contexte historique, il est important,
00:06:41 on est à un moment de bascule à la fin du 19e siècle, parce que c'est à ce moment-là,
00:06:48 c'est à la fois une bascule politique et une bascule scientifique.
00:06:52 Bascule politique, c'est le moment où la Troisième République cherche à s'ancrer,
00:06:58 cherche à vouloir être universelle. Et vous voyez, je mets déjà des guillemets de rigueur.
00:07:04 La question coloniale, quand on regarde les débats au 19e siècle, il y a du débat quand même.
00:07:10 Si on va au bout des principes républicains, je vais un petit peu vite,
00:07:14 mais la colonisation, ça n'a pas l'air d'être une très bonne idée,
00:07:18 puisqu'il y a quand même l'idée d'assujettir des territoires, des populations.
00:07:24 Et on l'a oublié, parce qu'ils ont perdu la bataille politique et idéologique.
00:07:27 Il y a tout un tas de républicains qui s'opposaient et qui voulaient arrêter la colonisation.
00:07:32 Il y avait des voix très très fortes, mais l'histoire étant en général faite par les vainqueurs.
00:07:38 On est en train de dire la vérité, mais on répare aujourd'hui.
00:07:43 C'est le cœur qui parle. Mais on a oublié ces voix qui étaient fortes.
00:07:48 C'était un vrai débat qui scindait le camp des républicains.
00:07:52 Et au fond, des personnages comme Jules Ferry ou Ernest Renan, qui vont développer une rhétorique politique.
00:08:00 Jules Ferry, est-ce que tu peux nous rappeler ? C'est quand même lui qui parle du devoir des races supérieures à civiliser les races inférieures.
00:08:07 Voilà, c'est ça. Il faut trouver une rhétorique qui marche avec l'idée de lumière, l'idée de connaissance.
00:08:15 Et donc, cette idée qu'il y aurait des races inférieures et des races supérieures,
00:08:20 et que le geste de colonisation, c'est un geste de libération qui vise à amener les lumières à des peuples
00:08:28 qui n'en ont pas, mais avec de la bonne volonté et l'idée d'émanciper.
00:08:33 Donc on reste sur cette logique qui se veut émancipatrice, politiquement républicaine.
00:08:38 Il faut pouvoir avoir un discours. C'est une chose de dire qu'il y a des races supérieures et inférieures.
00:08:46 Mais comme on est dans le prisme philosophique des lumières, il faut pouvoir arriver à le fonder.
00:08:52 Et c'est là qu'il y a un basculement aussi, je dirais, scientifique.
00:08:55 C'est-à-dire qu'on ne peut pas avoir le discours qu'il y avait...
00:08:58 Parce qu'en fait, il y a une continuité dans l'histoire coloniale entre l'Empire, la royauté et la République.
00:09:06 Mais il faut pouvoir avoir un nouveau discours. C'est là qu'il se joue quand on regarde.
00:09:11 Et c'est très clair aussi sur la race dite anamite.
00:09:17 C'est l'idée de pouvoir fonder scientifiquement cette idée de hiérarchie.
00:09:23 Et donc, à ce moment-là, l'anthropologie, pour pouvoir fonder un discours scientifique,
00:09:29 elle se base sur une sorte d'épistémologie naturaliste, biologisante.
00:09:35 En fait, le modèle, et c'est un peu la préhistoire des sciences sociales,
00:09:40 le modèle, c'est les sciences dites dures.
00:09:44 Donc qu'est-ce qu'on cherche à faire ? À mesurer, à objectiver par...
00:09:50 Par exemple, mesurer des crânes, peser des cerveaux ?
00:09:53 L'anthropologie, c'est ça. C'est-à-dire qu'on va établir des différences que l'on croit objectives par la mesure,
00:10:00 et une mesure quantifiée.
00:10:02 Donc moi, ce qui m'a vraiment surpris, quand tu parles de surprise, pour écrire le papier,
00:10:06 je me suis un peu plongé dans les archives.
00:10:08 Et tout est accessible en ligne ou sur le site de Gallica, etc.
00:10:12 Donc on voit vraiment les débats scientifiques de l'époque.
00:10:16 Ce qui est frappant, c'est qu'on a des gens qui sont vraiment pleins de bonne volonté.
00:10:21 C'est pas un discours raciste, idéologique.
00:10:25 Il se veut gommer de toute idéologie dans la construction du rapport à la preuve, etc.
00:10:31 Et donc on cherche à quantifier, à mesurer, on trouve des différences.
00:10:37 Très vite, quand on lit un peu tous ces textes, on se rend compte qu'il y a quelque chose d'assez biaisé.
00:10:41 Il y a quand même quelque chose de l'ordre où on trouve que ce qu'on cherche...
00:10:46 Au point de départ, les hypothèses sont problématiques.
00:10:49 Quand on veut absolument trouver des différences en craniométrie, en dentition, en densité de squelette,
00:10:57 c'est assez sordide aussi, d'une certaine manière.
00:11:01 En fait, d'une certaine manière, on va les trouver.
00:11:03 Ce qui est frappant, c'est que tu vois les stéréotypes.
00:11:07 Par exemple, est-ce que tu peux nous rappeler quels étaient les stéréotypes, justement ?
00:11:11 Qu'est-ce qu'ils ont trouvé sur les anamites, par exemple, par rapport à d'autres races ?
00:11:14 Puisqu'en fait, il y avait un intérêt.
00:11:16 Voilà, il y avait un intérêt.
00:11:17 Ce qui est intéressant, c'est aussi le point de départ du papier.
00:11:19 C'est de se dire, mais je pense que c'est la même chose dans le travail qu'a fait Grasse, etc.
00:11:23 C'est de voir qu'il y a une histoire, en fait, de...
00:11:25 Parce qu'aujourd'hui, il y a des stéréotypes très très forts qui pèsent sur les Asiatiques.
00:11:29 Et on voit qu'il y a cette histoire généalogique des représentations.
00:11:34 Et notamment, il y a une différence entre l'africain et l'anamite.
00:11:39 Et en fait, il y a le côté...
00:11:44 L'effort répété, qui est très...
00:11:47 En fait, il y a des indices de robusticité.
00:11:50 C'est un terme technique et scientifique de l'époque.
00:11:54 Et quand on lit ces papiers-là,
00:11:56 il paraît absolument clair, net et prouvé,
00:11:59 que l'indice de robusticité de l'anamite
00:12:01 est beaucoup plus fort que l'indice de robusticité de l'africain.
00:12:06 Et ça, ça va avoir des conséquences tout à fait directes.
00:12:10 Puisque, comme vous le savez sans doute,
00:12:13 il y a eu des tirailleurs anamites et indochinois
00:12:17 dès la Première Guerre mondiale.
00:12:19 Mais ce qui est intéressant, c'est que dans le "dispatching" des différents tirailleurs,
00:12:23 on va avoir une sorte de spécialisation des tâches des différents tirailleurs
00:12:29 en fonction de ce soubassement scientifique.
00:12:32 Et parce que l'on pense que les anamites ont un indice de robusticité beaucoup plus puissant,
00:12:37 alors ils vont être massivement attachés à l'entretien des routes...
00:12:43 - Et des tranchées, c'est ça ? - Et des tranchées, voilà.
00:12:45 Donc en fait, tout ce qui...
00:12:47 Et avec aussi tous les stéréotypes sur la taille,
00:12:49 sur les petites mains besogneuses, précises, etc.
00:12:53 Alors, quand on connaît en plus l'histoire des différentes guerres
00:12:56 qui vont traverser tous ces territoires,
00:12:59 et le rapport, je dirais, aux routes, aux tunnels, aux tranchées, à la jungle,
00:13:04 c'est un peu faramineux parce qu'en fait on voit...
00:13:07 - On dirait un téléphone. - Oui, et que c'est déjà là,
00:13:10 mais que c'est là très bizarrement d'une certaine manière.
00:13:13 Mais on voit ce... Et donc il y avait aussi cette volonté d'utiliser les...
00:13:18 Mais vous voyez ce qui est très...
00:13:21 Quand on... Moi j'essaye de lire les choses à la manière d'un sociologue, d'un anthropologue,
00:13:26 et pas... Donc c'est aussi, quand vous lisez ce type de documents,
00:13:30 vous essayez aussi de comprendre ce qui se passe dans la tête des gens,
00:13:34 même si on lit des choses qui sont tout à fait choquantes.
00:13:37 Et moi, c'est ce que je fais dans mon métier.
00:13:39 Je suis confronté très souvent à des phénomènes de violence, etc.
00:13:42 Mais l'idée, c'est de pouvoir les comprendre.
00:13:45 Et comprendre n'est pas excuser.
00:13:47 C'est quelque chose qu'on entend souvent, mais je pense qu'il faut le répéter.
00:13:50 C'est un phénomène très différent.
00:13:52 Et on sent qu'il y a une volonté de progrès, en fait, dans ce...
00:13:57 L'idée même de, en gros, de passer du temps sur ces corps et ces êtres
00:14:04 qui n'étaient même pas d'une certaine manière vus.
00:14:07 Alors là, ils sont disséqués.
00:14:09 Mais d'une certaine manière, c'est aussi perçu comme une forme d'attention à l'autre.
00:14:14 Alors qu'il y a une violence inouïe, mais on sent ça aussi, en fait.
00:14:18 - Ce qui est fou, c'est que par rapport à ce que tu dis sur l'indice de rusticité
00:14:21 et donc le côté anamite travailleur, c'est que finalement,
00:14:25 j'ai entendu tellement de fois "mais vous, vous êtes très travailleur, vous les Asiatiques",
00:14:30 ça vient de là, en fait.
00:14:31 - L'effort, le côté asiatique, là, c'est très clair.
00:14:35 C'est-à-dire que réparer les routes, etc.
00:14:38 Et c'est scientifiquement, anthropologiquement fondé.
00:14:41 - Enfin, ils pensaient que scientifiquement, ils arrivaient à le prouver.
00:14:44 - Ce qui est aussi... Alors, c'est la deuxième chose, en fait, qui m'a surpris
00:14:48 en regardant les textes d'un peu près, parce que c'est des choses qu'on croit les savoir,
00:14:52 mais tant qu'on n'y a pas passé un peu de temps, c'est que de la surface.
00:14:56 Justement, c'est quand on va aller voir les documents,
00:14:59 quand on va voir les textes dans leur longueur, en fait,
00:15:03 on voit aussi que c'est un moment où ça commence à basculer,
00:15:05 à la fois du point de vue, je dirais, scientifique et anthropologique.
00:15:09 C'est-à-dire l'anthropologie coloniale, elle est aussi, à ce moment-là,
00:15:12 elle commence à s'effondrer et on commence à en ressentir.
00:15:14 C'est-à-dire qu'en fait, plus il mesure, on voit qu'il y a des gens
00:15:17 qui commencent à se poser des questions, parce qu'en fait,
00:15:19 il y a des mesures qui ne matchent plus vraiment, on a des doutes,
00:15:23 on se pose la question de la représentativité de tel ou tel échantillon d'anamite, etc.
00:15:30 Et en fait, on a des véritables discussions, entre guillemets, scientifiques.
00:15:33 Alors, on était gommés, parce que je le rappelle, c'est les vainqueurs qui...
00:15:37 - Qui racontent. - On va changer les choses aujourd'hui.
00:15:39 Qui gagnent la bataille, en tout cas, la première bataille.
00:15:42 Mais en fait, on voit aussi ces moments de doute.
00:15:46 Et puis, il y a aussi, à la fin du papier, un peu aussi un moment de doute
00:15:51 qui est les expositions coloniales.
00:15:53 Alors là, c'était aussi, on était un peu à la frontière
00:15:57 entre, quelque part, l'artistique et le scientifique.
00:16:00 C'est-à-dire, c'était montrer en chair et en os...
00:16:03 - L'indigène. - L'indigène, mais aller à la rencontre d'eux.
00:16:07 Et là, il y a des comptes-rendus de personnes qui sont...
00:16:11 On sent vraiment qu'ils veulent vivre.
00:16:13 - Après, il ne faut pas dire tout ton papier. - Oui, j'arrête.
00:16:15 - Parce que, il faut que vous l'achetiez pour le lire.
00:16:17 Parce que vraiment...
00:16:19 Non, non, sinon après, ils ne vont plus acheter.
00:16:21 Ce n'est pas possible.
00:16:22 Non, non, donc, il va déflorer tout son...
00:16:24 Non, c'est vraiment passionnant de voir, justement, comment les entre...
00:16:28 Alors, juste, grâce, je voudrais aussi que toi, tu me parles.
00:16:30 Donc, grâce à écrire un article sur le porno-colonialisme.
00:16:33 Et même chose, toi, par rapport à ta réflexion sur les clichés ratio,
00:16:37 qu'est-ce qui t'a le plus frappée dans cette plongée dans l'univers colonial ?
00:16:43 Et c'est vrai que c'était un argument pour envoyer des soldats,
00:16:47 la Tonquinoise, les Mousmé, les Conga,
00:16:52 enfin, voilà, c'était un objet de fantasme sexuel.
00:16:56 - Oui, alors, je vais essayer de vous donner envie d'acheter tout de suite, immédiatement,
00:16:59 cet ouvrage, dès que votre sortie.
00:17:02 Et juste avant, je voudrais quand même remercier vraiment Doan et Fabien et Anna d'être là.
00:17:06 Et vraiment, Doan, de proposer ce sujet en hors-série,
00:17:10 d'un nombre de pages, enfin, je sais pas, il y a plein de pages.
00:17:14 - 100 pages !
00:17:15 - 100 pages, seulement pour 8,90 euros !
00:17:18 - Non, mais c'est... Voilà, c'est fait.
00:17:21 Non, mais vraiment, je pense que, moi, personnellement,
00:17:23 je travaille sur cette question depuis un certain temps,
00:17:25 et de voir un édito signé Doan Buie, qui s'appelle "Décoloniser",
00:17:28 je pense que ça marque, et c'est important de souligner
00:17:31 que c'est un sujet qui est difficile à porter,
00:17:34 notamment entre les pages d'un...
00:17:38 - D'un magazine.
00:17:40 - Du monde, en public !
00:17:42 Du mainstream, ou je sais pas comment on appelle ça.
00:17:44 Et je pense que c'est très important, parce que
00:17:46 ce qu'on est en train de dire, là, ce que dit Fabien Truong,
00:17:49 et ce que va dire Anna, et ce que tu montres, aussi,
00:17:51 avec tout le travail fait dans cet ouvrage,
00:17:53 c'est à quel point on parle de choses, on parle de race.
00:17:57 Évidemment, ça n'existe pas, la race.
00:17:59 Mais ce que tu démontres, c'est pourquoi est-ce que
00:18:02 quelque chose qui n'existe pas a gouverné tant,
00:18:05 de tant les gens et des territoires, en fait ?
00:18:09 Et pourquoi, encore aujourd'hui, on parle du terme "racisme",
00:18:12 alors qu'on sait pertinemment qu'il n'y a pas de race,
00:18:16 il n'y a qu'une seule race, c'est la race humaine,
00:18:18 toutes les personnes ici sont de la même race humaine,
00:18:20 et pourquoi est-ce que cette idéologie qu'on appelle le racisme
00:18:23 nous a autant meurtries, en fait ?
00:18:25 Et pourquoi il y a des restes, aujourd'hui ?
00:18:27 Donc, moi, sur la thématique que tu m'as confiée,
00:18:30 pourquoi est-ce qu'aujourd'hui encore,
00:18:34 il y a des personnes, des femmes, à qui on dit,
00:18:39 je pense qu'il y a peut-être des personnes
00:18:41 qui peuvent se reconnaître dans cette phrase,
00:18:43 moi, on m'a dit, quand j'étais plus jeune,
00:18:45 "Ah, je ne suis jamais sortie avec une Asiatique",
00:18:47 et je me suis dit, "Mais pourquoi il me dit ça, en fait ?
00:18:49 C'est quand même incroyable de penser que toutes les Asiatiques se ressemblent,
00:18:51 en fait, ce n'est pas comme si nous ne sommes pas une famille, en fait."
00:18:54 Donc, c'est terrible de s'entendre dire ça.
00:18:57 Et en fait, ce qu'il y a derrière cette phrase,
00:18:59 cette phrase qui semble anodine dans une conversation de bar,
00:19:03 c'est qu'on est dans une même catégorie.
00:19:07 Et cette catégorie-là, si je n'avais pas lu,
00:19:10 si je n'avais pas fait des recherches,
00:19:12 je me serais dit, "Bon, ça vient de, je ne sais pas, c'est cette personne-là."
00:19:16 Non, en fait, c'est une catégorie qui a été fabriquée dans l'histoire
00:19:19 et qui a été fabriquée de manière consciente.
00:19:22 Et on a mis des gens dans des cases, et c'est ça le racisme, en fait.
00:19:26 Et s'agissant des personnes qui sont femmes,
00:19:29 il y a l'intersection du racisme et du sexisme
00:19:33 qui fait qu'on traite ces femmes d'une certaine manière,
00:19:36 qu'on les voit d'une certaine manière, et qu'aujourd'hui encore, en 2024,
00:19:39 il peut y avoir des occurrences de ces croisements,
00:19:45 de ces oppressions qui se manifestent vraiment de manière quotidienne dans la vie.
00:19:51 - D'ailleurs, là, on est en train de montrer cette carte postale.
00:19:55 C'était le type de carte postale qui était envoyée,
00:19:58 donc une carte postale, pas quelque chose qu'on met en dessous d'une enveloppe,
00:20:01 qui était envoyée en métropole.
00:20:03 Je remercie Olivier Auger qui est là, qui nous a permis de reproduire ces cartes postales.
00:20:07 Moi, je les trouve tellement...
00:20:09 - Roches.
00:20:11 - Mais ça raconte tout, en fait.
00:20:14 Tu peux me parler justement de...
00:20:16 Enfin, tu connaissais déjà le sujet, mais c'est vrai que tu as...
00:20:19 On voyait celle-là, et pornographique, en fait, on peut dire ça.
00:20:23 Et pareil, c'était une carte postale qui a été produite...
00:20:27 Je ne me rappelle plus la date, Ophélia. C'était 1900, enfin...
00:20:31 - 1900.
00:20:33 - Oui, 1900. Et c'est vrai qu'on s'est même posé la question,
00:20:36 si on allait la reproduire.
00:20:38 Et puis, finalement, on s'est dit, d'abord, c'est un document historique,
00:20:41 parce que ça raconte ce que tu expliques.
00:20:43 - Oui, c'est-à-dire que, là, vous avez pris un échantillon,
00:20:46 et je crois que ce n'est pas les pires.
00:20:48 Imaginez, en fait, des millions de ces cartes postales
00:20:52 qui étaient envoyées.
00:20:54 Et ce qu'il faut se dire, c'est qu'en fait, les lois morales
00:20:57 qui gouvernaient la métropole n'étaient pas celles qui avaient courant
00:21:00 dans les colonies. C'est-à-dire qu'on traitait ces femmes-là,
00:21:03 ces femmes qui te ressemblent, qui me ressemblent,
00:21:06 qui nous ressemblent, en fait, dans cette salle,
00:21:08 d'une manière objectifiée.
00:21:10 C'est-à-dire que ce ne sont pas des personnes, en fait,
00:21:12 ce sont des objets sur ces cartes postales.
00:21:14 On les utilise, on les photographie, puis après, on les jette.
00:21:17 Il n'y a aucune dignité, en fait, dans ce geste.
00:21:21 Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, c'est important aussi de rappeler
00:21:23 d'où vient... Pourquoi est-ce qu'on met les gens dans des cases ?
00:21:25 Pourquoi on les traite comme des objets ?
00:21:27 C'est parce qu'en fait, le racisme, ah, est passé par là
00:21:29 et laisse des traces.
00:21:31 Et je trouve que le titre que tu as choisi,
00:21:33 "Colonisation oubliée",
00:21:35 la colonisation oubliée, je pense que c'est juste
00:21:37 et c'est important de rappeler pourquoi.
00:21:39 En fait, ce n'est pas un oubli un peu fatal,
00:21:42 avec le temps qui passe.
00:21:44 C'est une amnésie collective qui a été organisée
00:21:46 pour qu'on oublie les exécutions qui avaient été commises
00:21:49 par des représentants de l'État,
00:21:51 par... Jules Ferry, tu l'as cité,
00:21:53 ça s'est passé à l'Assemblée nationale,
00:21:55 ce texte-là que tu cites,
00:21:57 c'est un texte, un discours à l'Assemblée nationale.
00:21:59 Donc ce n'est pas quelque chose d'obscur
00:22:02 dans un troquet.
00:22:04 C'est quelque chose qui a été... Il y a des traces
00:22:06 sur les archives et sur le site, aujourd'hui,
00:22:08 de l'Assemblée nationale. Donc ce n'est pas quelque chose
00:22:10 qui était sous le manteau.
00:22:12 C'est des discours extrêmement répandus
00:22:14 qui ont autorisé le traitement inhumain
00:22:17 de ces personnes-là.
00:22:19 Et on ne peut pas se dire que si on ne fait pas le travail
00:22:21 de mémoire, de vérité,
00:22:23 sur ce qui a été fait,
00:22:25 on ne peut pas aujourd'hui dire, tourner la page
00:22:27 comme si, voilà, non mais c'est terminé,
00:22:29 tout ça, on n'a qu'à faire une loi
00:22:31 et puis on dit que c'est interdit.
00:22:33 Non, en fait, c'est qu'il faut travailler sur les traces,
00:22:35 les cicatrices qui existent
00:22:38 dans la chair de ces personnes-là,
00:22:40 parce que ces personnes-là, elles ont des descendants,
00:22:42 elles sont des vraies personnes.
00:22:44 Et nous aussi, nous sommes des vraies personnes
00:22:46 qui voyons ces images-là. Et ça a un effet sur nous.
00:22:48 Ça a un effet sur les personnes qui se voient
00:22:50 et qui se disent "tiens, elle ressemble un petit peu
00:22:52 à moi".
00:22:54 Donc, voilà, en fait, ce travail-là,
00:22:56 il est important et c'est une partie du travail
00:22:58 que tu proposes hors série,
00:23:00 c'est d'aller, de connaître l'histoire,
00:23:03 en fait, derrière. Ce n'est pas quelque chose
00:23:05 qui est arrivé comme ça par hasard.
00:23:07 Ça a été fomenté... - Ça fait presque un siècle.
00:23:09 Donc un siècle, forcément, ça laisse des traces.
00:23:11 - Alors, parce que tu rappelles, enfin, voilà,
00:23:13 il y a plein de choses, c'est vraiment très très riche,
00:23:15 ce hors série. Et on rappelle que l'Indochine,
00:23:18 c'était une colonie d'exploitation.
00:23:20 Il n'y a pas eu de peuplement. Il n'y a pas eu d'envoi.
00:23:22 Donc il n'y avait pas de... Il y avait un nombre
00:23:24 asymétrique d'hommes blancs qui étaient envoyés
00:23:26 sur le territoire indochinois
00:23:29 et pas de femmes blanches, en fait.
00:23:31 Et donc, ces hommes,
00:23:33 ils étaient encouragés à prendre,
00:23:35 pour "Kongai", donc le "Kongai", c'est le terme
00:23:37 qui... ça veut dire "jeune fille",
00:23:39 en fait, c'est devenu la maîtresse de l'homme blanc.
00:23:41 C'est terrible de travestir un mot
00:23:43 aussi fortement, qui ne veut plus dire
00:23:45 ce qu'il veut dire, et qui
00:23:47 devient une insulte, en réalité, puisqu'il y a
00:23:49 même eu le terme "sans-Kongaier",
00:23:51 qui est le verbe du mot "Kongai",
00:23:53 quand même, c'est-à-dire que les hommes qui sont "Kongaiés",
00:23:55 ils représentaient peut-être une menace
00:23:57 pour la métropole, puisque peut-être que là,
00:23:59 il y avait un mélange des genres
00:24:01 qui leur paraissait
00:24:03 incontrôlable. En fait, c'est le contrôle.
00:24:05 La colonisation, c'est le contrôle,
00:24:07 en fait. Et donc,
00:24:09 voilà, dans tout
00:24:11 le traitement des
00:24:13 femmes indochinoises,
00:24:15 il y a réellement cette...
00:24:17 On le voit, donc, à la fois dans la littérature
00:24:19 coloniale, exotique ou coloniale,
00:24:21 bon, il ne faut pas faire de différence entre Pierre Lhoti
00:24:23 ou bien Claude Farrère, mais vraiment,
00:24:25 il faut essayer de lire, parce que c'est quand même impuvable.
00:24:27 Enfin, je veux dire, ils ont eu des prix
00:24:29 Goncourt, ce sont des gens qui ont été à l'Académie
00:24:31 française. Mais je vous exhorte
00:24:33 vraiment à lire, c'est vraiment...
00:24:35 C'est odieux. Donc,
00:24:37 c'est...
00:24:39 On décrit, voilà, ce sont des
00:24:41 éléments de décor, en fait, ces
00:24:43 femmes, on voit bien qu'elles n'ont aucune
00:24:45 épaisseur,
00:24:47 en fait. C'est vraiment... C'est terrible
00:24:49 d'avoir encensé une littérature
00:24:51 au point d'en faire
00:24:53 une fierté nationale,
00:24:55 alors qu'elle est tout à fait...
00:24:57 Enfin, elle est...
00:24:59 - D'ailleurs, je ne sais plus, Anae, si on a
00:25:01 mis l'extrait avec "Ma Tantinoise",
00:25:03 où il y a la chanson, je ne sais plus. Parce que
00:25:05 c'est vrai qu'on parle de cette chanson, "Ma Tantinoise",
00:25:07 qui a été quand même chantée par
00:25:09 Maurice Chevalier, Joséphine Baker,
00:25:11 ce qui semble...
00:25:13 Et quand on écoute bien les paroles,
00:25:15 c'est tellement... Enfin, elle s'appelle ?
00:25:17 - Elle s'appelle "Melaoli", voilà, c'est ça.
00:25:19 - Donc, ça veut tout dire.
00:25:21 - "Melaoli", comme vous le pensez,
00:25:23 pas...
00:25:25 - Et c'était un énorme tube. - C'était un tube !
00:25:27 Les gens la chantaient,
00:25:29 c'était... Voilà, c'était...
00:25:31 C'est... Parfois,
00:25:33 on...
00:25:35 Il y a ça dans la littérature
00:25:37 exotique coloniale, on se dit "Ah, mais oui,
00:25:39 mais c'était tellement beau !" En fait, c'est pas beau
00:25:41 de chanter...
00:25:43 C'est moche, en fait, de chanter
00:25:45 ce genre de paroles qui...
00:25:47 Enfin, on dit "Elle s'appelle Melaoli",
00:25:49 elle dit "Ah, tu m'as donné ta jeunesse,
00:25:51 maintenant je rentre chez moi, ciao !"
00:25:53 C'est quand même horrible d'en faire
00:25:55 une chanson
00:25:57 de célébration, de joie,
00:25:59 alors qu'il y a quand même vraiment une personne qui souffre
00:26:01 dans l'équation, quoi.
00:26:03 C'est pas du tout asymétrique.
00:26:05 C'est tout à fait asymétrique,
00:26:07 et c'est ça, la colonisation, c'est ça aussi le racisme,
00:26:09 et c'est ça qu'on voit dans
00:26:11 cette...
00:26:13 Les archives qu'il y a,
00:26:15 et là, on parle de littérature coloniale,
00:26:17 mais il y a aussi la création des bordels militaires de campagne,
00:26:19 à travers les travaux réalisés par
00:26:21 notamment Isabelle Tracoll,
00:26:23 qui est une chercheuse,
00:26:25 où on voit bien que
00:26:27 ce qu'on appelle les bordels,
00:26:29 les bordels militaires de campagne, c'est des bordels
00:26:31 sur les lieux où les soldats vivent,
00:26:33 ça a été quelque chose de...
00:26:35 C'est pas poussé tout seul,
00:26:37 en fait, c'est quand même l'état-major
00:26:39 qui a fait... - Qui organisait. - Voilà, qui fait
00:26:41 venir des femmes... - Pour contrôler leur santé,
00:26:43 éviter qu'elles... - Elles sont directement tuées,
00:26:45 elles sont inspectées, c'est terrible, en fait.
00:26:47 Et là, encore,
00:26:49 les lois qui étaient appliquées
00:26:51 en métropole n'étaient pas du tout les mêmes.
00:26:53 L'une des...
00:26:55 L'une des citations qu'on utilise,
00:26:57 c'est que
00:26:59 en métropole, c'était...
00:27:01 21 ans, il me semble, l'âge
00:27:03 requis pour être travailleuse du sexe,
00:27:05 et dans les colonies, c'était 15 ans.
00:27:07 Vous voyez à quel point...
00:27:09 Parce qu'ils disaient "la race anamite est précoce".
00:27:11 Vous voyez comment on traite
00:27:13 les gens comme des...
00:27:15 Voilà, des animaux,
00:27:17 alors qu'on parle quand même de personnes
00:27:19 humaines, enfin, voilà.
00:27:21 Et rien que ça, ça nous rappelle à quel point
00:27:23 il faut lutter contre cet oubli,
00:27:25 parce que si on ne sait pas ça,
00:27:27 on ne peut pas comprendre pourquoi encore aujourd'hui,
00:27:29 il y a des traces, parce que si on efface
00:27:31 continuellement, en fait,
00:27:33 les sources, on ne peut plus
00:27:35 mettre le doigt sur
00:27:37 les manifestations quotidiennes, et donc moi,
00:27:39 j'ai des filles qui sont en âge
00:27:41 de lire ce document
00:27:43 et qui sont en âge de...
00:27:45 Enfin, qui ont l'âge à qui on peut dire
00:27:47 "je suis améstiquée d'Asiatique"
00:27:49 et j'ai vraiment... J'espère que jamais, elles vont l'entendre.
00:27:51 Bon, hélas, je crois
00:27:53 que je suis en route, mais il faut quand même qu'on...
00:27:55 C'est en route, grâce à toi,
00:27:57 notamment. Alors,
00:27:59 colonisation, ça se dit "tuk dea", c'est ça ?
00:28:01 Ou je le... Non, c'est "tuk",
00:28:03 quelque chose de "tuk dea".
00:28:05 Et donc, voilà, je voudrais que tu me parles, en fait,
00:28:07 de, justement, d'abord, l'héritage du français
00:28:09 dans la langue vietnamienne,
00:28:11 et
00:28:13 les mots français, et d'ailleurs,
00:28:15 même, c'est vrai, tu vois, on parlait de mots
00:28:17 "cangay", qui devient sans "cangayé",
00:28:19 ou parfois, tu sais, tu vois dans les films,
00:28:21 "maolun maolun",
00:28:23 les français qui disent "maolun maolun".
00:28:25 Enfin, il y a, voilà, il y a cette
00:28:27 espèce de... Ça a créé aussi un autre
00:28:29 langage, la colonisation.
00:28:31 - Alors, Fabien Chung
00:28:33 et Grassley ont donné
00:28:35 deux visions assez
00:28:37 négatives, au moins qu'on puisse
00:28:39 dire, de la colonisation
00:28:41 française. Je vais
00:28:43 rajouter aussi le
00:28:45 trafic de l'opium. - Oui, on en parle
00:28:47 dans le... - Organisé
00:28:49 par l'État français. La régie de l'opium,
00:28:51 c'était pas seulement un système de taxation,
00:28:53 c'était l'achat
00:28:55 de la drogue en Inde, le
00:28:57 transfert jusqu'au Vietnam, le traitement
00:28:59 dans un immeuble
00:29:01 qui existe toujours, d'ailleurs, à Saigon,
00:29:03 un très, très bel immeuble, très grand.
00:29:05 Il y a un restaurant, maintenant, qui s'est installé,
00:29:07 qui s'appelle la "Raffinerie", voilà. Donc,
00:29:09 l'opium était raffiné
00:29:11 à cet endroit-là.
00:29:13 Et donc, distribué,
00:29:15 etc., bon, ça
00:29:17 permet à l'État
00:29:19 de récolter pas mal de recettes.
00:29:21 Mais,
00:29:23 je vais aussi vous parler des
00:29:25 bienfaits de la colonisation.
00:29:27 S'il y a des tomates
00:29:29 pourries, c'est maintenant.
00:29:31 Alors, tu parlais de la langue.
00:29:33 Alors, je vais
00:29:35 parler de la langue, mais aussi des
00:29:37 arts. Et...
00:29:39 En fait, je vais d'abord commencer
00:29:41 par les beaux-arts, parce que...
00:29:43 Tu peux juste expliquer d'abord
00:29:45 "Kok Ngo". Voilà.
00:29:47 Il se trouve qu'on a terminé
00:29:49 avec... Vous voyez, donc, il y a
00:29:51 un mot cambodgien et lao, donc,
00:29:53 avec l'alphabet Khmer et lao.
00:29:55 Et, effectivement, vous voyez, le
00:29:57 Vietnam est le seul qui utilise
00:29:59 l'alphabet latin. Tu peux juste un peu, peut-être...
00:30:01 Alors, "Kok Ngo", littéralement,
00:30:03 veut dire "langue nationale", mais en fait,
00:30:05 ce n'est pas la langue nationale. C'est...
00:30:07 C'est... Comment dirais-je ?
00:30:11 C'est la transcription
00:30:13 de la langue orale vietnamienne
00:30:15 en alphabet
00:30:17 romain.
00:30:19 Donc, la langue romanisée.
00:30:21 Et ça a été un énorme progrès
00:30:23 pour le Vietnam.
00:30:25 Il ne faut surtout pas dire
00:30:27 que c'était les colons
00:30:29 qui avaient imposé le "Kok Ngo",
00:30:31 donc, la langue nationale,
00:30:33 aux Vietnamiens. Ça a été l'objet
00:30:35 d'un débat
00:30:37 d'érudits
00:30:39 français, mais aussi
00:30:41 d'érudits vietnamiens. Les uns étaient contre,
00:30:43 les autres étaient pour
00:30:45 cette transcription.
00:30:47 Chez les Vietnamiens, comme chez les Français,
00:30:49 il y avait les modernes et les anciens.
00:30:51 Il y avait les anciens,
00:30:53 chez les Vietnamiens, par exemple, qui disaient
00:30:55 "Mais, voilà,
00:30:57 on a..." De fait,
00:30:59 les Vietnamiens n'avaient pas d'écriture.
00:31:01 Il y a très peu d'écriture dans le monde.
00:31:03 Donc,
00:31:05 ils avaient adopté l'écriture
00:31:07 idéographique chinoise
00:31:09 à l'origine, puisqu'on a été
00:31:11 colonisés quand même dix siècles
00:31:13 par les Chinois, il ne faut pas oublier.
00:31:15 Les Français, ça a été un siècle,
00:31:17 mais les Chinois sont restés
00:31:19 sur le territoire pendant dix siècles.
00:31:21 L'écriture vietnamienne
00:31:23 était transcrite en néodogramme,
00:31:25 mais ce n'était
00:31:27 pas un système
00:31:29 unitaire.
00:31:31 Selon le mandarin
00:31:33 qui enseignait cette
00:31:35 écriture, cette graphie,
00:31:37 il y avait des tas de variations.
00:31:39 C'était n'importe quoi.
00:31:41 On peut le dire comme ça.
00:31:43 En plus,
00:31:45 c'était une langue très difficile
00:31:47 à lire, parce que
00:31:49 les mandarins se permettaient
00:31:51 de rajouter des signes par-ci, par-là.
00:31:53 Et donc,
00:31:55 en fait,
00:31:57 ce n'étaient pas les Français qui avaient
00:31:59 inventé le Khukh Muu,
00:32:01 mais des missionnaires
00:32:03 qui ont mis au point
00:32:05 cette écriture pendant plusieurs siècles.
00:32:07 - Même si Alexandre de Rode venait d'Avignon,
00:32:09 donc il était quand même un peu...
00:32:11 - Oui, il est un peu français. - Jésuite portugais,
00:32:13 tu as raison. - Oui, oui, oui.
00:32:15 Mais il n'est pas complètement français.
00:32:17 Bon. Je ne suis pas historienne,
00:32:19 donc je ne peux pas vous dire.
00:32:21 Lui, ce qu'il a fait surtout, c'est qu'il a
00:32:23 créé un dictionnaire. Il a recensé
00:32:25 les mots,
00:32:27 la technique
00:32:29 d'écriture, etc.
00:32:31 Il a créé le premier dictionnaire
00:32:33 en Khukh Muu,
00:32:35 et ça a été adopté,
00:32:37 je pense, dans les années 1920,
00:32:39 après
00:32:41 de multiples discussions.
00:32:43 Et les Vietnamiens, en fait,
00:32:45 se sont rués sur cette écriture.
00:32:47 Parce que c'était le moyen,
00:32:49 tout d'un coup,
00:32:51 d'alphabétiser tout le monde.
00:32:53 Tout le monde pouvait apprendre à lire et à écrire.
00:32:55 - C'était une arme, d'ailleurs,
00:32:57 chez les indépendantistes, ce Khukh Muu.
00:32:59 - Oui, oui, complètement, bien sûr.
00:33:01 D'ailleurs, Ho Chi Minh,
00:33:03 il a un peu
00:33:05 tweaké l'écriture
00:33:07 parce que le "d" se dit
00:33:09 "ze".
00:33:11 Mais pour éviter les confusions,
00:33:13 Ho Chi Minh avait l'habitude de rajouter
00:33:15 un "z" pour qu'on ne confonde pas.
00:33:17 - De rajouter la confusion ?
00:33:19 - Oui, oui. "Auzaï", par exemple,
00:33:21 s'écrit "audaï", en français,
00:33:23 "d-aï". Et lui, il rajoutait un "z".
00:33:25 "D-z".
00:33:27 - Voilà. Alors, je vais continuer
00:33:29 tout de suite sur mon histoire précédente,
00:33:31 là, de la langue,
00:33:33 sur les bienfaits de la colonisation.
00:33:35 C'est que, donc, avec
00:33:37 cette langue nationale,
00:33:39 les Français ont
00:33:41 créé les premiers lycées...
00:33:43 - Je te laisse 5 minutes, en plus.
00:33:45 - ...les premiers lycées
00:33:47 du Vietnam.
00:33:49 Parce que, justement,
00:33:51 ce que j'avais commencé à dire,
00:33:53 c'est qu'il n'y avait pas vraiment
00:33:55 d'école. Les enfants apprenaient
00:33:57 avec des mandarins,
00:33:59 qui avaient chacun leur système.
00:34:01 Et il fallait beaucoup d'argent
00:34:03 parce que c'était des cours particuliers.
00:34:05 Donc, là, tout d'un coup, il y a eu
00:34:07 des lycées partout
00:34:09 dans le Vietnam, en fait, du nord au sud,
00:34:11 y compris en passant par le centre.
00:34:13 Et les Vietnamiens ont pu
00:34:15 être alphabétisés.
00:34:17 Alors, je reviens sur ce que Fabien disait
00:34:19 sur la hiérarchisation des races.
00:34:21 Alors, en même temps, je trouve que c'était
00:34:23 très contradictoire et c'était
00:34:25 sans doute pas les mêmes
00:34:27 personnes qui étaient
00:34:29 à l'origine de telle ou telle
00:34:31 politique.
00:34:33 Parce qu'en même temps, qu'ils considéraient
00:34:35 que les Anamites
00:34:37 étaient une race inférieure,
00:34:39 d'après ce que je comprends,
00:34:41 ils avaient créé des écoles des beaux-arts.
00:34:43 Or, pour moi,
00:34:45 quand on vous propose
00:34:49 de vous enseigner
00:34:51 l'art, c'est qu'on
00:34:53 considère
00:34:55 que vous êtes...
00:34:57 qu'on est égaux.
00:34:59 Que les êtres humains sont tous capables,
00:35:01 enfin, que les Vietnamiens comme les Français
00:35:03 étaient capables de beauté,
00:35:05 de comprendre l'esthétique
00:35:07 et d'être des artistes.
00:35:09 Pas des artisans, justement.
00:35:11 Pas seulement
00:35:13 le côté besogneux,
00:35:15 à droit de leur main, etc.
00:35:19 Mais un côté inspiré.
00:35:21 Et donc, il y avait
00:35:23 un respect, je pense,
00:35:25 du peuple vietnamien
00:35:27 pour que les Français aient créé
00:35:29 ces écoles de beaux-arts, là aussi,
00:35:31 au nord, au sud,
00:35:33 à Hué.
00:35:35 Et d'ailleurs, cette école, maintenant,
00:35:37 continue de produire
00:35:39 des grands artistes. Vraiment, c'est
00:35:41 extraordinaire, la peinture vietnamienne
00:35:43 contemporaine.
00:35:45 Un phénomène intéressant, c'est que
00:35:47 les...
00:35:49 le gouvernement,
00:35:51 enfin, l'administration
00:35:53 au pouvoir, donc communiste,
00:35:55 depuis l'indépendance,
00:35:57 a rebaptisé
00:35:59 l'école des beaux-arts comme
00:36:01 "Université des beaux-arts du Vietnam".
00:36:03 Donc, ce n'est plus l'EBAE,
00:36:05 l'école des beaux-arts d'Indochine.
00:36:07 L'Université des beaux-arts du Vietnam.
00:36:09 Et n'ont jamais fait référence
00:36:11 à l'EBAE, Création
00:36:13 Française,
00:36:15 jusqu'à, tout d'un coup,
00:36:17 là, ils ont décidé
00:36:19 pour 2025,
00:36:21 dans l'année prochaine,
00:36:23 de célébrer le centenaire
00:36:25 de l'école. Et donc, tout d'un coup,
00:36:27 il y a eu un revirement et une
00:36:29 reconnaissance de la dette
00:36:31 vis-à-vis de la France,
00:36:33 et des artistes français qui ont permis de...
00:36:35 - Et le mot "toy" aussi vient
00:36:37 de la colonisation, c'est ça ?
00:36:39 C'est ce que m'avait dit Huong Ngô.
00:36:41 C'est que le mot "toy"
00:36:43 était arrivé pendant la colonisation.
00:36:45 Il n'existait pas avant.
00:36:47 - Ben... Comment c'est possible ?
00:36:49 - Il n'existait pas avant.
00:36:51 Ils n'utilisaient pas le mot "toy".
00:36:53 Et il a été...
00:36:55 Enfin, c'est des traducteurs,
00:36:57 en fait, des poèmes romantiques.
00:36:59 Lamartine et Ngô et compagnie
00:37:01 avaient besoin d'un mot pour traduire
00:37:03 le "je", qu'il n'y avait pas
00:37:05 dans les poèmes chinois, etc.
00:37:07 Le "toy", qu'on le veuille ou non,
00:37:09 est arrivé pendant la colonisation.
00:37:11 Donc ça veut dire "je".
00:37:13 C'est quand même un mot utile.
00:37:15 On peut dire que c'est aussi un héritage
00:37:17 quand même positif
00:37:19 de la colonisation.
00:37:21 - Oui, vas-y.
00:37:23 - Je voulais juste rebondir sur ce que tu as dit, Anna.
00:37:25 Je me disais...
00:37:27 Là, si on parle d'égalité
00:37:29 dans l'échange...
00:37:31 Moi, il me semble que l'éducation,
00:37:33 elle s'est faite de manière unilatérale,
00:37:35 c'est-à-dire de la part de la métropole
00:37:37 vers les colonies.
00:37:39 Donc, dans l'égalité, il y aurait eu l'enseignement
00:37:41 de l'art des colonies
00:37:43 vers la métropole.
00:37:45 Et ça n'a pas été le cas.
00:37:47 C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'enseignement...
00:37:49 On est ignorant. Moi, je suis ignorante
00:37:51 des arts traditionnels
00:37:53 khmer, qui sont ceux de ma famille.
00:37:55 Et je n'ai pas...
00:37:57 Alors que l'inverse n'est pas vrai.
00:37:59 Enfin, tu vois...
00:38:01 - Nous avons encore une minute.
00:38:03 - Il faut définir l'art.
00:38:05 Mais je sais qu'au Vietnam, dans les années 1920,
00:38:07 il y avait de l'artisanat.
00:38:09 Mais il n'y avait pas d'art dans le sens
00:38:11 création unique,
00:38:13 comme on l'entend
00:38:15 en Occident.
00:38:17 Donc, l'art,
00:38:19 avec un grand art, n'existait pas.
00:38:21 Les oeuvres étaient copiables,
00:38:23 étaient copiées, mais l'oeuvre unique
00:38:25 inspirée par un seul artiste n'existait pas.
00:38:27 Donc, ça ne pouvait pas aller dans ce sens-là.
00:38:31 Mais, en revanche,
00:38:33 je pense que
00:38:35 en matière d'artisanat,
00:38:37 il y a eu des aller-retours, bien sûr,
00:38:39 entre les profs des écoles d'arts appliqués
00:38:43 et notamment dans l'échange
00:38:45 sur les techniques de lac.
00:38:47 Oui, ça, il y a eu dans les deux sens.
00:38:49 - Oui.
00:38:51 Je suis désolée, je suis obligée
00:38:53 de vous couper.
00:38:55 Je ne sais plus...
00:38:57 Il devait y avoir...
00:38:59 Est-ce qu'il est là ?
00:39:01 Et Tuan, est-ce qu'elle est là ?
00:39:03 Et Léonore Tran ?
00:39:05 Ce n'était pas prévu.
00:39:07 J'ai dû rajouter une petite table ronde.
00:39:09 Je vous remercie beaucoup, Anna, Fabien et Grâce.
00:39:11 (Applaudissements)
00:39:13 On va parler d'art, en fait, là.
00:39:15 Comme je vous l'ai dit,
00:39:17 c'était très important pour moi
00:39:19 de mettre en avant des travaux d'artistes.
00:39:21 Il y a une oeuvre dont on parlera tout à l'heure,
00:39:23 de Flora Nguyen.
00:39:25 Il y a des oeuvres de Chan-Chang Vohu.
00:39:27 Et il y a aussi des oeuvres
00:39:29 d'un artiste que vous connaissez
00:39:31 peut-être dans cette salle,
00:39:33 qui est Ding Quley,
00:39:35 avec qui Ophélia a échangé pendant tout.
00:39:37 On était très heureux de...
00:39:39 Hélonore, tu veux ?
00:39:41 On était très heureux de présenter son oeuvre.
00:39:43 Moi, je l'ai découvert très récemment.
00:39:45 Je l'ai découvert lors de cette...
00:39:47 de son exposition au Quai Branly.
00:39:49 Et en fait,
00:39:51 quand on a bouclé le hors-série,
00:39:53 trois ou quatre jours après,
00:39:55 j'ai envoyé un message à Ophélia.
00:39:57 J'ai vu sur Facebook que Ding Quley était mort.
00:39:59 Ça nous a fait un choc.
00:40:01 J'ai pas eu la chance de rencontrer Ding Quley.
00:40:03 Je voulais qu'on lui fasse
00:40:05 un petit hommage avec
00:40:07 Hélonore Tran, qui est doctorante
00:40:09 en histoire de l'art,
00:40:11 et qui travaille sur la mémoire.
00:40:13 Vous avez tous les deux des micros.
00:40:15 Je voulais aussi qu'on en parle avec toi, Vohu.
00:40:17 À la fois, on va commencer avec
00:40:19 Hélonore, mais aussi sur cette histoire de mémoire
00:40:21 et que tu nous parles aussi un peu
00:40:23 de ton travail sur la mémoire
00:40:25 et en quoi il se rapproche de celui de Ding Quley
00:40:27 et de la mémoire, et aussi
00:40:29 la spécificité par rapport à l'histoire de ton père.
00:40:31 Donc, Hélonore,
00:40:33 tu pourrais nous expliquer
00:40:35 peut-être un peu le travail
00:40:37 de Ding Quley.
00:40:39 Marie, tu peux
00:40:41 nous montrer les œuvres ?
00:40:43 En tout cas, c'est vrai que son œuvre
00:40:47 m'a énormément touchée, parce qu'elle parle
00:40:49 de la mémoire et en fait,
00:40:51 il tisse un peu comme Pénélope.
00:40:53 C'est le travail de Pénélope qui
00:40:55 tisse des images, il tisse des récits.
00:40:57 Et c'est vrai que pendant longtemps, je me suis dit
00:40:59 "Mais cette Pénélope qui tisse et à la fin
00:41:01 détisse son travail,
00:41:03 ça ne sert à rien, c'est totalement absurde."
00:41:05 Et ça m'énervait, ce travail
00:41:07 de Pénélope, et après j'ai réfléchi
00:41:09 et je me suis dit qu'elle détruit son œuvre,
00:41:11 mais que peut-être nous, en tout cas
00:41:13 en tant qu'asiodescendant, on a besoin de détruire
00:41:15 et de détisser pour pouvoir
00:41:17 reconstruire de nouveaux récits.
00:41:19 Et en fait, c'est Ding Quley
00:41:21 qui m'a fait penser à ça, parce que lui,
00:41:23 il disait qu'il découpait, il lacérait.
00:41:25 Et c'est seulement après avoir découpé,
00:41:27 détruit, lacéré, qu'il reconstruit
00:41:29 une autre œuvre. Est-ce que tu peux un peu nous parler de ça, Léonore ?
00:41:31 - Alors oui,
00:41:33 bonsoir à tous.
00:41:35 Donc Ding, son œuvre
00:41:37 vraiment principale, ce sont ses tissages qu'on connaît
00:41:39 qui étaient exposés au Quai Branly
00:41:41 il y a deux ans à peu près.
00:41:43 Et son idée, c'est que la mémoire
00:41:45 c'est comme un textile,
00:41:47 c'est quelque chose, il y a une trame
00:41:49 et on peut la faire et la défaire en fonction
00:41:51 de ce dont on veut se souvenir.
00:41:53 Et donc lui, c'est quelqu'un qui est né au Vietnam
00:41:55 en 68, qui a dû fuir.
00:41:57 Il vivait près de la frontière cambodgienne
00:41:59 donc c'est pour ça aussi que son œuvre est très marquée
00:42:01 aussi par l'Écmer Rouge, le Cambodge.
00:42:03 Et voilà,
00:42:05 il est arrivé aux États-Unis quand il avait
00:42:07 10 ans, donc il a fait sa scolarité,
00:42:09 il a été éduqué à l'américaine
00:42:11 et s'est pas retrouvé
00:42:13 justement dans l'histoire
00:42:15 du Vietnam qu'on lui a proposé aux États-Unis.
00:42:17 Lui, en tant que Vietnamien,
00:42:19 ne se sentait pas concerné par cette histoire
00:42:21 et en même temps, il s'est dit
00:42:23 qu'il n'avait plus vraiment de souvenirs du Vietnam,
00:42:25 ses souvenirs-là étaient complètement ensevelis
00:42:27 sous les images qu'on peut connaître
00:42:29 des films comme "Apocalypse Now" et tous ces films
00:42:31 qui à partir de 1979 ont commencé
00:42:33 à pulluler en Occident.
00:42:35 Et donc, les premiers
00:42:37 tissages qu'on peut voir d'une série
00:42:39 qui s'appelle "From Vietnam to Hollywood"
00:42:41 sont en fait
00:42:43 une sorte de
00:42:45 mise à nu de la mémoire, où il va nous montrer
00:42:47 les images très populaires
00:42:49 des personnages de fiction qu'on a inventés
00:42:51 pour montrer la guerre du Vietnam
00:42:53 qui ne sont pas des Vietnamiens, qui sont des Américains
00:42:55 qui souffrent, qui sont des anti-héros
00:42:57 qu'on va regarder pour essayer de revaloriser
00:42:59 la guerre qui était très impopulaire
00:43:01 aux États-Unis.
00:43:03 Et on va voir émerger dans ces tissages-là
00:43:05 ce qui va défaire
00:43:07 comme des pixels
00:43:09 qui sont en train de se désagréger.
00:43:11 On va voir apparaître au fur et à mesure des images
00:43:13 qu'on appelle des images vernaculaires, des photographies
00:43:15 de famille, qui sont des photos
00:43:17 anonymes de gens qui ont perdu leurs photos
00:43:19 pendant la fuite, qu'ils ont abandonnées
00:43:21 que l'artiste va acheter dans des brocantes
00:43:23 à Saigon au fur et à mesure de ses retours.
00:43:25 Il va les acheter au kilo, il en avait
00:43:27 énormément. Et il va les intégrer
00:43:29 dans ses œuvres comme un retour
00:43:31 d'une mémoire un peu plus juste, une mémoire plus vietnamienne
00:43:33 selon un point de vue vietnamien.
00:43:35 Et il y a un côté
00:43:37 très touchant et émouvant du coup
00:43:39 de se dire qu'en fait, lui qui a
00:43:41 perdu ses photos de famille dans l'exil
00:43:43 va en faire un album aussi
00:43:45 personnel des photos qu'il a perdu.
00:43:47 Et il va nous le proposer à nous
00:43:49 dans d'autres œuvres encore au-delà des tissages
00:43:51 où on aura juste une mériade de photographies
00:43:53 de famille
00:43:55 attachées par des fils
00:43:57 et derrière lesquelles il va inscrire quelques mots
00:43:59 d'un conte vietnamien
00:44:01 qui s'appelle le "comte de Kieu"
00:44:03 et de témoignages de "Bod People"
00:44:05 pour nous présenter
00:44:07 son album de famille mais aussi
00:44:09 pour nous qui n'avons pas
00:44:11 de photos. Je sais que moi par exemple
00:44:13 mon père n'a aucune photo
00:44:15 de sa vie d'avant
00:44:17 l'exil et donc il nous propose...
00:44:19 Il n'a pas retrouvé, enfin il a tout perdu
00:44:21 des photos. Est-ce que tu as réussi à retrouver
00:44:23 d'autres photos justement ?
00:44:25 Soit elles sont perdues, soit elles sont détruites
00:44:27 parce qu'elles peuvent aussi témoigner de choses
00:44:29 dont on ne veut plus parler. Je sais
00:44:31 qu'il y en a qui existent
00:44:33 mais qu'on est très friles de les montrer.
00:44:35 Donc ces images-là, elles vont
00:44:37 venir pour toutes les personnes qui ont un besoin d'images
00:44:39 de se comprendre aussi en tant qu'asiodescendant
00:44:41 elles vont faire en fait un album
00:44:43 et elles vont nous permettre, puisque c'est ça
00:44:45 qui est intéressant dans la photo de famille, c'est qu'on a tous les mêmes
00:44:47 les photos d'anniversaire, de petites joies,
00:44:49 de mariages. Et donc ces coquilles
00:44:51 vides qu'on trouve dans des brocantes
00:44:53 elles vont nous permettre de projeter
00:44:55 ce qui auraient été nos souvenirs,
00:44:57 comment aurait été notre vie de famille,
00:44:59 à quoi ressemblait la vie de notre famille au Vietnam
00:45:01 et ça permet de reconstituer
00:45:03 une histoire. Ça crée une mémoire parallèle.
00:45:05 C'est ça. Et Dean était très très conscient
00:45:07 de ça, qu'on avait ce besoin de mémoire
00:45:09 puisqu'il y avait trop d'images sur le Vietnam qui ne nous correspondaient pas.
00:45:11 Et il a créé
00:45:13 ces albums gigantesques
00:45:15 pour nous. Il a déblayé un peu
00:45:17 la mémoire et je pense que c'est à nous
00:45:19 de la prolonger. - De la prolonger grâce
00:45:21 aussi à des travaux. Toi d'ailleurs, j'imagine
00:45:23 c'est aussi du fait de ton histoire
00:45:25 personnelle que tu travailles sur la photo
00:45:27 chez les artistes, c'est ça ? - Oui.
00:45:29 Donc en fait, je pense
00:45:31 comme beaucoup de personnes ici,
00:45:33 le silence ça a été mon compagnon
00:45:35 d'enfance.
00:45:37 On ne sait pas ce que c'est le Vietnam, c'est un peu cette entité
00:45:39 comme ça on est vietnamien et puis à l'école on nous dit
00:45:41 "Oh le Vietnam ça existe pas, t'es chinoise de toute façon"
00:45:43 et puis voilà. Et on n'a pas d'image,
00:45:45 on n'a pas de photo et puis on se demande
00:45:47 et puis moi j'ai un deuxième prénom vietnamien
00:45:49 je ne savais même pas le prononcer, je ne savais même pas
00:45:51 ce que ça voulait dire et ça faisait
00:45:53 juste rire dans les cours de récré, on se disait
00:45:55 "Oh, c'est bizarre comme nom"
00:45:57 et puis voilà. Et puis un jour
00:45:59 j'ai retrouvé quelques archives photos
00:46:01 qui ne m'appartenaient pas
00:46:03 qui étaient d'autres familles vietnamiennes de la diaspora
00:46:05 et je me suis dit "Mais en fait
00:46:07 ces photos là, l'intérieur,
00:46:09 les hôtels des ancêtres, j'ai ça chez moi
00:46:11 et c'est des choses que je ne conscientise pas vraiment
00:46:13 c'est là, c'est anodin et en fait dans l'anodin
00:46:15 justement on peut trouver des choses
00:46:17 qui nous permettent de découvrir
00:46:19 l'identité de nos parents, ce qu'ils ont fait
00:46:21 ce qu'ils ont pu traverser
00:46:23 et donc je me suis engouffrée dans cette voie-là
00:46:25 par l'histoire de l'art parce qu'il s'avère que c'est ce que
00:46:27 j'étais en train de faire à ce moment-là
00:46:29 et j'ai trouvé tous ces artistes de la diaspora vietnamienne
00:46:31 en France, aux Etats-Unis, au Canada
00:46:33 qui ont ce rapport à la photographie
00:46:35 comme matériau de mémoire
00:46:37 mais aussi qui vont s'emparer de la photo
00:46:39 comme médium et faire de la photographie
00:46:41 pour prolonger ces récits
00:46:43 et dire "On a ce regard-là
00:46:45 et on va prolonger maintenant
00:46:47 on sait qu'on a perdu quelque chose
00:46:49 on essaie de le reconstituer"
00:46:51 donc il y a un travail de recherche et un travail aussi fictif
00:46:53 et en même temps maintenant on va créer de l'archive
00:46:55 on va faire en sorte qu'on n'oublie pas
00:46:57 ce qu'on est en train de reconstituer
00:46:59 - Merci beaucoup Eleonore
00:47:01 donc on est très fiers d'avoir une oeuvre
00:47:03 en tout cas dans le magazine d'Inkyulé
00:47:05 et Vohou je voudrais que tu nous racontes aussi
00:47:09 quel est dans ton art
00:47:11 alors Marie c'est celle d'après pour Vohou
00:47:13 alors là, bon ça c'est un des poèmes
00:47:15 de ton père je crois
00:47:17 je voudrais peut-être que tu commences
00:47:19 alors dans ce cas vu qu'on a déjà ce poème sur
00:47:21 qui était ton père
00:47:23 et comment ce matériau de la mémoire
00:47:25 toi tu le travailles
00:47:27 si tu devais comparer ton travail
00:47:29 justement ton approche je crois que tu connaissais aussi
00:47:31 d'Inkyulé
00:47:33 et c'est peut-être des sujets dont vous avez parlé ensemble aussi
00:47:35 - Oui enfin
00:47:37 quelques mots encore sur
00:47:39 d'Inkyulé, je l'appelle Ding
00:47:41 comme tous les autres
00:47:43 je l'ai découvert
00:47:45 à New York dans les années
00:47:47 2000
00:47:49 j'ai vu les photos à lui
00:47:51 et c'est étonnant
00:47:53 quand je vois les photos
00:47:55 qui s'insèrent
00:47:57 l'une dans l'autre
00:47:59 c'est comme la mémoire
00:48:01 qui jamais
00:48:03 n'existe pas faite
00:48:05 c'est très
00:48:07 pixelisé
00:48:09 il y a la paire de mémoires, la paire d'images
00:48:11 je trouve ça génial
00:48:13 c'est une idée vraiment
00:48:15 j'aime beaucoup
00:48:17 et je l'apprécie beaucoup
00:48:19 comme la personne aussi
00:48:23 on n'a pas le temps de parler beaucoup
00:48:25 mais vraiment
00:48:27 c'est un personnage
00:48:29 chez nous
00:48:31 - En tout cas il a beaucoup inspiré la génération qui vient
00:48:33 d'artistes
00:48:35 est-ce que tu pourrais nous parler de ton père
00:48:37 et justement toi comment dans ton travail
00:48:39 cette idée de la mémoire
00:48:41 c'est important de la travailler
00:48:43 comme matériau dans ton geste artistique
00:48:45 - Oui en fait j'ai la chance
00:48:47 de vivre
00:48:49 à côté de mon père pendant 25 ans
00:48:51 dès ma naissance
00:48:53 mais pendant 25 ans
00:48:55 vraiment je le connais
00:48:57 comme un père
00:48:59 mais je ne connais pas
00:49:01 vraiment son histoire
00:49:03 son histoire
00:49:05 et tout ce qu'il a fait
00:49:07 vraiment je connais
00:49:09 vraiment
00:49:11 vraiment
00:49:13 mais ce que j'ai senti c'est que
00:49:15 nous
00:49:17 on est cinq personnes dans la famille
00:49:19 et nous vivons dans une sorte
00:49:21 comme dans une île
00:49:23 à Hanoi
00:49:25 et on connait moins de monde
00:49:27 peu de monde
00:49:29 et il faut dire aussi à l'époque
00:49:31 que Hanoi, le Vietnam c'est aussi
00:49:33 comme les îles
00:49:35 c'est isolé
00:49:37 mais surtout avec mon père j'ai senti
00:49:39 qu'une vie
00:49:41 en marche de la société
00:49:43 elle n'est pas comme les autres
00:49:45 même mon frère aussi
00:49:47 une fois il est rentré à la maison
00:49:49 il a fouillé partout
00:49:51 dans tous les coins
00:49:53 et ma mère a demandé
00:49:55 qu'est-ce que tu fais là
00:49:57 et mon frère a dit non, aujourd'hui à l'école
00:49:59 mon prof
00:50:01 a dit que
00:50:03 votre père
00:50:05 est un réactionnaire
00:50:07 et il garde une pistolet chez lui
00:50:09 alors mon frère
00:50:11 qui est petit
00:50:13 et qui cherche partout
00:50:15 il a trouvé
00:50:17 mais avant ceci
00:50:19 je croyais qu'on n'était pas comme les autres
00:50:21 donc voilà c'est mon père
00:50:23 là c'est une page
00:50:25 comme vous voyez
00:50:27 de ses écrits, en fait mon père
00:50:29 il était parti
00:50:31 du mouvement des belles oeuvres c'est ça ?
00:50:33 un mouvement dissident en fait
00:50:35 oui, quand il l'avait très jeune
00:50:37 qu'il était très jeune
00:50:39 qu'il avait 28 ans
00:50:41 quelque chose comme ça
00:50:43 donc il a participé
00:50:45 à un mouvement qui s'appelle
00:50:47 humanisme
00:50:49 belles oeuvres
00:50:51 et qui voulait en fait
00:50:53 préserver la liberté
00:50:55 d'expression des artistes
00:50:57 la liberté de création
00:50:59 juste après la guerre d'Indochine
00:51:01 juste après
00:51:03 quelques années après
00:51:05 mais il faut dire aussi
00:51:07 mon père il est formé
00:51:09 par les écoles françaises
00:51:11 mais après il a tout quitté
00:51:13 pour
00:51:15 s'engager dans l'armée
00:51:17 du Vietnamien
00:51:19 pour combattre
00:51:21 contre les français en fait
00:51:23 Odoïe donc il était
00:51:25 comme tous les autres artistes à l'époque
00:51:27 donc avec ce mouvement là
00:51:29 il y a des centaines
00:51:31 d'artistes, écrivains et poètes
00:51:33 qui participent
00:51:35 et beaucoup d'entre eux
00:51:37 sont
00:51:39 on peut dire punis
00:51:41 par l'autorité
00:51:43 - Ces poèmes étaient interdits c'est ça ?
00:51:45 Marie tu pourrais montrer l'oeuvre d'après ?
00:51:47 Ces poèmes étaient
00:51:49 interdits c'est ça ?
00:51:51 - Oui oui en fait
00:51:53 après l'affaire
00:51:55 mon père
00:51:57 on peut dire qu'il a perdu le droit
00:51:59 de la citoyenneté en fait
00:52:01 mon père n'a pas le droit de travailler
00:52:03 pendant toute sa vie
00:52:05 et il ne peut pas
00:52:07 supplier quoi que ce soit
00:52:09 et même il vit avec
00:52:11 il vit par l'attention
00:52:13 de traduire des livres français en vietnamien
00:52:15 mais il ne peut pas signer son nom
00:52:17 en fait
00:52:19 donc il a
00:52:21 signé avec le nom des amis
00:52:23 à lui
00:52:25 voilà, personne ne sait que
00:52:27 c'est lui - Personne ne savait que c'était lui qui écrivait
00:52:29 ses poèmes - C'est ça - Et toi tu as rendu
00:52:31 hommage, alors Marie ce qu'on pourrait avoir, il va là
00:52:33 c'est cette oeuvre ? - Non c'est pas celle là
00:52:35 - Ah c'est pas celle là, bon ben je me suis trompée
00:52:37 dans les oeuvres, mais voilà, désolé
00:52:39 du coup j'ai pas la bonne
00:52:41 c'était celle avec les fleurs je crois qu'il y en avait
00:52:43 - Il y avait une scène avec
00:52:45 un peu près comme ça
00:52:47 - Désolée j'avais pas la bonne oeuvre
00:52:49 - Oui en fait je connais très mal mon père
00:52:51 en vie
00:52:53 quand j'étais encore au Vietnam
00:52:55 mais seulement après 5 mois je suis rentré au Vietnam
00:52:57 et
00:52:59 je commence à lire son travail
00:53:01 en fait
00:53:03 et je me suis rendu compte que j'avais découvert
00:53:05 une autre poésie et je commençais à aimer la poésie
00:53:07 grâce à ses écrits
00:53:09 de mon père, le reste en fait
00:53:11 à l'époque
00:53:13 je savais que mon père il écrivait tous les jours
00:53:15 tous les jours
00:53:17 je sais pas ce qu'il a écrit mais
00:53:19 tous les jours il se met au travail
00:53:21 il écrivait pour lui-même
00:53:23 en fait
00:53:25 et toute sa vie
00:53:27 il écrivait dans les cahiers
00:53:29 dans les carnets
00:53:31 il les appelait comme
00:53:33 "carnets poussières"
00:53:35 "cahiers poussières"
00:53:37 "poussière chez nous"
00:53:39 ce sont les gens qui vivent en marge
00:53:41 dans la société qui sont isolés
00:53:43 qui sont pas officialisés
00:53:45 en fait ça veut dire poussière chez nous
00:53:47 - C'est son souhaite
00:53:49 - En ce sens là il écrivait
00:53:51 et donc tout ça
00:53:53 n'est pas
00:53:55 pour cela n'est pas
00:53:57 publié au Vietnam
00:53:59 après sa mort
00:54:01 j'ai essayé de rassembler
00:54:03 les documents
00:54:05 par exemple tout à l'heure là
00:54:07 pour faire une sorte de recueil
00:54:09 pour mon père pendant
00:54:11 toute sa vie
00:54:13 avec les extraits de poésie
00:54:15 et j'ai fait
00:54:17 un livre de 500 pages
00:54:19 et donc c'est dans les années
00:54:23 2008 je crois
00:54:25 donc c'est 11 ans
00:54:27 après la mort de mon père
00:54:29 et on a obtenu
00:54:31 le permis
00:54:33 de publier
00:54:35 - Donc maintenant on peut lire ses oeuvres au Vietnam
00:54:37 - Non en fait c'est pas fini
00:54:39 et en fait
00:54:41 à la veille de l'apparition
00:54:43 de ce livre
00:54:45 le livre est interdit
00:54:47 à la veille juste
00:54:49 et le directeur
00:54:51 de l'édition a perdu
00:54:53 son travail
00:54:55 et l'édition est
00:54:57 fermée pendant quelque temps
00:54:59 et le livre est
00:55:01 introuvable maintenant et je cherche depuis là
00:55:03 à le republier
00:55:05 mais je ne peux pas avoir le permis
00:55:07 - Et c'est pour ça que tu l'as mis dans une de tes oeuvres
00:55:09 - Donc 10 ans encore après
00:55:11 j'ai fait une expo à Hanoi
00:55:13 j'ai eu une proposition du centre
00:55:15 d'art français à Hanoi
00:55:19 et donc
00:55:21 j'ai créé en fait une oeuvre
00:55:23 c'est une installation
00:55:25 un peu comme ça
00:55:27 mais beaucoup plus grande
00:55:29 qui fait presque
00:55:31 la salle
00:55:33 comme la longueur
00:55:35 sur 12 mètres
00:55:39 et en fait j'ai créé
00:55:43 une sorte de végétation comme ça
00:55:45 bleue avec des feux
00:55:47 de plastique bleus
00:55:49 un peu comme ça
00:55:51 sur une plateforme qui perce un trou
00:55:53 et qui envahit
00:55:55 l'espace
00:55:57 qui court partout dans la salle
00:55:59 et sur la plateforme
00:56:01 il y avait
00:56:03 plein de feux rouges et jaunes
00:56:05 et ce qui
00:56:07 ce qui est important c'est que quand on ouvre
00:56:11 les feux là
00:56:13 on peut lire le poème mon père
00:56:15 c'est inédit, personne n'a lu
00:56:17 on ne peut pas lire en fait
00:56:19 c'est interdit
00:56:21 et donc parce que mon père
00:56:23 il a fait
00:56:25 des poèmes très longs qui durent
00:56:27 quelques centaines
00:56:29 de pages et même s'il y a des poèmes
00:56:31 très courts
00:56:33 une phrase, deux phrases
00:56:35 très très courts
00:56:37 alors ces
00:56:39 mini poèmes là, j'ai mis dans les fleurs
00:56:41 et donc
00:56:43 sur les pétales
00:56:45 et ça crée une sorte de rencontre
00:56:47 avec le public
00:56:49 en fait c'est rien
00:56:51 c'est pas politisé du tout
00:56:53 c'est juste
00:56:55 c'est mon père, c'est ses sentiments
00:56:57 c'est ses recherches
00:56:59 artistiques
00:57:01 c'est pas du tout politique
00:57:03 mais pourtant c'est interdit
00:57:05 merci beaucoup, je suis désolée
00:57:07 on pourrait parler mille ans de ce sujet
00:57:09 mais c'était pas du tout une table ronde
00:57:11 prévue, donc je l'ai rajoutée
00:57:13 de façon inofficielle
00:57:15 dans le programme
00:57:17 merci beaucoup Eleonore et merci vous
00:57:19 et je précise que vous êtes l'époux de Thuan
00:57:21 qui doit être ici
00:57:23 en fait dans la famille vous êtes habitués à être interdits
00:57:25 puisque beaucoup des romans de Thuan ont été
00:57:27 interdits aussi par la censure
00:57:29 et ces romans de Thuan sont
00:57:31 extraordinaires
00:57:33 notamment "Ascenseur pour Saigon"
00:57:35 qui vient d'être traduit en anglais
00:57:37 et qui est disponible en français
00:57:39 donc je vous enjoins à découvrir
00:57:41 les romans de Thuan aussi
00:57:43 merci beaucoup
00:57:45 donc on va passer à la dernière table ronde
00:57:47 où on va continuer à parler de
00:57:51 mémoire et de transmission
00:57:53 avec Maëva
00:57:55 qui a fait ce film très beau
00:57:57 qui s'appelle "Les rivières" que peut-être certains d'entre
00:57:59 vous ont vu dans la salle
00:58:01 Anna Ebosser qui a fait ce
00:58:03 magnifique podcast "Ma Tonquinoise"
00:58:05 que vous pouvez entendre sur toutes les
00:58:09 plateformes, il vient juste de sortir
00:58:11 et Alix Duarsine-Héretti
00:58:13 qui est avec nous en visio
00:58:15 parce qu'elle est au Vietnam, figurez-vous
00:58:17 donc on est vraiment un peu partout
00:58:19 et il se trouve que c'est une...
00:58:21 si si, venez
00:58:23 et du coup
00:58:25 comme Alix n'est pas là, il y a Nina
00:58:27 qui va venir, sa maman
00:58:29 puisque la thématique de cette
00:58:31 table ronde c'est mémoire et transmission
00:58:33 entre mère et fille, c'est essentiellement
00:58:35 féminin
00:58:37 et la maman de Maë va venir aussi, non ?
00:58:39 Et la maman de Maë va venir, non ?
00:58:41 Et ta maman ?
00:58:43 Je connais pas son prénom
00:58:45 Enfin bon, je ne force personne
00:58:49 mais voilà
00:58:51 Bah oui, vous mettez là comme ça
00:58:55 Alors on commence
00:58:57 par, on va peut-être mettre
00:58:59 le... Marie tu peux mettre
00:59:01 le... on va commencer
00:59:03 tiens avec Anaë
00:59:05 un extrait du podcast d'Anaë
00:59:07 Ah bah non, il y a Alix
00:59:09 Coucou Alix
00:59:11 Alors où est-ce que tu es au Vietnam ?
00:59:13 Dis-nous où tu es, déjà
00:59:15 Ah bah je suis à Hanoi
00:59:17 J'étais à Ho Chi Minh City la semaine dernière
00:59:19 et là je suis à Hanoi
00:59:21 D'accord, et tu devais aller voir une partie de ta famille
00:59:23 c'est ça ? C'est ce que tu m'avais expliqué
00:59:25 Ah bah j'ai passé la journée avec
00:59:27 la cousine de ma mère
00:59:29 Yen, dont je parle dans le 4ème épisode
00:59:31 et après
00:59:35 Bon là je vais faire du tourisme
00:59:37 et la semaine prochaine je vais aller à
00:59:39 Dien Bien Phu pour la commémoration
00:59:41 des 70 ans
00:59:43 D'accord
00:59:45 Et après dans la région de Thaïvin
00:59:47 le village de ma grand-mère
00:59:49 D'accord, super, donc on est un peu au Vietnam
00:59:51 grâce à Alix
00:59:53 Je vais vous faire
00:59:55 écouter en fait une minute de chacun
00:59:57 du podcast d'Anaë
00:59:59 puis on parle
01:00:01 et on va faire comme ça peut-être
01:00:03 Marie, est-ce que tu peux nous
01:00:05 pour remarier là du tout faire ?
01:00:07 Tu parles là ?
01:00:09 Me voilà au Vietnam
01:00:13 C'est ici qu'elle est
01:00:15 Avec ma mère et mon oncle
01:00:19 on s'est mis en tête d'organiser
01:00:21 une cérémonie funéraire en mémoire
01:00:23 de Thanh Gizel
01:00:25 On est dans son village natal
01:00:27 près de la tombe de ses parents
01:00:29 Chau Pa
01:00:31 Chau Pa
01:00:33 Chau Chi
01:00:35 C'est toi, c'est Thanh
01:00:37 On a mis du temps à trouver les membres de la famille encore sur place
01:00:39 Un cousin éloigné aux Etats-Unis
01:00:41 m'a mis en contact avec sa nièce allemande
01:00:43 qui elle-même avait le contact de la fille du neveu
01:00:45 de la grand-mère à Hanoï, bref
01:00:47 on a retrouvé une petite cousine qui parle un peu anglais
01:00:49 Il faut enlever les chaussures
01:00:51 Je vous laisse imaginer les appels WhatsApp
01:00:53 pour caler l'arrivée, ma mère raconte
01:00:55 Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
01:00:57 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:00:59 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:01 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:03 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:05 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:07 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:09 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:11 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:13 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:15 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:17 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:19 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:21 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:23 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:25 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:27 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:29 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:31 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:33 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:35 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:37 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:39 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:41 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:43 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:45 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:47 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:49 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:51 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:53 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:55 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:57 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:01:59 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:01 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:03 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:05 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:07 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:09 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:11 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:13 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:15 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:17 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:19 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:21 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:23 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:25 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:27 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:29 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:31 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:33 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:35 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:02:37 C'est quoi l'histoire de la famille ?
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01:11:59 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:12:01 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:12:03 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:12:05 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:12:07 C'est quoi l'histoire de la famille ?
01:12:09 C'était le Vietnam.
01:12:11 Donc on ne savait pas, on ne comprenait pas.
01:12:13 On ne nous expliquait pas.
01:12:15 Alors on brodait.
01:12:17 Ceux qui sont arrivés avant nous et qui avaient 10 ans
01:12:19 avaient une identité, ils connaissaient le Vietnam.
01:12:21 Ils ont habité, ils ont été au lycée,
01:12:23 à l'école, à Chasselas,
01:12:25 ils ont été dans des meilleures conditions que nous.
01:12:29 Mais ils ne transmettaient pas non plus.
01:12:31 Alors, transmettre la mémoire,
01:12:35 c'est très difficile.
01:12:37 C'est très difficile.
01:12:39 On mangeait vietnamien,
01:12:41 on jouait vietnamien,
01:12:43 on vivait à la vietnamienne
01:12:47 avec des parents taiseux.
01:12:49 Donc c'était difficile de parler à l'Alix.
01:12:59 Et Alix, toi tu fais le lien avec tout ça,
01:13:01 parce que tu es allée,
01:13:03 donc la famille, votre famille,
01:13:05 donc il y a Pondichéry,
01:13:07 c'est un mélange,
01:13:09 il y a Pondichéry et le Vietnam.
01:13:11 Et toi en fait, tu étais en Inde il n'y a pas très longtemps,
01:13:13 c'est ça, en décembre,
01:13:15 et là tu es au Vietnam.
01:13:17 Donc tu fais finalement ce lien géographique
01:13:19 et tisseuse de cette mémoire, c'est ça ?
01:13:21 Oui. Alors déjà je vais expliquer
01:13:25 pourquoi j'ai choisi ce passage.
01:13:27 C'est parce que,
01:13:29 je n'ai pas eu l'idée de faire un podcast
01:13:31 en me disant je vais raconter la vie,
01:13:33 l'histoire de la colonisation, etc.
01:13:35 C'est que le besoin de faire ce podcast,
01:13:37 déjà il date de 2010,
01:13:39 j'ai commencé à faire des recherches
01:13:41 sur le camp,
01:13:43 mais il y avait vraiment cette idée de,
01:13:45 j'ai grandi en ressentant
01:13:47 une douleur chez ma mère,
01:13:49 quelque chose qui était vraiment
01:13:51 comme un écorché vive,
01:13:53 et en même temps,
01:13:55 la seule piste que j'avais
01:13:57 c'était le café,
01:13:59 et ce qu'on partageait avec mes cousins du café,
01:14:01 c'était l'idée de, le café c'était le meilleur endroit du monde,
01:14:03 ou le café c'était le pire endroit du monde.
01:14:05 Voilà, tous les discours qu'on avait des parents,
01:14:07 c'était j'ai eu une enfance horrible,
01:14:09 j'ai eu une enfance géniale.
01:14:11 Et nous, ce que je dis dans le podcast,
01:14:13 c'est qu'on savait que la vérité était entre les deux,
01:14:15 et j'avais aussi conscience que c'était hyper difficile
01:14:17 d'accéder à ce qu'était la vérité
01:14:19 de cette histoire,
01:14:21 donc le point de départ du labyrinthe de la mémoire,
01:14:23 c'était le café, et mes recherches,
01:14:25 elles ont commencé en 2008.
01:14:27 Et moi, j'avais aucune idée
01:14:29 que le café racontait une histoire
01:14:31 beaucoup plus grande.
01:14:33 Et c'était une histoire de la colonisation,
01:14:35 c'était une histoire des migrations,
01:14:37 c'était une histoire des travailleurs colonisés,
01:14:39 c'était une histoire aussi de la France en Inde,
01:14:41 des Indiens qui étaient recrutés
01:14:43 pour partir travailler en Indochine,
01:14:45 c'était tellement complexe
01:14:47 que j'avais plein plein d'infos,
01:14:49 et à la fin, j'ai commencé à me dire
01:14:51 j'ai envie de raconter cette histoire parce que
01:14:53 toutes ces infos que je trouve sont hyper intéressantes,
01:14:55 et à la fin, je savais même plus ce que je cherchais.
01:14:57 C'est-à-dire que je me suis retrouvée
01:14:59 dans une sorte d'océan d'infos,
01:15:01 et je me disais pourquoi j'avais prévu de nager,
01:15:03 je voulais traverser tout ça la nage,
01:15:05 mais je dois aller dans quelle direction ?
01:15:07 C'était mes...
01:15:09 J'avais rencontré Maï
01:15:11 je pense il y a à peu près un an,
01:15:13 justement,
01:15:15 je me souviens que je disais à Maï
01:15:17 "Est-ce que c'est aussi difficile que ça ?
01:15:19 Est-ce que
01:15:21 j'ai pas en tout le podcast,
01:15:23 j'ai pas mal regretté d'avoir commencé le podcast,
01:15:25 et heureusement que j'ai été accompagnée
01:15:27 par deux autres co-autrices,
01:15:29 Suzanne et Adèle,
01:15:31 parce que, franchement,
01:15:33 Annaë, je sais même pas comment t'as pu faire ça toute seule,
01:15:35 ça me paraît juste
01:15:37 impossible comme travail,
01:15:39 mais voilà,
01:15:41 à la base, j'avais cette idée de comprendre
01:15:43 l'origine de la souffrance,
01:15:45 puis, il y a eu tout ce travail de recherche,
01:15:47 de comprendre ce qu'était la colonisation,
01:15:49 et au final, la dernière personne que j'ai vraiment interviewée,
01:15:51 c'est ma mère.
01:15:53 Donc, j'avais cette idée de,
01:15:55 au lieu d'aller directement au centre
01:15:57 de la cible,
01:15:59 j'ai parcouru tout ce que je pouvais autour
01:16:01 pour finalement
01:16:03 essayer d'échapper
01:16:05 jusqu'au dernier moment, au moment où
01:16:07 j'allais lui poser les questions.
01:16:09 - Moi aussi, j'ai fait pareil, Alex,
01:16:11 donc t'inquiète pas,
01:16:13 moi j'ai mis 11 ans à y faire le livre,
01:16:15 donc bon, toi t'as été très rapide,
01:16:17 finalement.
01:16:19 - Oui, 4 ans quand même.
01:16:21 Et donc,
01:16:23 pourquoi j'ai choisi ce moment ?
01:16:25 C'est parce que
01:16:27 cette conversation qu'on a,
01:16:29 c'était pas du tout prévu
01:16:31 que ce soit une interview.
01:16:33 C'était juste une balade du camp où ma mère
01:16:35 devait décrire les bâtiments,
01:16:37 et il y a cette idée que
01:16:39 ça fait plus de 10 ans qu'il y a une association
01:16:41 de défense de la mémoire,
01:16:43 mais la mémoire de notre propre famille,
01:16:45 je l'avais pas.
01:16:47 Je savais pas ce que c'était son enfant,
01:16:49 ce que c'était la personnalité de mes grands-parents,
01:16:51 et en fait,
01:16:53 j'étais dans cette situation complètement absurde
01:16:55 de voir ma mère
01:16:57 qui depuis plus de 10 ans dit "on a vécu
01:16:59 dans des conditions misérables",
01:17:01 et lorsque je l'enregistre avec mon micro
01:17:03 pour qu'elle m'explique "voilà à quoi ressemblaient
01:17:05 les bâtiments, voilà nos conditions
01:17:07 misérables, voilà ce qu'était mon enfance
01:17:09 misérable", elle me disait "ah bah on mangeait
01:17:11 des bonbons et puis on allait à des surprises
01:17:13 parties", et je me disais "mais
01:17:15 qu'est-ce que tu fais depuis 10 ans ?
01:17:17 Explique-moi !"
01:17:19 Et ce passage,
01:17:21 c'est franchement,
01:17:23 il y a eu une heure et demie d'engueulade avant,
01:17:25 mais
01:17:27 j'avais
01:17:29 pas du tout imaginé
01:17:31 qu'elle allait craquer.
01:17:33 Et d'ailleurs, je pense que c'est le seul moment.
01:17:35 Si je la vois en gros plan,
01:17:37 après je vais pleurer.
01:17:39 Mais du coup,
01:17:41 j'avais pas du tout
01:17:43 anticipé ça, et là d'un coup
01:17:45 j'ai eu l'impression de voir
01:17:47 une enfant
01:17:49 qui pleurait, et moi je me suis
01:17:51 dit, en fait je me suis toujours dit que
01:17:53 la souffrance était la souffrance
01:17:55 envers l'Etat, le fait de dire
01:17:57 "on nous a traités comme des moins que rien", et en fait
01:17:59 finalement, le centre du centre
01:18:01 de tout l'union, c'est le regard
01:18:03 d'un enfant qui se dit
01:18:05 "c'est pas normal qu'on traite mes parents comme ça,
01:18:07 c'est pas comme ça, c'est pas normal que
01:18:09 la vie soit comme ça pour moi, alors que
01:18:11 je vois bien qu'à l'extérieur, elle est
01:18:13 différente pour les autres, et y'a rien qui justifie
01:18:15 ça." Et qu'en fait, y'a cette espèce
01:18:17 d'émotion hyper profonde
01:18:19 d'enfant, qui finalement est toujours restée là,
01:18:21 qui s'est...
01:18:23 qui s'agitait, et qui
01:18:25 en ressortant, moi tout d'un coup
01:18:27 c'est comme si y'avait tout qui avait été...
01:18:29 qui était devenu clair, et que toutes
01:18:31 ces fois où je la trouvais très rigide,
01:18:33 très autoritaire quand j'étais enfant, en fait, c'était l'expression
01:18:35 d'une peur profonde, que je revivre
01:18:37 un jour la même chose qu'elle.
01:18:39 Enfin voilà, je suis pas...
01:18:41 je suis pas une psychanalyse du tout, mais...
01:18:43 mais...
01:18:45 j'expliquais dans le podcast à...
01:18:47 en faisant le podcast à Adèle et Suzanne
01:18:49 les co-autrices,
01:18:51 j'ai l'impression que je suis dans une quête,
01:18:53 mais je sais même plus ce que je cherche,
01:18:55 et ce moment où je faisais
01:18:57 l'interview juste pour la description,
01:18:59 je me souviens que pendant
01:19:01 deux semaines après, je me sentais pas très bien,
01:19:03 et j'ai fini par dire à Adèle,
01:19:05 "Tu sais, je crois que c'était ça que je cherchais."
01:19:07 C'était ce truc qui a
01:19:09 pas été...
01:19:11 cette espèce d'émotion bloquée qui a pas...
01:19:13 qui a pas coulé.
01:19:15 Ce dont Maï parle dans "Les rivières",
01:19:17 ce...
01:19:19 voilà, c'était
01:19:21 en fait le point d'origine, la petite graine,
01:19:23 la racine qui a fait qu'après, tout est devenu
01:19:25 de la peur,
01:19:27 du non-dire,
01:19:29 de la non-transmission,
01:19:31 le fait d'avoir une association et de dire
01:19:33 qu'il faut parler de la mémoire, mais que finalement,
01:19:35 ce truc tellement
01:19:37 violent et profond qui s'inscrit
01:19:39 dans l'image, dans la tête d'un enfant,
01:19:41 et ben finalement, ça conditionne
01:19:43 énormément de choses,
01:19:45 et je pense, l'éducation de sa propre vie.
01:19:47 Ça va maman ?
01:19:49 - Oui, ça va très bien.
01:19:51 - Mais...
01:19:53 - Mais... ouais.
01:19:55 Mais voilà, enfin...
01:19:57 - D'ailleurs, la première fois que je t'ai parlé, Alix,
01:19:59 j'ai tout de suite parlé de ta mère,
01:20:01 et je lui ai demandé, "Mais comment t'as fait pour parler
01:20:03 comme ça à ta maman ? Moi j'oserais jamais."
01:20:05 Et comment t'as réussi,
01:20:07 j'étais hyper admirative
01:20:09 de ce que tu avais réussi,
01:20:11 enfin que t'avais réussi à faire parler ta mère.
01:20:13 Moi j'y arriverais pas, personnellement.
01:20:15 Et ça me fait penser à une résidence
01:20:17 d'écriture qu'on a fait avec Anna,
01:20:19 avec d'autres écrivains d'origine vietnamienne,
01:20:21 où on a passé 15 jours
01:20:23 à parler de nos mères, en fait, mais non-stop.
01:20:25 Et je me rends compte que chaque fois que je vois
01:20:27 des auteurs, autrices,
01:20:29 en fait, on parle tout le temps de nos mères,
01:20:31 de nos parents, mais tout le temps.
01:20:33 Donc là, effectivement,
01:20:35 c'est la thématique de la table ronde.
01:20:37 Et d'ailleurs, on va peut-être
01:20:39 mettre le bout
01:20:41 du film des rivières
01:20:43 de Mai, mais en fait qui est aussi une histoire
01:20:45 de transmission entre plusieurs générations.
01:20:47 Malheureusement, ta grand-mère,
01:20:49 elle n'est plus avec nous,
01:20:51 elle a disparu
01:20:53 pendant le Covid. Mais il y a ta fille
01:20:55 là aussi, donc il y a quatre générations.
01:20:57 Donc on va regarder un petit bout du film.
01:20:59 Alors, si vous ne l'avez pas vu,
01:21:01 il est sur Tink, non? Enfin, en tout cas, il est encore...
01:21:03 Voilà,
01:21:07 vous pouvez le trouver, l'acheter,
01:21:09 et le regarder. On va regarder.
01:21:11 - Tu vois, je vais chanter cette chanson pour toi, d'accord?
01:21:13 - Oui. - Pour ton anniversaire.
01:21:15 C'est "Maman la plus belle du monde", d'accord?
01:21:17 - Oui, oui, allez. - Voilà, tu écoutes.
01:21:19 - Faut pas me laisser pleurer. - Mais non,
01:21:21 mais non, tu pleures pas, regarde.
01:21:23 Écoute, écoute bien. - Mais t'as le droit aussi.
01:21:25 - Voilà, c'est comme tu veux.
01:21:27 "Maman,
01:21:29 "tu es la plus belle
01:21:31 "du monde.
01:21:33 "Aucune autre
01:21:35 "à la ronde
01:21:37 "n'est plus jolie.
01:21:39 "Tu as pour moi,
01:21:43 "avoue que c'est étrange,
01:21:47 "le visage d'un ange
01:21:51 "du paradis.
01:21:57 "Dans tous mes voyages,
01:21:59 "j'ai vu des paysages,
01:22:03 "mais rien ne vaut l'image
01:22:07 "de tes beaux cheveux gris.
01:22:11 "Tu es,
01:22:15 "maman,
01:22:17 "la plus belle
01:22:19 "du monde,
01:22:21 "et ma joie est profonde
01:22:25 "lorsqu'à mon bras.
01:22:27 "Maman,
01:22:31 "tu mets ton bras.
01:22:35 "Maman,
01:22:41 "tu es la plus belle
01:22:43 "du monde,
01:22:45 "car tant d'amour
01:22:47 "inonde
01:22:49 "tes jolis yeux.
01:22:53 "Pour toi, c'est vrai,
01:22:55 "je suis,
01:22:57 "malgré mon âge,
01:22:59 "le petit enfant sage
01:23:01 "des jours heureux."
01:23:05 C'est la première fois
01:23:17 que je vous vois toutes les trois
01:23:19 sur la scène.
01:23:21 Ce film,
01:23:23 certains d'entre vous l'ont vu,
01:23:25 il est vraiment hyper émouvant
01:23:27 et c'est une histoire de transmission.
01:23:29 J'aimerais bien que vous me racontiez
01:23:31 ce que ça représentait,
01:23:33 la construction de ce film,
01:23:35 qui a été très longue, je crois,
01:23:37 et ce processus.
01:23:39 Je ne sais toujours pas comment t'as fait,
01:23:41 Maï.
01:23:43 - Tu veux commencer ?
01:23:49 - La prochaine fois,
01:23:51 vous chanterez.
01:23:53 Anna chante aussi,
01:23:59 la prochaine fois, elle chantera.
01:24:01 - Car OK, la prochaine fois.
01:24:03 Quelle était ta question ?
01:24:07 - Voilà, tout le processus
01:24:09 du film. Déjà,
01:24:11 c'est vrai que
01:24:13 tout à l'heure, on en parlait avec Alice,
01:24:15 la difficulté
01:24:17 de récolter cette parole
01:24:19 qui est compliquée
01:24:21 parce que toutes ces histoires familiales
01:24:23 sont pleines de silence.
01:24:25 Ton film
01:24:27 parle vraiment de ça,
01:24:29 du silence,
01:24:31 et comment on se bat
01:24:33 contre ce silence, et comment on arrive
01:24:35 à raccommoder ce tissu déchiré
01:24:37 et raconter
01:24:39 une autre histoire. Parce que toi, c'est ce qui te permet
01:24:41 de raconter une autre histoire.
01:24:43 - Je pense qu'au départ,
01:24:45 il y avait
01:24:47 une très grande inconscience,
01:24:49 quand même.
01:24:51 Et il y avait
01:24:55 quelque chose d'un impensé
01:24:57 ou d'un impensable de devenir
01:24:59 réalisatrice, tout simplement,
01:25:01 et de prendre une caméra
01:25:03 pour raconter une histoire
01:25:05 aussi intime.
01:25:07 Et puis après, il y a eu des circonstances.
01:25:09 Il y avait à l'époque un blog qui m'a donné
01:25:11 beaucoup de courage, qui m'a donné beaucoup
01:25:13 d'autorisation.
01:25:15 Et une communauté qui m'a dit
01:25:17 "Vas-y, on croit en toi, on va te financer."
01:25:19 Il y avait tout cet amour-là.
01:25:21 Il y avait l'amour de ma maman
01:25:23 et de ma grand-mère.
01:25:25 Et puis, moi qui filme tout le temps
01:25:27 et qui filme ce passage
01:25:29 où ma grand-mère
01:25:31 est sur le point de mourir
01:25:33 au Vietnam.
01:25:35 Et ma mère décide d'aller
01:25:37 la ramener, de partir au Vietnam
01:25:39 pour la ramener en France.
01:25:41 Je décide de partir avec ma mère
01:25:43 pour l'aider. Et elle me dit
01:25:45 "Il faut documenter ça. Tu filmes
01:25:47 toute ta vie, il faut documenter ça."
01:25:49 Et donc la genèse
01:25:51 était celle-là, et c'était
01:25:53 de documenter
01:25:55 la vie de cette femme
01:25:57 qui va bientôt mourir.
01:25:59 Et quand on la raccompagne,
01:26:01 moi je pense filmer une femme dans sa fin de vie,
01:26:03 et puis, ben pas du tout.
01:26:05 Pas du tout, en fait.
01:26:07 En deux mois, parce qu'elle vit avec ma mère
01:26:09 qui lui prodigue des soins, parce que
01:26:11 maman est docteur, mais aussi
01:26:13 beaucoup d'amour, elle va se remettre
01:26:15 à marcher, se remettre à parler,
01:26:17 se remettre à danser.
01:26:19 Et donc, en deux mois,
01:26:21 on la retrouve sur
01:26:23 les dance floors de Paris 13
01:26:25 jusqu'à 2h du matin.
01:26:27 Et donc c'était très très impressionnant
01:26:29 parce que nous on assistait un peu à un miracle
01:26:31 qui était juste notre vie, en fait.
01:26:33 Et puis, en même temps,
01:26:35 il y avait une quête existentielle
01:26:37 parce que
01:26:39 lorsque nous avons amené mes grands-parents
01:26:41 au Vietnam, donc
01:26:43 6 ans plus tôt, 5 ans plus tôt,
01:26:45 un oncle, un de mes oncles, donc un des frères
01:26:47 de maman, prend
01:26:49 une feuille à 4
01:26:51 et me fait mon arbre généalogique.
01:26:53 Et donc je l'ai reproduit au début
01:26:55 des rivières, et en fait il m'explique
01:26:57 en tout cas c'est ce que je
01:26:59 comprends, que je suis issue
01:27:01 d'une lignée de femmes maudites.
01:27:03 Et moi j'ai une fille,
01:27:05 et en fait
01:27:07 il y a quelque chose
01:27:09 qui résonne très très fort en moi
01:27:11 et qui fait que j'ai
01:27:13 une sorte de ventre
01:27:15 troué
01:27:17 par cette annonce
01:27:19 qui est évidemment une vraie fausse annonce,
01:27:21 il n'y a pas de malédiction.
01:27:23 Mais je me dis
01:27:25 si je ne fais rien, déjà ça fait sens,
01:27:27 la démonstration est parfaite
01:27:29 sur l'arbre généalogique
01:27:31 et de là
01:27:33 où je viens.
01:27:35 Et voilà, si je ne fais rien,
01:27:37 je vais littéralement
01:27:39 refiler le bébé à ma fille,
01:27:41 et ça c'est pas possible.
01:27:43 Et donc je me mets en branle,
01:27:45 je vais faire une enquête,
01:27:47 je vais faire du yoga, je vais faire de la méditation.
01:27:49 Et en fait,
01:27:51 juste avant qu'on ramène ma grand-mère,
01:27:55 et c'est ce qui a fait aussi qu'on l'a ramenée,
01:27:57 cet oncle meurt.
01:27:59 Et je suis obligée de faire un bilan et de me dire
01:28:01 "Bien, mais en fait, ce truc, il est toujours là,
01:28:03 je ne sais pas ce que c'est, mais
01:28:05 en tout cas, il faut que j'admette
01:28:07 que j'y crois, alors que
01:28:09 c'est complètement fou, c'est une forme d'emprise
01:28:11 de croire qu'on est maudite.
01:28:13 Mais en fait, il faut que
01:28:15 j'assume que j'y crois,
01:28:17 et je vais jouer mon batout,
01:28:19 pour conjurer cette malédiction,
01:28:21 je vais faire un film.
01:28:23 Totalement
01:28:25 saugrenue comme idée,
01:28:27 mais je me dis, en filmant
01:28:29 les femmes de cette lignée,
01:28:31 et donc c'est ce qu'on va faire pendant 3 ans,
01:28:33 on va se filmer,
01:28:35 et bien, je vais comprendre quelque chose
01:28:37 que je n'arrive pas à comprendre lorsqu'on fait juste vivre ensemble.
01:28:39 Et en fait, la conjonction
01:28:41 de ma grand-mère qui revient
01:28:43 à la vie, moi qui ai la caméra,
01:28:45 et notre désir
01:28:47 à toutes les 4 aussi,
01:28:49 de raconter une nouvelle histoire.
01:28:51 Et je pense que,
01:28:53 vu de là où nous venons,
01:28:55 il ne fallait pas moins de 4 générations
01:28:57 pour oser.
01:28:59 Et puis, voilà.
01:29:01 - D'ailleurs, les réactions,
01:29:03 c'était quoi les réactions
01:29:05 par rapport au film dans la famille,
01:29:07 justement ?
01:29:09 - Terrible, terrible.
01:29:11 - Oui, c'est vrai que
01:29:15 la réaction a été terrible, en commençant
01:29:17 par moi déjà. En fait, je n'étais pas
01:29:19 du tout consciente du problème.
01:29:21 Et voilà,
01:29:23 on était dans le couloir,
01:29:25 devant le cabinet médical.
01:29:27 Et puis, Maï me dit,
01:29:29 "Mais pourquoi est-ce que tu peux faire une chose pareille ?
01:29:31 Tu nous laisses comme ça,
01:29:33 et puis tu es partie."
01:29:35 Et c'est là que je lui ai répondu.
01:29:37 Parce que tu vois, non, parce que Maï me dit,
01:29:41 "Tu vois, j'ai fait un rêve, je suis tombée de haut,
01:29:43 et hop, je suis tombée par terre,
01:29:45 et je tombe
01:29:47 dans la mer,
01:29:49 et je ne vois plus mes enfants,
01:29:51 ou quelque chose comme ça. Comment tu peux faire une chose pareille ?"
01:29:53 Et je lui ai dit,
01:29:55 et à ce moment-là, justement,
01:29:57 mon subconscient est devenu
01:29:59 conscient, je n'en sais rien.
01:30:01 Je lui ai dit, "Mais
01:30:03 ton histoire n'est pas pareille, tu n'as pas
01:30:05 vécu ce que j'ai vécu." Tout d'un coup,
01:30:07 j'ai sorti ça. Et Maï me dit,
01:30:09 "Mais tu as vécu quoi ?"
01:30:11 Et c'est là que j'ai dit,
01:30:13 "Ah oui, tu sais, j'ai une histoire
01:30:15 avec...
01:30:17 papa, avec mon père."
01:30:19 Et voilà, et c'est comme ça.
01:30:21 Et puis Maï a commencé
01:30:23 à vouloir faire le film,
01:30:25 et là, c'est...
01:30:27 Beaucoup plus tard,
01:30:29 et quand elle a commencé
01:30:31 à monter tout le film
01:30:33 sur Internet, demander l'argent, etc.,
01:30:35 pour moi, c'était la panique
01:30:37 à bord. Mais alors la panique,
01:30:39 je me cachais,
01:30:41 et même là, aujourd'hui,
01:30:43 en venant...
01:30:45 parce que j'habite à 10 minutes d'ici.
01:30:47 En arrivant, je vois les têtes des Vietnamiens,
01:30:49 là, je dis, "Ouh là !"
01:30:51 En plus, ils me connaissent en tant que chanteuse,
01:30:53 mais alors là, ils vont voir,
01:30:55 mais c'est une autre Loane, là.
01:30:57 Mais, ouh !
01:30:59 Donc ça a été la panique.
01:31:01 - Donc en fait, au départ,
01:31:03 tu étais d'accord, et après,
01:31:05 tu as paniqué ? - En fait,
01:31:07 j'étais pas d'accord, en fait.
01:31:09 Je n'étais pas d'accord, en fait.
01:31:11 Parce que... - Là, je comprends mieux.
01:31:13 - En fait, mais c'est très important
01:31:15 ce que je vais dire là.
01:31:17 Donc, j'ai toujours été en état de soumission.
01:31:19 Donc, par rapport
01:31:21 au fait que j'étais une congaille,
01:31:23 une congaille
01:31:25 de mon père,
01:31:27 ce qui fait que...
01:31:29 Voilà.
01:31:31 Il faut que j'aide ma fille,
01:31:33 ma fille veut faire un film, donc je vais dire, "Oui, voilà,
01:31:35 tu vas faire comme ci, comme ça." Mais au fond de moi,
01:31:37 c'est la honte,
01:31:39 c'est la...
01:31:41 Je vais creuser un trou
01:31:43 et je vais me cacher.
01:31:45 Donc, en venant ici,
01:31:47 j'ai pris un paquet
01:31:49 de remèdes pour ne pas tomber dans les pommes.
01:31:51 J'ai un pouls
01:31:53 au moins à 90.
01:31:55 Et donc, j'ai dit, "Non, tu vas faire face
01:31:57 parce que c'est pour ma fille."
01:31:59 Et que de toute façon,
01:32:01 même si elle a fait
01:32:03 le film, le truc, il est toujours là.
01:32:05 Donc, de génération
01:32:07 en génération, et je suis
01:32:09 très contente que vous avez parlé.
01:32:11 Donc, il faut aller chercher
01:32:13 les traces et les traces.
01:32:15 C'est vrai que
01:32:17 votre génération, vous voulez absolument
01:32:19 savoir ce qui se passe.
01:32:21 Nous, bon, à l'époque,
01:32:23 il n'y a pas Internet, c'est comme ça la vie,
01:32:25 point barre, voilà, c'est comme ça.
01:32:27 Et même quand j'en ai parlé à ma mère, elle me dit,
01:32:29 "Mais c'est comme ça que ça fonctionne."
01:32:31 Les hommes au Vietnam fonctionnent comme ça.
01:32:33 Donc, sans même
01:32:35 qu'elles me le disent,
01:32:37 ça fonctionne comme ça.
01:32:39 Donc, je ne me pose pas de questions
01:32:41 et
01:32:43 j'ai d'autres moyens.
01:32:45 J'ai la méditation,
01:32:47 la compassion, l'autocompassion,
01:32:49 etc.
01:32:51 Et je suis heureuse.
01:32:53 Mais
01:32:55 j'ai toujours cet état quand même
01:32:57 de soumission.
01:32:59 - Finalement, parce que là, le film
01:33:01 est sorti comme il y a un petit bout de temps,
01:33:03 il y a 5 ans.
01:33:05 Donc, par rapport à ce que tu ressentais
01:33:07 avant la fin du film et aujourd'hui,
01:33:09 donc même si encore maintenant,
01:33:11 venir là en parler,
01:33:13 ça n'a pas... - C'est idem.
01:33:15 J'ai toujours...
01:33:17 Voilà, bon.
01:33:19 J'ai...
01:33:21 Voilà.
01:33:23 - Mais en même temps,
01:33:25 tu es... - Je peux pas regarder ma mère
01:33:27 l'extrait de tout à l'heure.
01:33:29 Ça me fend le cœur.
01:33:31 J'ai les cendres de ma mère à côté.
01:33:33 La seule personne qui est la plus
01:33:35 proche de moi, c'est ma mère. Même si elle est partie,
01:33:37 elle n'est pas partie.
01:33:39 J'ai encore son médaillon
01:33:41 de la Vierge Marie, etc.
01:33:43 Alors que je pratique l'enseignement
01:33:45 bouddhiste.
01:33:47 (Rires)
01:33:49 Donc, s'il y a Bouddha,
01:33:51 s'il y a la Vierge Marie, tout le monde est bon avec moi
01:33:53 pourvu que je sois pas toute seule
01:33:55 et qu'on me protège.
01:33:57 J'ai pas beaucoup de protection.
01:33:59 Voilà.
01:34:01 À part mon auto-compassion.
01:34:03 Mais voilà, donc...
01:34:05 - Tu fais ça parce que c'est pour Maï ?
01:34:07 - Oui, oui. Voilà. Je le fais
01:34:09 pour... Au moins,
01:34:11 je dis, quand je vais quitter
01:34:13 cette terre. Bon, c'est vrai que
01:34:15 je pense beaucoup à la mort.
01:34:17 Mais je prévois quand même être sur scène
01:34:19 pendant jusqu'à 100 ans quand même.
01:34:21 Donc, voilà. Je crois quand même
01:34:23 beaucoup à la confiance
01:34:25 en moi. Voilà.
01:34:27 Qui est développée justement après le film de Maï.
01:34:29 J'ai beaucoup changé.
01:34:31 Voilà. Je suis pas toute jeune.
01:34:33 J'ai un grand âge.
01:34:35 Mais...
01:34:37 Mais voilà, quoi.
01:34:39 - Qu'est-ce qui a changé justement après le film de Maï
01:34:41 par rapport à ça ?
01:34:43 - Ben, disons que
01:34:45 j'ai un peu moins peur de l'homme.
01:34:47 Même si j'ai quand même très peur.
01:34:49 Et...
01:34:51 Avant, je disais, oh là là, l'amour, l'amour.
01:34:53 Je vais rencontrer un homme.
01:34:55 Et maintenant, s'il y a un homme qui vient et qui dit "je t'aime",
01:34:57 ça y est, je vais me cacher.
01:34:59 Mais grave, quoi. Quelque part.
01:35:01 Parce que...
01:35:03 Voilà.
01:35:05 - Par exemple, se produire, chanter, ça tu le faisais déjà avant le film ?
01:35:07 - J'ai toujours chanté
01:35:09 depuis que j'étais toute petite.
01:35:11 Et là, il y a certainement des gens
01:35:13 de la communauté vietnamienne.
01:35:15 C'est curieux parce que
01:35:17 il y a 50 ans,
01:35:19 j'ai habité dans le 13e. J'ai fait mes études de médecine
01:35:21 à la Pitié-Salle-Pétrière.
01:35:23 Et puis je me retrouve à nouveau 50 ans
01:35:25 après dans le 13e.
01:35:27 Et j'ai eu quelques petits malaises.
01:35:29 Je suis retransportée aux urgences
01:35:31 de la Pitié où j'ai été diplômée.
01:35:33 Donc, voilà.
01:35:35 Ça change pas beaucoup, en fait.
01:35:37 - Tu es dans un terrain connu.
01:35:39 - Ça change pas beaucoup.
01:35:41 - En fait, ça a été...
01:35:43 Évidemment,
01:35:45 Alex, on parle très très bien,
01:35:47 tu en parles aussi très très bien quand tu parles
01:35:49 de tes bouquins.
01:35:51 Pourquoi ça prend 5 ans,
01:35:53 pourquoi ça prend 4 ans, 10 ans, 15 ans,
01:35:55 parce que ce sont des processus lents
01:35:57 et très douloureux.
01:35:59 Et en fait, maman,
01:36:01 elle a juste affronté
01:36:03 des dragons immenses.
01:36:05 C'est incroyable ce qu'elle a fait.
01:36:07 Et donc je pense que ça,
01:36:09 si tu veux, quand je suis passée
01:36:11 du récit, je suis issue
01:36:13 d'une lignée de femmes maudites.
01:36:15 Ah, non mais attends, non.
01:36:17 Elles sont super puissantes.
01:36:19 Elles sont incroyables. Elles sont encore en train de chanter
01:36:21 avec tout ce qu'elles ont traversé.
01:36:23 C'est incroyable.
01:36:25 C'est une force.
01:36:27 Les récits, ce n'est pas juste des petites histoires.
01:36:29 Ça construit ta psyché.
01:36:31 Et j'espère que c'est ça qu'on...
01:36:33 D'ailleurs, c'est comme ça que tu termines ton podcast,
01:36:35 Annea, par une citation d'Oceanview
01:36:37 qui dit "Nous sommes nées de la beauté".
01:36:39 Oui, c'est ça.
01:36:41 Je me trompais. Nous ne sommes pas nées de la guerre,
01:36:43 maman, nous sommes nées de la beauté.
01:36:45 Et je voulais rebondir sur
01:36:47 ce que tu disais sur
01:36:49 le soutien au projet de sa fille.
01:36:51 Moi, je l'ai ressenti très fort.
01:36:53 Je ne parle pas normalement trop au micro.
01:36:55 D'ailleurs, Bibi ne veut pas venir.
01:36:57 On a compris, elle se cache.
01:36:59 Voilà, exactement.
01:37:01 Donc c'est ça.
01:37:03 J'ai vraiment senti un passage
01:37:07 du Rubicon
01:37:09 de dire "Elle a un projet professionnel,
01:37:11 elle est produite,
01:37:13 là, je vais l'aider".
01:37:15 Mais je pense que le début de la parole, c'était vraiment
01:37:17 un soutien mère-fille
01:37:19 inconditionnel.
01:37:21 Il n'y avait pas de nécessité de sa part
01:37:23 d'en parler avec moi au micro.
01:37:25 Et les premières interviews,
01:37:27 je me disais "Elle me raconte,
01:37:29 elle me dit des trucs,
01:37:31 mais est-ce qu'on va dans le fond de ce qu'elle pense,
01:37:33 de ses émotions,
01:37:35 et elle me lit vraiment les choses ?"
01:37:37 Et finalement, c'est plus mon oncle et ma tante
01:37:39 qui l'ont fait aussi dans une démarche
01:37:41 qui pour eux était salvatrice
01:37:43 et qui ensuite, depuis la diffusion, me disent
01:37:45 "C'est génial que ce truc existe pour notre famille,
01:37:47 qu'on ait
01:37:49 cette brique-là pour nous, mais aussi qu'on la diffuse".
01:37:51 Alors que je pense que du côté
01:37:53 de ma mère, et je ne sais pas pour toi,
01:37:55 mais il y avait quelque chose de
01:37:57 l'ordre du soutien premier à
01:37:59 "Pas importe ce que tu fais, je suis là,
01:38:01 si tu veux qu'on en parle,
01:38:03 je suis là, si tu veux venir dimanche filmer,
01:38:05 je suis là" ou capté.
01:38:07 Et pour aller chercher les moments
01:38:09 un peu à côté, il fallait qu'on crée
01:38:11 des situations, comme disait Alix, de balade
01:38:13 ou de sortir les photos
01:38:15 du bateau
01:38:17 de ma grand-mère pour dire
01:38:19 "Est-ce que tu te souviens de cette photo ?
01:38:21 C'est ton écriture d'adolescente cursive,
01:38:23 il y a marqué "Arrivée Marseille, août 55"
01:38:25 Tu te souviens avoir écrit ça ?
01:38:27 T'as les passeports ? Pourquoi on n'a pas les passeports ?
01:38:29 Elles sont où les photos ?" Et là, le micro
01:38:31 s'oublie un peu. Mais au départ, c'était
01:38:33 purement un soutien maternel
01:38:35 comme tu le dis aussi
01:38:37 très joliment.
01:38:39 - Moi,
01:38:41 j'ai été vraiment réconciliée
01:38:43 avec moi-même,
01:38:45 avec Alix qui a fait ce podcast.
01:38:47 Je me rappelle que ça a commencé
01:38:49 déjà lorsque je me suis occupée
01:38:51 de l'histoire de mon père en Inde.
01:38:53 J'avais fait une exposition
01:38:55 à Pondichéry sur les
01:38:57 réminiscences croisées
01:38:59 Indochine-Pondichéry.
01:39:01 Et Alix est venue me voir là-bas.
01:39:03 Elle était présente, elle m'écoutait
01:39:05 et elle m'a dit "Mais pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?"
01:39:07 Et c'est vrai, j'en avais pas parlé
01:39:09 à Alix que je préparais l'exposition.
01:39:11 Et elle m'en a voulu.
01:39:13 Et c'était comme ça ensuite
01:39:15 pour les combats que je menais au Café.
01:39:17 J'en parlais pas à Alix.
01:39:19 Et puis,
01:39:21 elle m'en voulait.
01:39:23 Bon,
01:39:25 maintenant on travaille ensemble
01:39:27 et je trouve que c'est merveilleux
01:39:29 ce qu'elle a fait, j'en suis fière.
01:39:31 Et je l'aime.
01:39:33 - Et je voulais aussi
01:39:35 dire, là il y a une œuvre
01:39:37 qui est
01:39:39 exposée, qui est une œuvre de Flora Hengvienne
01:39:41 qui est parmi nous,
01:39:43 que le Nouvelle-Hobbe s'a commandé exprès
01:39:45 pour Mila et Alix qui ont
01:39:47 la chance d'avoir une œuvre.
01:39:49 Elle est reproduite dans l'article
01:39:51 qui parle du Café.
01:39:53 Et c'est vrai que... Flora,
01:39:55 tu es là ? - Ouais. - Tu veux peut-être expliquer
01:39:57 ton processus
01:39:59 sur la mémoire ?
01:40:01 Comment tu as été créatrice ?
01:40:03 - Bonjour.
01:40:05 Alors moi, effectivement, je suis une des artistes
01:40:07 très inspirée par Ding Kui-Lei.
01:40:09 Effectivement, j'ai vu ses œuvres
01:40:11 au Cahiers Brandly,
01:40:13 je crois, il y a un an et demi.
01:40:15 Et je travaillais beaucoup sur
01:40:17 les photos d'archives,
01:40:19 les photos familiales, parce que
01:40:21 j'essaye aussi de retrouver cette mémoire
01:40:23 et d'avoir
01:40:25 une autre...
01:40:27 Comment dire ? De montrer une autre vision
01:40:29 de ce qu'était le Vietnam,
01:40:31 de ce qu'ont été
01:40:33 ces gens, qui n'est
01:40:35 pas forcément la guerre.
01:40:37 Ou ce qu'on peut voir, voilà, ce qu'on a pu voir
01:40:39 dans les films hollywoodiens, etc.
01:40:41 Ou...
01:40:43 des choses un peu romancées, comme dans Indochine.
01:40:45 Et...
01:40:47 Et du coup, bon, bref, j'ai eu
01:40:49 cette commande du Novel Obs, j'étais hyper honorée.
01:40:51 Franchement, je n'y attendais pas du tout, parce que
01:40:53 je suis vraiment complètement inconnue.
01:40:55 Et...
01:40:57 Et donc je suis allée voir Alex
01:40:59 et Nina, chez elles.
01:41:01 Elles m'ont sorti toutes leurs archives
01:41:03 familiales, photographiques.
01:41:05 Et j'ai passé toute la journée avec elles
01:41:07 à faire leurs portraits et à regarder
01:41:09 les photos.
01:41:11 Ah oui, pardon.
01:41:13 Oui, alors...
01:41:15 Voilà. Alors, dans
01:41:17 tout mon process de mémoire
01:41:19 et de...
01:41:21 de reconstituer cette mémoire
01:41:23 et en même temps de l'oubli
01:41:25 en fait, qui existe
01:41:27 dans toutes ces familles-là,
01:41:29 ce que je fais, c'est que je prends des photos,
01:41:31 je fais des fonds de montage,
01:41:33 je les colle sur une toile
01:41:35 qu'après je passe sous presse,
01:41:37 sous des grandes presses d'imprimerie.
01:41:39 Donc c'est manuel,
01:41:41 c'est des presses qui pèsent une demi-tonne.
01:41:43 Et comme ça, j'écrase aussi.
01:41:45 J'écrase ces mémoires
01:41:47 et elles ressortent.
01:41:49 Et après, j'enlève
01:41:51 ce qu'il reste de papier photo
01:41:53 et il me reste plein
01:41:55 de traces et en même temps
01:41:57 des trous, comme des trous de mémoire.
01:41:59 Et...
01:42:01 Le processus est assez aléatoire
01:42:03 parce que je ne sais pas du tout
01:42:05 ce que ça va rendre à la fin.
01:42:07 Et comme je travaille aussi beaucoup
01:42:09 sur le corps, j'ai ce geste
01:42:11 corporel de peintre,
01:42:13 donc de peinture,
01:42:15 pour donner de la matérialité,
01:42:17 de la présence, enfin du présent,
01:42:19 et de la dimension,
01:42:21 une troisième dimension.
01:42:23 Voilà cette mémoire.
01:42:25 Donc ça, c'est mon processus.
01:42:29 L'oeuvre est aussi le processus.
01:42:33 Ce n'est pas que le résultat final.
01:42:35 Voilà.
01:42:37 - On va bientôt devoir conclure
01:42:39 et on va quand même laisser un peu de place.
01:42:41 - Je voudrais poser une question à table.
01:42:43 - Oui.
01:42:45 - On a parlé du soutien mère-fille.
01:42:49 Il y a aussi le soutien fille-mère,
01:42:51 je pense.
01:42:53 Moi, en tout cas, je sais que personnellement,
01:42:55 mes filles m'aident beaucoup.
01:42:57 Je leur donne un peu de boost.
01:42:59 Et voilà, Tam, toi, justement,
01:43:01 tu as 18 ans, c'est ça ?
01:43:03 Et donc cette histoire, qu'est-ce que ça représente,
01:43:05 ce film, tout ce processus de mémoire ?
01:43:07 Pour toi qui as 18 ans, qu'est-ce que ça représente ?
01:43:09 - Déjà, bonsoir à tous.
01:43:11 Ça marche bien, c'est bon.
01:43:13 Non, mais moi,
01:43:15 j'étais toute petite, en fait,
01:43:17 quand ma mère a fait "Les rivières".
01:43:19 Donc, en fait, c'est quelque chose
01:43:21 qui m'a accompagnée
01:43:23 pendant mon adolescence,
01:43:25 mais ça a un peu toujours été là,
01:43:27 en fait, parce que j'ai pas vraiment
01:43:29 de souvenirs avant.
01:43:31 Enfin, si, mais peu.
01:43:33 Et...
01:43:35 Pour moi, c'était...
01:43:37 Enfin, je suis trop fière, quoi.
01:43:39 Ah non, mais moi, je veux pas pleurer, par contre.
01:43:41 (Rires)
01:43:43 Non, mais ouais, je suis super fière.
01:43:47 Et...
01:43:49 Je suis fière parce que, aussi,
01:43:51 "Les rivières", ça a été dans les premiers travaux,
01:43:53 sur ce travail de mémoire.
01:43:55 Et...
01:43:57 Pour moi, c'était très important.
01:43:59 - Je vais quand même pas faire pleurer une jeune fille dans 6 ans...
01:44:01 - L'entièreté de la ligne.
01:44:03 - ...en réconférence à l'Obs, quoi.
01:44:05 C'est quoi, cette histoire ?
01:44:07 - Non, mais c'est vrai que moi,
01:44:09 j'adore l'histoire, aussi, et du coup,
01:44:11 c'était... Enfin, c'était particulièrement
01:44:13 important parce que j'ai toujours été révoltée
01:44:15 par le fait que, moi,
01:44:17 dans mon apprentissage, on m'a jamais
01:44:19 parlé. Enfin, j'ai eu un
01:44:21 mini-travail sur la guerre d'Indochine,
01:44:23 mais en plus, c'était pendant le Covid, donc...
01:44:25 Ça a vraiment servi à rien.
01:44:27 Mais sinon, oui, c'est des histoires
01:44:29 que j'ai jamais entendues, en fait.
01:44:31 Et j'ai eu des discussions avec mes professeurs
01:44:33 sur ça, mais de toute façon, que ça soit
01:44:35 sur la guerre du Vietnam, la guerre d'Indochine,
01:44:37 les Amérindiens,
01:44:39 le... Enfin...
01:44:41 La guerre d'Algérie, c'est des choses, en fait,
01:44:43 dont aujourd'hui, on parle pas. Et du coup, pour moi,
01:44:45 ce film et tous les processus
01:44:47 qui sont mis en place, ils me...
01:44:49 Pour moi, c'est un écho particulier, mais même...
01:44:51 Enfin, c'est...
01:44:53 Ouais, je suis trop fière de faire partie
01:44:55 de cette communauté qui
01:44:57 fait bouger les choses et...
01:44:59 Et littéralement, c'est des choses qui vont
01:45:01 rentrer dans l'histoire aussi.
01:45:03 Et... Ouais, c'est super touchant.
01:45:05 - Merci, Tham.
01:45:07 (Applaudissements)
01:45:09 (Rires)
01:45:11 (Rires)
01:45:13 - Oui, je voulais juste rajouter quelque chose
01:45:15 parce qu'effectivement, ma grand-mère n'est plus là
01:45:17 pour le dire, mais quand elle a vu
01:45:19 "Les rivières"... - C'est vrai qu'elle est...
01:45:21 Elle est encore là quand on le fait.
01:45:23 - Ouais, ouais.
01:45:25 Euh... Quand elle a vu "Les rivières",
01:45:27 elle m'a dit quelque chose.
01:45:29 Déjà, elle a dansé.
01:45:31 Et elle m'a dit quelque chose.
01:45:33 Elle m'a dit... Excusez-moi.
01:45:35 (Rires) Elle m'a dit
01:45:37 "Je suis quelqu'un".
01:45:39 Et ça...
01:45:41 Voilà. C'est...
01:45:43 Déjà, c'est évidemment
01:45:45 hyper émouvant pour moi, sa petite fille,
01:45:47 de lui offrir ça.
01:45:49 Mais c'est aussi
01:45:51 peut-être déchireur de me dire
01:45:53 qu'en fait, jusqu'à ses 95 ans,
01:45:55 pour elle, elle n'était personne.
01:45:57 C'est ça aussi que ça veut dire.
01:45:59 Et en fait, voilà, si on pouvait participer
01:46:01 un peu à ce que chacun
01:46:03 puisse ressentir être quelqu'un,
01:46:05 c'est beau.
01:46:07 On a du pain sur la planche, mais c'est bien.
01:46:09 - Merci. Je crois qu'on va...
01:46:11 Peut-être si vous avez des questions,
01:46:13 parce que là, après, on va se faire
01:46:15 chasser notre "dien bien phu"
01:46:17 temporaire. On devra...
01:46:19 Bientôt, on va être vraiment
01:46:21 chassés de la salle, au bout d'un moment.
01:46:23 Mais si vous avez des questions, on a 10 minutes, c'est ça, Marie ?
01:46:25 Voilà, on a 10 minutes.
01:46:27 Elle est peut-être un quart d'heure pour des questions.
01:46:29 Ah, Lily.
01:46:31 C'est ça, c'est Lily. La maman d'Anaë.
01:46:41 - Merci, Yp.
01:46:43 - Oui, merci beaucoup.
01:46:45 Moi, j'interviens. Juste une réaction.
01:46:47 C'est en réaction par rapport à tout ce que j'entends.
01:46:49 Donc, bien sûr,
01:46:51 je réagis par rapport
01:46:53 à tout ce que j'ai entendu. Donc je recadre
01:46:55 par rapport à ce que ma fille a dit. Si je lui ai donné mon soutien,
01:46:57 c'est qu'elle m'a présenté le projet de façon
01:46:59 totalement différente.
01:47:01 - Ah bon ? Ça ne me dit rien.
01:47:03 - Oui, oui. Elle l'a présenté
01:47:05 sous l'angle... Voilà.
01:47:07 Je suis dans une session où on va parler
01:47:09 de l'intégration. Voilà.
01:47:11 Quelle est l'intégration aujourd'hui ? Comment on la ressent ?
01:47:13 Donc, moi, c'est un sujet
01:47:15 qui m'intéressait parce que, pour moi, l'intégration,
01:47:17 c'est jusqu'où on peut aller dans l'intégration
01:47:19 jusqu'à ce que des familles
01:47:21 s'oublient sur leurs racines.
01:47:23 C'est-à-dire qu'elles n'en parlent pas,
01:47:25 qu'elles ne parlent pas à ses enfants, qu'elles ne transmettent
01:47:27 pas les coutumes, qu'elles ont oublié
01:47:29 de leur religion, et qu'elles
01:47:31 s'intègrent totalement et qu'elles veulent que leurs enfants
01:47:33 s'intègrent dans la population française
01:47:35 pour qu'il n'y ait pas de problème. Donc, moi, c'était
01:47:37 cet aspect-là qui m'intéressait
01:47:39 dans sa démarche. Et c'est un petit peu
01:47:41 dans cet axe-là qu'elle l'a orientée.
01:47:43 C'est l'épisode 3.
01:47:45 Je ne sais pas.
01:47:47 Mais, en tout cas, moi, c'est dans cette
01:47:49 démarche-là que je l'ai
01:47:51 soutenue, à vrai dire.
01:47:53 C'était plutôt sous l'angle historique et sociologique.
01:47:55 Jusqu'où peut-on aller pour être intégré ?
01:47:57 Et est-ce qu'il faut, à ce point-là,
01:47:59 se faire oublier au point
01:48:01 que, là, aujourd'hui, vous avez des générations
01:48:03 qui ne savent pas ?
01:48:05 Qui commencent à savoir ?
01:48:07 [inaudible]
01:48:09 [inaudible]
01:48:11 [inaudible]
01:48:13 Non, je l'ai découvert comme tout le monde.
01:48:15 Oui, mais, en fait, c'était à l'avant-première.
01:48:17 Donc, on avait fait une écoute en avant-première
01:48:19 du premier épisode, qui était à l'auditorium
01:48:21 de la Gaîté Lyrique. Et ma mère avait
01:48:23 refusé d'écouter
01:48:25 la version avant
01:48:27 les 300 personnes de l'auditorium. Et je lui disais
01:48:29 "Mais t'es sûre que tu veux pas, avant
01:48:31 de venir au premier rang,
01:48:33 écouter ?" Et donc, elle avait pas écouté.
01:48:35 Donc, elle a écouté en même temps que tout le monde.
01:48:37 Voilà. Donc, j'ai découvert.
01:48:39 Moi, je trouvais que l'angle d'intégration,
01:48:41 bon, c'est bien. Grosso modo,
01:48:43 la conclusion, au vu des trois
01:48:45 histoires, c'est que ça se ressemble beaucoup. Il y a des points
01:48:47 communs, de toute façon. Après, c'est vécu
01:48:49 différemment, avec plus
01:48:51 ou moins de... Bon, voilà. C'est vécu
01:48:53 différemment au vu des événements de la vie.
01:48:55 Mais, effectivement, pour moi, l'intégration
01:48:57 aujourd'hui, c'est quelque chose dont je prends conscience.
01:48:59 On...
01:49:01 Est-ce que ça vaut le coup de s'intégrer
01:49:03 autant qu'on le demande aujourd'hui, en tout cas ?
01:49:05 - Est-ce qu'il y ait...
01:49:09 [Rires et applaudissements]
01:49:11 Quelque chose que je dis dans le podcast,
01:49:15 aussi, c'est que, après le voyage au Vietnam,
01:49:17 et pour préparer le voyage au Vietnam, ma mère a pris
01:49:19 des cours de vietnamien pour la première
01:49:21 fois, langue qu'on lui avait pas transmise.
01:49:23 Elle, pour travailler
01:49:25 la langue, pour avoir des billes,
01:49:27 pour discuter avec la famille, pendant un an
01:49:29 le voyage, elle a pris des cours. C'est elle
01:49:31 qui m'a emmenée à la mairie du 13ème, à des conférences
01:49:33 sur la transmission, l'héritage.
01:49:35 C'est par elle, aussi, que je suis venue
01:49:37 à ça. Et aujourd'hui, on a
01:49:39 un héritage un peu créolisé,
01:49:41 on fait à notre sauce.
01:49:43 Quand on va à la pagode, on fait à notre sauce.
01:49:45 Voilà, on fait avec ce qu'on
01:49:47 connaît, qui est arrivé
01:49:49 un peu tard, mais qui est arrivé quand même.
01:49:51 - Via Internet, souvent. - Oui, voilà, via Internet.
01:49:53 Mais c'est quand même chouette, aussi,
01:49:55 cette réintégration,
01:49:57 de replacer le curseur du métissage
01:49:59 sur le tard, même si
01:50:01 c'est après le décès de quelqu'un qu'on aimait.
01:50:03 - Oui, bonsoir.
01:50:15 Je suis là, au milieu. Là.
01:50:17 Oui.
01:50:19 D'abord, je voudrais
01:50:21 juste beaucoup vous remercier,
01:50:23 parce que moi, je suis
01:50:25 doctorante en psychologie, et là, je fais
01:50:27 ma recherche sur la transmission
01:50:29 des vécus de la guerre américaine
01:50:31 au Vietnam. Donc, c'est pas forcément la même
01:50:33 guerre, et c'est pas le même public,
01:50:35 mais ça parle de transmission et de non-transmission,
01:50:37 et comment c'est dur
01:50:39 face au silence,
01:50:41 comme vous avez dit, face à un oubli ou un déni,
01:50:43 de faire face
01:50:45 et de...
01:50:47 d'essayer de mettre
01:50:49 du sens sur quelque chose qui ne peut pas
01:50:51 être pensé ou
01:50:53 élaboré à cause de x ou y
01:50:55 raisons. Et c'est vrai que
01:50:57 ce que j'avais remarqué au Vietnam,
01:50:59 c'est que c'était encore plus dur
01:51:01 de le penser, parce que les gens sont...
01:51:03 ils sont encore, ils sont sur le
01:51:05 territoire et sur la terre, alors
01:51:07 qu'ici, quand on
01:51:09 est "extrait",
01:51:11 entre guillemets,
01:51:13 on a cet espace pour pouvoir
01:51:15 élaborer ce qu'on ne peut pas quand on est
01:51:17 confronté et quand on est vraiment
01:51:19 dans le vif du sujet,
01:51:21 même si maintenant ça fait 50 ans
01:51:23 qu'il n'y a plus de guerre, je pense
01:51:25 que cette mentalité-là, elle est encore
01:51:27 très présente.
01:51:29 J'ai oublié ma question,
01:51:31 mais... ah oui, je voulais
01:51:33 rajouter aussi que c'était très beau de voir
01:51:35 symboliquement
01:51:37 des femmes avec leur mère
01:51:39 et leur mère qui ont traversé la mer.
01:51:41 Bref, c'était très beau
01:51:43 et je... j'ai plus
01:51:45 de questions, mais merci !
01:51:47 [Applaudissements]
01:51:49 [Applaudissements]
01:51:51 [Applaudissements]
01:51:53 - Bonsoir, j'avais une question pour
01:51:55 revenir sur ce numéro de l'Op, sur
01:51:57 le traitement médiatique qui était réservé à l'Indochine,
01:51:59 parce que quand je suis allée
01:52:01 en kiosque, ce qui est très rare pour
01:52:03 l'acheter justement, je suis d'abord
01:52:05 tombée sur un journal
01:52:07 d'extrême droite, donc j'évite
01:52:09 laver mes mains, mais...
01:52:11 Je me demandais en fait
01:52:13 si
01:52:15 les journaux plutôt mainstream,
01:52:17 comment est-ce qu'on s'emparait de ces questions,
01:52:19 surtout là, autour de la date anniversaire
01:52:21 de Diane Bienfou, est-ce que vous avez l'impression que
01:52:23 c'est traité par les médias ?
01:52:25 Et est-ce que vous savez si ça va l'être dans les prochaines
01:52:27 semaines ? Parce que pour l'instant, j'ai l'impression que c'est...
01:52:29 - Alors déjà, en plus j'ai oublié de faire
01:52:31 quelque chose de très important, qui était de saluer
01:52:33 toute l'équipe, donc Eric et Chimane,
01:52:35 des hors-série, il y a Ophélia Lamy,
01:52:37 tu pourrais peut-être venir, Ophélia, parce que
01:52:39 sur ce sujet, elle a beaucoup de choses
01:52:41 à vous dire, justement, sur
01:52:43 Lola Alipha-Legrand, qui a rendu
01:52:45 ce... enfin qui faisait
01:52:47 la direction artistique, et vraiment, où est-ce qu'elle est
01:52:49 Lola ? Voilà, donc qui est
01:52:51 extraordinairement beau,
01:52:53 et François Canot, qui s'est débattu
01:52:55 avec les diacritiques, parce que figurez-vous
01:52:57 que jusqu'à la fin, on a voulu
01:52:59 utiliser les diacritiques, et puis
01:53:01 on s'est rendu compte qu'avec les polices, ça n'irait
01:53:03 pas, donc au tout dernier mot, les diacritiques
01:53:05 c'est tous les signes qu'il y a en
01:53:07 vietnamien qui permettent de comprendre
01:53:09 le sens, mais malheureusement, on s'est
01:53:11 rendu compte que ça rendait fou
01:53:13 les polices de caractère.
01:53:15 Donc ça a été aussi une aventure
01:53:17 collective assez dingue.
01:53:19 Et alors, je vois
01:53:21 tout à fait de quel numéro vous voulez parler,
01:53:23 qui est celui du Figaro, et ce
01:53:25 hors-série, et
01:53:27 en plus, ça m'énerve, parce que j'ai l'impression
01:53:29 qu'ils ont une plus grosse mise en place en kiosque
01:53:31 que celui du Nouvelle-Ochse, donc
01:53:33 bon, c'est pas grave, mais
01:53:35 oui, est-ce que tu pourrais nous parler
01:53:37 du traitement médiatique de l'image
01:53:39 justement dans le Figaro, et notamment de la couverture
01:53:41 de la couverture du Figaro
01:53:43 par rapport à nous, notre couverture et les choix
01:53:45 qu'on a faits ?
01:53:47 - Excusez-moi,
01:53:49 elle s'est occupée de toute la recherche
01:53:51 photo, et elle avait déjà travaillé sur l'horreur
01:53:53 série à Algérie, et c'est vrai qu'on
01:53:55 a été confrontés à une
01:53:57 pauvreté aussi, enfin, moins de
01:53:59 matériel photo sur cette mémoire
01:54:01 de la guerre d'Indochine
01:54:03 et de la colonisation.
01:54:05 - Bonsoir à tous, donc
01:54:07 oui, je suis rédactrice photo
01:54:09 donc je me suis occupée de ce
01:54:11 numéro, et c'est vrai que
01:54:13 par rapport au hors-série sur la
01:54:15 colonisation de l'Algérie, je me suis
01:54:17 trouvée tout de suite confrontée en cherchant
01:54:19 des documents iconographiques à un
01:54:21 nombre de photos quand même beaucoup plus
01:54:23 faibles que pour la guerre d'Algérie.
01:54:25 Ça s'explique aussi
01:54:27 par le fait, enfin, Grace l'a dit tout à l'heure, que c'était
01:54:29 pas une colonie
01:54:31 de peuplement, donc il y avait beaucoup moins de monde,
01:54:33 donc moins de photo-journaliste,
01:54:35 et
01:54:37 c'est vrai que quand on cherche des photos, on trouve
01:54:39 beaucoup de photos
01:54:41 très anthropologiques, avec, on peut
01:54:43 trouver des beaux portraits, donc, de gens
01:54:45 enfin, des locaux
01:54:47 du coup, mais, donc, en portrait,
01:54:49 un par un, ou en groupe, etc.
01:54:51 Mais on trouve peu de photos
01:54:53 finalement du peu de
01:54:55 colons qu'il y avait sur place, ou des rapports qu'ils ont
01:54:57 entre eux. Et c'est vrai que par exemple
01:54:59 la couverture du hors-série du Figaro,
01:55:01 elle représente, donc,
01:55:03 c'est un peu une image d'épinal, en fait,
01:55:05 c'est le tireur de pousse-pousse,
01:55:07 et le pousse-pousse est vide.
01:55:09 Et moi je me suis battue
01:55:11 pour essayer, donc, de trouver
01:55:13 des images de pousse-pousse, je me suis
01:55:15 dit, il y avait bien, donc, il y avait des
01:55:17 on va dire des Indochinois qui étaient poussés
01:55:19 par des pousseurs de pousse-pousse, mais il y avait aussi des
01:55:21 colons qui étaient poussés dans les pousse-pousse.
01:55:23 Et donc, eux, ils ont décidé de
01:55:25 d'omettre le colon, finalement.
01:55:27 - Ils ont effacé le colon, en fait. - Oui, voilà.
01:55:29 Ils ont fait ce choix-là, alors que finalement,
01:55:31 si on cherche, on en trouve quand même quelques-unes
01:55:33 où on voit des colons
01:55:35 qui sont dans des pousse-pousse.
01:55:37 J'ai essayé aussi de trouver, enfin, des images,
01:55:39 on en a pour l'Algérie,
01:55:41 mais où on voit vraiment des
01:55:43 français avec
01:55:45 des Vietnamiens,
01:55:47 et c'est vrai qu'on en a
01:55:49 vraiment très, très peu.
01:55:51 Voilà, donc ça, ça a été assez
01:55:53 difficile, quoi, de trouver
01:55:55 sur, enfin,
01:55:57 quand on cherchait sur certains articles,
01:55:59 sur la couverture, en fait,
01:56:01 ou sur les images d'ouverture.
01:56:03 On en a vu une, d'ailleurs, passer tout à l'heure.
01:56:05 Marie, je ne sais pas si tu peux la remettre.
01:56:07 Mais...
01:56:09 - Il y avait aussi des images... - La promenade d'ouverture,
01:56:11 c'est le pousse-pousse. - Peu, très peu
01:56:13 connue, celle de Capa, par exemple, donc Robert Capa,
01:56:15 ce grand photojournaliste, finalement,
01:56:17 on a oublié qu'il était mort... - En Indochine.
01:56:19 - En Indochine. - On l'oublie souvent, mais... - On l'oublie.
01:56:21 Donc, c'est aussi, je trouve, un symptomatique
01:56:23 de cet oubli. - Tout à fait. - Il a fait des images
01:56:25 où, en fait, on voit des civils morts.
01:56:27 Ça montre la réalité et la violence
01:56:29 de cette guerre. Et moi-même, qui, pourtant,
01:56:31 je m'étais renseignée sur...
01:56:33 Je n'avais jamais vu cette image.
01:56:35 Je ne la connaissais pas. Et ça m'a frappée
01:56:37 de voir, en fait, dans les recherches d'Ophélia,
01:56:39 de voir à quel point... Il y a aussi
01:56:41 une image qu'elle a retrouvée, Ophélia,
01:56:43 d'un charnier. Enfin, oui, on peut dire...
01:56:45 - Une exécution, en fait. - Une exécution, mais il y a...
01:56:47 Il doit y avoir 50 corps.
01:56:49 Je n'avais jamais vu cette
01:56:51 photo. Donc, il y a à la fois
01:56:53 peu de photos, et celles qui existent,
01:56:55 en fait, elles ont été un peu...
01:56:57 - Celle du charnier, c'était un collectionneur
01:56:59 qui avait ça. Et c'est une agence, en fait.
01:57:01 On travaille avec plusieurs agences du Coalops.
01:57:03 Et c'est une agence qui avait racheté ces images
01:57:05 à ce collectionneur il y a quelques années.
01:57:07 Et on voit, en fait,
01:57:09 plein de Vietnamiens qui ont été exécutés,
01:57:11 en fait, par
01:57:13 l'armée française. Et on le voit, ils déposent
01:57:15 les corps sur le bord de la rivière.
01:57:17 Voilà. Et pour
01:57:19 Capa, c'est vrai qu'en fait, en termes de
01:57:21 photojournalisme,
01:57:23 le photojournalisme à toute cette période
01:57:25 existait déjà. Mais c'est vrai que
01:57:27 l'intérêt pour la guerre,
01:57:29 enfin, en tout cas, pour l'Indochine, pour le territoire
01:57:31 et ce qui s'y passait,
01:57:33 les journaux, les grands journaux, ils ont commencé à envoyer
01:57:35 des photojournalistes
01:57:37 à partir des années 50, en fait.
01:57:39 Donc, pendant la guerre. Mais c'est vrai que
01:57:41 il n'y avait pas énormément de correspondants sur place.
01:57:43 C'était plutôt des photographes locaux
01:57:45 qui avaient des studios, qui faisaient des photos.
01:57:47 Il y avait eu des commandes aussi du ministère des colonies
01:57:49 pour faire
01:57:51 des photos de beaux paysages,
01:57:53 des photos des constructions, etc.
01:57:55 pour promouvoir les colonies, pour faire connaître
01:57:57 aux Français les colonies. Donc, il y avait pas mal de livres
01:57:59 aussi qui avaient été publiés
01:58:01 sur ce sujet à destination
01:58:03 des Français. Mais de photos
01:58:05 avec un vrai point de vue
01:58:07 journalistique, en fait,
01:58:09 on n'en trouve pas énormément. Et ce qu'a fait aussi
01:58:11 le Figaro, c'est qu'ils ont pris
01:58:13 des photos du fonds
01:58:15 Léon Buzi. Donc, il y a un fonds
01:58:17 de photos
01:58:19 qui a été réalisé entre 1914
01:58:21 et 1917,
01:58:23 qui est au musée Albert Cana-Sèvres,
01:58:25 et qui est dans le domaine public. Je vous conseille de le voir.
01:58:27 C'est de l'autochrome, c'est très beau, c'est en couleur.
01:58:29 C'est vraiment exceptionnel. Il a un vrai
01:58:31 talent de photographe.
01:58:33 Moi, je me dirais, si on fait le choix
01:58:35 de parler de la colonisation de l'Indochine
01:58:37 et donc la colonisation oubliée,
01:58:39 de choisir ces photos pour un
01:58:41 portfolio, pour moi,
01:58:43 c'est pas le bon choix. - Le côté romantisé.
01:58:45 - C'est le côté romantisé qu'on nous
01:58:47 lâche encore et encore sur l'Indochine.
01:58:49 Et c'est pas forcément celui
01:58:51 qu'on voulait nous voir, en fait,
01:58:53 donc avec notre angle.
01:58:55 - Et c'est vrai que,
01:58:57 je dirais que la grande spécificité
01:58:59 de notre angle, pour le coup,
01:59:01 je pense qu'il n'y a pas d'autres
01:59:03 magazines qui l'ont fait comme ça. C'était de
01:59:05 mettre en avant le point de vue des
01:59:07 asociés des descendants, à la fois avec
01:59:09 il y a beaucoup de contributions,
01:59:11 vous le voyez, ne serait-ce qu'avec la
01:59:13 constitution de sa table ronde.
01:59:15 C'est vraiment ce point de vue-là,
01:59:17 y compris les papiers qui sont signés,
01:59:19 les artistes qu'on a voulu
01:59:21 mettre en avant.
01:59:23 J'aurais voulu en mettre encore plus en avant
01:59:25 mais l'idée, c'était de
01:59:27 briser ce truc,
01:59:29 là encore, ce stéréotype sur l'invisibilité.
01:59:31 En fait, sur ce que moi
01:59:33 je me rappelle très bien, une première
01:59:35 conférence de rédaction, à L'Obs,
01:59:37 je venais d'arriver à L'Obs, c'était après les émeutes
01:59:39 de banlieue, en 2005, et il y a
01:59:41 un journaliste qui a dit,
01:59:43 qui parlait, qui a dit "ah oui mais
01:59:45 c'est bizarre, en fait,
01:59:47 il y a un ressenti sur la colonisation
01:59:49 très fort dans les
01:59:51 populations algériennes et autres
01:59:53 mais en revanche,
01:59:55 si vous regardez les populations
01:59:57 sud-est asiatiques,
01:59:59 ça se passe très bien,
02:00:01 ils sont très bien intégrés, donc on voit bien
02:00:03 que cette histoire, elle est totalement apaisée.
02:00:05 Et j'avoue, à l'époque, j'ai rien
02:00:07 dit, parce que je pense que je connaissais
02:00:09 d'abord tellement mal aussi cette histoire,
02:00:11 et en fait,
02:00:13 j'ai souvent pris,
02:00:15 ou même cette histoire de l'invisibilisation,
02:00:17 ou le fait qu'il n'y avait pas de racisme anti-asiatique. Je me rappelle
02:00:19 qu'en 2010,
02:00:21 j'ai fait un article sur le racisme
02:00:23 anti-asiatique, et j'avais appelé la LICRA,
02:00:25 et on m'avait dit "mais non, ça n'existe pas,
02:00:27 le racisme anti-asiatique,
02:00:29 parce que d'abord, on n'a jamais eu de plainte,
02:00:31 donc vous voyez bien, ça n'existe pas."
02:00:33 Et plein de gens m'ont dit "mais ça n'existe pas."
02:00:35 Donc je devais faire un article sur quelque chose,
02:00:37 mais on me disait que ça n'existait pas.
02:00:39 Et on vient de ça, en fait.
02:00:41 Donc ça, c'était mes débuts
02:00:43 à l'Obs, et
02:00:45 il y a eu tout un travail,
02:00:47 des gens comme Grace...
02:00:49 Oui ?
02:00:51 [inaudible]
02:00:53 Oui, tout à fait.
02:00:55 Je ne sais plus quand est-ce que j'ai fait.
02:00:57 Je pense que ça devait être juste avant.
02:00:59 Parce que je ne pense pas que la LICRA parlait déjà,
02:01:01 enfin bon, je ne me rappelle plus exactement,
02:01:03 mais en tout cas, mes premiers articles sur la communauté asiatique
02:01:05 et le racisme, je me rappelle très bien
02:01:07 d'avoir parlé, donc,
02:01:09 et y compris aussi à des historiens qui me disaient
02:01:11 "non mais, cette histoire,
02:01:13 elle est beaucoup plus lointaine,
02:01:15 ce n'était pas une colonie de peuple monde,
02:01:17 sous-entendu, elle est moins douloureuse."
02:01:19 Et la première fois que je suis allée dans le Cafi,
02:01:21 il y a quelqu'un qui s'en rappelle,
02:01:23 c'était en 2010, je crois.
02:01:25 Et bien pareil, je n'avais jamais entendu
02:01:27 parler du Cafi. Et moi-même,
02:01:29 étant d'origine vietnamienne,
02:01:31 comme ce n'était pas la même strate d'immigration,
02:01:33 je n'avais jamais entendu
02:01:35 parler de la vague qui est arrivée
02:01:37 après 1954. Donc en fait, c'était
02:01:39 des strates un peu de silence que
02:01:41 au fur et à mesure, en fait,
02:01:43 en étant à l'Obs, en travaillant sur ces
02:01:45 sujets, je les ai pelés
02:01:47 l'une après l'autre, et là,
02:01:49 en faisant ce hors-série, encore.
02:01:51 Par exemple, le fait qu'il y ait eu quasiment
02:01:53 un million de morts pendant cette guerre-là,
02:01:55 je ne le savais pas. Franchement,
02:01:57 ce sont mes historiens qui me l'ont dit,
02:01:59 je n'avais pas conscience de ce chiffre,
02:02:01 et donc c'est un chiffre plus élevé que celui de la guerre d'Algérie,
02:02:03 je savais par exemple que
02:02:05 le Napalm, ça avait été utilisé
02:02:07 la première fois pendant la
02:02:09 guerre d'Indochine par le général
02:02:11 de Latre, mais l'étendue
02:02:13 en fait des massacres
02:02:15 et des dégâts, ça en fait,
02:02:17 c'est en parlant avec des historiens que j'ai réalisé
02:02:19 un truc tout con, il n'y a pas eu
02:02:21 de bombardement de civils
02:02:23 pendant la guerre d'Algérie, pour plein de raisons,
02:02:25 en tout cas, il n'y a pas eu de bombardement,
02:02:27 donc on sait que quand on fait des bombardements un peu massifs,
02:02:29 ou quand on
02:02:31 détruit des barrages, c'est aussi un truc
02:02:33 par la fin, donc ça fait beaucoup plus
02:02:35 de massacres parmi les civils.
02:02:37 Je n'en avais pas conscience, et j'en ai eu,
02:02:39 c'est juste en travaillant là, sur cet
02:02:41 aspect-là, que j'ai réalisé ça.
02:02:43 C'est étonnant de voir à quel point
02:02:45 même qu'on croit connaître,
02:02:47 il y a quand même encore
02:02:49 aujourd'hui beaucoup de choses
02:02:51 à explorer sur cette page
02:02:53 de l'histoire,
02:02:55 et les historiens,
02:02:57 pour plein de raisons, il y a eu beaucoup
02:02:59 moins de César, beaucoup moins
02:03:01 qui ont été formés, qui ont eu
02:03:03 des bourses, plein de raisons.
02:03:05 Aujourd'hui, c'est un peu en train de changer,
02:03:07 mais c'est vrai que c'est étonnant,
02:03:09 parce qu'il y a un autre phénomène, on l'a fait avec
02:03:11 Éric, qui est le
02:03:13 rédacteur en chef de tous les hors-série,
02:03:15 un autre hors-série sur l'esclavage, et on s'était
02:03:17 rendu compte un peu de cette même histoire occultée
02:03:19 par rapport à la France, parce que c'est aussi une histoire française,
02:03:21 et on se rendait compte qu'en fait, qui connaît
02:03:23 l'histoire de Haïti et de Saint-Domingue ?
02:03:25 Ce n'est même pas dans les manuels scolaires
02:03:27 généraux. Donc ce silence,
02:03:29 en tout cas, il nous a énormément
02:03:31 interpellés par rapport à ces
02:03:33 quasiment 100 ans de colonisation,
02:03:35 et c'est ça qu'on a voulu creuser.
02:03:37 Donc forcément, avec un
02:03:39 angle assez différent de ce qui était fait
02:03:41 d'habitude sur l'Indochine, où c'était quand même
02:03:43 très souvent très
02:03:45 lié à Dien Bien Phu,
02:03:47 parce que, en revanche, si on connaît mal
02:03:49 la colonisation, tout le monde connaît
02:03:51 Dien Bien Phu, parce que c'est vraiment
02:03:53 un nom connu,
02:03:55 c'est une mémoire militaire,
02:03:57 et une mémoire militaire qui a été aussi vachement
02:03:59 héroïsée, romantisée.
02:04:01 Le général Bujard,
02:04:03 il fallait bien que nous en parlions aujourd'hui.
02:04:05 Mon idole,
02:04:07 qui a été après en Algérie.
02:04:09 Donc voilà, c'est vrai que tous ces
02:04:11 anciens de l'Indo, on a un article là-dessus qui en parle,
02:04:13 qui ont été formés,
02:04:15 la torture commence en Indochine,
02:04:17 et après c'est ça qui va être exporté en Algérie.
02:04:19 L'Indochine, en fait,
02:04:21 cette guerre-là, est la matrice de la
02:04:23 guerre en Algérie.
02:04:25 Et j'avoue que moi-même, j'en avais pas,
02:04:27 alors que c'est pourtant une histoire
02:04:29 dont je suis issue, je n'en avais
02:04:31 pas conscience, à ce point en tout cas.
02:04:33 - Mais ce trou mémoriel,
02:04:35 je sais qu'il y a un article de Christopher Gauchat
02:04:37 aussi, hors série,
02:04:39 c'est un historien que j'interview,
02:04:41 aussi, pour questionner
02:04:43 l'abaillance mémorielle,
02:04:45 pourquoi on n'a pas de mémoire
02:04:47 collective dessus, tu dis, ah bah,
02:04:49 comme moi, mon exil c'est
02:04:51 50 ans après 54, j'ai pas entendu parler du Café,
02:04:53 mais par exemple, t'as entendu parler des camps
02:04:55 d'accueil des Harkis, par hasard,
02:04:57 et tu n'es pas issue de cette immigration,
02:04:59 et moi c'est pareil pour le camp,
02:05:01 je savais qu'il y avait eu des camps d'accueil d'autres
02:05:03 migrations, et je ne savais pas
02:05:05 que des gens qui étaient dans le même bateau que ma grand-mère
02:05:07 avaient été dans l'Haut-et-Garonne,
02:05:09 dans ces conditions d'hébergement-là,
02:05:11 et parfois ils vivaient encore,
02:05:13 et donc ça t'est pas proposé
02:05:15 non plus par hasard, enfin, tu tombes pas sur
02:05:17 un bouquin plus aujourd'hui,
02:05:19 mais si tu l'as pas cherché, tu le trouves pas,
02:05:21 et je pense que c'est aussi tout le but
02:05:23 du hors-série, c'est de se dire, on sort des mémoires
02:05:25 militaires, on donne la parole, pas
02:05:27 que à la grande histoire d'Yann Bienfou
02:05:29 les dates, les accords de Genève,
02:05:31 mais à la création d'aujourd'hui,
02:05:33 et on ouvre les points de vue, et
02:05:35 je trouve que sur les 70 ans aujourd'hui, donc là,
02:05:37 le 7 mai, j'espère qu'on va un peu
02:05:39 en parler quand même, parce que c'est la fin de Yann Bienfou,
02:05:41 et puis après les accords de Genève en juillet,
02:05:43 mais ça reste des dates encore militaires, encore
02:05:45 juridiques, et sur la prise,
02:05:47 moi je sais qu'il y a des journalistes qui m'appellent et qui me disent
02:05:49 "Bon bah ok, j'ai écouté ton podcast, c'est super,
02:05:51 est-ce qu'il y a un politique qui t'a appelé, est-ce qu'il se passe quelque chose,
02:05:53 est-ce qu'il y a un monument, est-ce qu'il va y avoir une cérémonie,
02:05:55 est-ce qu'il y a un écho
02:05:57 plus large ?"
02:05:59 Et je suis obligée de leur dire non.
02:06:01 - Bah écoutez, nous, nous sommes
02:06:03 la conséquence de la défaite de
02:06:05 Yann Bienfou, et
02:06:07 aujourd'hui, nous sommes toujours dans le combat,
02:06:09 malgré la visibilité qu'on donne au Cafi,
02:06:11 il y a eu la pièce de théâtre
02:06:13 de Vladia Merlet,
02:06:15 Cafi, il y a eu le film "Le camp des oubliés",
02:06:17 ils sont passés à la télé,
02:06:19 nous avons eu la visite des
02:06:21 ministres au camp de Sainte-Livrade,
02:06:23 mais le problème est toujours là, il y a encore
02:06:25 le 22
02:06:27 février 2022,
02:06:29 l'extension de la loi
02:06:31 pour réparation
02:06:33 et pour conditions indignes
02:06:35 d'habitation a été
02:06:37 accordée aux Harkis, qui sont
02:06:39 arrivées dix ans après nous, et qui ont
02:06:41 été indemnisées, et nous sommes arrivés
02:06:43 dix ans avant dans de très mauvaises
02:06:45 conditions, et bien on nous a refusé
02:06:47 encore une
02:06:49 fois la réparation,
02:06:51 et ça continue, et maintenant
02:06:53 on veut occuper nos
02:06:55 lieux de mémoire par les anciens combattants,
02:06:57 mais nous sommes toujours dans le combat,
02:06:59 on nous occulte, on veut nous oublier,
02:07:01 on veut nous rayer, mais nous sommes
02:07:03 là et nous allons continuer le combat.
02:07:05 Voilà.
02:07:07 [Applaudissements]
02:07:11 Je suis désolée, on va devoir arrêter là.
02:07:13 Alors merci encore d'être venus si nombreux,
02:07:15 j'ai jamais vu l'auditorium comme ça aussi
02:07:17 blindé, avec des gens assis par terre.
02:07:19 Merci beaucoup d'être venus, et achetez
02:07:21 le hors-série.
02:07:23 [Applaudissements]
02:07:25 Merci Dohan.
02:07:27 [Applaudissements]
02:07:29 [Applaudissements]
02:07:31 [Applaudissements]
02:07:33 [Applaudissements]
02:07:35 [Applaudissements]
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