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00:00Ce matin, vous recevez le président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française.
00:05Et pas que, et pas que. Bonjour Dominique Enracht.
00:07Bonjour.
00:07Bienvenue sur Europe 1, parce que vous êtes aussi premier vice-président de l'UDEP,
00:10donc le syndicat patronal, président aussi depuis peu de la Confédération Générale de l'Alimentation de Détail.
00:15Vous représentez combien de personnes en France, combien d'artisans, Dominique Enracht ?
00:19Écoutez, c'est des millions, puisqu'on sait que par exemple l'UDEP, c'est quand même 85% des entreprises en France.
00:25C'est-à-dire, vous levez le matin, électricien, plombier, prenez le taxi, etc.
00:28Tout ça, c'est l'UDEP.
00:30Alors, on est le 1er mai, Dominique Enracht.
00:32Il n'y aura pas grand-chose d'ouvert aujourd'hui, parce qu'en théorie,
00:351er mai, c'est le seul jour de l'année qui est obligatoirement chômé pour les salariés.
00:40Alors bien sûr, il y a des exceptions.
00:41Les médias, par exemple, nous travaillons aujourd'hui les services essentiels, transports, hôpitaux.
00:46Mais pas vous, les boulangers.
00:47Vous avez des confrères qui se sont même retrouvés devant la justice à devoir payer de fortes amendes
00:52pour avoir ouvert leur boulangerie le 1er mai.
00:55Vous ne trouvez pas ça normal, Dominique Enracht ?
00:57Écoutez, évidemment que je ne trouve pas ça normal.
00:59Surtout que nous, on pensait justement qu'on était essentiels, comme la presse et d'autres métiers.
01:04Pendant le Covid, vous aviez été jugé service essentiel.
01:07Tout à fait, on a ouvert quand même tous les matins et on était essentiels et obligés d'ouvrir.
01:11Puisqu'on n'avait pas d'indemnité, donc il fallait vraiment qu'on soit ouverts.
01:15Donc, c'est vrai qu'aujourd'hui, sur le 1er mai, c'était en plus depuis une centaine d'années
01:19où on travaille le 1er mai sans histoire.
01:22Donc là, il y a eu une remise en cause, c'est vrai, par un jugement qui a été relaxé.
01:25D'ailleurs, la Confédération était derrière.
01:28Mais attendez, vous aviez le droit d'ouvrir tranquillement le 1er mai,
01:31de faire travailler vos salariés aux conditions d'un jour férié,
01:33c'est-à-dire payer double et sur le volontariat.
01:35Et sur le volontariat surtout, et payer double évidemment.
01:37Et vous avez perdu ce droit ?
01:39Écoutez, c'est qu'en fait, il y a eu un problème de procès verbal qui a été dressé à partir au tribunal.
01:45Donc là, on était obligés, on a demandé en fait quelle était la position.
01:49C'est-à-dire qu'il y a une décision de justice récente qui, selon vous,
01:51remet en cause tout un édifice législatif qui vous protégeait ?
01:54C'est 2024 en fait, où il y a eu des boulangers.
01:58Parce que là, c'est une interprétation d'un inspecteur,
02:01et puisqu'ils sont complètement indépendants,
02:03qui a fait que ces boulangers se sont retrouvés au tribunal.
02:05Donc là, suite à ça, en 2024, on a engagé des choses pour pouvoir clarifier tout ça.
02:10Parce que vous pensez...
02:11Pardon, mais juste pour qu'on comprenne bien,
02:12vous pensiez que la décision d'un inspecteur du travail
02:15pouvait, à la fin, in fine, remettre en cause totalement le droit d'ouvrir le 1er mai pour les boulangers ?
02:22Tout à fait, ça peut faire jurisprudence.
02:24C'est-à-dire, bon, heureusement, les boulangers 21 ont été relaxés,
02:28ce qui fait que déjà, ça nous donne quelque chose.
02:31Mais au niveau de la position, je dirais, déjà des ministères nous disent
02:34« Bon, écoutez, il y a la loi, on ne peut pas s'interposer avec les inspecteurs,
02:37et les inspecteurs ont une vision de la loi. »
02:40Donc, en fait, on arrive dans un bug, pas un flou, mais je dirais un bug,
02:43parce qu'on a toujours ouvert, et en fait, cette année, on est obligé de...
02:46Enfin, je dirais, de faire ouvrir sans employés.
02:49Et vous dites, en substance, Dominique Enracte,
02:51il y a un peu de poids, de mesures,
02:53parce qu'il n'est qu'à se balader dans les villes.
02:55Aujourd'hui, 1er mai, vous aurez des fast-foods qui seront ouverts,
02:57vous aurez des super-aides qui seront ouvertes.
03:00Et vous, boulangers...
03:01Alors, vous, patron, vous avez le droit d'ouvrir, faites ce que vous voulez,
03:03mais par contre, vos salariés, eux, vous n'ont pas le droit de travailler.
03:07Tout à fait, on a quand même 200 000 salariés dans la branche,
03:0935 000 boulangeries,
03:10donc on est en moyenne à peu près à 7 salariés par entreprise,
03:14donc évidemment qu'il y a des entreprises qu'on ne peut pas ouvrir sans salariés.
03:18Et ce qu'il faut savoir aussi, c'est que beaucoup de nos salariés
03:20veulent travailler parce qu'ils sont payés double.
03:22Et s'ils ne veulent pas, ils refusent, bien évidemment.
03:24Alors, vous avez saisi le gouvernement et les parlementaires
03:27pour clarifier la situation.
03:28Alors, je dis que vous avez saisi.
03:30C'est-à-dire, en fait, vous vous démenez très clairement,
03:33Dominique Horak, vous faites du lobbying,
03:34et c'est normal dans ce pays, quand on veut défendre ses intérêts,
03:37vous êtes allé les voir directement pour leur dire
03:38« Il faut clarifier les choses, là, il faut peut-être changer la loi. »
03:42Et ça se concrétise par cette proposition de loi
03:44qui est portée par des sénateurs centristes.
03:46Ils ont présenté le texte la semaine dernière.
03:48Ce texte, vous pensez qu'il va aboutir, Dominique Horak ?
03:52Écoutez, on est très partant et mobilisé pour ça,
03:56parce qu'il faudrait que l'année prochaine,
03:58ça soit clair dans la tête des boulangers
03:59qui veulent ouvrir avec leurs salariés volontaires.
04:02Vous savez, les boulangeries, si vraiment on n'arrivait pas à la mettre en place,
04:06il ne se passera que 35 000 boulangeries fermeront le 1er mai.
04:09C'est quand même 70 à 80 millions d'euros de chiffre d'affaires,
04:12de la TVA, pareil pour les salariés,
04:15qui eux n'auront pas une journée pays double avec la CRDS, CSG.
04:19Donc tout ça, c'est quand même un manque à gagner.
04:21Et puis un pays tellement triste.
04:22Et imaginez des endroits comme le Sade d'Olonne
04:25ou le bassin d'Arcachon
04:27qui arrivent avec des milliers de personnes en week-end quand il fait beau.
04:30Ils ne sauront pas où prendre un sandwich.
04:31Tout le monde n'a pas les moyens d'aller au restaurant.
04:33Et en plus, des Français touristes ou même étrangers
04:36qui pourraient ne pas comprendre que dans le pays de la baguette UNESCO,
04:39on ne puisse pas aller chercher un sandwich.
04:40On va en parler de cette baguette UNESCO,
04:42parce que c'est aussi un de vos combats.
04:43La CGT, dans cette affaire de l'ouverture du 1er mai,
04:46elle est clairement contre vous.
04:47Je cite Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT,
04:51qui dit qu'un jour par an,
04:53peut-être qu'on peut se débrouiller autrement pour son pain ou son croissant.
04:56Voilà ce qu'elle dit, Sophie Binet, Dominique Oracta.
04:58Oui, évidemment, je comprends sa position syndicale
05:01vis-à-vis de ce 1er mai, qui est vraiment le Graal.
05:03Mais bon, ce n'est pas Madame Binet qui commande.
05:05Et dans les boulangeries, on a quand même,
05:07je vous dis, il y a quand même trois piliers importants à savoir.
05:08C'est-à-dire que les entreprises...
05:10Aujourd'hui, on a subi quand même quelques crises
05:11que vous avez pu mentionner dernièrement.
05:14Les matières premières, l'énergie, et j'en passe.
05:16Il y a aussi ces salariés qui veulent quand même
05:18travailler pour être payés doubles.
05:21C'est quand même dans le pouvoir d'achat, c'est important.
05:23Et puis, ne pas oublier qu'on a 12 millions de clients chaque jour
05:25qui, eux, arrivent devant la porte,
05:27même s'ils ne vont pas mourir de faim.
05:29C'est quand même sympa, un jour férié,
05:30aller chercher une viennoiserie, une bonne baguette fraîche.
05:32Comment ça va la boulangerie, d'ailleurs, en général, Dominique Oracta ?
05:35Écoutez, c'est en demi-teinte.
05:37Il y a des gens qui réussissent très bien,
05:38il y a des gens qui souffrent.
05:39Il y a des boulangeries, par exemple, dans des petits villages
05:42où c'est un peu compliqué, avec une concurrence de GMS,
05:45avec...
05:46Grandes et moyennes surfaces, GMS.
05:47C'est ça, oui, tout à fait.
05:48Et puis, aussi, c'est quand même ces charges qui montent,
05:51avec des boulangers qui ne sont pas habitués à augmenter les prix
05:53quelques fois contre leur gré.
05:56Donc, c'est vrai que c'est un peu compliqué.
05:57Et puis, des fermetures, c'est quand même 200 par mois.
05:59200 boulangeries qui ferment ?
06:01Par mois, pardon.
06:02200 par mois.
06:03200 fermetures de boulangeries par mois ?
06:04200 fermetures par mois,
06:05et 250 à peu près ouvertures.
06:07Dedans, il y a des chaînes, mais pas qu'eux.
06:08Il y a aussi des artisans qui se réinstallent.
06:10Attendez, il y a 35 000 boulangeries en France,
06:12vous nous avez dit.
06:13Il y en a 200 qui ferment chaque mois.
06:14Tout à fait.
06:15Et depuis 2012...
06:16C'est un rythme d'extinction, là.
06:17Pas un rythme d'extinction, parce qu'il y a des créations.
06:20Il y a beaucoup de...
06:21Je vous dis, bon, des chaînes, mais pas qu'eux.
06:22Il y a beaucoup d'artisans qui se replacent
06:24dans des endroits un peu mieux placés, etc.
06:27Qui bougent un peu pour des endroits
06:28où on peut stationner, etc.
06:30Qui se modernisent.
06:31Mais la boulangerie artisanale,
06:32vous pensez qu'elle est menacée aujourd'hui,
06:35Dominique Enracte ?
06:36Vous savez, je serais tenté de vous dire,
06:37par rapport à ce qu'on a vu dans la presse, là,
06:39depuis 15 jours,
06:40je ne suis pas sûr qu'elle soit menacée.
06:41Parce que c'est vraiment dans le cœur des Français.
06:43On a, je dis, 200 000 salariés,
06:4530 000 apprentis par an.
06:46Et ce qu'il faut savoir,
06:47depuis 2012,
06:48on a quand même un bilan positif des entreprises.
06:50Ça veut dire que, quand même,
06:51tous les Français sont attachés
06:53à ce commerce de proximité.
06:54C'est quand même la France,
06:55c'est le pays du pain.
06:57Oui.
06:5710 milliards de baguettes qu'on mange chaque année,
06:59quand même, en France.
06:59Oui, c'est anecdotique.
07:00L'inscription de la baguette française
07:03au patrimoine immatériel de l'UNESCO,
07:04vous nous en avez parlé.
07:05Vous avez porté la requête
07:07jusqu'auprès du président de la République,
07:08qui s'est approprié, d'ailleurs, ce combat.
07:10On en est où, Dominique Enracte ?
07:11Ça va se faire, ou pas ?
07:12Ah, ben, écoutez,
07:13elle est inscrite depuis 2022
07:14au patrimoine culturel immatériel mondial de l'UNESCO.
07:18Je suis complètement dans le jeu.
07:18Oui, non, mais bon,
07:19c'est vrai que ça peut...
07:20Voilà, c'est inscrit,
07:21et ça a été un véritable succès,
07:23parce qu'on voit quand même
07:23la farine qui est exportée
07:25pour les artisans a doublé,
07:27donc ça veut dire
07:27qu'on a un véritable succès international.
07:29J'ai vu Audra Zoulet me disait
07:31« Écoutez, je ne fais pas un pays
07:32sans qu'on me parle de la baguette. »
07:34Donc, c'est vraiment un dossier de l'UNESCO
07:35qui a été important et très important pour le métier.
07:38C'est toujours du blé français
07:39dans la baguette française.
07:40On sait qu'il y a des problèmes
07:41de souveraineté alimentaire
07:42qui commencent à se poser en France.
07:44De votre point de vue de la boulangerie ?
07:46Écoutez, nous, on a vraiment
07:47la souveraineté alimentaire,
07:48mais il n'y a pas de problème en boulangerie.
07:50100% de blé français
07:51dans les boulangeries artisanales,
07:53et aussi tous les produits qui sont à côté.
07:54Nos sièges sont en France.
07:56Donc, c'est vrai qu'on est un modèle de RSE.
07:59Merci, Dominique Enracht,
08:00d'être venu sur l'antenne d'Europe 1.
08:02Je rappelle que vous êtes
08:02le président de la Confédération nationale
08:04de la boulangerie-pâtisserie française.
08:05Et donc, on suivra le trajet
08:07de cette proposition de loi
08:08pour clarifier les choses
08:09pour les boulangers le 1er mai.
08:11Espérons, en tout cas,
08:12c'est votre souhait,
08:12que l'année prochaine,
08:13on n'ait pas à en parler.
08:14On n'ait pas à en parler à nouveau.
08:16Merci d'être venu sur Europe 1.
08:17Bonne journée.