Très appréciés par les fins gourmets pour leur goût délicat, les pignons de cèdre de Sibérie sont aussi réputés pour leurs bienfaits pour la santé. Chaque automne, des familles entières rejoignent les montagnes dorées de la région pour cueillir les pommes de pin et récolter leurs graines oléagineuses.
"GEO Reportage" a suivi Aronat Bakchukov, 24 ans. Avec ses père, frère et beau-frère, le jeune homme se confronte aux difficultés de la cueillette. Mais cette année, Aronat a une raison supplémentaire de ne pas ménager ses efforts : après la récolte, il partira en stage dans l’une des entreprises de transformation des pignons, dans la grande ville de Novossibirsk. L'occasion, pour lui, de réaliser son rêve ?
"GEO Reportage" a suivi Aronat Bakchukov, 24 ans. Avec ses père, frère et beau-frère, le jeune homme se confronte aux difficultés de la cueillette. Mais cette année, Aronat a une raison supplémentaire de ne pas ménager ses efforts : après la récolte, il partira en stage dans l’une des entreprises de transformation des pignons, dans la grande ville de Novossibirsk. L'occasion, pour lui, de réaliser son rêve ?
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00:00Les montagnes de l'Altaï dans le sud de la Russie sont le royaume du pain de Sibérie,
00:24plus connu sous le nom de cèdre de Sibérie.
00:27Les graines des pommes de pain de Sibérie, appelées pignons ou noix de cèdre, sont très appréciées comme en cas, mais aussi pour leurs bienfaits.
00:37Pour les récolter, il faut grimper jusqu'à la cime des conifères.
00:42Seuls des cueilleurs expérimentés, comme le jeune Aronat Bakchoukov, se risquent à cette acrobatie.
00:48Pour la famille d'Aronat, les pignons constituent une source de revenus importante, mais hélas peu fiables.
00:56Aronat, qui a hâte d'être un peu plus indépendant, doit donc bien réfléchir.
01:02A-t-il plutôt intérêt à rester dans sa vallée ou à partir travailler en ville ?
01:08La saison dernière, il n'y a pas eu une seule pomme de pain à récolter.
01:13Ça a été un gros manque à gagner pour nous.
01:16Cette année, il y en a, alors nous devons en récolter le plus possible avant les premières neiges.
01:21Située au confluent de la Russie, de la Chine, de la Mongolie et du Kazakhstan, l'Altai est un massif montagneux encore relativement préservé.
01:48Fin août, la courte période estivale s'achève déjà.
02:04Aronat Bakchokov, qui est gardien de chevaux, rassemble son troupeau une dernière fois.
02:09Ce troupeau de 40 têtes appartient à Valery Gregorievich, le patron d'Aronat, qui les loue comme bêtes de somme et pour des randonnées à cheval.
02:27C'est tout ce que j'ai à dire. Je suis très content d'Aronat. Il est travailleur et c'est la plus belle des qualités par ici.
02:48Nous vivons en pleine nature, alors nous devons savoir tout faire et Aronat se débrouille comme un chef.
02:56Aronat a 24 ans et travaille depuis l'âge de 16 ans. Son rêve est de s'offrir un jour son propre cheval.
03:03J'ai toujours vécu parmi les chevaux, depuis tout petit. J'ai passé plus de temps avec eux qu'avec les hommes.
03:20Je les comprends aussi bien que les humains. Et ils valent bien mieux qu'eux. Un homme peut te trahir alors qu'un cheval ne te laissera jamais tomber. Il restera toujours à tes côtés.
03:43Un dernier thé avec Valéry avant de s'en aller retrouver sa famille, qui compte sur lui pour la récolte des pignons de cèdre.
04:06Valéry paye ses gardiens de troupeau 15 000 roubles, soit un peu plus de 200 euros par mois.
04:12Cela équivaut au salaire moyen dans la vallée, mais ne suffit pas pour vivre. La récolte des pignons de cèdre peut rapporter 8 à 10 fois plus.
04:22L'argent ne doit pas être la motivation principale. Dans la vie, le plus important, c'est de soutenir les siens, les gens qu'on aime.
04:34Et Aronat le fait en participant à la récolte des pignons de cèdre. C'est ça, la vraie richesse. Pas l'argent.
04:42Le lendemain matin, Michael, le père du jeune homme, ainsi que son frère Amat et son beau-frère Arjan, viennent chercher Aronat.
04:56L'argent ne doit pas être la première fois.
05:26L'administration des bois et forêts nous a autorisés à commencer la récolte sauvage à partir du 1er septembre.
05:31Nous avons du pain sur la planche.
05:34A nous quatre, nous espérons remplir 40 sacs de pommes de pain par jour.
05:37Sur les flancs montagneux qui bordent la Chouïa, les pains de Sibérie poussent encore à plus de 2000 mètres et forment la limite forestière.
05:48Les hommes sont partis avec un vieux 4x4 du temps des soviets et quelques chevaux qui serviront à transporter les sacs gonflés de pommes de pain.
06:05Les routes sont très mauvaises par ici.
06:15Nous allons rouler sur des pistes rocailleuses et traverser des cours d'eau.
06:19Une seconde d'inattention et on est bon pour faire un tonneau.
06:21A mi-parcours, le moteur se met à surchauffer.
06:49Le radiateur a besoin d'un petit coup de main pour le rafraîchir.
07:08Maintenant, plus question de s'arrêter.
07:11La route grimpe tellement à partir d'ici que si on se retrouve nez à nez avec une voiture qui descend, on est cuit.
07:17Allez, en voiture.
07:19Il a fallu trois heures à Mikhail et Aronat pour rejoindre le haut plateau.
07:44Pour de nombreux habitants des montagnes, les monts et les cols de l'Altai sont sacrés.
07:57Ces bandes de tissus blancs portent les prières du Père et du Fils.
08:02En les accrochant à un arbre, il les livre au vent, qui les fera parvenir aux esprits.
08:09C'est une coutume de l'Altai que nous perpétuons pour témoigner notre respect à la nature.
08:26Nous pratiquons ce rituel pour faire une bonne récolte et que tout se passe bien.
08:36J'ai fait le vœu de gagner enfin assez d'argent pour m'acheter un cheval et être indépendant.
08:58J'ai aussi fait une prière plus personnelle, mais celle-là, je ne la dirai pas.
09:08Amat et Archan ont eux aussi eu du mal à arriver jusqu'au camp.
09:12L'ascension a épuisé hommes et chevaux qui ont besoin de reprendre des forces.
09:22Mais il faut d'abord monter le camp, et vite.
09:25Début septembre, les températures descendent rapidement le soir
09:28et atteignent la nuit des valeurs situées bien en dessous de zéro.
09:31Ici, c'est simple.
09:38Papa s'occupe principalement des repas,
09:41et nous, les jeunes, on récolte les pommes de pain jusqu'à épuisement.
09:45À la tombée de la nuit, on s'arrête, on mange et on va vite se coucher.
09:53Demain, nous attaquerons ce bosquet.
09:58Regardez, les cèdres sont couverts de pommes de pain.
10:01Les graines sont mûres.
10:09Elles se laissent facilement extraire des fruits
10:11et l'enveloppe dure qui entoure le pignon est bien brune.
10:20Le Pinus sibirica est une variété de pins
10:24qui poussent sur de vastes étendues montagneuses en Sibérie
10:27et dans le nord de la Mongolie.
10:31En russe, on l'appelle Sibirsky Keder,
10:38littéralement, cèdre de Sibérie,
10:41nom que l'on a repris dans l'usage courant en français.
10:44C'est un arbre qui pousse très lentement en raison du froid
10:46et qui peut devenir pluricentenaire.
10:49La résine, sécrétée par son bois,
10:51renferme une sorte d'antibiotique naturelle.
10:54Elle exhale également un parfum agréable
10:56qui embaume l'air généralement très pur des forêts de cèdre
10:59ou pousse certains lichens particulièrement fragiles
11:02qu'on ne voit nulle part ailleurs.
11:04Les graines sont riches en oligo-éléments,
11:06vitamines et acides gras insaturés
11:09et constituent donc une nourriture très saine
11:11pour les hommes comme pour les bêtes.
11:13Le lendemain matin,
11:23une mauvaise surprise attend les quatre hommes.
11:26Manifestement, ils ne sont pas les seuls
11:28à connaître cet emplacement.
11:30Voilà qui ne va pas faciliter leur tâche.
11:32Je travaille dans une entreprise de construction
11:46et je gagne bien ma vie.
11:48Mais j'ai pris quelques jours de congé
11:50pour venir ici récolter des pommes de pain
11:51et m'assurer un bon revenu supplémentaire.
11:55Il va falloir en mettre un bon coup
11:56pour en cueillir le plus possible.
11:58Chaque année, à la saison des pommes de pain,
12:01de plus en plus de cueilleurs étrangers
12:03à la région viennent aussi profiter
12:05de ce cadeau de la nature.
12:07De quoi inquiéter les habitants de la vallée
12:09qui ont du mal à s'en sortir
12:10dans cet environnement froid
12:12et peu favorable à l'agriculture.
12:16Si le temps change
12:17et qu'il se mette à pleuvoir,
12:19on devra arrêter
12:19et on pourra dire adieu à la récolte.
12:22Il s'agit donc de ne pas traîner.
12:31La méthode de cueillette
12:32employée par la famille d'Aronat
12:34est très dangereuse
12:35puisqu'elle consiste à grimper
12:37sans la moindre sécurité
12:38à des arbres au tronc extrêmement résineux.
12:41Par chance, les aiguilles
12:42ne sont pas très pointues.
12:45Regardez toutes ces pommes de pain !
12:48La plupart des fruits
12:49poussent à la cime des cèdres.
12:52Les cueilleurs plus âgés
13:02restent toujours près du tronc,
13:04là où les branches sont bien stables.
13:07Les jeunes, eux,
13:09ont le goût du risque
13:10et s'éloignent un peu,
13:11mais jamais à plus de 50 cm du tronc.
13:15Avec une main,
13:16on s'agrippe à une branche bien stable
13:18et de l'autre,
13:20on cueille les pommes de pain
13:20qui sont au bout des branches.
13:22pour faire tomber les fruits
13:25trop difficiles à atteindre,
13:26les hommes secouent les branches
13:28avec les pieds.
13:30« Amat !
13:31Magne-toi un peu !
13:32T'en as combien pour l'instant ? »
13:36Le terrain est très pentu.
13:38Un faux pas,
13:39une mauvaise prise
13:39et les hommes risquent de tomber.
13:41De nombreuses branches sont pourries
13:43et peuvent casser à tout moment.
13:48« Quand il pleut,
13:49ça devient vraiment dangereux.
13:51Les branches mouillées glissent
13:53sous la main et sous les pieds.
13:54Il y a beaucoup d'accidents. »
13:55Il y a beaucoup d'accidents.
14:00Six heures de travail
14:01sans pause.
14:03Un sac rempli de pommes de pain
14:04pèse une trentaine de kilos
14:05et représente une heure de cueillette.
14:08Les hommes espèrent en tirer
14:09au moins 1000 roubles,
14:10soit une quinzaine d'euros par sac.
14:12Le plus fatigant,
14:21c'est de déplacer les sacs.
14:24Heureusement qu'on a les chevaux
14:25pour les transporter jusqu'au camp.
14:28Sinon, je ne sais pas comment on ferait.
14:30C'est une belle astuce.
14:31C'est une belle astuce, toujours.
14:42Le premier jour,
14:43la petite équipe remplit 30 sacs.
14:4610 de moins qu'elle ne l'espérait.
14:57C'est quand même pas mal.
15:00Ça aurait pu être mieux,
15:02mais bon, ça va.
15:11Une journée de cueillette acrobatique
15:13non-stop, ça donne faim.
15:15Michael prépare
15:16un ragoût de moutons aux légumes.
15:19Pour augmenter leur rendement journalier,
15:21les hommes pourraient mettre en œuvre
15:22des méthodes plus musclées.
15:24Mais la famille d'Aronat s'y refuse.
15:30Dans d'autres régions de Sibérie,
15:33les cueilleurs utilisent
15:34d'énormes maillets
15:36et des machines vibrantes
15:37pour récolter jusqu'à la dernière pomme
15:39de chaque pain.
15:40On n'a pas le droit de taper sur le tronc
16:00avec un maillet.
16:01Ça abîme l'écorce.
16:02Ça fait sortir la sève
16:03et ça fait mourir l'arbre à petit feu.
16:05Nous, nous grimpons à mains nues
16:07et nous secouons les branches
16:08avec les pieds
16:09parce que nous respectons la nature
16:10et nous voulons la préserver.
16:15La cueillette sauvage,
16:16telle que la pratique
16:17la famille d'Aronat,
16:18met certes les hommes en danger,
16:20mais elle ne nuit pas aux arbres.
16:22Dans le creux de la vallée,
16:37à Yodro,
16:38le village d'Aronat,
16:40femmes, enfants et vieillards
16:41sont entre eux.
16:42Même absents,
17:00les hommes partis sur les hauteurs
17:02sont dans tous les esprits.
17:04La mère d'Aronat, Marina,
17:06s'inquiète pour son mari,
17:07son fils et son beau-fils.
17:09« J'ai toujours peur
17:14quand les hommes vont dans la Taïga.
17:16S'il se met à pleuvoir
17:17et que les rivières entrent en crue,
17:19ils peuvent rester coincés
17:20de l'autre côté
17:21jusqu'au retour du beau temps.
17:24Il y a des loups dans les bois.
17:26Ils pourraient se faire attaquer. »
17:31Marina s'occupe des enfants
17:33de ses deux filles
17:34qui travaillent dans des villes
17:35assez éloignées.
17:36« Tu m'apportes la farine ? »
17:54Au menu d'aujourd'hui,
17:56des blinis,
17:57les crêpes traditionnelles russes.
17:59À la saison des pignons de cèdre,
18:01elle en met volontiers dans sa pâte.
18:02« Les pignons donnent un bon goût
18:17aux blinis,
18:17un peu résineux.
18:21Ils sont très gras,
18:23mais c'est du bon gras.
18:25Et ils contiennent plein de choses
18:27excellentes pour la santé. »
18:30Une fois la pâte bien mixée,
18:36Marina cuit ses blinis sur le feu
18:38dans une poêle graissée
18:39à l'huile de pignons de cèdre.
18:49« Les pignons donnent un bon goût
18:51de nombreux habitants de l'Altai
18:52sont convaincus que les pignons
18:53et l'huile de pignons de cèdre
18:55font mincir et constituent
18:57un remède imparable
18:58contre les ongles cassants,
19:00la chute des cheveux
19:01et de nombreuses maladies
19:03comme les gastrites
19:04et les problèmes de peau.
19:05Une fois qu'on a retiré
19:18les pignons,
19:19on fait une décoction
19:20avec les pommes de pain.
19:24Je verse de l'eau bouillante dessus,
19:26je couvre
19:26et je laisse infuser
19:28pendant trois heures.
19:29Cette décoction,
19:33nous la mettons dans l'eau du bain
19:34et nous nous lavons avec.
19:36Ça nettoie vraiment bien.
19:37Dans les montagnes,
19:55la première semaine de récolte
19:57touche à sa fin.
19:58La plupart des cueilleurs
19:59rentrent dans leur village
20:01se reposer quelques jours
20:02avant de retourner dans la Taïga
20:04où ils resteront
20:05tant qu'il y aura
20:06des pommes de pain
20:07à récolter
20:08et qu'ils ne se feront pas
20:09chasser par la pluie.
20:21C'est l'heure
20:21de charger les sacs
20:22dans le vieux 4-4
20:23ainsi que sur les chevaux
20:25pour les descendre
20:26dans la vallée.
20:26Ils vont devoir faire
20:28plusieurs allers-retours
20:29car ils ont récolté
20:31près de 200 sacs
20:32à eux 4.
20:33Un résultat un peu décevant
20:35comparé à l'objectif
20:36de 300 sacs
20:37qu'ils s'étaient fixés
20:38et que trois jours
20:39de pluie et d'orage
20:40les ont empêchés
20:41d'atteindre.
20:41Le soir venu
20:59Marina respire
21:01ses 4 hommes
21:02sont rentrés
21:03sains et saufs
21:04et voici la famille
21:05à nouveau réunie.
21:11Quand on rentre
21:26on est sur les rotules
21:27et comme vidé
21:28alors on n'a goût à rien
21:30on a besoin
21:32d'une bonne séance
21:32de relaxation
21:33à la bagna
21:34pour se retaper.
21:36On met bien
21:36un ou deux jours
21:37pour être à nouveau
21:38soi-même.
21:41Ils sont très fatigués
21:45mais on ne peut pas
21:45se plaindre.
21:46La période de la récolte
21:47est bonne pour tout le monde.
21:49C'est beaucoup de travail
21:50et beaucoup d'argent
21:51et on est encore plus content
21:52de se retrouver
21:53en fin de semaine
21:53avant qu'ils repartent
21:54dans la Taïga.
22:05La bagna
22:06est un bain
22:07de vapeur chaude
22:08à la différence
22:09du sauna scandinave
22:10à chaleur sèche.
22:11Les températures
22:13y sont élevées
22:14mais avec un fort
22:15taux d'humidité
22:16elles sont très supportables
22:18comme dans un hamam.
22:28Deux gros tétons
22:30et un gros nombril.
22:31Ne sois pas impertinent.
22:32Le mien
22:32je le vois même pas.
22:33J'adore la bagna
22:41ça fait tellement de bien.
22:46Quand il fait
22:47moins 40 dehors
22:48c'est encore meilleur.
22:49À moins 40
22:50on se les gêne.
22:51Oui
22:52l'hiver
22:52c'est super.
22:53c'est super.
22:57C'est fermé.
23:39Au frère des pommes de pin, les pignons destinés à leur consommation personnelle.
23:44Les autres sacs seront vendus tels quels.
23:47Michael pense qu'ils en tireront un bon prix.
23:50Les acheteurs savent que la récolte sauvage demande de gros efforts et qu'il y a beaucoup de déchets.
23:55Les pignons ne représentent que 25% du poids des sacs.
24:09Nous vendons une grande partie de notre récolte.
24:19Nous ne gardons qu'une petite portion de pommes de pin pour nous.
24:25Nous extrayons les pignons, nous les faisons sécher et nous les entreposons dans notre grenier à grains.
24:31La maison des Bakchukov est en travaux.
24:44Les pommes de pin n'ayant pas été au rendez-vous l'automne dernier,
24:47la famille vit depuis deux ans dans une maison en chantier ouverte aux quatre vents.
24:52Mais les recettes de la récolte de cette année devraient leur permettre d'acheter un nouveau poil.
24:56Nous espérons avoir une grosse rentrée d'argent grâce à la récolte.
25:17Les travaux coûtent cher.
25:19Nous devons nous dépêcher de finir si nous ne voulons pas être à nouveau frigorifiés cet hiver.
25:26Nous sommes fin octobre.
25:32L'hiver arrive à petits pas dans la vallée de la Chouya.
25:36Peu de visiteurs s'aventurent encore jusqu'à Yodro.
25:39Ce petit café sera le seul lieu de rencontre publique des villageois
25:43pendant les longs mois froids et sombres de l'hiver sibérien.
25:46La visite des acheteurs de pignons est chaque année source de stress.
26:08Alors, tu as des pommes de pain ?
26:15Oui, des tonnes.
26:17Sergei Golsov est chargé des achats pour une grande entreprise de transformation des pignons basée à Novosibirsk.
26:25Il a des clients dans tous les villages de la vallée.
26:27Ils sont de bonne qualité ?
26:29Oui, on vient de les rapporter.
26:31C'est la portion de récolte qui me revient ?
26:39Oui, tout ça.
26:41Tu en demandes combien ?
26:441500 roubles par sac, 20 euros.
26:47Non, hors de question.
26:49Je t'en donne 1000 ?
26:51Certainement pas.
26:54Alors 1200, 16 euros.
26:56D'accord.
26:57Les deux hommes se connaissent depuis des années et s'apprécient.
27:04Mais comme tous les villageois de la vallée, Mikhail appréhende l'offre de Sergei.
27:11Je n'éprouve aucune honte à marchander avec les vendeurs.
27:15Je ne leur veux pas de mal.
27:16Mais s'ils demandent trop pour leurs marchandises, ils risquent de ne pas la vendre.
27:21Personne ne leur achètera un prix trop élevé.
27:23Il y a beaucoup d'acheteurs.
27:25Et ils veulent tous des pignons ultra frais.
27:27Car ils s'abîment vite.
27:28Alors les récoltants doivent vendre sans tarder.
27:31Mikhail a vendu 30 sacs pour 480 euros.
27:35L'équivalent d'un mois et demi de salaire dans la région.
27:37Et il a encore de nombreux sacs à vendre à d'autres acheteurs.
27:40Peut-être à meilleur prix.
27:42La famille a calculé qu'elle pourra vivre 4 mois avec l'argent de cette première récolte.
27:47Avant de reprendre la route, Sergei a une surprise pour Aronat.
27:59Aronat, j'ai une bonne nouvelle pour toi.
28:03Tu voulais faire un stage dans notre entreprise, n'est-ce pas ?
28:07Égor, mon chef, a dit qu'il t'embauchait.
28:12Alors réfléchis bien et dis-moi.
28:13D'accord ?
28:14S'il accepte cette offre de stage rémunéré, Aronat aura de quoi s'acheter un cheval.
28:34Car l'argent de la récolte va dans les caisses familiales.
28:38Mais faire ce stage, ça veut dire aller à Novosibirsk, à plus de 600 kilomètres de son village.
28:44Ça fait déjà deux ans que j'y pense, et que je me demande si je dois partir moi aussi travailler en ville.
29:03Comme tant d'autres jeunes dans la vallée.
29:05Jusque-là, je n'ai pas réussi à me décider.
29:08Une fois, je suis allé dans une petite ville, et je suis tombé malade.
29:11J'avais du mal à respirer, et ma tension faisait le yo-yo.
29:15Je me sentais vraiment mal.
29:18Cette fois-ci, Aronat se sent le courage de quitter l'Altai.
29:22À 24 ans, il va tourner le dos à ses montagnes pour la première fois, et tenter l'aventure de la grande ville.
29:27J'adore les montagnes.
29:34L'air y est si pur et si limpide.
29:38Il n'y a rien de plus beau que de partir dans la nature sauvage avec des amis.
29:43De passer la nuit au clair de lune,
29:46et de s'asseoir autour d'un feu de camp pour bavarder.
29:49La récolte sauvage est terminée.
30:07Aronat s'en va à Novosibirsk.
30:09Les gens de l'Altai ne sont pas très démonstratifs,
30:12mais Marina a pris le temps de sculpter un petit porte-bonheur à son fils
30:15dans du bois de cèdre de Sibérie.
30:17Nous portons des talismans pour nous protéger,
30:28pour qu'ils ne nous arrivent pas malheurs,
30:31surtout quand nous voyageons.
30:35Ils nous portent bonheur et nous ouvrent les portes.
30:47Michael va conduire son fils jusqu'à Ongudai,
30:58la plus grande commune de la vallée.
31:00Là-bas, Aronat pourra monter dans un camion
31:03qui doit livrer une cargaison de pignons de cèdre à Novosibirsk.
31:06De la route, on aperçoit des stèles, vieilles de plusieurs siècles.
31:24Elles marquent l'endroit où ont été énumés des personnages puissants
31:27d'anciens peuples cavaliers nomades.
31:29Comme les talismans, ces stèles sont tombées dans l'oubli à l'époque soviétique,
31:35mais on y prête à nouveau attention depuis une trentaine d'années.
31:39Certaines remontent à 800 ans avant notre ère
31:41et représentent des personnages portant des talismans,
31:44signes d'une tradition de longue date.
31:46Le regain d'intérêt pour les amulettes
32:07est notamment porté par une fabrique de talismans en bois de cèdre de Sibérie.
32:16Ce bois est facile à travailler.
32:24Il est tendre et dégage un puissant parfum de résine.
32:36Ce sont toutes des pièces uniques.
32:40Je les sculpte à la main et non pas à la machine.
32:44Je ne vois pas ça comme un simple travail du bois.
32:46C'est plus profond que ça.
32:56Chaque mascotte a sa spécificité.
32:59En fonction du motif représenté,
33:01elles promettent de la chance en amour
33:03ou le bonheur familial,
33:05la réussite financière ou encore une bonne santé.
33:08a, en jugé par toutes les anecdotes qui nous parviennent,
33:38nos talismans font leur office.
33:41Celui-ci porte bonheur aux futures mamans.
33:44Il aide les femmes qui n'arrivent pas à tomber enceintes.
33:48En le portant, elles sont sûres d'y arriver.
33:51La meilleure preuve, c'est notre collègue Julia.
33:55Elle vient d'avoir un enfant.
34:07Aronat arrive à Ongudai.
34:21Il est temps pour lui de dire au revoir à son père.
34:24Il sera parti un mois.
34:26Jamais encore il n'a été séparé aussi longtemps de sa famille.
34:35Allez, salut !
34:37Pour tout bagage, Aronat a emporté deux tenues de rechange dans un sac en plastique.
34:44Il entend bien prendre un peu de son salaire pour s'acheter de nouveaux vêtements à Novosibirsk.
34:49Ongudai compte 5000 habitants, plusieurs écoles, des cabinets médicaux
34:53et un certain nombre de banques et de services municipaux
34:56qui semblent encore placés sous l'œil vigilant de Lénine.
34:59Dans deux jours, Aronat pourra embarquer dans le camion qui le conduira à Novosibirsk.
35:19D'ici là, il logera chez le fils de son futur patron.
35:22Andrei Valerievich connaît Aronat depuis qu'il est tout petit.
35:28Aronat est comme un frère pour moi.
35:30Nous n'avons aucun lien de parenté, mais nous appartenons au même peuple de l'Altai,
35:33qui a des racines longues et solides.
35:35C'est cela qui nous unit depuis toujours et pour toujours.
35:44Andrei est relativement connu dans l'Altai en tant que musicien.
35:49Son répertoire s'étend des chants traditionnels d'iphonique à l'ethno-pop.
35:54Aronat l'accompagne dans son studio où il doit faire quelques prises de son pour son nouvel album.
36:05Dans nos ères traditionnelles de l'Altai, nous chantons avant tout les louanges de nos cèdres.
36:25Pour nous, ce sont des arbres sacrés.
36:27Nous nous servons de leurs racines pour fabriquer nos instruments,
36:30comme le topshour, notre belle alaïka.
36:33Je vais te montrer mon nouveau clip.
37:00Je suis très fier d'Andrei.
37:02J'aime beaucoup sa musique.
37:05Malheureusement, je n'ai encore jamais pu aller à un de ses concerts.
37:08Je n'ai pas eu le temps, mais j'aimerais bien.
37:13Je ne suis pas une star de la pop ou de quoi que ce soit.
37:16Dans l'Altai, il n'y a pas de célébrité.
37:18Je suis comme tout le monde.
37:20On me connaît un peu, mais ça ne fait pas de moi une star.
37:23Dans notre culture, ça n'existe pas.
37:25Il n'y a pas de privilégié.
37:27Aucune personne ne vaut mieux qu'une autre.
37:28La récolte des vallées environnantes arrive à Ongoudaï.
37:45Sergei Golsov n'arrête pas.
37:56À cette période de l'année, il est toujours en train d'acheter, de charger ou de transborder des sacs de pommes de pain.
38:01Pendant les mois de récolte, cette petite ville déborde d'activités.
38:10Beaucoup de gens viennent ici pour chercher du travail.
38:12Ici, les salaires sont plutôt bons et ils leur permettent de rembourser leurs crédits.
38:16De nouveaux magasins ouvrent et on peut faire quelques achats.
38:19Les graines sont extraites des pommes de pain à Ongoudaï pour éviter d'alourdir les camions et de multiplier les voyages.
38:40Mais les pignons sont encore recouverts de leur écalure.
38:43Une pellicule brune, épaisse et très dure.
38:46La concurrence est rude.
38:52Les Chinois envahissent le marché et nous mènent la vie dure.
38:55Ils viennent avec des valises remplies d'argent.
38:57Ils achètent des stocks énormes qu'ils sont prêts à payer à n'importe quel prix.
39:01Pour les cueilleurs, c'est une aubaine.
39:03Mais pour les acheteurs comme moi, c'est la guerre.
39:05C'est grâce à Sergei qu'Aronat a une place dans un camion.
39:21Salut mon frère, comment ça va ?
39:24Bien, bien.
39:26Les gars, je vous présente Aronat, qui va faire la route avec toi, Yevgeny.
39:32Tu rouleras prudemment, hein ?
39:35Allez, c'est parti.
39:36Vas-y, monte.
39:48Et pas de bêtises à l'usine, hein ?
39:51Ne nous fais pas honte.
39:52Et pas de bêtises à l'usine, hein ?
39:55En route.
40:13Qu'est-ce que tu vas faire à Novosibirsk ?
40:16Un stage.
40:18Il y a un théâtre magnifique là-bas.
40:20C'est parti pour 12 heures de route et un changement de décor radical.
40:30Tu dois absolument aller à l'aquapark.
40:32L'aquapark ?
40:33C'est une grande piscine.
40:50Nutsi est l'une des cinq usines de Novosibirsk dédiées, entre autres, à la transformation des pignons de cèdre de Sibérie.
41:02Les graines récoltées dans les régions alentours sont d'abord contrôlées, puis stockées dans des silos, avant d'être décortiquées dans l'usine.
41:09Bonjour Aronat.
41:19Ravi de t'avoir comme stagiaire.
41:20Viens, je vais te faire visiter l'usine.
41:28Nutsi travaille aussi les noisettes de Géorgie et les noix de macadamia australienne pour en faire des snacks destinés au marché russe.
41:39Les pignons de cèdre, eux, sont exportés dans le monde entier, après avoir été décortiqués, lavés, séchés et triés en fonction de leur qualité.
42:03Dans cette machine, les pignons sont extraits de leur écalure, tu vois ?
42:09Gouttes ?
42:13Ils sont bons.
42:17C'est très bruyant dans ces locaux, contrairement à chez moi.
42:33Là-bas, on vit dans le calme total.
42:36On ne connaît que ça.
42:38Il va falloir que je m'habitue au vacarme.
42:40Cette trieuse de fabrication suisse est la fierté de l'usine.
42:47Elle est dotée de caméras internes qui permettent de séparer les pignons en fonction de leur taille, de leur couleur et de leur forme.
42:53C'est incroyable tout ce qu'il faut faire pour préparer les pignons à la vente.
43:05Je ne pensais pas que ça demandait autant de travail, mais c'est très intéressant.
43:08Les pignons de cèdre contiennent 62% de matière grasse.
43:19La pression à froid permet de produire une huile excellente pour la santé.
43:23Afin de conserver ses qualités, elle doit être consommée crue pour un usage aussi bien thérapeutique que culinaire.
43:38Nos clients adorent notre huile.
43:41Elle est délicieuse dans les salades.
43:43De plus en plus de végétariens et végétaliens l'adoptent.
43:46Mais les pignons sont aussi appréciés en tant que tels.
43:49Bon nombre de pâtissiers nous en commandent pour les utiliser dans leur gâteau.
43:53Les mamans qui allaient ne jurent que par eux, parce qu'ils favorisent la lactation.
43:57Et la dernière gourmandise à la mode, c'est la glace aux pignons de pain.
44:01Avant la révolution russe, il n'y avait que les gens riches qui connaissaient les pignons.
44:04Il était difficile de s'en procurer et pour les décortiquer, ce n'était pas une mince affaire.
44:09Sous le régime soviétique, ils sont tombés dans l'oubli.
44:12Aujourd'hui, ils connaissent une renaissance.
44:14La demande augmente d'année en année.
44:19Aronat a terminé sa visite des locaux et le voici déjà au travail.
44:23Pour un gardien de chevaux de l'Altai, le travail en usine est une expérience plutôt dépaysante.
44:43Une fois bien propre et soigneusement emballé, les pignons sont expédiés aux quatre coins du monde
44:48pour y être travaillés dans d'autres usines de transformation.
44:53Le week-end venu, Aronat explore Novosibirsk, la troisième plus grande ville de Russie.
45:04Le week-end venu.
45:10...
45:10...
45:14C'est parti !
45:44La ville en elle-même est très belle, avec tous ses monuments, ses statues, mais quel vacarme ! Je déteste le bruit.
46:02Par contre, il y a beaucoup de jeunes, ça c'est chouette, même si je n'aime pas les voir s'embrasser en public dans les parcs.
46:10Ce n'est pas respectueux envers les autres.
46:11Chez nous, dans l'Altaï, on ne ferait jamais ça.
46:41Je n'avais jamais vu personne faire du skateboard. On n'en fait pas chez nous. C'est la première fois que j'en vois.
46:53Je n'ai pas envie d'essayer. Ça a l'air vraiment dangereux. Et puis, je ne saurais pas comment m'y prendre.
47:08Moi, mon truc, c'est les chevaux.
47:09Aronat va devoir supporter la grande ville encore trois semaines. Un monde qui lui est totalement étranger.
47:23Parviendra-t-il à l'apprécier ?
47:25La plupart des jeunes de l'Altaï se font happer par les grandes villes.
47:34Pour endiguer l'Exode, les anciens tentent d'enthousiasmer la nouvelle génération pour les traditions rurales et la vie à la campagne.
47:41Aujourd'hui, Michael va apprendre à son petit-fils à grimper au conifère.
47:49Artyom a 11 ans. Et l'an prochain, il participera à la récolte.
47:56Attention ! Ne fais rien d'imprudent.
48:00Reste où tu es. Je te rejoins.
48:02Je peux continuer ?
48:13Tu dois toujours t'appuyer sur les branches les plus grosses.
48:21Celles qui poussent directement du tronc.
48:24Tu comprends ? Comme celle-ci.
48:29Et je les secoue avec les pieds ?
48:31Oui, mais tiens-toi bien.
48:34Je n'ai même pas peur d'être aussi haut.
48:41C'est le devoir du père, du grand-père ou du frère aîné d'apprendre aux petits à grimper.
48:50Plus ils commencent tôt, plus ils seront à l'aise dans les arbres une fois grands.
48:55Je suis impatient de m'asseoir autour du feu avec mes frères et de dormir sous la tente.
49:01Ils racontent toujours des histoires rigolotes.
49:14Le stage d'Aronat touche à sa fin.
49:16Désolé de te déranger.
49:20Ah, Aronat, j'ai entendu parler de toi.
49:23Tu es le stagiaire d'On Goudaï.
49:25J'espère que tu as trouvé ça intéressant de voir comment on travaillait les pignons.
49:28Si ça t'a plu, reviens quand tu veux.
49:31Merci.
49:34Merci.
49:34J'ai bien aimé l'ambiance avec les autres employés, mais je ne pourrais pas travailler à l'usine tout le temps.
49:51Les machines, le bruit, et puis ce type de travail ne me convient pas.
49:55Je suis habitué à quelque chose de plus physique, de plus intense.
49:57Aronat a pris sa décision.
50:07Il restera dans la vallée.
50:14Avec les 20 000 roubles gagnés à la ville, soit 280 euros,
50:18ajoutés à ses derniers salaires de gardien de chevaux,
50:21il a enfin assez d'argent pour réaliser son rêve.
50:25Acheter son propre cheval.
50:27Ce cheval m'a toujours beaucoup plu.
50:33Il est magnifique et très rapide.
50:36Je n'ai pas eu de mal à choisir.
50:41Valéry est ravi de faire plaisir à son jeune employé,
50:44qui retrouve déjà ses copains pour faire la course avec son propre cheval.
50:48Je n'abandonnerai jamais mes chevaux.
51:15Depuis que je suis petit, c'est comme s'il faisait partie de moi.
51:19Et c'est pour toujours.
51:20Je suis prêt à faire plaisir.
51:22Et j'ai vécu.
51:23Et j'ai vécu.
51:23Je suis prêt à faire passer sur ma vieille comme ça.
51:26Et c'est qu'on km qui se pourrai.
51:27J'ai vécu.
51:28Et j'ai vécu.
51:29Je suis prêt à faire passer sur ma vieille.
51:32Je suis prêt à faire passer...
52:03...