Le samedi 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappe Mayotte. Le bilan est encore provisoire : 39 morts et 2500 blessés. C'est la catastrophe naturelle la plus grave de l'histoire de l'archipel depuis 90 ans. Les images des bidonvilles ravagés servent de révélateur : Mayotte est en crise depuis des années. Le vivre-ensemble est malmené, la violence endémique, la pauvreté, le manque d'infrastructures rongent le territoire. Comment, dès lors, lire cette crise, et comprendre les maux de ce département français oublié ?
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00:00:00...
00:00:00Mayotte est placée actuellement au plus haut niveau de l'alerte cyclonique.
00:00:18Depuis une heure, l'archipel de l'océan Indien est en alerte violette.
00:00:22L'œil du cyclone Chido doit passer sur le nord de la Grande Terre entre 9h et 13h.
00:00:25Les vents pourront dépasser les 180 km heure dans la journée.
00:00:30J'étais chez moi, elle a un peu commencé à devenir fort, le vent qui commence à souffler.
00:00:36On commence à avoir peur, l'étoile ça s'est enlevée.
00:00:44Je commence à paniquer avec mon bébé, je ne savais plus quoi faire.
00:00:49Si je meurs, qui va garder mon enfant ? Il sera avec qui ?
00:00:52Vision d'apocalypse.
00:00:57Ce cyclone est le plus violent et destructeur sur l'île de Mayotte depuis 1934.
00:01:02Ces quartiers de Mayotte entièrement ravagés ressemblent à des villes fantômes.
00:01:07Chido a pour lui.
00:01:09C'est détruit en fait, ça ne peut rien, plus un arbre de boue.
00:01:12Il n'y a plus rien, il n'y a plus rien de tout.
00:01:15Chez moi, c'est tout d'autrui.
00:01:22Je suis tout perdue, tout, tout, tout.
00:01:25On souffrait déjà à Mayotte et à ce moment, c'est vraiment l'enfer.
00:01:31Il n'y a pas d'aide, il n'y a personne qui vous aide.
00:01:33On ne peut même pas appeler le secours parce qu'il n'y a pas de réseau.
00:01:36C'est tout raser comme si ils envoient une bombe pour tout raser.
00:01:5677% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
00:02:11L'archipel a 60 ans de retard par rapport au reste de la France.
00:02:19Après la pire sécheresse depuis près de 30 ans, l'île fait face à une nouvelle crise de l'eau.
00:02:26L'insécurité qui ne cesse également de gangréner l'île de Mayotte.
00:02:31Le 101e département français ne parvient pas à endiguer cette violence.
00:02:36On est vraiment en guerre.
00:02:49Situation extrêmement tendue ce soir.
00:02:51Une embarcation de fortune, un Quassa-Quassa, a coulé dans les eaux de Mayotte.
00:02:56Que reste-t-il de Mayotte après le cyclone du siècle ?
00:03:01Le bilan est toujours d'au moins 39 morts et plus de 5600 blessés.
00:03:08Le cyclone Shido est le révélateur d'un sous-développement chronique
00:03:12qui fait souffrir les Mahoraises et Mahorais et fait honte à la République.
00:03:15Si ce n'était pas la France, vous seriez des mille fois plus dans la mer.
00:03:22Il n'y a pas un endroit de l'océan Indien où on aide autant les gens.
00:03:25Le drame maorais
00:03:38Le drame maorais
00:03:54Le drame maorais était-il écrit ?
00:03:56Plus qu'une simple catastrophe naturelle,
00:04:01Shido a révélé les fractures d'un territoire exsangue.
00:04:05Le département le plus pauvre de France est en proie à une crise économique,
00:04:14démographique et migratoire,
00:04:17qui prend racine dans son histoire post-coloniale.
00:04:19Le drame maurais
00:04:31Le drame maurais
00:04:33Je m'appelle Coco Djoumois.
00:05:02Ici, ce sont les femmes qui font tout.
00:05:12Mayotte m'a élevée.
00:05:15Mayotte nous a tout donné.
00:05:17Nous étions bien obligées de défendre notre île.
00:05:31Et c'est nous, les femmes,
00:05:34qui nous sommes battues pour que Mayotte reste française.
00:05:36Les Comores,
00:05:46quatre points sur la carte du monde dans le canal de Mozambique.
00:05:49Cet archipel de l'océan Indien à 8500 km de Paris,
00:05:52composé de quatre îles volcaniques,
00:05:54appartenait à l'histoire de la France depuis plus de 100 ans.
00:05:56Les Comores dans le cétatrille,
00:06:00avec la Grande Comore,
00:06:02Anjouan,
00:06:03Moëli et Mayotte.
00:06:06Trois des îles étaient devenues protecteurs à français en 1886.
00:06:10Et la quatrième, Mayotte,
00:06:12avait été vendue à la France en 1843.
00:06:14Depuis, les îles de Mayotte se sont toujours senties françaises.
00:06:17Mais les Comores, pays musulmans,
00:06:19ont été touchés comme tous les pays colonisés
00:06:21par la grande vague d'indépendance.
00:06:24À partir de la fin des années 60,
00:06:26la plupart des colonies ont obtenu leur indépendance.
00:06:29Et la France sait que les Comores vont devenir indépendantes.
00:06:32C'est devenu inéluctable.
00:06:34Sauf qu'à cette période, à Mayotte,
00:06:37est apparu un mouvement qui, lui,
00:06:39milite pour que Mayotte reste française.
00:06:44Mayotte, colonisée 45 ans avant les autres,
00:06:46se veut française.
00:06:48Ici, on refuse l'indépendance.
00:06:49Plus riches, moins peuplés,
00:06:52on a peur d'être envahis par les trois autres îles.
00:06:56La population de Maoraises
00:06:57souhaite rester au sein de la République française.
00:07:01Nous ne sommes pas comme rien,
00:07:02nous sommes Maorais et Français.
00:07:06Il ne faut pas négliger la place
00:07:08qu'ont eu les femmes dans ce combat.
00:07:09Très clairement, elles ont permis de populariser ce combat.
00:07:15Le mouvement des chatouilleuses apparaît
00:07:18au milieu des années 60.
00:07:19Et donc, les chatouilleuses, en fait,
00:07:21c'est l'autre nom de ce que l'on appelle sur place
00:07:23les Sorodas.
00:07:24Les Sorodas, ce sont les soldats.
00:07:26Ce sont donc les militants pour Mayotte française.
00:07:28Ils étaient partisanes de la non-violence.
00:07:35Ils étaient partisanes de la non-violence.
00:07:51Mais il fallait quand même mener le combat.
00:07:55Donc, elles ont été très astucieuses.
00:07:59Et elles ont remarqué qu'en chatouillant une personne,
00:08:03cette personne pouvait rire, mais en fait, jusqu'aux larmes.
00:08:06Et elles atteignaient d'une certaine façon leur objectif,
00:08:10mais sans pour autant violenter leur cible.
00:08:14Tous leurs opposants politiques sont passés par leurs mains
00:08:20et ont été chatouillés.
00:08:22Elles ont réussi à soulever la population toute entière
00:08:25pour que, comme un seul homme, en fait,
00:08:28elles demandent le maintien au sein du giron français.
00:08:31Ça va bien ?
00:08:36Coucou, tu ne te laissais pas faire quand tu étais plus jeune ?
00:08:40Bien sûr que non, je ne me laissais pas faire.
00:08:42Je faisais comme ça, comme ça, avec mes mains.
00:08:46Ils avaient tous peur de moi.
00:08:55Alors, attention à vous, les enfants.
00:08:57C'est vrai, Coco ? Les gens te craignaient ?
00:09:01Évidemment.
00:09:04Elles allaient au combat en se disant que les ancêtres étaient à leur côté,
00:09:09que les esprits étaient à leur côté,
00:09:11que Dieu lui-même était à leur côté.
00:09:15Et c'est vrai qu'elles se sentaient quelque part surhumaines,
00:09:18portées par toutes ces entités-là.
00:09:20On voulait rester français,
00:09:28car la France nous avait fait du bien.
00:09:34On ne voulait être avec personne d'autre.
00:09:40C'était le seul pays qu'on connaissait depuis tout petit.
00:09:42On priait Dieu pour rester avec la France,
00:09:52pour que nos enfants et nos petits-enfants en profitent.
00:09:55Il faut savoir que Mayotte,
00:10:09c'est une terre musulmane,
00:10:11mais c'est un islam qui laisse aux femmes
00:10:13une liberté incroyable,
00:10:16un épanouissement fantastique.
00:10:18Donc, elles comprennent très bien
00:10:20que si jamais les indépendantistes arrivent à leur fin,
00:10:24elles seront considérablement perdantes.
00:10:30Et en cela, ça a été un combat féministe.
00:10:37Dans le sillage des chatouilleuses,
00:10:4063% de la population mahoraise
00:10:42choisit par référendum en 1974
00:10:45de rester française.
00:10:48À contre-courant des trois autres îles
00:10:51qui accèdent, elles,
00:10:53à l'indépendance.
00:10:54J'étais dans la délégation
00:11:18qui accompagnait le président à New York
00:11:20au moment où les Comores
00:11:22allaient être admis aux Nations Unies
00:11:24en 115.
00:11:26Quand le président des Comores
00:11:28a pris la parole,
00:11:30il fallait voir le queue
00:11:31des délégués
00:11:32qui allaient le féliciter.
00:11:34C'était vraiment formidable.
00:11:36Tout le monde soutenait les Comores.
00:11:40Mais Giscard d'Estaing
00:11:41a dit,
00:11:41« Voilà, j'ai reconnu
00:11:43l'indépendance des trois îles,
00:11:44mais Mayotte, il est à moi. »
00:11:46Oui.
00:11:50Il faut rappeler
00:11:51qu'on est encore
00:11:51dans la période de la guerre froide.
00:11:53Il y a deux enjeux
00:11:54qui se posent
00:11:54pour la France
00:11:55dans cette région-là.
00:11:57Le premier,
00:11:58c'est d'abord
00:11:58de ne pas la laisser
00:11:59aux ennemis
00:12:00ou aux adversaires.
00:12:01Ceux qui veulent garder
00:12:01des maillettes françaises
00:12:02disent,
00:12:02« Attention,
00:12:03si on part
00:12:04de l'archipel des Comores,
00:12:06c'est la Chine
00:12:06qui va arriver. »
00:12:07Il y a le deuxième enjeu
00:12:08qui consiste
00:12:09à contrôler cette zone.
00:12:12Le canal du Mozambique
00:12:13est un canal
00:12:15qui est très important
00:12:16parce qu'il est fréquenté
00:12:18par de nombreux navires
00:12:19et notamment
00:12:19par les pétroliers.
00:12:21À l'époque,
00:12:2260% du pétrole
00:12:23consommé par la France
00:12:24transite
00:12:25par le canal du Mozambique.
00:12:26Donc,
00:12:27d'un point de vue stratégique,
00:12:28c'est très important
00:12:28d'être là.
00:12:31Le groupe africain
00:12:35à l'ONU,
00:12:36ils ont préparé
00:12:37la résolution,
00:12:39une résolution
00:12:40très importante d'ailleurs.
00:12:42Il faut que...
00:12:44La première résolution,
00:12:46c'est la résolution
00:12:4631-4
00:12:48du 21 octobre 1916.
00:12:52Cette résolution
00:12:53condamne
00:12:54l'occupation illégale
00:12:56de la France.
00:12:58Elle les a considérées
00:12:59comme une guérison de la ville.
00:13:01Donc, pour l'ONU,
00:13:01Mayotte et Comorienne.
00:13:04Cette résolution
00:13:05a été votée
00:13:06à l'unanimité
00:13:07sauf une voix,
00:13:09la France.
00:13:12Les Nations Unies,
00:13:13on a réaffirmé
00:13:14la souveraineté
00:13:15des Comores
00:13:15sur Mayotte.
00:13:17Par 122 voix
00:13:18contre une,
00:13:18celle de la France
00:13:19et 21 abstentions.
00:13:21Chaque année,
00:13:22pendant 20 ans,
00:13:24l'Assemblée générale
00:13:24de l'ONU
00:13:25condamnera la France
00:13:26pour l'occupation
00:13:27illégale de Mayotte.
00:13:29Mayotte et Comorienne,
00:13:30elle ne l'illustrera jamais.
00:13:31Il m'est difficile,
00:13:32pas comme moi,
00:13:33mais tout le monde,
00:13:34de penser et croire
00:13:36qu'une puissance européenne
00:13:39peut avoir
00:13:40des possessions
00:13:41à l'extérieur.
00:13:42Ça, vraiment,
00:13:44en 20e siècle,
00:13:45on n'arrive pas à croire.
00:13:46On n'arrive pas à croire.
00:13:47Donc, pour tous les Comoriens,
00:13:49Mayotte est Comorienne
00:13:51et ne l'illustrera jamais.
00:13:53Ce divorce sera lourd
00:14:04de conséquences.
00:14:07Françaises à tout prix,
00:14:08Mayotte se retrouve isolée.
00:14:12Les Comoriens, eux,
00:14:13continueront de se sentir
00:14:15chez eux,
00:14:16partout dans l'archipel.
00:14:17Après la dislocation
00:14:24de l'archipel
00:14:25en 1975,
00:14:27la France ne met pas
00:14:28en place de frontières,
00:14:29en réalité,
00:14:30entre les trois autres
00:14:30îles et Mayotte.
00:14:33Ce n'est que 20 ans plus tard,
00:14:35en 1995,
00:14:36que la France met en place
00:14:37un visa quasiment impossible
00:14:39à obtenir.
00:14:40Et donc,
00:14:40la seule manière de venir,
00:14:42c'est clandestinement,
00:14:43par les bateaux,
00:14:44ce qu'on appelle
00:14:44les Cosa-Cosa.
00:14:45On prend des risques,
00:14:48on en meurt,
00:14:50et surtout,
00:14:51lorsqu'on est à Mayotte,
00:14:52du coup,
00:14:52on n'en repart pas,
00:14:53puisqu'on a pris des risques
00:14:54pour y venir.
00:14:59C'est là que va commencer
00:15:01à se fixer
00:15:02cette population
00:15:03qui vient des autres îles
00:15:04et que va apparaître
00:15:05le phénomène
00:15:06de ce qu'on appelle
00:15:07les clandestins sur place.
00:15:15Trente ans plus tard,
00:15:23à Mayotte,
00:15:24un habitant sur deux
00:15:25est un étranger,
00:15:27principalement
00:15:28d'origine comorienne.
00:15:31Près de 200 000 personnes
00:15:33vivraient clandestinement
00:15:34dans ces quartiers informels
00:15:36de plus en plus denses.
00:15:38Je passe mon temps
00:15:43à me cacher.
00:15:44Je ne devrais pas
00:15:45vivre comme ça.
00:15:49J'ai peur
00:15:50d'être arrêtée
00:15:50par la police.
00:15:52La police,
00:15:52c'est comme
00:15:53l'ange de la mort.
00:15:54Tu ne sais jamais
00:15:55quand elle viendra
00:15:56te prendre.
00:16:01Mère de six enfants
00:16:03nés à Mayotte,
00:16:04Sandia Rakib
00:16:05vit en situation irrégulière.
00:16:08Ses parents
00:16:12étaient comoriens.
00:16:13Elle est née ici
00:16:14et pourtant
00:16:15elle ne parvient pas
00:16:16à obtenir ses papiers.
00:16:19Il y a six mois,
00:16:21Sandia est interpellée.
00:16:26Je sortais de chez moi
00:16:27et j'ai pris un taxi.
00:16:29On est allés
00:16:30jusqu'au quartier du Mangier
00:16:31et là,
00:16:35les passagers
00:16:35ont été contrôlés.
00:16:38quand mon tour
00:16:39est arrivé,
00:16:39je leur ai donné
00:16:40les papiers
00:16:40de mes enfants.
00:16:44Ils m'ont dit
00:16:45que comme je n'avais
00:16:46pas mes enfants
00:16:46avec moi,
00:16:48ils étaient obligés
00:16:48de m'envoyer
00:16:49au centre
00:16:49de rétention.
00:16:50quand je suis arrivée,
00:17:04j'ai pris une assistante
00:17:05juridique
00:17:06et j'ai expliqué
00:17:07mon cas.
00:17:09Je leur ai dit
00:17:09que j'étais née
00:17:10à Mayotte,
00:17:11que j'étais française,
00:17:13que mes six enfants
00:17:14étaient nés à Mayotte
00:17:15et que je ne connaissais
00:17:17personne à Anjouan.
00:17:17je leur ai dit
00:17:19que je ne suis jamais
00:17:19allée là-bas.
00:17:21Ils m'ont dit
00:17:21qu'ils n'avaient pas
00:17:22d'autre choix
00:17:22que de m'expulser
00:17:23vers Anjouan.
00:17:24Anjouan.
00:17:25Chaque année,
00:17:33l'État expulse
00:17:35entre 22 000
00:17:36et 25 000 personnes
00:17:37depuis quelques années.
00:17:39C'est considérable
00:17:40pour donner
00:17:41un ordre d'idée.
00:17:43Si l'on prend
00:17:44les chiffres
00:17:44pour la France
00:17:46hexagonale,
00:17:47ce sont moins
00:17:48de 5 000 personnes
00:17:49qui sont expulsées
00:17:50chaque année.
00:17:50La loi
00:17:56n'est pas respectée
00:17:57par l'État.
00:17:58On expulse
00:17:59des personnes
00:17:59dans l'heure
00:18:00qui suit leur arrestation
00:18:01alors que normalement
00:18:02elles doivent avoir
00:18:03un délai
00:18:04pour déposer un recours.
00:18:06On expulse
00:18:07des personnes
00:18:07qui sont en règle
00:18:08mais qui n'ont pas pu
00:18:09présenter leur papier.
00:18:11Parfois même,
00:18:11on expulse
00:18:12des Français
00:18:12ou des Françaises.
00:18:14Sandia est expulsée
00:18:21au Comores
00:18:21sans ses enfants.
00:18:23Elle débarque
00:18:24à Anjouin,
00:18:25l'île la plus proche.
00:18:33Je pleurais
00:18:33tous les jours
00:18:34à chaque fois
00:18:35que je pensais
00:18:35à la traversée
00:18:36que je devais faire
00:18:37pour retourner
00:18:37chez moi
00:18:37à Mayotte
00:18:38où je suis née.
00:18:39Et si je mourrais
00:18:44durant la traversée,
00:18:46qui allait s'occuper
00:18:46de mes enfants ?
00:18:49Le bras de mer
00:18:55de 70 kilomètres
00:18:56qui sépare
00:18:57Anjouin de Mayotte
00:18:58serait le plus grand
00:19:00cimetière marin du monde.
00:19:0410 000 personnes
00:19:04y auraient perdu la vie
00:19:06en 20 ans.
00:19:09La mer était
00:19:13vraiment mauvaise.
00:19:15On était tous trempés.
00:19:17Le bateau s'envolait.
00:19:23Le passeur
00:19:23nous a dit
00:19:24que le kwasa
00:19:24était abîmé,
00:19:26qu'il y avait
00:19:26une fissure
00:19:27dans la coque.
00:19:29Mais il a refusé
00:19:30de revenir en arrière.
00:19:34Tant de gens
00:19:35sont morts
00:19:35dans cette mer,
00:19:37même des bébés.
00:19:37et si j'étais
00:19:39la prochaine.
00:19:45Je ne parlais plus.
00:19:47J'avais la tête baissée.
00:19:49J'avais peur.
00:19:50Je suis restée
00:19:51comme ça
00:19:51jusqu'à ce qu'on arrive
00:19:52à 6 heures du matin
00:19:53à Mayotte.
00:19:54les 6 heures.
00:19:56C'est le Mahor.
00:20:12Les Mahorais,
00:20:13ils ne veulent pas de nous ici.
00:20:15Ils nous détestent.
00:20:17Ils disent que les enfants
00:20:18des Comoriens
00:20:18sont des délinquants,
00:20:20que tout ce qui ne va pas
00:20:21à Mayotte.
00:20:22C'est à cause
00:20:22des Comoriens.
00:20:27Ils disent
00:20:28qu'on est des moins que rien,
00:20:29qu'on est des chiens,
00:20:31qu'on est des porcs.
00:20:31en part.
00:20:51Mayotte est en train
00:20:53de mourir.
00:20:55Nous sommes en train
00:20:56de disparaître chez nous.
00:20:57On n'est pas nombreux.
00:20:59Et ceux qui arrivent sont beaucoup plus nombreux que nous.
00:21:04Ceux qui arrivent se disent, écoutez, je suis le roi,
00:21:09eh bien, je prends tout ce qu'il y a parce qu'ici, tout est gratuit.
00:21:12L'école est gratuite.
00:21:14L'hôpital est gratuit.
00:21:16Donc forcément, ça crée un appel d'air.
00:21:20Malheureusement, personne n'en parle.
00:21:22Parce que personne n'a envie d'en parler parce que c'est Mayotte.
00:21:25C'est loin, c'est petit.
00:21:27C'est peuplé, c'est pauvre.
00:21:30Et donc forcément, ça n'intéresse personne.
00:21:35Seule la candidate du Rassemblement national trouve grâce aux yeux de Safi Nasoula.
00:21:42Marine Le Pen a remporté dans le département 60% des voix
00:21:46au second tour de la présidentielle en 2022.
00:21:49Ce qui a déclenché cette approche avec Marine Le Pen,
00:21:58c'est le fait qu'elle a reconnu,
00:22:00elle a fait le lien entre l'immigration et l'insécurité.
00:22:04Quand il y a de l'écoute,
00:22:06il y a un lien qui se crée.
00:22:07On doit faire comprendre à l'État qu'il se passe quelque chose à Mayotte.
00:22:25On a besoin d'être entendus.
00:22:26On doit crier, on doit pleurer,
00:22:28mais on ne doit surtout pas nous taire.
00:22:29Non, non, non, vous allez là-bas.
00:22:43Par d'ici, on n'a pas le temps pour toi.
00:22:49Va-t'en.
00:22:50Je peux passer ?
00:22:50Allez, va-t'en.
00:22:52On peut discuter quand même.
00:22:54Allez, vas-y, va voir là-bas si j'y suis.
00:22:57Vas-y, mon frère, va-t'en.
00:23:02Ça, c'est une préfecture qui est censée fabriquer nos papiers en tant que Français.
00:23:06Malheureusement, c'est devenu une machine à produire des tits de séjour.
00:23:10En 2024, au pic d'une crise sociale sans précédent,
00:23:19le collectif de Safina se fait connaître par ses opérations de blocage.
00:23:25Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur,
00:23:29s'engage à supprimer le droit du sol dans l'archipel.
00:23:32Il ne sera plus possible de devenir français
00:23:35si on n'est pas soi-même enfant de parents français.
00:23:38Et nous couperons ainsi littéralement l'attractivité
00:23:43qu'il peut y avoir dans l'archipel maorais.
00:23:47Un an plus tard, l'Assemblée vote des mesures
00:23:50pour restreindre ce droit du sol.
00:23:54Insuffisant, juge le collectif de Safina,
00:23:57qui continue de bloquer l'accès au service des étrangers de la préfecture.
00:24:00Imaginons que toute cette population soit régularisée.
00:24:06On n'a plus notre place chez nous.
00:24:09Donc moi, je n'ai rien contre vous, policiers.
00:24:12Je sais que vous faites votre boulot, mais nous aussi, on fait le nôtre.
00:24:15Aujourd'hui, on est les gardiens de ce territoire.
00:24:17J'ai comme l'impression que, voilà,
00:24:19si on ne fait pas bouger les choses,
00:24:22si on ne bouscule pas les choses,
00:24:23il n'y a rien qui se passe.
00:24:24Ce sont les martyrs délicants qui prennent le territoire en main
00:24:29et qui font ce qu'ils veulent.
00:24:31Parce qu'on a l'impression que l'État n'a plus le contrôle
00:24:35de ce qui se passe à Mayotte.
00:24:38Depuis deux ans, pour répondre à la colère des collectifs maorais,
00:24:56l'État lance à intervalles réguliers
00:24:58de vastes opérations dites de décasage.
00:25:01Ce décasage, déconstruction d'habitats illégales,
00:25:04participe aussi du processus de sécurisation de Mayotte.
00:25:08C'est une étape de plus.
00:25:11Le 101e département est une exception à bien des égards.
00:25:16Le préfet peut décider seul de l'éradication des quartiers précaires.
00:25:22Nous sommes sur une ligne de crête.
00:25:25Cette zone-là était un point d'appui pour les délinquants,
00:25:29soit pour commettre des vols à main armée
00:25:31ou de mettre en place des barrages enflammés sur la route nationale 1
00:25:36et agresser les automobilistes,
00:25:38soit pour s'affronter avec des délinquants d'autres villages.
00:25:42Et c'était une zone d'ultra-violence et d'affrontement.
00:25:51Les bidonvilles représentent près de 40% de l'habitat de l'île.
00:25:55Migrants et travailleurs pauvres ont investi illégalement
00:26:00des terrains pentus et enclavés
00:26:02autour de la plus grande ville, Mamoudzou.
00:26:07À Kawénie, Kungu ou Magikavo,
00:26:10les habitants y survivent le plus souvent sans eau ni électricité.
00:26:14À chaque fois que je vois l'île numéro,
00:26:29on est marqués comme des esclaves.
00:26:31Et ça me fait repenser un truc que je n'ai pas vécu,
00:26:34mais qui est toujours dans notre tête en tant que noir.
00:26:36Si on ne voit pas mon visage,
00:26:49c'est parce que mon passé a été un peu compliqué.
00:26:53J'ai un passé vraiment, vraiment lourd.
00:26:59Sans papier, Mohamed et sa famille habitent ici
00:27:02depuis plus de 10 ans.
00:27:03Dans mon quartier, il y avait plein d'espoir,
00:27:07plein de jeunes, il y avait plein de rêves
00:27:09et plein d'avenir à offrir à leur maman.
00:27:12Le décasage, c'est enlever la vie d'une personne, l'espoir.
00:27:24On enlève nos maisons.
00:27:26C'est bon, on va bouger.
00:27:28Vous ne voulez pas qu'on reste ici.
00:27:30On n'est pas prêts de quitter Mayotte.
00:27:33On part, mais on va s'installer juste à côté.
00:27:38En fait, on préfère partir avant
00:27:40parce que sinon, les bulldozers, quand ils arrivent,
00:27:42eux, ils vont tout saccager.
00:27:45Les tôles qu'on avait, on ne peut plus les réutiliser.
00:27:52La destruction de Mavadzani
00:27:53représente le plus grand décasage de l'histoire de l'île.
00:27:58Près de 5000 personnes doivent être délogées.
00:28:01Ils disent qu'ils ont trouvé des logements pour tout le monde,
00:28:05mais ce n'est pas vraiment ce que nous, on voit.
00:28:06Toutes ces familles vont aller où ?
00:28:13Tous ces enfants-là, ils vont aller où ?
00:28:15Ces femmes, les ancêtres, ces hommes âgés, ces enfants,
00:28:18ce sont des Français.
00:28:19Ce sont tous des Français, on doit les considérer.
00:28:22Ils ont le droit qu'on les tienne pour comme des humains.
00:28:26Ce ne sont pas des animaux, ça.
00:28:28Nous, on dégasse nos maisons-là.
00:28:32Nos grands-pères, ils sont battus pour la France,
00:28:33pour libérer la France du nazisme en Europe.
00:28:36Alors, nous ne sommes pas des étrangers ici.
00:28:39Nous sommes chez nous.
00:28:40Nous sommes chez nous, Saint-Mayot.
00:28:41Il faut nous leger.
00:28:46Ça commence déjà à devenir chaud,
00:28:47donc il faut rester vigilant.
00:28:50Ils vont aller se battre avec les logements qui sont en bas.
00:28:52Et quittez vraiment les gaz,
00:29:00parce qu'on a des gamins de huit mois.
00:29:03Moi, j'étais à l'intérieur en train de démonter,
00:29:05mais c'est les gaz qui m'a fait sortir.
00:29:06Je vous assure, il y a des gamins, gamins, vous pouvez aller voir.
00:29:09On essaie de limiter au max.
00:29:10Mais vraiment, c'est...
00:29:11Et après, de votre côté à vous,
00:29:13il faut essayer d'éviter de caillasser.
00:29:16Quand vous n'étiez pas là,
00:29:18on était en train de démonter.
00:29:19Il n'y avait pas de problème.
00:29:20Il n'y avait aucun souci.
00:29:29Ils vont dire que c'est nous qui causent les problèmes,
00:29:32alors que c'est eux qui nous dégazent nos maisons.
00:29:34On est obligés de...
00:29:36de répliquer après.
00:29:41On est tous dans la haine.
00:29:44Il n'y a plus d'amour dans tout Mayotte.
00:29:48Et comme ça, on pense qu'à la guerre,
00:29:49la guerre se vengeait.
00:30:07Les violences ont monté d'un cran.
00:30:09Depuis les hauteurs,
00:30:10des adolescents gênent des pierres sur les gendarmes.
00:30:12deux adolescents de 14 et 15 ans
00:30:17tués à l'arme blanche.
00:30:23Et ces gamins, on les connaît tous à Kawini.
00:30:25Ce sont tous des voyous, on les connaît.
00:30:27On va sans parler,
00:30:28parce qu'il y a une défonce.
00:30:29Les jeunes gens à Mayotte
00:30:39font tous le même rêve.
00:30:41Ils font tous le même cauchemar
00:30:42d'une personne,
00:30:43cagoulée ou pas,
00:30:44mais en général cagoulée,
00:30:45avec une grande machette
00:30:46qui les poursuit jusque dans la forêt,
00:30:48etc.
00:30:49Tous les jeunes de Mayotte
00:30:50font ce rêve-là.
00:30:52Une île entière qui fait le même rêve,
00:30:54c'est une île qui est entièrement traumatisée.
00:30:55Experts auprès des tribunaux,
00:31:03Elie le tourneur
00:31:04travaille avec des mineurs isolés.
00:31:07Il étudie l'engrenage de la violence
00:31:09dans un territoire
00:31:10où la moyenne d'âge
00:31:11est de 23 ans.
00:31:14La difficulté à Mayotte,
00:31:15c'est que quand on cherche à expliquer,
00:31:18publiquement,
00:31:20les gens du territoire
00:31:21ont l'impression qu'on cherche à excuser.
00:31:23Et c'est toute la difficulté.
00:31:24c'est qu'il ne s'agit à aucun moment
00:31:26d'excuser la violence
00:31:27qui de toute façon est inexcusable.
00:31:29Si vous n'avez connu que la violence,
00:31:31si la violence,
00:31:32c'est un mode de communication pour vous,
00:31:35si on vous a parlé
00:31:36avec violence,
00:31:37ça rentre en vous.
00:31:39Ça fait partie des choses
00:31:40que vous estimez
00:31:41habituelles
00:31:42et entre guillemets normales.
00:31:44c'est tout ça.
00:31:50Puis il y a aussi,
00:31:52à mon avis,
00:31:53des questions
00:31:54de l'ordre de l'estime de soi,
00:31:56quand on est
00:31:56un peu oublié de la société,
00:31:58un peu exclu.
00:31:59J'ai que ma fierté à défendre
00:32:00et je vais la défendre
00:32:01jusqu'au bout
00:32:02parce que j'ai que ça à défendre.
00:32:05J'ai pas des biens à défendre,
00:32:06j'ai pas une place sociale à défendre.
00:32:08Tout ça, ça n'existe pas.
00:32:09Ça, ici.
00:32:19Non.
00:32:20Bon, ça, comme ça.
00:32:22Et là, moi,
00:32:23je vais venir te donner le truc.
00:32:26Eli a rencontré Mohamed
00:32:27à la maison des adolescents
00:32:28de Mamoudzou,
00:32:30il y a six ans.
00:32:32Depuis,
00:32:33il l'accompagne,
00:32:35il le protège aussi parfois.
00:32:37Impliqué dans des règlements
00:32:38de compte,
00:32:39Mohamed est recherché
00:32:40depuis des mois
00:32:41par une bande rivale.
00:32:46Ma tête est mise à prix
00:32:47parce qu'il y avait un affrontement
00:32:49et ça s'est mal tourné,
00:32:52ma cagoule s'est enlevée.
00:32:53C'est là où le village ennemi
00:32:55a vu mon visage.
00:32:59Parce qu'un jour,
00:32:59ils ont failli m'avoir.
00:33:01Ils étaient à deux doigts
00:33:02de m'envoyer aux cieux.
00:33:04J'aimerais pas trop dire ça,
00:33:11mais ici,
00:33:12c'est soit t'es violent,
00:33:13soit t'es pas en vie, en fait.
00:33:17Si t'es pas violent,
00:33:19tu te fais baiser
00:33:19par quelqu'un dehors.
00:33:21Et c'est obligeant
00:33:22de tomber dans la violence.
00:33:23En mouvement, là,
00:33:28saute-t-il, vas-y.
00:33:31Ramène plus vite
00:33:32tes poings vers toi, là.
00:33:33C'est quand j'ai rencontré Elie,
00:33:37j'ai commencé à parler avec lui.
00:33:39Tout a changé.
00:33:41C'est quand j'ai vu
00:33:42qu'il aimait aussi la boxe,
00:33:43le truc que je préférais bien,
00:33:45que j'ai commencé
00:33:46à vraiment partager
00:33:47des trucs avec lui.
00:33:49C'est ça, c'est ça, c'est ça.
00:33:53C'est parfait, exactement.
00:33:55Voilà, c'est ça.
00:33:56C'est ça.
00:33:58Ça doit aller vite,
00:33:59un crochet.
00:34:00Je sais pas pourquoi,
00:34:01mais je sens plus
00:34:03ou rien.
00:34:04Pas la tristesse,
00:34:06pas la douleur.
00:34:08Rien.
00:34:08J'ai aucune émotion.
00:34:10J'ai l'impression
00:34:10d'être vide.
00:34:12Vas-y, mets un peu plus
00:34:12de puissance sur les bras, là.
00:34:14Vas-y.
00:34:15C'est un truc vraiment,
00:34:16vraiment difficile
00:34:17à en sortir de la violence
00:34:18et de la délégance
00:34:19en même temps.
00:34:20C'est vraiment, vraiment dur
00:34:21parce que c'est pas
00:34:23en cliquant les doigts
00:34:23juste que ça va partir direct,
00:34:25non.
00:34:29Tu dois être vraiment fluide
00:34:31parce qu'à tout moment,
00:34:32il faut que tu puisses
00:34:32t'écarter,
00:34:33avancer,
00:34:33mettre sur l'arrière,
00:34:34mettre sur l'avant,
00:34:35etc.
00:34:35Voilà,
00:34:36il faut que tu sois fluide.
00:34:36Voilà, vas-y.
00:34:46Il y a des oppositions
00:34:47entre certains villages
00:34:48partout à Mayotte.
00:34:50Ces oppositions-là,
00:34:52il faut pas se dire
00:34:53qu'elles sont nouvelles,
00:34:54c'est pas vrai,
00:34:54elles sont pas nouvelles.
00:34:55Quand vous parlez
00:34:56avec les papas,
00:34:57les mamans,
00:34:57les papis,
00:34:57les mamies,
00:34:58ils vous disent
00:34:58ce qui a changé,
00:35:00c'est l'intensité
00:35:00de la violence.
00:35:11Parmi ces villages,
00:35:13Kaweni est devenu
00:35:14le plus grand bidonville
00:35:15de Mayotte.
00:35:17Divisé en sous-quartiers,
00:35:19chaque flanc de colline
00:35:20cultive son identité
00:35:22et ses codes.
00:35:31Brésil est un ghetto,
00:35:33quelques rues,
00:35:34une zone de non-droit
00:35:35dans laquelle on ne rentre pas
00:35:37sans l'accord de son chef,
00:35:39le gérant.
00:35:40Brésil est un ghetto.
00:36:10Brésil, c'est un quartier
00:36:11de Kaweni.
00:36:12On est comme une famille.
00:36:17On a grandi ensemble,
00:36:19on est ensemble
00:36:20depuis qu'on a 10 ans.
00:36:23C'est un quartier chaud,
00:36:25il y a des petites ruelles,
00:36:27c'est un quartier de gangsters.
00:36:28Je m'appelle Ryan
00:36:36et on m'appelle
00:36:38le gérant.
00:36:41J'ai 19 ans.
00:36:43Les gens pensent
00:36:44que je suis méchant,
00:36:45mais je jure devant Dieu
00:36:46que ce n'est pas vrai.
00:36:49Mais il ne faut pas
00:36:49me faire chier.
00:36:50Si tu me fais chier,
00:36:51ça ne va pas le faire.
00:36:52Tout le monde à Mayotte
00:37:01sait que les villages
00:37:02ne s'entendent pas
00:37:02entre eux.
00:37:06Par exemple,
00:37:07Trevani et Congo,
00:37:09Mkombani et Kavani,
00:37:13Sapere et Doujani,
00:37:16Doujani et Passamenti.
00:37:17Ça a toujours été comme ça
00:37:22entre Kavani et Magikavo.
00:37:27On se déteste.
00:37:34Je ne sais pas
00:37:35comment ça se passe ailleurs,
00:37:37mais nous,
00:37:37ça a commencé
00:37:37à cause d'une histoire
00:37:38de foot avec nos anciens.
00:37:42Et la nouvelle génération
00:37:43a pris la relève.
00:37:47Tout peut partir en vrille
00:37:51très vite
00:37:51à cause d'une histoire
00:37:52de chien volé
00:37:53ou quelqu'un
00:37:53qui a été frappé.
00:37:56Alors une bande
00:37:57va sortir un clip
00:37:58pour nous clasher
00:37:59et on riposte
00:38:00avec un clash.
00:38:01En 2023,
00:38:27j'étais en prison
00:38:27dans le quartier des mineurs.
00:38:28J'y suis allé
00:38:33parce que je me suis battu.
00:38:36Je passais sur la route
00:38:37vers le stade de foot
00:38:38du lycée Bamana.
00:38:51Des jeunes m'ont encerclé,
00:38:55mais je ne voulais pas
00:38:56me laisser faire.
00:38:56J'étais seul
00:38:59contre 25,
00:39:0030 personnes.
00:39:03Alors j'ai sorti
00:39:03ma machette
00:39:04et j'ai blessé
00:39:06l'un d'entre eux
00:39:06et j'ai été en prison.
00:39:20Parfois,
00:39:21la violence
00:39:21descend des hauteurs
00:39:22des bidonvilles
00:39:23vers la National 1,
00:39:25la seule route de l'île.
00:39:26On les appelle ici
00:39:47les coupeurs de routes
00:39:48et leur délit,
00:39:50caillassage,
00:39:51barrages enflammés,
00:39:52prises d'otages
00:39:53sont en constante
00:39:55augmentation
00:39:55depuis 20 ans.
00:39:56les mahorais
00:40:00sont en train
00:40:00de se faire
00:40:01et de se faire
00:40:02de la mort.
00:40:02C'est parti,
00:40:03c'est parti,
00:40:04c'est parti,
00:40:05c'est parti,
00:40:05c'est parti,
00:40:06c'est parti,
00:40:06c'est parti.
00:40:06Généralement, les Mahorais, passés 17h-18h à la tombée de la nuit,
00:40:25évitent de circuler sur le territoire,
00:40:27parce qu'ils craignent des agressions sur les routes,
00:40:31des barrages, qui sont très fréquents.
00:40:34C'est quasiment toutes les nuits qu'il y a des points de fixation,
00:40:38des jeunes qui mettent un arbre, qui mettent des poubelles sur la route,
00:40:41qui bloquent les automobilistes et qui vont les dépouiller.
00:40:47Spécificité locale, l'arme, ça peut être une pierre,
00:40:50ça peut être des armes blanches, souvent des machettes.
00:40:57Ces affaires d'automobilistes ou de cars scolaires attaqués
00:41:01congestionnent une justice au bord de l'asphyxie.
00:41:08Vous étiez là avec la machette dans la main ?
00:41:10Parce qu'elle est pauvre.
00:41:12Elle est juste sur place et je n'étais pas sorti sur la main.
00:41:17Mais la machette ?
00:41:17Parce que pendant...
00:41:18La machette, il y avait un jeune qui était là,
00:41:22qui l'avait, et c'est là que je l'ai pris.
00:41:24Pourquoi vous l'avez prise à ce jeune, la machette,
00:41:28qui a été retrouvée chez vous ?
00:41:30Ce jeune, ils sont passés dans un grand champ,
00:41:34donc voilà, ils examinent la filet, les bananiers, les maniobles.
00:41:38C'est pour cela que je l'ai pris.
00:41:41Ah, pour qu'ils arrêtent d'abîmer la nappure ?
00:41:42Oui, oui.
00:41:45Pour éviter de...
00:41:46OK.
00:41:50Dans l'Hexagone, la majorité des comparutions immédiates
00:41:58concernent des délits routiers ou du trafic de stupéfiants.
00:42:03À Mayotte, 80% des affaires impliquent des vols avec violence.
00:42:12Ils ont balancé les cailloux,
00:42:13donnant des petits machettes sur les voitures.
00:42:15Moi et ma soeur, on a jeté nos sacs par terre.
00:42:16Ils ont exigé de tout leur donner.
00:42:25Et au cartou en congrès,
00:42:27j'ai rien volé,
00:42:29j'ai rien fait,
00:42:31moi je n'avais pas de machette.
00:42:35On est tout à fait courageux
00:42:36quand on est 25,
00:42:38avec des cagoules, des manchettes,
00:42:40avec des gens qui sont terrifiés au volant.
00:42:41Par contre, on est beaucoup moins
00:42:42quand on vient à la barre d'un tribunal de corruptionnel.
00:42:45Là, le courage, il est totalement disparu.
00:42:49Voilà, là c'est juste crapuleux
00:42:51pour leur prendre les portables,
00:42:53tout ce que vous pouvez trouver,
00:42:54l'argent, les sacs à vin, les cartes d'identité.
00:42:57Je vous demande de les condamner tous les quatre,
00:42:59tous les trois, pardon,
00:43:00à quatre ans d'emprisonnement,
00:43:02d'assortir cette peine d'emprisonnement ferme
00:43:05à un maintien en détention.
00:43:06Je vous demande également la peine complémentaire
00:43:08d'un pays d'interdiction du territoire français
00:43:10pendant trois ans.
00:43:11Messieurs, le tribunal,
00:43:27après en avoir délibéré,
00:43:28il déclare tous les trois,
00:43:29et sans nombre d'indultes,
00:43:31ou pas de l'ensemble des délits
00:43:32qui vous étaient reprochés.
00:43:33Vous êtes tous les trois condamnés
00:43:37à une peine de quatre années d'emprisonnement,
00:43:40dont un an sera assorti d'un sursis.
00:43:46Le tribunal prononce la peine complémentaire
00:43:48d'interdiction du territoire français
00:43:50pendant une durée de trois ans.
00:43:58Après avoir purgé leur peine,
00:44:00les condamnés seront expulsés vers les Comores.
00:44:03On a un certain nombre de personnes
00:44:09qui commettent ces faits
00:44:10avec un sentiment d'impunité
00:44:12et avec aucun recul
00:44:14ni par rapport à la gravité
00:44:16de ce qu'ils ont pu faire
00:44:17et avec un risque très fort
00:44:19de réitération des faits.
00:44:20Quand vous voyez la violence
00:44:22de ces barrages
00:44:26et des violences subies
00:44:28par les usagers de la route,
00:44:30à qui on n'hésite pas
00:44:31à donner de violents coups de machette
00:44:33et les blessés gravement
00:44:34simplement pour voler un téléphone,
00:44:37la sévérité des peines
00:44:38est jugée très relative
00:44:41par ceux qui sont victimes.
00:44:42doul-dou-shina est instituteur à Sada,
00:44:53cité dortoir à l'ouest de Mamoudzou.
00:45:03Il aura fallu deux ans d'arrêt de travail
00:45:05et quatre interventions chirurgicales
00:45:08pour qu'il reprenne le cours de sa vie.
00:45:11Ce jour-là, je suis parti
00:45:12à 5h30
00:45:13pour aller au boulot.
00:45:17Je venais chercher
00:45:18un pote ici, d'ailleurs,
00:45:21qui habite juste à côté.
00:45:25Comme il y a beaucoup d'embouteillages,
00:45:27on doit partir prépôt ici,
00:45:28sinon on arrive en retard.
00:45:31et sur le chemin,
00:45:39on arrive dans un virage
00:45:40et là, on voit
00:45:41une broche d'arbres par terre.
00:45:49Et là,
00:45:51on n'a même pas eu
00:45:52le temps de réagir.
00:45:55Il y a eu
00:45:56une pluie de cailloux.
00:45:58Ils sont sortis des forêts,
00:46:05ils ont commencé
00:46:05à nous attaquer,
00:46:07à nous tabasser,
00:46:07à nous taper dessus.
00:46:10De toute façon,
00:46:10on va tous vous tuer ici.
00:46:12Là, il y en a un qui sort.
00:46:14Je pense que c'était une machette.
00:46:16J'ai mis ma main
00:46:16sur la tête
00:46:17comme ça
00:46:18pour me protéger.
00:46:19Et là,
00:46:20j'ai reçu
00:46:21comment dire,
00:46:21la machette.
00:46:22ça a découpé
00:46:26la montre
00:46:27en inox
00:46:28en deux
00:46:28et ça a fracturé
00:46:31ma main.
00:46:32Les tendons,
00:46:33comment dire,
00:46:34qui sont découpés,
00:46:36la main était ouverte.
00:46:38Et là,
00:46:39j'étais tout en sang.
00:46:40Bon,
00:46:41à un moment donné,
00:46:41j'ai perdu connaissance.
00:46:43Je ne savais plus rien
00:46:45de ce qui se passait.
00:46:46et là,
00:47:02comment dire,
00:47:06j'ai envie même
00:47:07de la trouver.
00:47:09Tellement,
00:47:09ça évoque
00:47:10des souvenirs
00:47:11douloureux.
00:47:13Ma main,
00:47:14elle est plus normale
00:47:15quand on la voit.
00:47:17Elle est déformée
00:47:18et je ne peux même pas,
00:47:20comment dire,
00:47:21les muscles extenseurs
00:47:23n'existent plus
00:47:24parce qu'ils ont été coupés.
00:47:28Un jour,
00:47:29j'arrive comme ça
00:47:29et je lui dis
00:47:30au psy,
00:47:31j'ai envie de meurtre.
00:47:36Et puis,
00:47:37des fois,
00:47:37le soir,
00:47:38comme ça,
00:47:39je prenais la voiture,
00:47:40je partais.
00:47:45et ça,
00:47:46personne ne le savait.
00:47:47Je le cachais à tout le monde.
00:47:51Je tournais.
00:47:52Je tournais.
00:47:53Je me disais,
00:47:53c'est une grosse bagnole,
00:47:55si je tombe sur eux,
00:47:56ils n'ont pas résisté,
00:47:57donc je peux rentrer dedans.
00:47:59Heureusement,
00:48:12les enfants étaient là
00:48:13et c'est eux,
00:48:14grâce à eux,
00:48:16que je pouvais encore
00:48:17me,
00:48:18comment dire,
00:48:19modérer
00:48:19et,
00:48:20mais je ne me cache pas,
00:48:22j'avais envie
00:48:22de faire
00:48:23l'imbécile,
00:48:25quoi.
00:48:30Les agresseurs
00:48:30de Doule
00:48:31ont attaqué
00:48:32une trentaine
00:48:32d'autres automobilistes.
00:48:35Leur mobile,
00:48:36se venger
00:48:36à cause
00:48:37d'un décasage
00:48:38en cours.
00:48:42Lors du procès,
00:48:44j'ai trouvé
00:48:44que les agresseurs
00:48:46étaient
00:48:47mieux lotis
00:48:50que nous,
00:48:51les victimes.
00:48:52Tous les
00:48:52agresseurs
00:48:55avaient un avocat,
00:48:57nous,
00:48:58personne,
00:48:58personne n'avait
00:48:59d'avocat.
00:49:00Et à l'époque,
00:49:01je me suis senti
00:49:01vraiment abandonné
00:49:02de tous.
00:49:08J'étais un petit peu
00:49:09en couleur
00:49:10contre l'État
00:49:11ou, je peux dire,
00:49:12contre les institutions.
00:49:18Il y a aujourd'hui
00:49:19à Mayotte
00:49:20moins de 30 avocats
00:49:22inscrits au barreau.
00:49:23vous avez
00:49:255 000 gardes à vue
00:49:26par an.
00:49:29Des victimes
00:49:30à chaque dossier,
00:49:32à chaque audience.
00:49:33Ce nombre d'avocats,
00:49:35malgré toute la bonne volonté
00:49:36du barreau de Mayotte,
00:49:37est tellement insuffisant
00:49:38que l'accès aux droits
00:49:40et la préservation
00:49:41des droits
00:49:42est aujourd'hui
00:49:43très limité.
00:49:44Il y a peu de candidats,
00:49:48des postes vacants.
00:49:51Mais cette difficulté,
00:49:52on ne la retrouve pas
00:49:53uniquement dans la justice,
00:49:54on la retrouve
00:49:54dans l'ensemble
00:49:55des services publics.
00:49:58À l'hôpital,
00:49:59on a un déficit
00:50:00de médecins
00:50:01qui est très important.
00:50:02Dans l'ensemble
00:50:03des administrations,
00:50:05le recrutement
00:50:06est difficile,
00:50:07compte tenu
00:50:07du sentiment
00:50:09d'insécurité
00:50:10qui règne
00:50:10sur le territoire.
00:50:19Beaucoup de hauts fonctionnaires
00:50:20se posent cette question
00:50:21qu'est-ce qu'on fait
00:50:22à Mayotte ?
00:50:23Il y a d'ailleurs
00:50:24un ancien préfet de Mayotte
00:50:25qui a écrit un livre
00:50:25qui est intitulé
00:50:26« Mais que faire de Mayotte ? »
00:50:27C'est une question
00:50:28qui se pose.
00:50:29La France se retrouve
00:50:30avec cette situation
00:50:31où elle doit
00:50:31administrer un territoire
00:50:32qu'elle ne sait pas
00:50:33administrer
00:50:34et donc à devoir gérer
00:50:35les crises
00:50:36les unes après les autres.
00:50:38On passe d'une urgence
00:50:39à l'autre
00:50:39à Mayotte.
00:50:47Chacun se renvoie
00:50:49la responsabilité.
00:50:50L'État estime
00:50:51que ce sont
00:50:51les collectivités locales
00:50:53et les élus locaux
00:50:54qui sont soit incompétents
00:50:55soit corrompus.
00:50:58De leur côté,
00:50:59les élus locaux
00:50:59expliquent que l'État
00:51:01n'investit pas assez.
00:51:09J'ai le rapport
00:51:12de la Cour des comptes
00:51:12pour vous donner
00:51:13juste une appréciation
00:51:15chiffrée.
00:51:16En 2020,
00:51:17les dépenses de l'État
00:51:18à Mayotte,
00:51:20c'était
00:51:201,4 milliard d'euros
00:51:23à peu près.
00:51:24Et ce sont des dépenses
00:51:25qui ont augmenté
00:51:26de 90 %
00:51:27en 8 ans.
00:51:28A priori,
00:51:29ce n'est pas une question
00:51:29de moyens financiers.
00:51:31L'augmentation démographique
00:51:38à Mayotte,
00:51:38elle a été rapide.
00:51:42Le nombre d'habitants
00:51:42quand j'étais là-bas
00:51:43et aujourd'hui,
00:51:44ça n'a plus
00:51:45qu'une mesure.
00:51:45Donc,
00:51:46la difficulté,
00:51:48c'est de s'adapter
00:51:48à ce tempo extrêmement rapide.
00:51:56Dans son dernier rapport,
00:51:58la Cour des comptes
00:51:59alerte sur les retards
00:52:01dans les grands travaux
00:52:02nécessaires
00:52:03au développement de l'île.
00:52:08Dans les difficultés
00:52:09d'équipement,
00:52:10évidemment,
00:52:11la question de l'accès
00:52:12à l'eau
00:52:13et de l'accès
00:52:13à l'eau potable
00:52:14est fondamentale.
00:52:17Il faudrait
00:52:1740 000 m3 par jour
00:52:19et aujourd'hui,
00:52:20il y a 38 000.
00:52:21Il manque 2 000 m3 par jour.
00:52:24On n'a peut-être pas
00:52:25suffisamment anticipé
00:52:26les besoins en eau
00:52:28qu'allaient connaître
00:52:30les Mahorais
00:52:30et peut-être sous-estimer
00:52:32l'effet prévisible
00:52:35de cette explosion
00:52:37démographique.
00:52:41Le problème de l'eau,
00:52:43là, pour le coup,
00:52:43on est dans une forme
00:52:44de sous-investissement
00:52:45parce qu'on le sait
00:52:47depuis 20 ans
00:52:48qu'il y a un problème
00:52:49au niveau des réseaux d'eau,
00:52:51que les tuyaux sont percés
00:52:52pour dire simplement
00:52:53les choses
00:52:53et qu'on ne les répare pas
00:52:54parce que l'argent
00:52:55qui devrait servir
00:52:56à les réparer
00:52:57sert à l'autre chose.
00:53:02À Mayotte,
00:53:04le volume des fuites d'eau
00:53:05représente près
00:53:06de 40 % de pertes.
00:53:10À l'inaction
00:53:11des autorités
00:53:11s'ajoutent
00:53:13les sécheresses
00:53:13dues
00:53:14au changement climatique.
00:53:15Sur l'île de l'océan Indien,
00:53:19les coupures d'eau
00:53:20s'intensifient.
00:53:21À compter du lundi 4 septembre,
00:53:23le département
00:53:24passe à 48 heures
00:53:25de coupures
00:53:25toutes les 24 heures,
00:53:27soit des coupures
00:53:27deux jours sur trois.
00:53:44Originaire des Comores,
00:53:45élevées à Mayotte,
00:53:48Rasha Mouzdikoudine
00:53:49est la porte-voix
00:53:51de l'association
00:53:52Mayotte Assoif.
00:53:57Il y a deux ans,
00:53:58elle saisit la justice
00:53:59contre l'État.
00:54:04Rasha accuse les autorités
00:54:06de ne pas prendre
00:54:07les mesures d'urgence
00:54:08pour répondre
00:54:09à la crise de l'eau.
00:54:15de la crise de l'État.
00:54:16Je suis fière
00:54:18d'être Française,
00:54:20mais en tant que Français,
00:54:21on n'est pas tous logés
00:54:22à la même enseigne,
00:54:23on n'est pas traités
00:54:23du tout de la même façon.
00:54:29On me parle
00:54:30des millions d'investissements
00:54:31me fait rêver
00:54:31dans les rayons.
00:54:32Ça fait depuis 1980
00:54:33qu'on nous chante
00:54:34toujours la même chanson.
00:54:35Il n'y a pas d'eau.
00:54:39Est-ce que c'est acceptable
00:54:40dans un pays démocratique ?
00:54:48Bonjour.
00:54:50Bonjour, bienvenue.
00:54:52Je voudrais de l'eau.
00:54:53Sers-toi.
00:54:54Il y a des personnes
00:55:06qui vont avoir l'eau
00:55:06plutôt le lundi,
00:55:08d'autres plutôt le mardi,
00:55:09d'autres plutôt le matin,
00:55:10plutôt l'après-midi.
00:55:11On va se réveiller le matin,
00:55:13on ne va pas savoir
00:55:13s'il y aura de l'eau
00:55:14pour se laver,
00:55:16pour brosser les dents,
00:55:17pour se doucher,
00:55:18tirer notre chasse d'eau.
00:55:18Si on achète vraiment
00:55:28l'eau en bouteille
00:55:29pour tous nos besoins,
00:55:32par mois, par famille,
00:55:33ça revient à 1 000 euros
00:55:34d'eau potable.
00:55:37On l'appelait ça
00:55:38l'eau bleue,
00:55:38c'est devenu l'eau bleue.
00:55:47Pour être certain
00:55:48d'avoir de l'eau
00:55:49à tout instant,
00:55:49on doit stocker l'eau.
00:55:51Nous, il nous faut
00:55:52deux ou trois bassines
00:55:53de 20 litres
00:55:55pour pouvoir
00:55:56tenir une semaine.
00:56:01Tu as bien travaillé
00:56:02à l'école ?
00:56:03Oui.
00:56:04Je te lave ici.
00:56:05À l'école,
00:56:05ils ont coupé l'eau.
00:56:06Il n'y en a plus.
00:56:10Je pense que
00:56:11il faut vraiment
00:56:14prendre la mesure
00:56:14de ce que l'eau
00:56:15peut avoir comme impact.
00:56:16On pense que c'est
00:56:16quelque chose d'anodin,
00:56:17on pense que c'est
00:56:18juste manquer
00:56:19d'un verre d'eau
00:56:20sur la table.
00:56:20Mais il y a
00:56:21l'impact social
00:56:22qui est inquiétant
00:56:23et un impact
00:56:24d'exclusion sociale.
00:56:27Il y a des écoles
00:56:27qui ferment
00:56:28parce qu'il n'y a pas
00:56:28d'eau.
00:56:30Des enfants
00:56:31qui ne peuvent pas
00:56:31vivre normalement
00:56:32parce qu'il n'y a pas
00:56:33d'eau,
00:56:33ce sont des futurs
00:56:35chômeurs,
00:56:35je suis désolée
00:56:36de le dire comme ça,
00:56:37des futurs enfants
00:56:38qui vont constituer
00:56:39encore le tissu
00:56:40économique de la pauvreté,
00:56:42ce qui n'est pas
00:56:42acceptable pour moi
00:56:43en tant que femme,
00:56:44en tant que maman.
00:56:45Ce n'est pas
00:56:46entendable.
00:56:46Le département
00:56:57ne peut pourtant
00:56:58pas se permettre
00:56:58de fermer
00:56:59des écoles
00:57:00faute d'eau potable.
00:57:02Il manque déjà
00:57:03près de 900 classes
00:57:04à Mayotte.
00:57:06Et celles qui existent
00:57:08sont saturées
00:57:09avec pour résultat
00:57:12le taux de scolarisation
00:57:14le plus faible
00:57:15de France.
00:57:17Ça, c'est quelle lettre ?
00:57:18Ça ?
00:57:21Très bien, ça ?
00:57:22Ça ?
00:57:23Très bien.
00:57:25Le M, n'oublie pas,
00:57:27trois pieds.
00:57:29Oui, ils sont trois.
00:57:31Vas-y, fais le S.
00:57:33Hein ?
00:57:34Il y a quoi ?
00:57:34À Mayotte,
00:57:40il y a 15 000 enfants
00:57:41qui ne sont pas
00:57:42scolarisés
00:57:42selon les chiffres
00:57:43de défenseurs de droit
00:57:45en 2023.
00:57:47Vu qu'il y a manque
00:57:48de place,
00:57:48ils font la rotation.
00:57:50C'est-à-dire,
00:57:50un groupe vient le matin
00:57:51jusqu'à midi
00:57:53et un autre groupe
00:57:54vient l'après-midi
00:57:55jusqu'à 17h45.
00:57:57C'est qui ?
00:57:58La Botte.
00:57:59Et la Botte,
00:58:00elle fait quoi ?
00:58:00La Botte.
00:58:03À Laouïa
00:58:04et la poignée
00:58:05d'éducateurs
00:58:06de l'association
00:58:06Le Village d'Eva
00:58:07prennent en charge
00:58:09ceux qui n'ont pas
00:58:10pu trouver l'école,
00:58:11faute de place
00:58:12ou faute de papier.
00:58:16On les suit,
00:58:16on les accompagne
00:58:17en faisant les bases
00:58:18de l'école,
00:58:19c'est-à-dire
00:58:20français et math.
00:58:21Il nous arrive
00:58:26qu'un enfant
00:58:27vienne le matin,
00:58:27il nous demande
00:58:28un truc à manger
00:58:29ou à grignoter
00:58:30parce qu'il n'a pas mangé.
00:58:32Du coup,
00:58:32il y a un moment donné
00:58:33aussi,
00:58:34on a eu des malaises.
00:58:36Les malaises
00:58:37ou les maux de tête,
00:58:39on peut se rendre compte
00:58:40de cette manière-là.
00:58:44Ça,
00:58:45tu m'écris jeudi,
00:58:46s'il te plaît.
00:58:46Ça sera jeudi,
00:58:47pas vendredi.
00:58:47Je viens ici
00:58:59parce que je n'ai pas
00:58:59de vraie école.
00:59:06J'aime venir ici
00:59:07parce que je peux
00:59:08manger du riz,
00:59:10du mataba
00:59:11et de la viande.
00:59:13Je viens ici
00:59:17pour travailler.
00:59:19Je fais aussi
00:59:20la sieste
00:59:20et j'apprends.
00:59:28J'habite avec
00:59:28ma grand-mère
00:59:29et mon grand-père
00:59:30parce que ma mère
00:59:31n'est pas là,
00:59:32elle est loin.
00:59:36Elle me manque.
00:59:36J'ai envie
00:59:41d'être avec
00:59:42ma famille
00:59:42et je voudrais
00:59:44aussi aller
00:59:44dans une vraie école.
00:59:56Ils sont des milliers
00:59:57comme Saïd
00:59:58à grandir
00:59:59loin de leurs parents.
01:00:00À Mayotte,
01:00:01on appelle cela
01:00:02les confiages
01:00:03successifs.
01:00:05Des ruptures
01:00:05d'attachement,
01:00:06qui mettent
01:00:07les enfants
01:00:07en danger.
01:00:10Les associations
01:00:11estiment
01:00:11qu'il y a
01:00:12deux fois plus
01:00:12de victimes
01:00:13d'abus
01:00:13et de violences
01:00:14sexuelles
01:00:14à Mayotte
01:00:15que dans
01:00:15les autres départements.
01:00:21Baraka Bakar
01:00:22et Elina Jean-Claude
01:00:23sont elles-mêmes
01:00:24des survivantes.
01:00:26Elles accompagnent
01:00:27aujourd'hui
01:00:27la libération
01:00:29de la parole
01:00:29des plus jeunes.
01:00:31Bonjour les élèves.
01:00:33Bonjour.
01:00:33Je suis Baraka
01:00:36et ma collègue
01:00:37Elina.
01:00:38Nous faisons partie
01:00:39de l'association
01:00:40Akizawaneta
01:00:41et depuis deux ans
01:00:42maintenant,
01:00:43on se concentre
01:00:43à tout ce qui est
01:00:44l'éducation
01:00:45à la vie affective,
01:00:47relationnelle
01:00:47et aussi intime
01:00:48chez les jeunes.
01:00:52J'aime bien travailler
01:00:53dans l'association
01:00:54parce que c'est des enfants
01:00:56qui me ressemblent
01:00:58ayant moi-même
01:00:59été victime
01:01:00dans mon enfance.
01:01:05On a constaté
01:01:06que la plupart
01:01:07des abus
01:01:08et des attouchements
01:01:08commençaient
01:01:09dès l'âge
01:01:10de 10 ans.
01:01:11Alors c'est important
01:01:12pour nous
01:01:12de faire un petit point
01:01:14là-dessus
01:01:14sur notre corps,
01:01:16sur ce que c'est
01:01:17que le consentement.
01:01:18Le consentement,
01:01:19c'est quand on n'est pas
01:01:19d'accord sur quelque chose.
01:01:21Si aujourd'hui
01:01:22quelqu'un vous touche,
01:01:23un exemple,
01:01:24si un oncle
01:01:25ou bien un ami
01:01:26de la famille
01:01:26vous touche les seins,
01:01:28est-ce que vous pensez
01:01:28que c'est normal ?
01:01:29La plupart des enfants
01:01:37qui m'ont parlé,
01:01:39c'est des enfants
01:01:40qui vivent
01:01:40dans une famille
01:01:41qui n'est pas trop
01:01:42comment dire ça,
01:01:44cadrée.
01:01:47Souvent les parents
01:01:48ils sont expulsés
01:01:49parce qu'ils sont
01:01:50en situation irrégulière.
01:01:52Ils laissent les enfants
01:01:52avec un voisin,
01:01:53une amie,
01:01:54une tante,
01:01:55sauf que la personne
01:01:56qui est là
01:01:57ne prend pas bien
01:01:59soin de l'enfant.
01:02:02Ils vivent tous
01:02:03dans des bains,
01:02:04des maisons en tôle.
01:02:06Là, on a plusieurs personnes
01:02:07qui vivent dans ces endroits-là,
01:02:09donc on ne peut pas
01:02:10contrôler les allées
01:02:11et venues
01:02:11des personnes qui rentrent.
01:02:14Ils sont des prophéties
01:02:15pour les agresseurs.
01:02:16On se dit
01:02:17que personne n'est là
01:02:19pour les surveiller.
01:02:29Je m'appelle Elina,
01:02:31j'ai 21 ans.
01:02:32Avec Baraka,
01:02:33on travaille tous les jours
01:02:34ensemble.
01:02:35Des fois même,
01:02:36si j'ai des petits problèmes,
01:02:37j'ai envie d'en parler,
01:02:39je parle avec elle
01:02:40et tout le temps
01:02:40elle écoute.
01:02:44Je suis quelqu'un
01:02:45de très souriante
01:02:46mais je cache,
01:02:48je cache,
01:02:49comment dire ?
01:02:53Je cherche des mots.
01:02:57Je cache mon traumatisme
01:02:58à l'intérieur de moi
01:02:59comme si je suis là
01:03:01mais je suis morte
01:03:03à l'intérieur.
01:03:03J'habitais avec ma tante
01:03:14qui disait être ma mère
01:03:16mais elle n'est pas ma mère.
01:03:21Au début,
01:03:22quand je dormais par terre
01:03:23avec mon oncle,
01:03:24il me caressait,
01:03:25il me touchait,
01:03:26il me touchait les seins.
01:03:27Au début,
01:03:28je pensais que c'était normal.
01:03:33ma tante,
01:03:35elle est partie
01:03:35en voyage à Madagascar.
01:03:38Du coup...
01:03:47C'est là qu'elle m'avait violée,
01:03:49j'avais 5 ans.
01:03:50Et quand je suis allée lui dire,
01:04:07maman,
01:04:08ton mari m'a fait telle chose,
01:04:10il m'a dit,
01:04:11il faut le garder pour toi,
01:04:12il ne faut pas en parler,
01:04:13il faut le garder pour toi.
01:04:16Et du coup,
01:04:17je ne l'ai pas gardé pour moi
01:04:18parce que moi,
01:04:19j'ai trouvé que ce n'était
01:04:19pas normal du tout.
01:04:24Il faut briser cette silence.
01:04:26Je suis fière de moi.
01:04:27J'ai parlé.
01:04:27Sous-titrage Société Radio-Canada
01:04:37Si je me fais du bien aujourd'hui,
01:05:01c'est de penser que ça ira.
01:05:05Il faut beaucoup de sensibilisation.
01:05:08On va s'en sortir.
01:05:09Le cyclone qui risque de nous tomber dessus
01:05:31est encore plus intense que ce que Mayotte a donné jusque-là.
01:05:35Sous-titrage Société Radio-Canada
01:05:40Sous-titrage Société Radio-Canada
01:06:10C'est un cauchemar d'où je n'arrive pas à me réveiller.
01:06:19C'est un cauchemar d'où je n'arrive pas à me réveiller.
01:06:34Je me dis non, c'était qu'un putain de cauchemar,
01:06:38mais je n'arrive pas.
01:06:40J'ai l'impression qu'il y a quelqu'un
01:06:41qui me retient dans mon rêve.
01:06:42Le jour du cyclone,
01:06:47beaucoup d'habitants des bidonvilles
01:06:49n'ont pas quitté leur maison en tôle.
01:06:51Certains, par crainte d'être contrôlés
01:06:53par la police aux frontières.
01:06:55D'autres, par peur des pillages.
01:06:57Tous les maisons qui tenaient un peu,
01:07:01ils sont tombés.
01:07:03Là, j'ai eu beaucoup, beaucoup plus peur.
01:07:07Sur les hauteurs de Mavad Zenni,
01:07:10Mohamed a été pris au piège
01:07:11pendant plusieurs heures.
01:07:15Le gars qui était à côté de moi,
01:07:16il a senti qu'il y a de l'eau qui coule.
01:07:19Mais en vrai, ce n'était pas de l'eau,
01:07:20c'était mon sang qui coulait,
01:07:21mais je ne sentais pas les douleurs.
01:07:23C'est quand j'ai perdu beaucoup de sang
01:07:28que j'ai remarqué que moi non plus,
01:07:31ça n'allait pas.
01:07:33Je n'ai pas directement pensé à la mort,
01:07:35mais je me suis dit que je suis foutu.
01:07:46Dès que je suis sorti,
01:07:47le truc qui m'est venu en tête,
01:07:48c'est ce putain de cimetière.
01:07:53Que le bordel partout.
01:07:56Voir tous ces enfants
01:07:57en train de chercher leurs jouets.
01:07:59On dirait qu'il y avait une guerre.
01:08:02Tout le monde doit revenir à zéro.
01:08:05Déjà que de base, on était à zéro,
01:08:07c'est encore moins zéro, je dirais.
01:08:10Ça a fait un massacre.
01:08:12Une semaine après la catastrophe,
01:08:32le bilan provisoire fait état de 35 morts
01:08:35et 3000 blessés.
01:08:36Partout sur l'île,
01:08:40on cherche les disparus
01:08:42et on attend les secours.
01:08:44L'eau, la nourriture, l'électricité,
01:08:46le réseau téléphonique
01:08:47manque toujours dans de nombreuses parties
01:08:50de l'île, de l'océan Indien.
01:08:54Dans ce quartier enclavé
01:08:56du centre de l'île,
01:08:57Shido a coupé les habitants du reste du monde.
01:08:59La petite association d'Elina
01:09:08et de Baraka
01:09:09est la première à se rendre
01:09:11au chevet des familles.
01:09:23Bonjour madame.
01:09:26Voilà deux bons
01:09:27de 20 euros chacun.
01:09:28Vous pouvez les utiliser
01:09:30dans les magasins du quartier
01:09:31Sodifram, Sodikash et Perdiscount
01:09:33pour acheter de la nourriture
01:09:35ou des produits d'hygiène.
01:09:37On vous donne cela d'abord
01:09:38et on verra quand on en aura d'autres.
01:09:41Merci beaucoup.
01:09:47La famille que j'ai reçue hier,
01:09:49il n'y a aucun aide
01:09:50qu'ils ont trouvé.
01:09:52Ils ne trouvent pas d'eau,
01:09:53ils sont obligés d'aller
01:09:54prendre de l'eau de la rivière.
01:09:58La dame m'a expliqué
01:10:00à son bébé qui est malade.
01:10:01Son bébé de trois mois,
01:10:03il lui donne même
01:10:03de l'eau de la rivière,
01:10:04il lui fait bruit
01:10:05pour donner à son bébé
01:10:06et son bébé,
01:10:07il est malade,
01:10:08il a de la fièvre,
01:10:08il ne sait plus quoi faire.
01:10:10Merci madame,
01:10:11merci.
01:10:12Merci,
01:10:13que Dieu vous bénisse.
01:10:16J'ai découvert que les gens,
01:10:17ils ont vécu pire que moi.
01:10:19Pendant mon enfance,
01:10:29je n'ai pas trouvé
01:10:30quelqu'un pour m'aider.
01:10:35Au moins,
01:10:36ça me fait du bien
01:10:36d'aider les autres.
01:10:38Ça me fait du bien.
01:10:39Critiqué pour sa gestion
01:10:51du poste cyclone,
01:10:53l'État français
01:10:54installe le 24 décembre
01:10:55un hôpital de campagne.
01:11:01Plus de 200 patients
01:11:02y trouvent refuge
01:11:03chaque jour
01:11:04au cœur du chaos.
01:11:05Depuis le passage du cyclone,
01:11:15ma mère a mal aux yeux.
01:11:17Elle a l'impression
01:11:18d'avoir constamment
01:11:18quelque chose
01:11:19qui lui ronge l'œil.
01:11:22Et mes enfants,
01:11:23ils ont des plaques
01:11:24sur la tête.
01:11:25Ça les gratte
01:11:26et ça se répand
01:11:27partout sur leur corps.
01:11:30Je crois que c'est
01:11:31à cause du cyclone
01:11:32qui a fait ça.
01:11:35Tout le monde
01:11:43a été blessé.
01:11:45Mais Dieu
01:11:45nous a épargnés
01:11:46et nous a laissés en vie.
01:11:48Donc on doit se battre
01:11:49pour y arriver.
01:11:50On va refaire nos vies,
01:11:52petit à petit.
01:11:52On a vu beaucoup
01:12:03de patients
01:12:03qui s'étaient blessés
01:12:04avec des tôles
01:12:04qui étaient rouillées.
01:12:06Des plaies de la main,
01:12:08des plaies du pied aussi
01:12:09parce qu'ils marchent
01:12:09sur des déchets
01:12:10qui traînent
01:12:11et même le sol.
01:12:12Et en fait,
01:12:15la moindre plaie
01:12:16va s'infecter ici,
01:12:17je pense,
01:12:18compte tenu
01:12:18des conditions climatiques
01:12:19et des conditions
01:12:20d'hygiène
01:12:21dans lesquelles ils vivent.
01:12:24Parfois,
01:12:25ils ont attendu
01:12:25dix jours
01:12:26avant de consulter
01:12:27et une fois
01:12:28qu'on a enlevé
01:12:29tous les tissus
01:12:29qui étaient nécrotiques,
01:12:30en fait,
01:12:30on se rend compte
01:12:31qu'il ne reste plus
01:12:31que les os
01:12:32et quand c'est ce cas-là,
01:12:33on est obligé de couper.
01:12:34Heureusement,
01:12:35on a des interprètes
01:12:36et un psychologue
01:12:37qui nous aide
01:12:38à prendre en charge
01:12:38ces patients,
01:12:40mais c'est assez compliqué.
01:12:43Globalement,
01:12:44ils sont très renfermés,
01:12:45même chez les enfants,
01:12:46en fait,
01:12:46on constate
01:12:47qu'ils n'arrivent pas
01:12:48à parler.
01:12:49Les enfants ne se plaignent jamais.
01:12:50Pourtant,
01:12:51ils ont des plaies
01:12:52qui font super mal.
01:12:53Ils ne pleurent quasiment pas,
01:12:55même quand on leur fait les soins.
01:13:06On les soigne,
01:13:14mais on ne les aidera pas
01:13:14à reconstruire leur maison.
01:13:17Ils n'ont rien.
01:13:17Ils arrivent le matin.
01:13:19Nous, on s'intéresse
01:13:19à savoir s'ils ont mangé ou pas
01:13:21et bu ou pas
01:13:21pour les prendre au bloc.
01:13:22À chaque fois,
01:13:23ils nous répondent non
01:13:23tout simplement
01:13:24parce qu'ils n'ont pas
01:13:25à manger et à boire.
01:13:27Et je pense que oui,
01:13:28il y a un vrai traumatisme
01:13:30psychologique
01:13:30chez ces patients.
01:13:36Un traumatisme
01:13:39auquel s'ajoutent
01:13:40au fil des jours
01:13:41la colère
01:13:42et un sentiment d'abandon.
01:13:58Le collectif de Safina
01:14:02maintient la pression
01:14:04sur la préfecture.
01:14:06Ces mères de famille
01:14:07exigent que les sans-papiers
01:14:09soient délogés
01:14:10des centres d'hébergement
01:14:11d'urgence
01:14:12à peine 15 jours
01:14:14après le cyclone.
01:14:17On va déloger
01:14:18ces fichus africains
01:14:19du lycée.
01:14:20On va dire au préfet
01:14:21qu'il a 24 heures
01:14:22pour les mettre dehors.
01:14:23Le lycée !
01:14:24Libérez !
01:14:25Le lycée !
01:14:26Libérez !
01:14:27Le lycée !
01:14:28Libérez !
01:14:29Le lycée !
01:14:30Libérez !
01:14:31Libérez !
01:14:32Le lycée !
01:14:33Libérez !
01:14:35Libérez !
01:14:36Libérez le lycée !
01:14:37Libérez le lycée !
01:14:37On vous prie
01:14:39de libérer le lycée
01:14:41parce que c'est un lycée
01:14:43pour nos enfants.
01:14:45On a envie
01:14:46que nos enfants
01:14:47reprennent le chemin
01:14:48de l'école
01:14:49parce que s'ils ne vont pas
01:14:51à l'école,
01:14:52ils vont se livrer
01:14:53à la violence
01:14:54dans les rues de Mayotte.
01:14:56Ce n'est pas un hôtel,
01:14:58ce n'est pas un lieu
01:14:59d'hébergement.
01:15:00C'était censé être là
01:15:01provisoirement,
01:15:03le temps que le cyclone
01:15:04Chilo passe.
01:15:05D'accord ?
01:15:06C'est un hébergement
01:15:07d'urgence.
01:15:08Libérez !
01:15:09Le lycée !
01:15:10Bavanna !
01:15:10Prefait !
01:15:11Libérez !
01:15:12Le lycée !
01:15:13Bavanna !
01:15:14Chilo, c'est une opération
01:15:19divine.
01:15:20On voit quand même
01:15:21la volonté de Dieu
01:15:22de vouloir nous dire
01:15:23que ça suffit.
01:15:25Regardez ce qui était caché.
01:15:29On ne peut pas vivre ensemble.
01:15:31Je suis désolée,
01:15:31on ne peut pas vivre ensemble
01:15:32puisqu'on n'est pas pareil
01:15:33et il n'y a pas assez
01:15:34d'espace pour tout le monde
01:15:35parce que tout simplement
01:15:36on est envahis
01:15:37par des gens qui nous détestent,
01:15:38qui veulent notre mort.
01:15:39Donc on est vraiment en guerre,
01:15:41on est en lutte
01:15:42depuis des années
01:15:43et là, cette fois-ci,
01:15:43je pense qu'avec Chilo,
01:15:45on a besoin de l'État
01:15:46pour reconstruire.
01:15:47Mais on a aussi besoin
01:15:48de l'État
01:15:48parce que si jamais l'État
01:15:49ne devient pas l'arbitre
01:15:51pour pouvoir envoyer
01:15:52des gens chez eux,
01:15:53peut-être qu'il va y avoir
01:15:54une guerre civile.
01:16:04Je ne sais pas trop
01:16:05c'est qui cette dame,
01:16:07mais j'avais vu une vidéo
01:16:08où elle disait que,
01:16:11tu vois, de toute façon,
01:16:11la plupart des gens
01:16:12qui sont morts,
01:16:13c'est de son papier.
01:16:15Alors ça veut dire quoi ?
01:16:16Moi, dans ma tête,
01:16:17ça a fait un truc
01:16:18en mode digne,
01:16:19mais pour elle,
01:16:20si on est son papier,
01:16:21ça veut dire
01:16:22qu'on n'a pas de cœur.
01:16:23ça veut dire
01:16:24qu'on n'a pas de famille,
01:16:25ça veut dire qu'on n'a pas
01:16:26un état de réfléchir,
01:16:27on ne peut pas réfléchir.
01:16:28On n'est pas humain,
01:16:28en fait, pour elle.
01:16:30Si on a des papiers,
01:16:31là, on est humain.
01:16:32Mais tant qu'on n'a pas de papier,
01:16:33elle s'en fout, en fait,
01:16:34qu'il y a eu des milliers de morts,
01:16:36des dizaines de morts,
01:16:37elle s'en fout.
01:16:38Ils n'ont pas de papier,
01:16:39ils peuvent preuver tranquilles,
01:16:40ça va.
01:16:42Mais...
01:16:42ce n'est pas comme ça,
01:16:45je voyais les gens,
01:16:46quoi.
01:16:51Ce n'est pas parce que le cyclone
01:16:52est passé qu'on va devenir
01:16:54des amis ou des frères et soeurs
01:16:57ou quoi que ce soit.
01:16:58Non, pas du tout.
01:17:00Si on est toujours
01:17:01dans ce même état de pensée,
01:17:04je ne pense pas du tout
01:17:05que ça avancera, quoi.
01:17:07Au contraire,
01:17:07on ne va faire que reculer.
01:17:09C'est pas comme ça.
01:17:39C'est pas comme ça.
01:18:09Sous-titrage Société Radio-Canada