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La Plateforme automobile vient de publier ses chiffres pour avril, son président, Luc Chatel, fait le point sur les difficultés auxquelles est confronté le secteur.

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00:00L'invité éco, Camille Revelle.
00:03Bonsoir à toutes et à tous. Comment se porte le secteur automobile dans un contexte international pour le moins incertain ?
00:10Bonsoir Luc Châtel.
00:11Bonsoir Camille Revelle.
00:12Vous êtes président de la plateforme automobile PFA qui regroupe les acteurs de cette filière.
00:16Vous venez de publier les chiffres pour avril des immatriculations de voitures neuves en France en baisse de près de 6% en rythme annuel.
00:23Sur les 4 premiers mois de l'année, baisse de plus de 7%.
00:27Qu'est-ce qui joue ? Parce que là on est sur une tendance de plusieurs mois. Est-ce qu'il y a une crise du marché automobile français ?
00:33L'automobile s'est inscrite dans une crise structurelle qui est liée à plusieurs phénomènes.
00:39Qui est liée d'abord à la conjoncture économique.
00:41Vous savez, acheter une automobile c'est un acte très impliquant.
00:45Et donc quand la conjoncture est mauvaise, vous avez aujourd'hui une croissance qui est proche de zéro.
00:49Vous avez un niveau d'épargne des ménages qui n'a jamais été aussi élevé.
00:53Et donc une consommation qui est anormalement basse.
00:56Et donc on peut toujours reporter sa décision d'achat d'une automobile.
01:00Donc ça c'est un phénomène.
01:01Ça c'est la conjoncture.
01:02Et vous avez un deuxième phénomène qui est lié aux modèles qui sont aujourd'hui proposés sur le marché.
01:07Et à cette transition énergétique.
01:09Où il y a aujourd'hui une complexité de marché qui fait que le consommateur est un peu perdu.
01:14C'est-à-dire qu'il ne sait pas très bien quel type de motorisation il peut acheter.
01:19Est-ce qu'il passe tout de suite à l'électrique ?
01:21Mais est-ce qu'il va avoir les bornes de recharge, l'autonomie, tout ce qui va avec ?
01:24Sachant qu'il y a des changements aussi sur les bonus-malus.
01:27Ensuite, exactement.
01:28Est-ce qu'il va être accompagné dans son acte d'achat, sachant qu'on a changé 15 fois la règle des bonus-malus en moins de 5 ans.
01:36Et que même des voitures qui bénéficiaient d'un bonus il y a encore 2 ans sont aujourd'hui victimes d'un malus.
01:42Ce qui semble vous agacer.
01:43Donc oui, ce qui m'agace, vu le contexte, oui ça m'agace.
01:47Donc si vous voulez, vous avez l'addition de ces deux phénomènes qui sont à la fois un contexte économique général et une situation de l'automobile qui fait qu'il y a un attentisme des consommateurs et que le marché n'est pas bon.
01:58Et vous savez, les perspectives de commande ne sont pas bonnes puisqu'on était à moins 13% de prise de commande à la fin de ce premier trimestre par rapport à l'année dernière.
02:08Donc je ne suis pas certain que ça s'améliore dans les prochains mois.
02:11Et si on ajoute à tout ça les interrogations autour des droits de douane américains, d'ailleurs Stellantis, comme d'autres groupes automobiles, a suspendu ses prévisions financières pour 2025 en raison des incertitudes liées aux tarifs douaniers.
02:23C'est le grand flou pour votre secteur ?
02:25C'est le grand flou. Par contre, ce qu'on sait, c'est qu'il y a des décisions à prendre, il y a une décarbonation à effectuer, il y a des investissements massifs à mener.
02:37Et puis il y a une compétition mondiale qui n'a jamais été aussi élevée.
02:40Il y a des décisions à prendre, mais de la part de qui ? De l'Europe ? De la France ?
02:42Des décisions à prendre de la part de l'Union européenne qui, à notre sens, a pris le sujet par le mauvais bout puisqu'elle a réglementé plutôt que d'avoir une vraie vision stratégique.
02:53Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Mario Draghi, ancien commissaire européen, qui a émis son rapport sur la compétitivité de l'économie européenne.
03:00Et donc, il est urgent d'agir et d'avoir une vraie vision stratégique pour accompagner cette transition.
03:07Il ne s'agit pas uniquement de dire qu'on ne vendra plus de véhicules thermiques en 2035.
03:12C'est-à-dire comment on y arrive, comment on accompagne cette transition qui est absolument massive.
03:18Les constructeurs, les équipementiers, toute la sous-traitance ont fait des efforts et font des efforts aujourd'hui absolument considérables.
03:24Mais là, concrètement, on ne va pas y arriver pour 2035 ?
03:27Disons que si vous regardez les trajectoires que nous avons établies pour arriver à 100% de véhicules thermiques en 2035,
03:35il faudrait cette année que la part de marché des véhicules électriques 100% électriques en Europe soit à 22%.
03:43Elle est aujourd'hui à 15%.
03:45Donc, on voit bien qu'il y a un écart très significatif entre ce qui est nécessaire et la réalité.
03:50Pourquoi ? Parce qu'on a un peu oublié le consommateur et que les véhicules électriques, au début, ça a bien pris, ça a bien démarré.
03:57Et puis maintenant, le consommateur trouve que c'est trop cher, il craint qu'il n'y ait pas assez de bord.
04:02Et puis, vous avez un contexte économique qu'on évoquait qui fait qu'il reporte sa décision d'achat.
04:07Vous écriviez, Luc Châtel, dans une tribune il y a quelques semaines dans le Figaro,
04:10la disparition de l'industrie automobile européenne n'est plus une simple hypothèse.
04:15Ça va loin. Est-ce qu'on peut encore la sauver ?
04:18Bien sûr. Regardez la France. Elle produisait 3 millions de véhicules il y a 25 ans.
04:23On est à 1,3 million de véhicules.
04:26La Chine produit aujourd'hui 20 fois plus de véhicules que la France qui a inventé l'automobile à la fin du 19e siècle.
04:34Et je reviens de Shanghai, du salon qui est maintenant le premier salon mondial d'autonomie.
04:39Et ce qui crève l'écran, c'est la rapidité d'action. Les Chinois, ils vont très vite.
04:44Et il y a beaucoup de constructeurs qui sont sur le marché maintenant.
04:46Il y a beaucoup de constructeurs.
04:47Ça veut dire, pardonnez-moi, c'est peut-être un peu provocateur de poser la question comme ça,
04:50mais est-ce que le cœur de l'automobile aujourd'hui, il est en Chine ?
04:53Il l'est dans les faits, puisque la Chine est devenue le premier marché mondial avec plus de 31 millions de véhicules.
05:00C'est plus d'un tiers du marché mondial.
05:03C'est deux fois et demi le marché américain.
05:05C'est trois fois le marché européen.
05:07Donc c'est devenu le premier pôle.
05:09Mais c'est aussi le premier pays producteur de véhicules.
05:12Donc, de facto, c'est devenu, c'est là où ça se passe.
05:16Ensuite, ce qui est frappant, c'est le concentré de technologies, d'innovation à tous les niveaux.
05:20J'ai visité des usines de batterie où, techniquement, aujourd'hui,
05:25on a la solution pour recharger pour 400 kilomètres une batterie en moins de 10 minutes.
05:30Donc, si vous voulez, tout le frein à l'achat pour les véhicules électriques,
05:34c'est-à-dire, il faut une demi-heure, je vais tomber en rade, etc.
05:38Tout ça, ça va rapidement être derrière nous.
05:39Et les Chinois sont très en avance, en l'occurrence, CATL est le leader mondial de production des batteries.
05:45Et je vous disais la rapidité, les Chinois sont capables de produire et de mettre sur le marché un véhicule en moins de 18 mois.
05:52Là où les constructeurs européens, la norme est plutôt autour de deux ans et demi, trois ans,
05:56même s'ils font beaucoup de progrès et si on est en train de réduire ce délai.
05:59Est-ce que vous avez déjà, il est peut-être trop tôt pour le dire, mais un impact ?
06:04Est-ce que vous savez à quel point les constructeurs, les équipementiers français sont affectés par les droits de douane américains ?
06:08Pour l'instant, on est à une surtaxe de 25%. Est-ce que c'est déjà mesurable ? Est-ce que ça l'est seulement ?
06:13On voit déjà la prolongation de ces mauvais chiffres de marché, que ce soit au niveau européen et en France en particulier.
06:22Et c'est clair que dans temps de matin et midi et soir que les prix des voitures vont augmenter.
06:26Puisque qu'est-ce que c'est que les droits de douane ?
06:28Si ce n'est de faire payer par le consommateur final une barrière.
06:33Donc à la fin, ce seront des voitures qui seront plus chères et le consommateur paiera.
06:38Donc tout ça, c'est mauvais pour la consommation. Cette incertitude est mauvaise pour la consommation.
06:42Donc oui, il y a déjà des conséquences de cela alors que nous sommes au tout début de cette guerre commerciale.
06:48Comment vous voyez l'avenir pour votre filière ?
06:51Vous avez un diagnostic assez sombre. Vous proposez des remèdes.
06:55Mais là, concrètement, comment vous voyez le moyen terme ?
06:57Vous savez, les Français et les Européens en général adorent l'automobile.
07:01Donc les gens qui me disent « la voiture c'est fini, arrêtons et goûtons un peu les consommateurs ».
07:06L'automobile, c'est d'abord la liberté. C'est la liberté de transport.
07:10Il y a 86% des Français qui ont besoin de leur voiture tous les jours pour aller travailler
07:14ou pour emmener leurs enfants à l'école. Donc on a besoin d'automobiles.
07:19Simplement, il faut la réinventer. Il faut la décarboner.
07:22Les constructeurs et toute la filière ont fait des efforts absolument considérables.
07:26Ils vont continuer. Simplement, en Europe, il nous faut une vraie stratégie. Il nous faut un cap.
07:31Ce qui nous manque, c'est ce que les Chinois ont effectué.
07:32Les Chinois, ils ont réalisé un grand plan stratégique.
07:35Ils ont eu l'intelligence de ne pas s'enfermer dans une solution technologique unique,
07:40c'est-à-dire uniquement la batterie.
07:41Ils continuent. Ils vont continuer à produire pendant longtemps des moteurs thermiques, les Chinois.
07:46Donc nous, nous nous privons de notre savoir-faire historique, le moteur thermique.
07:50Et en même temps, nous choisissons une technologie, la batterie, que nous ne maîtrisons pas à 100%.
07:54Donc c'est un peu la double peine.
07:56Merci beaucoup, Luc Châtel, président de PFA, plateforme automobile.
07:59Vous êtes ce soir l'invité éco de France Info.
08:01Merci à vous.
08:01Sous-titrage Société Radio-Canada

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