Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
L’attentat de Charlie Hebdo, le crash de la Germanwings, le tsunami de 2004 .... Gilles Reix a passé 30 ans à la police scientifique et a identifié des milliers de corps. Cette semaine dans Les coulisses du crime, il partage son histoire et ses souvenirs d’enquêtes. Les livres de Gilles Reix sont dispo ici ⬇️

Parmi les morts, les enquêtes de l’extraordinaire :https://amzn.eu/d/6rhMcAe
L’arme du crime : https://amzn.eu/d/d1EgM0U

______

🔗 Nos réseaux sociaux :

📥 Chaîne WhatsApp : https://whatsapp.com/channel/0029VaWvSGS4NVirzICwc60
📲 Facebook : https://www.facebook.com/LeNouveauDetective/
📸 Instagram : https://www.instagram.com/lenouveaudetective_officiel/
👥 Twitter : https://twitter.com/MagDetective

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00:00Moi qui n'avais pas envie de me déplacer sur cette affaire parce qu'il était tard et je devais rentrer chez moi et tout ça,
00:00:05là quand je suis rentré, je peux vous dire que ça avait été remis à ma place et puis voilà.
00:00:11C'est des scènes de massacre en fait, des scènes de massacre.
00:00:14On se demande comment jusqu'où la noirceur humaine peut aller en fait.
00:00:30Bonjour à tous et bienvenue sur la chaîne YouTube du Nouveau Détective.
00:00:34Aujourd'hui je rencontre Gilles Rex qui est l'auteur du livre Parmi les Morts.
00:00:38Il revient sur plusieurs de ses travaux en tant que technicien de scènes de crime.
00:00:42Bonjour Gilles.
00:00:43Bonjour Nisse.
00:00:44Vous allez bien ?
00:00:45Merci, ça va et vous ?
00:00:46Ça va merci.
00:00:47Pour commencer l'interview, je voudrais que vous vous présentiez.
00:00:51Donc vous donnez votre nom, votre prénom, votre métier.
00:00:54Alors je m'appelle Gilles Rex, j'ai 62 ans, je suis retraité de la police nationale
00:00:59et pendant une trentaine d'années, j'ai travaillé déjà en service général dans un commissariat de la banlieue parisienne
00:01:09et puis ensuite j'ai intégré la police technique et scientifique.
00:01:14Dans les années 90, je suis devenu technicien de scènes de crime et j'ai participé à différentes affaires que tout le monde connaît.
00:01:22Ok.
00:01:23Est-ce que vous pouvez revenir sur votre métier et expliquer vraiment en quoi il consiste ?
00:01:28Pour vraiment donner une définition plus précise ?
00:01:31Alors, le métier de technicienne de scènes de crime, on dit maintenant gestionnaire de scènes d'infraction,
00:01:38donc c'est se rendre sur des scènes relativement importantes, mais on n'y est pas tout seul,
00:01:44c'est-à-dire qu'on arrive en groupe et la gestion de scènes de crime, c'est faire les constatations avec le service enquêteur,
00:01:50c'est-à-dire que la police technique et scientifique n'est jamais seule sur les lieux,
00:01:55elle est toujours accompagnée d'un service qui est saisi de l'enquête, qui va faire l'enquête.
00:01:59La brigade criminelle, généralement, pour des scènes de crime, et ça peut être la BRB pour des vols importants,
00:02:05des cambriolages importants, ou alors la brigade des mineurs pour tout ce qui concerne les mineurs,
00:02:11ou la brigade des stupéfiants, etc.
00:02:12Donc nous, on les accompagne, souvent c'est une équipe de trois personnes qui se déplacent,
00:02:18un photographe, un dessinateur qui va faire le plan, et puis quelqu'un, comme moi, c'était ma spécialité,
00:02:27on va rechercher les empreintes digitales sur les lieux, et puis faire des prélèvements biologiques aussi.
00:02:32D'accord. Donc en fait, il n'y a pas forcément besoin qu'il y ait de victimes de quoi que ce soit pour que vous interveniez ?
00:02:38Non, non, non, non. Il peut y avoir une victime sur les lieux, ou alors pas de victime du tout, c'est déjà arrivé, bien sûr.
00:02:45Et comment l'êtes-vous devenu ?
00:02:47Alors, bon, moi j'ai commencé une carrière dans la police classique, c'est-à-dire, je suis entré dans la police dans les années 1980.
00:02:57J'étais gardien de la paix, tout d'abord. J'ai été affecté dans un commissariat de la banlieue parisienne, à Saint-Cloud, dans le 92, les Hauts-de-Seine.
00:03:05Et puis je suis resté trois ans environ en service général, c'est-à-dire que comme j'étais gardien de la paix, j'avais une tenue.
00:03:12Donc je sortais en police secours, sur les sorties d'école, les accidents de la route, voilà, sur les affaires du quotidien.
00:03:22Et puis après, j'étais détaché avec l'équipe des inspecteurs. À l'époque, on appelait les inspecteurs ceux qui faisaient les enquêtes.
00:03:30Donc vous les accompagnez ?
00:03:31Moi, j'étais avec eux, oui, je travaillais, j'étais inclus dans leur groupe, alors je faisais des enquêtes comme eux, les auditions, je les accompagnais, j'étais avec eux.
00:03:38Donc j'ai les perquisitions, les interpellations quand il fallait, etc.
00:03:42Et donc, dans ce commissariat, j'y suis resté une dizaine d'années.
00:03:45Et en 1994, j'ai intégré la police technique et scientifique parce qu'à cette époque-là, ce service-là se développait.
00:03:54Il y avait beaucoup plus de moyens financiers qui étaient attribués, les budgets étaient plus importants.
00:03:59Et puis il y avait aussi toute l'informatique qui arrivait dans les commissariats et dans les services et en police technique et scientifique.
00:04:06Le fichier des empreintes se développait et donc, voilà, ça permettait d'ouvrir ces postes.
00:04:11Et pourquoi vous avez choisi d'entrer dans cette spécialité ?
00:04:15Alors, moi, ça, ça m'a toujours intéressé.
00:04:18Au début, jusque dans les années 90, les gardiens de la paix ne pouvaient pas rentrer dans ces spécialités.
00:04:24Elles étaient plutôt dévolues aux inspecteurs de police ou alors aux enquêteurs de police.
00:04:29C'était des grades de la police nationale à l'époque.
00:04:32Mais les gens en tenue, quoi comme moi, n'y avaient pas accès.
00:04:36Et dans les années 90, on va ouvrir tous les postes d'investigation, c'est-à-dire tout ce qui tourne autour des enquêtes judiciaires, on va l'ouvrir au corps en tenue des gardiens de la paix aussi.
00:04:50Donc, les gardiens de la paix vont pouvoir devenir officiers de police judiciaire et vont pouvoir travailler dans des services d'enquête.
00:04:58Donc, la police technique et scientifique s'ouvre également.
00:05:01Et c'est comme ça que j'ai pu intégrer ce service-là.
00:05:05Donc, en fait, vous allez suivre une formation ?
00:05:07Alors, ce sont des formations en interne à l'époque, d'ailleurs toujours, aujourd'hui, mais à l'époque, ce sont des formations en interne.
00:05:13Donc, on intègre ce service, on fait une demande, il faut attendre qu'il y ait des postes.
00:05:17On fait la demande, on a un entretien, etc.
00:05:20On est pris ou on n'est pas pris.
00:05:21Et quand on est pris, comme je l'ai été, donc on va être envoyé pour subir des formations au siège de la police technique et scientifique.
00:05:34Aujourd'hui, c'est à Lyon, c'est à Éculi, dans la banlieue Ouest de Lyon.
00:05:37Et là, tous les gens qui intègrent la police technique et scientifique aujourd'hui,
00:05:41donc commencent leur formation en suivant des stages en interne.
00:05:46Et ça dure combien de temps ?
00:05:47Alors, ça dépend, ça dépend, ça dépend.
00:05:49Moi, quand je suis entré, c'est différent parce que quand je suis entré, moi, dans les années 90,
00:05:56on faisait un stage de trois mois.
00:06:00De trois mois, c'était à l'école des inspecteurs de police qui étaient à Canécluse.
00:06:06Et donc, on était comme dans un internat.
00:06:08Et pendant trois mois, de manière intensive, on faisait toute la formation.
00:06:11Et cette formation consistait à être formée dans la technique photo,
00:06:16le développement.
00:06:18À l'époque, on faisait encore des photos sur des films.
00:06:21Donc, voilà.
00:06:23Et donc, on développait nos films à l'ancienne.
00:06:25On faisait nos tirages photos, papiers, dans des machines.
00:06:30Voilà, développement, fixation, rinçage des photos.
00:06:35On dessinait, on apprenait à faire des prélèvements biologiques.
00:06:39Donc là, on avait un package.
00:06:41Quand on sortait de cette formation-là, on avait une formation presque globale de cette technicité.
00:06:47Aujourd'hui, quand les gens entrent en police technique et scientifique,
00:06:52surtout dans le service auquel j'ai appartenu pendant les 20 dernières années,
00:06:56au service régional de police technique de Paris,
00:07:00il y a plusieurs sections, plusieurs métiers différents.
00:07:03Et en fait, quand les gens entrent, ils ont une petite formation quand même globale au début.
00:07:09Mais après, ils sont formés spécifiquement par rapport aux tâches qu'ils vont accomplir dans les différentes sections.
00:07:15Alors que vous, à votre époque, c'était un peu plus général ?
00:07:18C'était général.
00:07:19Et on avait accès à tout.
00:07:21Maintenant, non, c'est plus spécialisé.
00:07:23Mais maintenant, il n'y a plus de recrutement concernant les policiers,
00:07:29ce qu'on appelle les policiers actifs,
00:07:31ceux qui sont armés, qu'on voit dans la rue et qui participent comme ça aux enquêtes.
00:07:34Aujourd'hui, les personnels qui intègrent la police technique et scientifique
00:07:38ont plus des profils scientifiques à la base,
00:07:41des formations physiques, chimiques, biologiques.
00:07:44Et donc, ils passent les concours de techniciens de police technique et scientifique
00:07:50ou alors ingénieurs.
00:07:53Mais il y aura de moins en moins de gens, de policiers armés,
00:08:00alors qu'il y aura de plus en plus de personnels comme ça
00:08:03qui seront pris sur concours ayant des compétences spécifiques.
00:08:08Tout à l'heure, vous me disiez que vous avez exercé votre métier pendant 30 ans.
00:08:11Vous voyez, en tout, c'est même plus que ça.
00:08:15C'était 36 ans, je crois, ou 37 ans.
00:08:19D'accord.
00:08:20Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu, on va dire ça, votre première fois ?
00:08:26La première fois, comment ?
00:08:28La première fois que vous exercez en tant que technicien de Sainte-de-Crime.
00:08:31La première fois que j'exerce en tant que technicien de Sainte-de-Crime.
00:08:34Donc, on est encore sur le 92.
00:08:39Je n'ai pas encore intégré les services de Paris.
00:08:42Et je suis formé en 1998.
00:08:47C'est ma mémoire est bonne, technicien de Sainte-de-Crime.
00:08:49Et sur le 92, on est dans un service où on n'a pas vraiment accès aux Sainte-de-Crime, en fait.
00:08:57Parce que dès que, comme c'est un petit service, je suis dans un petit service, c'est un service local de police technique.
00:09:03On est formé, malgré tout, quand il y a un crime, on appelle les spécialistes parisiens, ceux du 36.
00:09:11Donc, on s'occupe plutôt que des petites affaires, entre guillemets, des petits cambriolages, des petits braquages, des choses comme ça.
00:09:19Donc, votre première fois, c'est du vol ?
00:09:21La première fois, voilà, c'est ça.
00:09:23C'est du cambriolage, du vol, des choses comme ça.
00:09:25Donc, on gère ces affaires-là.
00:09:28Et après, les premières scènes de crime vont se passer à Paris, quand je vais intégrer l'identité judiciaire parisienne, au 36, qui est des Orfèvres.
00:09:37Donc là, effectivement, je vais commencer à sortir en faisant partie de la permanence judiciaire de ce service.
00:09:46Donc, avec la brigade criminelle ou les grandes autres brigades qui seront saisies.
00:09:54OK.
00:09:55Tout à l'heure, vous nous disiez que vous étiez trois dans une équipe de police scientifique.
00:09:59où vous avez chacun vos rôles.
00:10:01Oui.
00:10:02C'est ça.
00:10:02Donc, c'est comme ça que ça fonctionne ?
00:10:03Oui.
00:10:04On vous appelle, vous travaillez avec les policiers.
00:10:06Oui.
00:10:06Vous avez chacun votre rôle.
00:10:07Oui.
00:10:07OK.
00:10:10Dans votre livre, vous revenez sur l'attentat de Charlie Hebdo et de l'hyper-cacher.
00:10:16Oui.
00:10:16Comment vous réagissez ? Parce qu'en France, il n'y a pas eu vraiment de gros attentats.
00:10:23Comment vous, vous réagissez quand vous apprenez ?
00:10:26Alors, il y avait eu des attentats avant nous, mais nous, on ne les avait pas connus.
00:10:30C'était les derniers attentats importants avant cette période de 2015.
00:10:35C'était 1995, en fait.
00:10:37C'était le RER, Saint-Michel, etc.
00:10:41Mais nous, on n'y était pas.
00:10:42On n'y avait pas travaillé.
00:10:46Et là, et malgré tout, malgré tout, donc, les attentats de 1995 ont engendré des formations
00:10:54qu'on avait mises au point.
00:10:57Quand on arrive à 2015, là, pour ces attentats dont vous parlez, il y a déjà dix ans qu'on se forme,
00:11:03qu'on a des entraînements avec les différentes brigades parisiennes.
00:11:08Au niveau de la préfecture, il y a des protocoles qui sont mis en place.
00:11:12Et les services d'enquête, la brigade criminelle et l'identité judiciaire forment des collègues
00:11:17comme ça à pouvoir intervenir sur des choses compliquées comme ces gestions de scènes d'attentat.
00:11:23Donc, quand ça se passe, vous êtes déjà formé.
00:11:25Alors, quand ça se passe, on a une base de formation et un protocole en tête.
00:11:30Et heureusement, et heureusement, j'allais dire, parce que si vous arrivez,
00:11:35si vous tombez du jour au lendemain sur des affaires comme ça que vous n'avez jamais anticipé,
00:11:39jamais vu, là, ça va être très compliqué.
00:11:42Donc, nous, quand on arrive, on a un protocole de base qui est établi.
00:11:47On sait que, d'abord, c'est le chaos.
00:11:50Premièrement, on laisse la place au service des secours.
00:11:53Les médecins, les infirmiers, les pompiers, ceux qui vont essayer de sauver les vivants,
00:11:59bien sûr, de porter secours aux blessés.
00:12:02Et ensuite, nous, quand on arrive, il ne reste que les personnes décédées.
00:12:06Quand il y a un chaos comme ça et des scènes immenses dans plusieurs lieux,
00:12:13plusieurs scènes de crime dans plusieurs endroits et tout,
00:12:17il faut qu'on ait un protocole en tête, comme je vous le disais.
00:12:19Donc, on va sectoriser les lieux.
00:12:22On va faire des carrés.
00:12:23On va faire différentes zones sur lesquelles on va mettre différentes équipes
00:12:26et avec des coordinateurs pour superviser tout ça pour que, dans chaque lieu,
00:12:33remontent les informations importantes, qu'on puisse gérer ça de manière un peu pyramidale
00:12:38et pour que ce soit plus facile et plus simple pour tout le monde.
00:12:45Mais vous, d'un point de vue personnel, qu'est-ce que vous ressentez ?
00:12:48Alors, d'un point de vue personnel, quand on arrive là, c'est un chaos,
00:12:52c'est une scène de massacre, Charlie Hebdo.
00:12:54C'est des choses qu'on n'a jamais vues.
00:12:56Moi, je n'ai jamais vu autant de corps réunis dans un lieu aussi petit.
00:13:00Et il y a du sang partout, évidemment.
00:13:04Ces gens qui sont là, qui sont très, très connus médiatiquement,
00:13:09moi, je ne les reconnais pas.
00:13:10Donc, il n'y en a qu'un que j'arrive à reconnaître.
00:13:12C'est Bernard Maris, le journaliste économique.
00:13:15Et parce que je suis fan, je le regarde souvent à la télévision,
00:13:19quand il passe, voilà.
00:13:20Mais voilà, c'est tout.
00:13:22Donc, on est vraiment abattu.
00:13:26On prend un coup immédiatement.
00:13:28Psychologiquement, c'est très difficile.
00:13:30Et là, il faut qu'on rentre pourtant dans l'histoire.
00:13:34C'est-à-dire qu'il va falloir quand même faire quelque chose d'utile
00:13:37et avancer et gérer ça.
00:13:39Et là, on va essayer de reprendre un filtre
00:13:43pour essayer de se mettre à distance de ce qui est autour de nous
00:13:47de manière à pouvoir quand même travailler
00:13:49parce qu'on a quelque chose à faire et à rendre au bout du compte.
00:13:53Et là, on revient dans notre rôle
00:13:56de technicien de scène de crime
00:14:00ou de coordinateur, comme je l'étais pour cette période-là.
00:14:04Donc, voilà, de manière à quand même essayer de se remettre au boulot.
00:14:11Et ça dure combien de temps, par exemple,
00:14:13quand vous travaillez sur une scène de crime dans ce genre ?
00:14:16Là, pour Charlie, on est arrivé, je crois que c'était entre 13h et 13h30,
00:14:22quelque chose comme ça.
00:14:23Et après, on est parti au milieu de la nuit à 3 ou 4h du matin.
00:14:27Donc, là, ça a duré...
00:14:30Ça a duré 10h.
00:14:31Ouais, plus, plus, plus, plus, 12h ou 14h.
00:14:34Voilà.
00:14:35Donc, c'était pareil pour l'hypercachère.
00:14:38On y est arrivé le soir, une fois que l'assaut a été donné.
00:14:42Et après, on est reparti vers 5h du matin.
00:14:45OK.
00:14:45Donc, tout à l'heure, on me disait que vous suivez une formation
00:14:51pour préparer à ce genre d'événement, aux attentats.
00:14:56Mais est-ce que vous êtes vraiment, vraiment, au fond de vous,
00:14:59est-ce que vous êtes vraiment préparé à avoir toutes ces horreurs ?
00:15:01Non, mais on n'est jamais préparé à ça, en fait.
00:15:03On n'est jamais préparé à ça.
00:15:06On se prépare, on fait comme un exercice,
00:15:09comme un sportif de haut niveau, s'entraîne à courir.
00:15:12Il sait qu'il faut qu'il mette un pas devant l'autre
00:15:14pour traverser la ligne d'arrivée.
00:15:16Mais il ne sait jamais quels adversaires il va avoir à côté de lui.
00:15:20Lui, il sait ce qu'il doit faire.
00:15:22Mais après, dans la course, il ne va pas être seul.
00:15:25Il va y avoir tout un tas de problématiques.
00:15:28Mais nous, c'est pareil, en fait.
00:15:29Quand on arrive, on se prépare à un protocole
00:15:33à faire des choses qu'il faut qu'ils soient naturelles et automatiques.
00:15:38Des photos, des plans, des prélèvements.
00:15:40On sait que tel objet, ça ne sera pas intéressant.
00:15:42En revanche, si on trouve celui-là,
00:15:44il faudra le prendre absolument, etc.
00:15:46Celui-là sera prioritaire par rapport aux autres.
00:15:48D'accord, très bien.
00:15:49Mais après, quand ça arrive et que vous êtes là,
00:15:53effectivement, il y a tout cet environnement perturbateur
00:15:57qui est là et qu'il faut gérer également.
00:16:01Dans votre livre, vous revenez sur le crash de German Wings.
00:16:04Je voudrais juste vous revenir sur un passage.
00:16:07Il y a une femme qui se fait passer pour l'approche d'une victime
00:16:10pour obtenir un voyage gratuit aux frais de la compagnie.
00:16:14Comment vous réagissez quand vous apprenez ?
00:16:16Alors ça, on l'apprend un peu plus tard.
00:16:18On l'apprend, mais...
00:16:20Alors là, c'est très étonnant.
00:16:22Effectivement, c'est une Allemande
00:16:24qui va profiter des largesses, entre guillemets,
00:16:28de la compagnie, la Lufthansa,
00:16:30qui ramène toutes les familles des blessés,
00:16:33ou pas des blessés, mais des morts, je veux dire,
00:16:36qui les amènent à Seine-les-Alpes,
00:16:38à la Chapelle Ardente, etc.,
00:16:39sur les lieux, pour qu'ils se rendent compte.
00:16:42Et elle, elle va profiter,
00:16:42elle va se faire passer pour quelqu'un d'une famille
00:16:44et pour venir...
00:16:46Mais ça, c'est pour nous, c'est étonnant.
00:16:52Alors, quand on travaille dans la police,
00:16:54je vais vous dire,
00:16:55on n'est plus étonné par grand-chose.
00:16:57Parce que l'actualité et le quotidien
00:17:00nous montrent,
00:17:01d'un jour sur l'autre,
00:17:04qu'il y a des choses étonnantes
00:17:05qui peuvent se passer.
00:17:07Et ça, ça fait partie
00:17:08des choses humaines,
00:17:12des comportements humains
00:17:14qui sont inexplicables.
00:17:16Mais il y a, je crois,
00:17:19une vingtaine de personnes
00:17:21qui sont connues
00:17:22pour les attentats parisiens.
00:17:24Pour les attentats parisiens.
00:17:26Et ceux de Nice, après,
00:17:28l'année d'après,
00:17:29il y a une vingtaine de dossiers
00:17:31qui ont été connus,
00:17:32de gens qui ont été interpellés,
00:17:34jugés, condamnés,
00:17:35pour essayer,
00:17:36pour s'être fait passer aussi
00:17:38pour des fausses victimes,
00:17:40pour avoir profité de...
00:17:43Il y a des fonds,
00:17:44des fonds d'aide aux victimes,
00:17:46de dédommagement pour les victimes,
00:17:49donc qui peuvent recevoir de l'argent,
00:17:51les victimes qui peuvent recevoir
00:17:52de l'argent pour aider
00:17:54dans les malheurs qui leur arrivent.
00:17:57Et il y a quand même
00:17:57une vingtaine de cas de dossiers,
00:18:00de personnes comme ça,
00:18:01qui se sont fait passer
00:18:01pour des fausses victimes
00:18:02pour essayer d'avoir des sous.
00:18:03Donc en fait,
00:18:04ça arrive souvent,
00:18:05souvent, ce genre de situation.
00:18:07Alors souvent, je ne sais pas,
00:18:08mais en tout cas,
00:18:09ça arrive et c'est arrivé.
00:18:10Donc, en plus de gérer
00:18:14la vraie catastrophe,
00:18:16il y a aussi des enquêtes
00:18:18qui sont développées
00:18:21pour aussi essayer
00:18:23de s'occuper de ça en parallèle.
00:18:26Vous disiez qu'il y avait
00:18:29des morceaux de corps partout.
00:18:31Pour la Germanwings, oui.
00:18:32C'est ça.
00:18:35Moi, la première question
00:18:36que je me suis posée,
00:18:37c'est comment vous faites,
00:18:38je vais un peu vulgariser le truc,
00:18:40mais comment vous faites
00:18:41pour donner le bon bras
00:18:43à la bonne personne ?
00:18:45Comment vous procédez ?
00:18:48En fait,
00:18:48donc là,
00:18:49tout le monde comprend bien,
00:18:50un crash d'avion,
00:18:52tous les corps,
00:18:53il n'y a pas de corps entier.
00:18:54En fait, ils sont polyfragmentés.
00:18:57Donc, ce sont des parties de corps
00:18:58qui sont prélevées en montagne,
00:19:00qui sont faits lors du relevage.
00:19:03Après,
00:19:04chacune des parties de corps
00:19:06va être analysée
00:19:09sous l'autorité du médecin légiste
00:19:13autour de la table d'autopsie.
00:19:14Il va être photographié,
00:19:15il va y avoir un numéro de suivi,
00:19:17de contrôle de cette partie de corps
00:19:21pour qu'il soit suivi
00:19:22à différentes étapes de l'autopsie.
00:19:23Et c'est surtout grâce à l'ADN
00:19:27qui va être prélevé
00:19:28dans chacune de ces parties de corps
00:19:30qu'on va attendre l'analyse ADN.
00:19:34Effectivement,
00:19:34quand deux ou trois ou quatre
00:19:36ou dix parties de corps
00:19:37vont donner comme résultat
00:19:40le même ADN,
00:19:41on sait que ces parties de corps-là
00:19:43font partie d'une seule personne.
00:19:47C'est un peu zèle.
00:19:49C'est ça, c'est ça, c'est ça.
00:19:52Et donc, au bout du compte,
00:19:53on attend que toutes les parties de corps
00:19:55soient analysées
00:19:56de manière à reconstituer
00:19:58les personnes,
00:19:59enfin, les reconstituer
00:20:01et puis pour pouvoir les prendre aux familles.
00:20:03Mais ça prend du temps
00:20:04parce qu'il y a des milliers
00:20:04et des milliers de marchés.
00:20:05Oui, mais ça prend du temps.
00:20:07Mais bon, alors là,
00:20:09vous pensez que sur des affaires comme ça,
00:20:11tout le monde est concentré
00:20:12sur ce genre d'affaires.
00:20:14Ceux qui travaillent là-dessus
00:20:15ne font que ça, quoi.
00:20:17J'allais dire jour et nuit,
00:20:18mais pas la nuit.
00:20:21Là, on ne travaillait pas la nuit,
00:20:22mais on s'arrêtait très tard le soir
00:20:23et on commençait
00:20:24de très, très bonne heure le matin.
00:20:26Et donc, là, c'est pareil.
00:20:27On travaillait moins de douze heures par jour
00:20:30de manière à ce que
00:20:31toutes les relevés,
00:20:33les analyses
00:20:34soient puissent être faites
00:20:35le plus rapidement possible
00:20:37puisqu'en fait,
00:20:38c'est toujours la problématique
00:20:39dans toutes les affaires,
00:20:41que ce soit des crashs d'avion
00:20:42ou des catastrophes naturelles
00:20:44comme les tsunamis
00:20:45ou les attentats.
00:20:47En fait, c'est toujours la même chose.
00:20:50On a toujours la pression sur les épaules.
00:20:52Les équipes ont toujours les pressions
00:20:54de qu'est-ce que vous faites
00:20:56et comment et de qui il s'agit.
00:20:58Il faut aller toujours plus vite,
00:21:00plus vite, plus vite.
00:21:02Ce sont les politiques qui demandent ça.
00:21:04C'est la presse qui demande ça.
00:21:06Les familles qui demandent ça.
00:21:08Et ça, on comprend.
00:21:09C'est naturel.
00:21:10C'est normal.
00:21:11Mais il y a des choses
00:21:12dont le temps n'est pas compressible.
00:21:15Il y a quand même des analyses
00:21:17qui doivent être faites
00:21:18et qui demandent un certain temps
00:21:20pour l'être.
00:21:21Et donc, il faut faire les examens
00:21:24qu'il faut de manière à s'assurer
00:21:27que nos résultats sont bien les bons,
00:21:30sont bien justes
00:21:31pour ne pas donner
00:21:31de fausses identifications
00:21:32et dire n'importe quoi.
00:21:37Est-ce que les familles
00:21:38peuvent voir le corps de leurs proches
00:21:41ou c'est bien trop choquante ?
00:21:43Non, non.
00:21:44Mais là, non.
00:21:44Dans ces cas-là,
00:21:45personne ne verra le corps.
00:21:47Non.
00:21:48Donc, ils ne vont pas procéder
00:21:49à l'identification de leurs proches.
00:21:52Non, ça n'est pas possible.
00:21:53Non, non.
00:21:54OK.
00:21:56Ensuite, il se passe le tsunami
00:21:57en Thaïlande en décembre 2004.
00:22:00Vous vous rendez sur place
00:22:02en Thaïlande ?
00:22:04Et je veux juste rajouter,
00:22:07juste avant le tsunami,
00:22:09pour la Germanwix,
00:22:10mais comme pour les attentats parisiens,
00:22:13dès qu'on identifie des corps
00:22:14ou des parties de corps,
00:22:16ce sont les spécialistes
00:22:17qui se réunissent
00:22:19pour s'assurer...
00:22:20Il y a une commission,
00:22:21finalement, à la fin,
00:22:22une commission d'identification
00:22:23qui est faite,
00:22:24et tout ça sous le contrôle
00:22:26du procureur de la République.
00:22:27Oui.
00:22:27Et c'est le procureur de la République,
00:22:29au final,
00:22:30après,
00:22:30qui signe
00:22:31la reconnaissance finale,
00:22:33qui va...
00:22:34qui est seul habilité
00:22:36à réagir
00:22:38et à parler à la presse
00:22:39pour faire ces annonces-là.
00:22:40Donc, voilà, quoi.
00:22:41C'est quand même des choses
00:22:43qui sont très établies
00:22:44et c'est une vraie procédure.
00:22:46Je voulais savoir,
00:22:47est-ce que ces victimes,
00:22:48ensuite,
00:22:49ils ont des funérailles ?
00:22:51Ah, bien sûr.
00:22:52C'est possible ?
00:22:52Bien sûr, non, non.
00:22:53Mais après,
00:22:54toutes les funérailles des victimes,
00:22:55après,
00:22:56c'est en fonction des familles.
00:22:58C'est les familles
00:22:58qui décident, bien sûr.
00:23:00Après,
00:23:00ils récupèrent les corps,
00:23:01après,
00:23:02ils font toutes les funérailles
00:23:03selon leurs rituels religieux
00:23:08de chacun,
00:23:09chacune.
00:23:10Donc, voilà,
00:23:11il n'y a pas de problème.
00:23:11D'accord.
00:23:13Du coup,
00:23:14on va revenir sur le tsunami.
00:23:16Est-ce que vous rendez
00:23:17sur place en Thaïlande ?
00:23:19Oui.
00:23:19Alors, moi,
00:23:19j'y suis allé plus tard.
00:23:21Le tsunami,
00:23:21ça se passe le 26 décembre 2004.
00:23:24Donc, tout de suite,
00:23:26dans les premiers jours,
00:23:27avec certains de mes collègues parisiens,
00:23:29on est envoyé au ministère,
00:23:32au ministère de l'Intérieur,
00:23:33puisque c'est là
00:23:33où il y a une cellule antémortem
00:23:36qui va être en contact
00:23:37avec les familles.
00:23:38Parce qu'en gros,
00:23:39pour revenir un peu dessus,
00:23:41si vous voulez,
00:23:41donc,
00:23:42lorsqu'il y a des catastrophes
00:23:43comme ça qui se passent,
00:23:45la problématique,
00:23:46toujours,
00:23:46c'est de redonner
00:23:47un nom aux victimes,
00:23:49puisqu'on ne sait pas
00:23:50à qui on a affaire.
00:23:52On retrouve des gens
00:23:53qui sont sur des plages,
00:23:54qui ont été noyés,
00:23:55qui sont morts,
00:23:56ou voilà.
00:23:57Et donc,
00:23:58et ces corps-là,
00:23:59on ne sait pas
00:23:59à qui on a affaire.
00:24:01Et on va mettre en œuvre,
00:24:05il y a une unité nationale
00:24:08d'identification des victimes
00:24:10de catastrophes
00:24:10qui est composée
00:24:11de policiers et de gendarmes
00:24:12qui travaillent ensemble
00:24:13pour ces choses de circonstances,
00:24:17en fait.
00:24:18Ce n'est pas leur quotidien,
00:24:19ils ne travaillent pas
00:24:20toute l'année là-dessus.
00:24:21Mais lorsqu'un événement
00:24:22comme ça majeur se déclenche,
00:24:24cette unité est constituée.
00:24:26Et on va faire deux groupes.
00:24:27Un groupe antémortem
00:24:29qui est en contact
00:24:30avec les familles
00:24:31pour obtenir le maximum
00:24:32de renseignements.
00:24:33Et un groupe post-mortem
00:24:35qui va se rendre
00:24:36sur les lieux de la catastrophe
00:24:37de manière à pouvoir
00:24:39faire les relevages
00:24:40et toutes les autopsies
00:24:41des corps.
00:24:42Donc ce groupe antémortem,
00:24:44ce groupe antémortem,
00:24:46oui,
00:24:47lors des autopsies,
00:24:49il va prendre
00:24:49les empreintes digitales,
00:24:53l'odontologie,
00:24:54l'ADN,
00:24:56plus des signalements
00:24:57de la personne
00:24:58qui est autopsiée.
00:24:59s'il y a des opérations,
00:25:02des tatouages,
00:25:04des signalements particuliers,
00:25:06la couleur des yeux,
00:25:07des cheveux,
00:25:08la taille,
00:25:09l'âge à peu près,
00:25:10etc.
00:25:11Et de l'autre côté,
00:25:12le groupe antémortem,
00:25:13post-mortem qui est,
00:25:15non,
00:25:16antémortem,
00:25:16c'est avec les familles
00:25:17et post-mortem,
00:25:18c'est sur la table d'autopsie.
00:25:20Et le groupe antémortem,
00:25:22en relation avec les familles,
00:25:25vont demander aussi
00:25:26tous les renseignements
00:25:28concernant la personne disparue.
00:25:30c'est-à-dire qu'elle donne
00:25:32des empreintes
00:25:34qui auraient été déposées
00:25:35dans une préfecture
00:25:36si elle avait fait établir
00:25:38un passeport
00:25:38ou une carte d'identité,
00:25:41l'adresse
00:25:42et les coordonnées
00:25:44du dentiste
00:25:45pour voir
00:25:46si les travaux
00:25:48qui auraient été faits
00:25:50sur cette personne disparue,
00:25:52l'adresse
00:25:53du médecin
00:25:55qui pourrait déterminer
00:25:57qu'il y a eu une opération,
00:25:59la pose d'une prothèse,
00:26:01etc.,
00:26:02une amputation,
00:26:04voilà,
00:26:05vous voyez,
00:26:06on peut aussi aller
00:26:07chez des personnes
00:26:07pour éventuellement
00:26:08retrouver des empreintes
00:26:10digitales chez elles,
00:26:11celles qui sont disparues.
00:26:13Oui,
00:26:14donc,
00:26:15et après,
00:26:16une fois qu'on a prélevé
00:26:17le groupe antémortem
00:26:18à prélever
00:26:19toutes ces informations
00:26:20et le groupe post-mortem
00:26:21sur l'étape d'autopsie
00:26:22à prélever
00:26:23ces informations
00:26:24à elle,
00:26:26donc on va faire
00:26:27un rapprochement
00:26:28avec un logiciel adapté
00:26:29pour faire matcher
00:26:31les renseignements
00:26:32des uns et des autres
00:26:33de manière à pouvoir
00:26:35rendre les corps
00:26:36aux familles.
00:26:37D'accord.
00:26:38Et famille aussi,
00:26:38on va leur demander,
00:26:39les proches,
00:26:40les parents,
00:26:40les frères,
00:26:41les sœurs,
00:26:41on va leur demander
00:26:42leur ADN à elles
00:26:43pour comparer aussi
00:26:44avec l'ADN
00:26:45des gens qu'on autophie.
00:26:46Des gens que vous avez retrouvés.
00:26:48Dans votre livre,
00:26:49vous disiez que
00:26:49vous retrouvez un caméscope
00:26:51dans un hôtel.
00:26:52Oui.
00:26:53Il est exploitable ?
00:26:55Est-ce que vous voyez
00:26:56quelque chose
00:26:56dans le caméscope ?
00:26:57Alors non,
00:26:57ça je ne l'ai pas vu,
00:26:58je ne sais pas.
00:27:00Il était sous les fondations
00:27:02d'Alotel,
00:27:03c'était à l'Hôtel Kaolak
00:27:04où beaucoup de Français
00:27:06sont morts.
00:27:07Et il était sous les fondations.
00:27:09Donc ça,
00:27:10c'est des recherches
00:27:10qu'on a faites,
00:27:11moi,
00:27:11quand j'y étais,
00:27:12parce que je suis allé
00:27:12après en juillet.
00:27:14Donc il y avait
00:27:15l'ambassadeur de France
00:27:16qui était là,
00:27:17l'ambassadeur de France
00:27:18à Bangkok,
00:27:19qui était là.
00:27:21Un capitaine des pompiers
00:27:24qui était venu,
00:27:24spécialiste en catastrophe
00:27:27comme ça naturelle,
00:27:28qui était là
00:27:29pour mener les recherches
00:27:32avec des policiers locaux.
00:27:34Et sous les fondations,
00:27:35puisque les familles
00:27:36disaient,
00:27:37demandaient
00:27:37à ce qu'il y ait
00:27:37de nouvelles recherches
00:27:39qui soient faites.
00:27:39D'accord.
00:27:40Et sous les fondations,
00:27:41donc on avait retrouvé
00:27:42un caméscope
00:27:42qui était enfoui dans le sable
00:27:43puisqu'avec des motopompes,
00:27:45ils envoyaient de l'eau
00:27:46et ils aspiraient.
00:27:47et en aspirant,
00:27:48ils ont aspiré
00:27:49des objets comme ça
00:27:49dans le caméscope.
00:27:51Vous venez de dire
00:27:52qu'il y a des familles
00:27:53qui demandaient des recherches
00:27:54parce qu'il y a des personnes
00:27:55qui n'ont jamais été retrouvées.
00:27:57Oui,
00:27:57si,
00:27:58elles ont été retrouvées.
00:28:00Mais là,
00:28:00on était en juillet.
00:28:01Et en juillet,
00:28:02les identifications
00:28:03n'étaient pas terminées
00:28:04de toutes les personnes
00:28:05puisqu'elles ont eu lieu
00:28:06pendant l'été,
00:28:08pendant l'été,
00:28:09juillet,
00:28:09au mois d'août.
00:28:10Il y avait encore,
00:28:12de mémoire,
00:28:13il me semble,
00:28:13c'était 30 ou 35
00:28:15victimes françaises
00:28:17qui n'étaient pas retrouvées
00:28:18parce qu'en fait,
00:28:20la France,
00:28:22la France,
00:28:23il y avait,
00:28:24il y a eu 95 morts
00:28:26au tsunami.
00:28:27Mais il n'y a eu que,
00:28:31si j'ose dire,
00:28:31autour de 75 ou 76 dossiers
00:28:33d'ouvert.
00:28:35Parce que les autres,
00:28:36la différence,
00:28:38ils étaient morts,
00:28:38mais ils ont été reconnus
00:28:39tout de suite sur place
00:28:40par leur entourage,
00:28:41par les gens
00:28:42qui les accompagnaient.
00:28:43D'accord.
00:28:44Celle dont on ne savait pas
00:28:46où ils se trouvaient,
00:28:47en fait.
00:28:47Donc nous,
00:28:48on a ouvert les dossiers.
00:28:50Les gens ont commencé
00:28:51à être identifiés,
00:28:52mais là-bas,
00:28:53il y avait 5000 morts.
00:28:55En fait,
00:28:55il y avait 76 Français,
00:28:58mais il y avait 5000 autres morts
00:29:02de différentes nationalités.
00:29:05Donc,
00:29:06toutes les autopsies
00:29:07qui étaient faites,
00:29:08toutes les nationalités
00:29:10étaient mélangées.
00:29:11Et on ne savait pas
00:29:12où étaient les Français,
00:29:13les Allemands,
00:29:13les Suédois
00:29:14ou les Australiens.
00:29:16Donc ça veut dire
00:29:17que vous avez travaillé
00:29:18aussi sur des personnes
00:29:19qui étaient de différentes nationalités.
00:29:19Bien sûr.
00:29:20Bien sûr.
00:29:21C'est pour ça que
00:29:22le protocole
00:29:23qui a été mis en place
00:29:25a été sous l'égide d'Interpol.
00:29:28Donc Interpol dirigeait
00:29:30toute cette communauté internationale
00:29:31de police diverse.
00:29:34Il y avait eu
00:29:34plus d'une trentaine
00:29:35de policiers,
00:29:36de police différentes.
00:29:38Et donc,
00:29:39où il y avait
00:29:39un médecin légiste belge,
00:29:41un photographe espagnol,
00:29:44et puis d'autres
00:29:44qui travaillaient autour
00:29:45un Français,
00:29:46un Anglais,
00:29:47etc.
00:29:48Tout le monde travaillait ensemble
00:29:49pour identifier tout le monde.
00:29:51Et là,
00:29:52ils se sont constitués,
00:29:53les banques,
00:29:54tous les gens
00:29:54qui passaient
00:29:55des banques d'emprunt,
00:29:56des banques d'ADN,
00:29:57des banques d'odontologie.
00:30:00Et parmi les Français,
00:30:03eux,
00:30:03qu'on avait,
00:30:04nous,
00:30:05au groupe,
00:30:06en contact avec les familles,
00:30:07eh bien,
00:30:08c'est plus de 70 Français,
00:30:10eh bien,
00:30:10on a envoyé
00:30:11ces recherches à faire
00:30:13parmi toutes les...
00:30:15Toutes les victimes.
00:30:15Toutes les victimes là-bas.
00:30:17D'accord.
00:30:17Et donc,
00:30:18ça,
00:30:18ça a commencé,
00:30:19après,
00:30:19ça a commencé
00:30:20à être identifié,
00:30:21à matcher
00:30:22au mois de février ou mars,
00:30:25là,
00:30:25et puis après,
00:30:26pendant toute l'année,
00:30:27quoi.
00:30:28En compte-gouttes,
00:30:29quoi.
00:30:29En compte-gouttes,
00:30:30voilà,
00:30:30quoi.
00:30:31Jusqu'à la fin de l'année.
00:30:32Pourquoi il y avait
00:30:34une désorganisation totale ?
00:30:37Ah ben,
00:30:37ça,
00:30:37c'est un chaos,
00:30:38ça,
00:30:39c'est un chaos majeur,
00:30:40ça,
00:30:40c'est sûr.
00:30:40Déjà,
00:30:42ça faisait...
00:30:43Personne n'avait jamais connu
00:30:44une catastrophe
00:30:46d'une ampleur pareille
00:30:47qu'un pays.
00:30:49Donc,
00:30:49en plus,
00:30:50la Thaïlande,
00:30:50donc,
00:30:51n'était pas habituée
00:30:52à gérer,
00:30:53mais nous non plus,
00:30:54de toute façon,
00:30:54personne n'était habitué
00:30:55à gérer ça.
00:30:56Mais en plus,
00:30:57la Thaïlande n'avait pas
00:30:58le protocole,
00:31:00les outils
00:31:00pour gérer ça,
00:31:02quoi.
00:31:02Donc,
00:31:03il a fallu que,
00:31:05sous l'égide d'Interpol,
00:31:07que toute la communauté internationale
00:31:08amène ses compétences
00:31:11professionnelles,
00:31:12en personnel
00:31:13et en matériel
00:31:14et en police technique
00:31:16et scientifique.
00:31:17C'était que des policiers
00:31:18techniques et scientifiques.
00:31:19Il n'y a pas d'enquête à faire,
00:31:20puisque la cause,
00:31:22on la connaît.
00:31:23L'auteur,
00:31:24c'est un tsunami
00:31:24qui a tué.
00:31:26Voilà,
00:31:26quoi.
00:31:27Donc,
00:31:27la seule chose à faire,
00:31:29c'est de...
00:31:30C'est d'identifier les gens.
00:31:31d'identifier les gens.
00:31:33Dans quelles conditions
00:31:34vous avez travaillé
00:31:35à ce moment-là ?
00:31:36Alors,
00:31:36moi,
00:31:36quand j'y vais,
00:31:37c'est beaucoup plus tard,
00:31:38donc c'est des conditions
00:31:39très confortables.
00:31:40Tout est passé,
00:31:41tout est fini,
00:31:41si vous voulez.
00:31:42En revanche,
00:31:43pour mes collègues
00:31:44qui sont allés
00:31:45en début d'année,
00:31:46dans les premiers jours
00:31:47et les premières semaines,
00:31:49là,
00:31:49c'était très,
00:31:49très compliqué.
00:31:51Là,
00:31:51il y avait des corps
00:31:52qui étaient mis
00:31:55dans des temples,
00:31:56comme ça,
00:31:57mais dans des bâches
00:31:58ou à même le sol,
00:31:59avec des blocs
00:32:01de neige carbonique
00:32:04dessus pour essayer
00:32:05que les corps
00:32:05ne se dégradent pas
00:32:06trop vite.
00:32:07Mais on est l'été,
00:32:09là-bas,
00:32:09c'est l'été,
00:32:10c'est Noël,
00:32:11mais là-bas,
00:32:11c'est l'été,
00:32:12avec la chaleur,
00:32:13etc.
00:32:14Les corps noyés
00:32:15qui ont séjourné
00:32:15dans l'eau
00:32:16vont très,
00:32:17très vite se dégrader.
00:32:18Et donc,
00:32:19il a fallu
00:32:20très rapidement
00:32:21essayer de trouver
00:32:22des containers frigorifiques
00:32:25à ramener
00:32:27de manière
00:32:27à pouvoir conserver
00:32:28les corps
00:32:29pour leurs examens.
00:32:31Donc,
00:32:31tout à l'heure,
00:32:32vous disiez
00:32:32que vous étiez formé
00:32:33pour les attentats.
00:32:35Mais est-ce que
00:32:35vous êtes aussi formé
00:32:36pour les catastrophes naturelles ?
00:32:38Oui,
00:32:38c'est ça,
00:32:38c'est...
00:32:38Enfin,
00:32:39alors,
00:32:40alors,
00:32:40bon,
00:32:42il y a
00:32:42ces trois formes
00:32:44de catastrophes.
00:32:46Ces catastrophes
00:32:47naturelles,
00:32:49tremblements de terre,
00:32:51tsunami,
00:32:53voilà,
00:32:53ou alors,
00:32:54comme à Mayotte,
00:32:56dernièrement,
00:32:57les ouragons,
00:32:57comme ça,
00:32:58qui ravagent une île.
00:33:00Les catastrophes
00:33:01accidentelles
00:33:02qui peuvent être
00:33:03des crashs d'avions,
00:33:04qui peuvent être
00:33:05des déraillements
00:33:06de trains,
00:33:08des choses comme ça.
00:33:10Et puis,
00:33:10des attentats,
00:33:12comme on a connu
00:33:12les attentats parisiens.
00:33:14Donc,
00:33:15le protocole
00:33:16d'identification
00:33:17des victimes
00:33:18reste le même,
00:33:19en fait.
00:33:19D'accord.
00:33:20En contact avec les familles
00:33:21pour qu'ils nous donnent
00:33:22des informations
00:33:23sur leurs disparus
00:33:24et sur les chaînes
00:33:27d'autopsie
00:33:27pour identifier
00:33:28les gens
00:33:29de manière
00:33:30à être certain
00:33:31de pouvoir
00:33:33restituer
00:33:33les bons corps
00:33:34aux bonnes familles.
00:33:35Est-ce que
00:33:35l'identification
00:33:36des victimes
00:33:37est plus difficile
00:33:38quand il s'agit
00:33:39d'attentats
00:33:40ou de catastrophes
00:33:41naturelles ?
00:33:44Alors,
00:33:44quand,
00:33:45pour les catastrophes
00:33:47naturelles,
00:33:48alors,
00:33:49le plus simple,
00:33:51c'est pour les,
00:33:52ce qu'on appelle
00:33:53une liste fermée,
00:33:56c'est-à-dire
00:33:56comme un crash d'avion,
00:33:57puisqu'on connaît
00:33:58le nom
00:33:59et des personnes
00:34:01qui voyagent.
00:34:02Et on connaît
00:34:03le nom
00:34:04des personnels navigants.
00:34:05Donc là,
00:34:06si vous voulez,
00:34:07on a juste,
00:34:08on a juste
00:34:10à se rapprocher
00:34:10des familles
00:34:11qui vont correspondre
00:34:13aux gens
00:34:13qui voyagent.
00:34:14C'est ce qu'on appelle
00:34:14une liste fermée.
00:34:15C'est finalement
00:34:16le plus simple.
00:34:17En revanche,
00:34:17après une liste ouverte,
00:34:19ça veut dire
00:34:19qu'on ne sait pas
00:34:20à qui on a affaire.
00:34:22Dans des attentats,
00:34:23comme les attentats parisiens,
00:34:25au Bataclan,
00:34:2690 morts,
00:34:27par exemple,
00:34:27ou à l'attentat
00:34:28de Nice
00:34:28de l'année d'après,
00:34:29en 2016,
00:34:3184 morts.
00:34:33Donc là,
00:34:34il y a une somme
00:34:35de nationalités
00:34:36et de personnes
00:34:37qui n'ont pas forcément
00:34:38des papiers d'identité
00:34:39sur elles.
00:34:40Donc là,
00:34:41on ne sait pas
00:34:41à qui on a affaire.
00:34:42Et il va falloir
00:34:43justement les identifier.
00:34:45Pareil
00:34:45pour une catastrophe
00:34:47naturelle
00:34:48comme un tremblement
00:34:49de terre
00:34:49ou alors
00:34:50le tsunami
00:34:51en Thaïlande.
00:34:52Les gens sont retrouvés
00:34:53en maillot de bain
00:34:54parce qu'ils étaient
00:34:54à la plage
00:34:55quand la vague est arrivée.
00:34:57Donc ils n'ont rien
00:34:58sur eux.
00:34:59Ils n'ont rien sur eux.
00:35:00Donc là,
00:35:00c'est une liste ouverte
00:35:01et on ne sait pas
00:35:02à qui on a affaire.
00:35:04Il se peut aussi...
00:35:06Alors là,
00:35:06on n'a pas vu ça
00:35:07en France actuellement,
00:35:08mais c'est déjà arrivé
00:35:09dans d'autres pays
00:35:11sur le continent africain
00:35:12ou même
00:35:13Amérique du Sud
00:35:14où on peut avoir
00:35:16une liste fermée,
00:35:18un avion
00:35:18qui va tomber
00:35:20sur une partie de ville
00:35:21ou un quartier
00:35:22et donc là,
00:35:23on va avoir
00:35:24les deux combinés
00:35:25si vous voulez.
00:35:26Ah oui, d'accord.
00:35:26Le 13 novembre 2015,
00:35:29il y a l'attentat
00:35:30du Bataclan.
00:35:32Est-ce que vous pouvez
00:35:32nous décrire
00:35:33la scène
00:35:34à laquelle
00:35:35vous êtes confronté ?
00:35:36Alors,
00:35:37pour le Bataclan,
00:35:37moi,
00:35:37je n'y suis pas allé.
00:35:39D'accord.
00:35:39Je n'y suis pas allé.
00:35:40Moi,
00:35:40j'étais juste
00:35:41au niveau
00:35:42du Stade de France
00:35:43puisque ce soir-là,
00:35:46le 13 novembre,
00:35:47nous étions invités
00:35:48justement par la German Wings,
00:35:50par la Lufthansa
00:35:51qui organisait
00:35:53pour remercier
00:35:54les gens
00:35:54qui avaient travaillé
00:35:55sur ce crash d'avion
00:35:57au du mois de mars.
00:35:58Ils avaient invité
00:35:59plusieurs centaines
00:36:00de personnes,
00:36:01des gens de la commune
00:36:02de Sainte-les-Arbes,
00:36:03des secouristes
00:36:04en montagne,
00:36:05etc.
00:36:05Et les policiers
00:36:07et les gendarmes
00:36:07qui avaient participé
00:36:08aux autopsies
00:36:09et au relevage des corps.
00:36:12Et donc,
00:36:13nous sommes allés
00:36:14d'abord
00:36:14chez Luc Besson,
00:36:15il y avait
00:36:16un cocktail dînatoire
00:36:17très sympathique,
00:36:18voilà.
00:36:19Et après,
00:36:20le clou de la soirée,
00:36:21tout le monde
00:36:22a été transféré
00:36:23en bus
00:36:23jusqu'au Stade de France
00:36:25à côté
00:36:25et nous étaient offerts
00:36:28les billets
00:36:29du match
00:36:30amical
00:36:31France-Allemagne.
00:36:32Comme par hasard
00:36:33le jour de...
00:36:34Le soir même,
00:36:35le 13 novembre au soir,
00:36:36c'était le 13 novembre au soir.
00:36:38Donc,
00:36:38on est là
00:36:38comme tout le monde,
00:36:39maquillé,
00:36:40bleu, blanc, rouge
00:36:41autour du stade
00:36:42de jeunes gens,
00:36:43maquillent tout le monde
00:36:44aux couleurs
00:36:44de son équipe,
00:36:45très bien.
00:36:46et après,
00:36:47on trouve
00:36:47des petits drapeaux,
00:36:49on fait là ou là,
00:36:50en fait,
00:36:51voilà,
00:36:51un match classique
00:36:52amical
00:36:52jusqu'à 21h16
00:36:55ou 17h
00:36:56où les premières
00:36:57explosions
00:36:57ont lieu,
00:36:59puisque les premières
00:36:59explosions du 13 novembre
00:37:01ont lieu
00:37:01au Stade de France,
00:37:02sous nos tribunes.
00:37:03Vous entendez ?
00:37:05Bien sûr,
00:37:06oui.
00:37:06Alors,
00:37:06c'est un bruit
00:37:06que je ne connais pas bien.
00:37:09C'est des détonations sourdes.
00:37:11Moi,
00:37:11j'en entends deux d'abord.
00:37:13Mais là,
00:37:14on sent qu'il y a
00:37:15un truc qui ne va pas.
00:37:16Donc,
00:37:17on descend dans les travées
00:37:18et là,
00:37:19je vois des collègues
00:37:21à nous
00:37:21qui tournent autour,
00:37:22qui sont en panique.
00:37:23En fait,
00:37:24les portes du stade
00:37:25se referment
00:37:25et on voit bien
00:37:27que là,
00:37:27il y a quelque chose
00:37:28qui ne va pas du tout.
00:37:30Et nous sommes sept
00:37:31de mon service
00:37:32à être là au stade.
00:37:34On était sept
00:37:35à nous être rendus
00:37:37à Sainte-des-Alpes
00:37:39au mois de mars.
00:37:40Donc,
00:37:41les sept même
00:37:42sont invités.
00:37:42On y va.
00:37:44Et on se fait extraire
00:37:46du stade
00:37:47pour revenir au 36
00:37:49à notre service,
00:37:50à la police technique
00:37:51et scientifique,
00:37:52de manière à s'équiper
00:37:53puisque là,
00:37:53on est comme ça
00:37:54en civil.
00:37:55On ne peut rien faire.
00:37:55On ne peut pas intervenir.
00:37:56On ne peut rien faire.
00:37:57Bien sûr.
00:37:58Et moi,
00:37:58je travaille,
00:37:59je suis à l'état-major
00:38:00du service
00:38:01à l'époque.
00:38:02Donc,
00:38:03là,
00:38:03avec mes collègues
00:38:04de l'état-major,
00:38:05mes chefs de service,
00:38:06on va mettre au point
00:38:08les équipes
00:38:09qui vont se rendre
00:38:10sur tous les lieux
00:38:12et travailler.
00:38:13Donc après,
00:38:14moi,
00:38:14je ne suis pas ressorti
00:38:15sur les scènes
00:38:18de la nuit
00:38:19sur les terrasses
00:38:20ou au Batacan.
00:38:22Après,
00:38:23moi,
00:38:23je repartirai
00:38:24le mercredi d'après.
00:38:26Le mercredi d'après,
00:38:27c'est l'assaut final
00:38:28du RAID
00:38:29qui aura lieu
00:38:30à Corbillon,
00:38:31à Saint-Denis,
00:38:32où là,
00:38:32j'irai
00:38:33et puis j'aurai
00:38:34le rôle de coordinateur
00:38:35du mercredi jusqu'au samedi.
00:38:36D'accord.
00:38:37Donc,
00:38:37ça veut dire
00:38:38que vous n'étiez pas
00:38:39sur place.
00:38:40Mais est-ce que
00:38:41est-ce que les familles ?
00:38:45Oui,
00:38:46après,
00:38:46j'ai vu
00:38:46toutes les photos,
00:38:47les films.
00:38:49J'ai écouté
00:38:49la bande-son
00:38:50du Bataclan
00:38:51par la suite.
00:38:53Donc,
00:38:53voilà.
00:38:54Puisque moi,
00:38:55j'étais coordinateur
00:38:56et donc,
00:38:57tout passait par moi.
00:38:58Chaque sortie
00:38:59qui était faite
00:39:00par mes collègues,
00:39:01ils me donnaient
00:39:02les comptes rendus d'affaires
00:39:03et c'est moi
00:39:03qui compulsais tout
00:39:04pour savoir
00:39:05quelle équipe
00:39:06était où
00:39:07à telle heure,
00:39:08tel jour,
00:39:09telle nuit
00:39:09quel scellé
00:39:12avait été fait,
00:39:13quel prélèvement.
00:39:14Parce qu'après,
00:39:15il y a tellement
00:39:15de sorties,
00:39:16de dizaines
00:39:16et des dizaines
00:39:17de sorties
00:39:18et d'analyses
00:39:18qui sont faites.
00:39:19Il faut quand même
00:39:20que ce soit compilé
00:39:21et qu'on sache,
00:39:23puisqu'on nous demande
00:39:24des services enquêteurs
00:39:25qui nous appellent régulièrement.
00:39:26Et du coup,
00:39:26ça,
00:39:26c'était votre travail ?
00:39:27Oui,
00:39:27voilà.
00:39:27D'accord.
00:39:28Vous venez de dire
00:39:29qu'il y avait un enregistrement
00:39:30audio du Bataclan.
00:39:31Oui.
00:39:31Qu'est-ce que vous entendez ?
00:39:32Là,
00:39:33c'est un audio,
00:39:35c'est un son qui...
00:39:37un ingénieur du son,
00:39:39technicien du son
00:39:40qui enregistre le spectacle
00:39:42et quand les premiers coups de feu
00:39:45vont résonner,
00:39:46lui,
00:39:46il va partir
00:39:47et ça tourne toujours.
00:39:48Et donc,
00:39:50pendant deux heures et demie,
00:39:51pendant tout le temps
00:39:52que dure la prise d'otages
00:39:55jusqu'à l'intervention
00:39:57de la BRI,
00:39:59de la BRI,
00:40:01ça va enregistrer.
00:40:03Donc,
00:40:04on entend tout de suite...
00:40:05Déjà,
00:40:06au début,
00:40:06c'est le concert.
00:40:08ça joue...
00:40:11C'était du rock,
00:40:12c'est ça ?
00:40:12C'était du hard rock,
00:40:13oui,
00:40:14même,
00:40:14c'est ça.
00:40:15Metal ou du hard rock
00:40:16ou metal.
00:40:17Je ne sais pas.
00:40:17C'était de la musique
00:40:19très forte
00:40:20et les premiers...
00:40:22On entend
00:40:23les premières détonations.
00:40:25Donc,
00:40:26pendant quelques secondes,
00:40:28il y a les détonations,
00:40:29mais la musique continue à jouer.
00:40:30En fait,
00:40:31le temps qu'ils se rendent compte
00:40:32de ce qui arrive,
00:40:33ça continue.
00:40:34Et là,
00:40:34bien sûr,
00:40:35tout s'arrête.
00:40:37Et là,
00:40:37on entend les cris
00:40:38et des froids,
00:40:41en fait,
00:40:41des spectateurs
00:40:43qui sont là.
00:40:44Et puis après,
00:40:45eh bien,
00:40:46plus les minutes passent,
00:40:49plus on va comprendre
00:40:50que les auteurs,
00:40:53ils sont trois,
00:40:54à entrer là,
00:40:55vont prendre en otage
00:40:56les spectateurs,
00:40:58ceux qui n'ont pas pu s'enfuir.
00:41:00Et ils vont commencer
00:41:01à tirer dessus
00:41:03et puis à les inactiver
00:41:05en disant que
00:41:06de toute façon,
00:41:07c'est de leur faute,
00:41:07c'est de la faute
00:41:08de leur président.
00:41:09Si nous faisons ça,
00:41:10c'est pour défendre
00:41:11nos frères,
00:41:12etc.
00:41:15En Irak,
00:41:16ailleurs.
00:41:17Donc,
00:41:17voilà,
00:41:18quoi,
00:41:18en fait,
00:41:18c'est ça.
00:41:19Et vous,
00:41:20qu'est-ce que vous ressentiez
00:41:21à l'écoute
00:41:22de cet audio ?
00:41:23Alors,
00:41:24à l'écoute,
00:41:25à l'écoute,
00:41:26en fait,
00:41:26c'est mon collègue.
00:41:28Moi,
00:41:28je l'écoute
00:41:28parce que mon collègue
00:41:30qui est chargé
00:41:30d'analyser
00:41:31cet enregistrement
00:41:33m'a demandé
00:41:35de repasser
00:41:36derrière lui
00:41:37pour essayer
00:41:38de voir
00:41:38si quelques mots
00:41:40qu'il n'aurait pas compris
00:41:41étaient bien ceux-là
00:41:42ou peut-être pas.
00:41:43Voilà,
00:41:43il veut me demander
00:41:44mon avis.
00:41:45Et donc,
00:41:46je vais y aller.
00:41:47Et donc,
00:41:48on est dans une petite salle
00:41:50à l'époque.
00:41:50C'était à l'ancienne adresse
00:41:52où on était.
00:41:53C'est une petite salle
00:41:54où il y a cet ordinateur
00:41:55avec un logiciel spécifique
00:41:58pour régler le son,
00:41:59un peu comme une table de mixage,
00:42:03là,
00:42:03un peu.
00:42:05Et...
00:42:06Donc,
00:42:08on est seul
00:42:09quand on écoute ça
00:42:10pour être tranquille
00:42:11avec un casque
00:42:12sur les oreilles,
00:42:14une feuille blanche
00:42:14et un papier à crayon
00:42:15pour noter
00:42:16ce que vous entendez.
00:42:18Moi,
00:42:18il m'avait appris
00:42:19des...
00:42:20des...
00:42:21Comment gérer...
00:42:22Comment gérer
00:42:23un peu de manière rudimentaire
00:42:25cet ordinateur
00:42:26quand même
00:42:26qui est une machine
00:42:27de guerre.
00:42:28Donc...
00:42:29Et j'ai écouté ça.
00:42:32Et...
00:42:32Ayant vu
00:42:34avant
00:42:35les films,
00:42:37les photos
00:42:37qui avaient été prises
00:42:38lors de la scène de crime,
00:42:40en fait,
00:42:40de la gestion de scène de crime
00:42:41quand mes collègues
00:42:42sont intervenus.
00:42:43Donc,
00:42:43je connais l'intérieur
00:42:44du Bataclan,
00:42:45je le vois.
00:42:46Et là,
00:42:47en y associant
00:42:48le son
00:42:49dans les oreilles,
00:42:50en fait,
00:42:51donc,
00:42:51voilà quoi.
00:42:52J'ai mon esprit
00:42:53qui se...
00:42:54qui essaye
00:42:55de reconstituer
00:42:56un peu
00:42:56les...
00:42:57la scène.
00:42:58Donc là,
00:42:59c'est pareil.
00:42:59C'est quelque chose
00:43:00de...
00:43:01de...
00:43:01de dangereux.
00:43:02Pas de dangereux,
00:43:03mais si vous voulez,
00:43:04de perturbant.
00:43:05Bien sûr.
00:43:05Et donc,
00:43:05il faut sortir de ça aussi.
00:43:07Il faut faire...
00:43:07mettre des filtres aussi,
00:43:09quoi,
00:43:09pour essayer d'écouter
00:43:10ce qu'on a écouté
00:43:11pour faire que le minimum
00:43:13de ce qu'on a à faire.
00:43:14Et...
00:43:15Qu'est-ce que vous avez vu
00:43:16sur...
00:43:16sur ces images,
00:43:17si vous devez qualifier
00:43:18ces images ?
00:43:21C'est...
00:43:21C'est...
00:43:22C'est...
00:43:22C'est des scènes de massacre,
00:43:23en fait.
00:43:24C'est des scènes de massacre.
00:43:26Donc,
00:43:26vous avez...
00:43:28des dizaines de corps
00:43:29comme ça,
00:43:30qui sont...
00:43:32dans la fosse
00:43:33de la scène
00:43:35du spectacle, là.
00:43:39C'est difficilement qualifiable,
00:43:41en fait.
00:43:42C'est...
00:43:42C'est...
00:43:43Indicible.
00:43:45C'est...
00:43:47On se demande
00:43:49comment le...
00:43:51Jusqu'où la noirceur humaine
00:43:53peut aller, en fait.
00:43:54Il n'y a plus de...
00:43:55Il n'y a plus de limites,
00:43:56plus de filtres,
00:43:57plus de considérations
00:43:58pour l'humanité.
00:44:00Il n'y a plus rien,
00:44:00en fait, quoi.
00:44:01Est-ce que c'est vrai que...
00:44:03Puisque...
00:44:04Moi, en 2015,
00:44:05j'étais encore adolescente,
00:44:06à ce moment-là.
00:44:08Et moi,
00:44:09on m'avait dit
00:44:10que les personnes à l'intérieur
00:44:11ont mis du temps
00:44:12à comprendre
00:44:13qu'il s'agissait
00:44:14d'un attentat
00:44:14à cause de la musique.
00:44:16Ils pensaient que les coups de feu
00:44:16faisaient partie du spectacle.
00:44:18Est-ce que c'est vrai ?
00:44:19Alors, moi,
00:44:21peut-être,
00:44:22selon ce qu'ils ont dit,
00:44:23alors,
00:44:24pas par la suite,
00:44:25mais, en fait,
00:44:26oui, au début,
00:44:27au début,
00:44:28quand on entend,
00:44:29c'est ce que je vous disais,
00:44:30quand on entend
00:44:31les coups de feu,
00:44:31la musique continue,
00:44:33en fait,
00:44:33un petit peu.
00:44:35Mais rapidement,
00:44:36quand même,
00:44:37ça n'a pas duré
00:44:37plusieurs minutes.
00:44:39Ah, OK.
00:44:39Non, non, non, non.
00:44:41Au bout d'une poignée
00:44:42de secondes,
00:44:43dix ou peut-être
00:44:44vingt secondes,
00:44:44là,
00:44:45tout le monde comprend
00:44:45que...
00:44:46Oui, donc c'était assez rapide.
00:44:47Ah oui,
00:44:47c'est très rapide.
00:44:48C'est très rapide.
00:44:48Est-ce que c'est,
00:44:51comment dire,
00:44:51dérangeant ou marquant
00:44:52de procéder
00:44:54à l'autopsie des victimes,
00:44:57mais aussi des auteurs ?
00:45:00En gros,
00:45:00vous êtes là,
00:45:00vous voyez les victimes,
00:45:02et là,
00:45:02d'un côté,
00:45:03vous voyez les auteurs,
00:45:04les coupables,
00:45:04en fait,
00:45:05vous dites,
00:45:05c'est eux qui ont fait tout ça.
00:45:08Qu'est-ce que vous ressentez ?
00:45:10Alors,
00:45:11là,
00:45:12il ne faut pas rentrer
00:45:13dans une catégorie,
00:45:17voilà quoi.
00:45:19Les auteurs,
00:45:19ils sont là,
00:45:20ils sont morts,
00:45:22ils sont morts
00:45:22du ou soit
00:45:24à l'explosion
00:45:25de leur ceinture,
00:45:27soit parce que
00:45:28la BRI a mis fin
00:45:29à leurs actions.
00:45:31Bon,
00:45:32ben voilà,
00:45:34c'est comme ça quoi.
00:45:36Ils étaient là,
00:45:37c'est eux qui ont fait
00:45:38les choses,
00:45:39ils sont morts,
00:45:40on va faire
00:45:40les autopsies aussi
00:45:41pour savoir
00:45:42de qui il s'agit,
00:45:43l'enquête continue.
00:45:44Il faut qu'on les identifie
00:45:45de manière à pouvoir
00:45:47remonter leur entourage,
00:45:50bien comprendre
00:45:50leur alibi,
00:45:52quelle est leur position,
00:45:53leur philosophie,
00:45:54etc.
00:45:55Donc,
00:45:55ça,
00:45:55c'est la problématique
00:45:56de l'enquête.
00:45:57Voilà.
00:45:59Après,
00:45:59voilà,
00:46:00nous,
00:46:00notre problématique,
00:46:01c'est identifier
00:46:01les victimes
00:46:02qui sont là.
00:46:03Donc,
00:46:04il faut qu'on fasse tout,
00:46:05il faut qu'on fasse les deux
00:46:06d'une manière,
00:46:08voilà,
00:46:08égale.
00:46:09Après,
00:46:09évidemment,
00:46:10c'est bien que les victimes,
00:46:11ce sont eux
00:46:11et les auteurs,
00:46:12ce sont ceux-là.
00:46:13Mais,
00:46:14en ce qui me concerne,
00:46:15moi,
00:46:15je ne fais pas de différence
00:46:16de toute façon.
00:46:18Un mort est un mort.
00:46:19Après,
00:46:20il y a une certaine forme
00:46:22de respect
00:46:23par rapport
00:46:23au corps.
00:46:25Un corps mort,
00:46:26on ne peut pas
00:46:27ni éprouver
00:46:28de sentiments
00:46:29de vengeance,
00:46:31ni un sentiment
00:46:32plus fort.
00:46:34Enfin,
00:46:35nous,
00:46:36moi,
00:46:36pendant les 30 ans
00:46:38où j'ai vécu ça,
00:46:39ces aventures-là,
00:46:40ce n'était pas
00:46:40les premiers morts
00:46:41que je voyais,
00:46:41bien loin de là.
00:46:43Voilà,
00:46:44ce n'était pas
00:46:44les premiers morts
00:46:45auteurs
00:46:46que je voyais.
00:46:47Eh bien,
00:46:47c'était toujours
00:46:48le même sentiment
00:46:49que j'avais.
00:46:51Voilà,
00:46:51il est mort,
00:46:52il est mort,
00:46:52maintenant,
00:46:53il faut qu'on fasse
00:46:53notre travail,
00:46:54on l'identifie,
00:46:55on prend ses empreintes,
00:46:56son ADN,
00:46:57on essaie de voir
00:46:58s'il est connu
00:46:58dans nos fichiers,
00:47:01les enquêteurs
00:47:02vont travailler
00:47:03sur telle et telle piste.
00:47:05voilà,
00:47:05c'est comme ça.
00:47:06Est-ce que même
00:47:07le corps des coupables
00:47:08est remis
00:47:09à la famille,
00:47:11c'est tout pareil ?
00:47:12Le corps des coupables
00:47:14est remis aux familles,
00:47:15ils ont été inhumés aussi,
00:47:19d'ailleurs,
00:47:20on sait où se trouve,
00:47:21donc les familles
00:47:25les enterrent
00:47:26et procèdent
00:47:27en fonction
00:47:28de leur rituel
00:47:30pareil religieux,
00:47:33donc voilà,
00:47:34les récupérés par les corps.
00:47:35Ça paraît quand même
00:47:36impossible d'identifier
00:47:37une personne.
00:47:40Ah si,
00:47:40si,
00:47:41comment,
00:47:41par exemple,
00:47:42une explosion,
00:47:42la ceinture
00:47:43d'explosif
00:47:45autour de l'équipe.
00:47:46Oui,
00:47:46visuellement,
00:47:48il n'y a plus rien,
00:47:49si,
00:47:50si,
00:47:50si,
00:47:50si,
00:47:50il y a quelque chose,
00:47:52mais en revanche,
00:47:53le corps peut être
00:47:54séparé en deux
00:47:55parce que ça va
00:47:56le couper au niveau
00:47:57de l'abdomen,
00:47:58par exemple.
00:47:58Ok.
00:47:59Mais tout le haut
00:48:00existe et là,
00:48:02il peut y avoir,
00:48:02mais peut-être
00:48:03qu'un bras peut être
00:48:04arraché ou une tête,
00:48:06mais après,
00:48:06vous avez des morceaux
00:48:07quand même entiers.
00:48:08Donc là-dessus,
00:48:10il est toujours possible
00:48:11sur un bras
00:48:12de prendre
00:48:13les empreintes digitales
00:48:13de la main
00:48:14ou sur une autre partie
00:48:16de corps
00:48:16de faire de l'ADN.
00:48:17D'accord.
00:48:18De prendre quelques cellules
00:48:19pour essayer
00:48:20de trouver l'ADN.
00:48:21Si,
00:48:21si,
00:48:22c'est très facile.
00:48:23Est-ce que ça vous est déjà
00:48:24arrivé de ne pas avoir
00:48:26réussi ou pu,
00:48:28on va dire plutôt ça,
00:48:30que vous n'avez pas pu
00:48:32identifier une personne ?
00:48:34Pas dans les crashs d'avion
00:48:35et pas dans les attentats.
00:48:36On a identifié
00:48:37où tout le monde a récupéré
00:48:39ses morts
00:48:40et au tsunami aussi.
00:48:44Mais il peut y avoir,
00:48:46il a pu y avoir
00:48:48des fois
00:48:49où on a découvert
00:48:50des personnes décédées
00:48:52seules,
00:48:54pas chez elles,
00:48:54puisque si elles sont
00:48:55chez elles,
00:48:55on sait à qui on a affaire.
00:48:57On a qu'à regarder
00:48:58dans les tiroirs
00:48:59et on va trouver
00:48:59leur papier d'identité,
00:49:00des factures,
00:49:01des choses comme ça.
00:49:01mais des personnes
00:49:03retrouvées isolées
00:49:05dans des squats,
00:49:06par exemple.
00:49:08Ou alors,
00:49:09je me rappelle
00:49:09d'une affaire,
00:49:11c'était à la Défense,
00:49:13dans les sous-sols
00:49:13de la Défense,
00:49:15dans les parkings
00:49:16de la Défense,
00:49:17il y a des coins isolés
00:49:18où il y a
00:49:19des bouches d'aération
00:49:20énormes
00:49:21et des gens
00:49:22dormaient là,
00:49:24vivaient là
00:49:24comme dans
00:49:25des espèces
00:49:26de petits tunnels.
00:49:27Et on avait retrouvé
00:49:28un corps complètement séché.
00:49:30Mais en fait,
00:49:30comme ça ne sentait pas,
00:49:31avec l'évacuation
00:49:33de l'air,
00:49:34vous savez,
00:49:35et il avait séché là-dedans.
00:49:38Et celui-là,
00:49:39alors,
00:49:39qui c'était ?
00:49:40Est-ce que c'était
00:49:40un clochard ?
00:49:41Est-ce que c'était
00:49:42une personne immigrée
00:49:44qui était là
00:49:45et qui était morte
00:49:47seule comme ça
00:49:48et qui n'avait pas de papier
00:49:49ou qui était arrivée là ?
00:49:51Ça, c'est possible,
00:49:51vous voyez.
00:49:52Quand on n'arrive pas
00:49:52à les identifier,
00:49:54c'est souvent parce que
00:49:55ou les familles
00:49:56ne les recherchent plus.
00:49:58Ce sont des personnes isolées
00:49:59et qui meurent
00:50:00comme ça,
00:50:00toutes seules.
00:50:01parce que leur famille
00:50:02les laisse tomber
00:50:03ou alors ils n'ont plus
00:50:04de contacts.
00:50:05Ou alors,
00:50:06c'est des gens
00:50:06qui viennent d'ailleurs,
00:50:08éventuellement d'autres pays
00:50:09et qui vont mourir ici.
00:50:11Et alors là,
00:50:11et s'ils sont rentrés
00:50:12de manière illégale
00:50:13ou des choses comme ça,
00:50:14on a encore moins de...
00:50:16vous voyez ?
00:50:17Donc, dans ces cas-là,
00:50:18c'est possible.
00:50:19C'est possible.
00:50:19D'accord.
00:50:20C'est possible qu'il existe.
00:50:22Donc, ces corps
00:50:23sont transportés
00:50:24à l'Institut Médico-Légal
00:50:25à Paris,
00:50:26pour nous à Paris,
00:50:26mais dans tous les instituts
00:50:28médico-légaux de France,
00:50:29en fait,
00:50:29quand on les retrouve.
00:50:30Et c'est possible
00:50:31que pendant plusieurs mois
00:50:34ou voire plusieurs années,
00:50:35on ait des corps
00:50:36et on n'arrive toujours pas
00:50:37à les identifier, quoi.
00:50:38Les enquêtes
00:50:39qui sont engagées
00:50:40pour les identifier
00:50:41n'y arrivent pas.
00:50:42Les attentats du Bataclan,
00:50:45vous vous retrouvez
00:50:47dans un appartement,
00:50:48dans l'appartement
00:50:49de Saint-Dunis.
00:50:51Et il y a une femme
00:50:52qui s'est fait exploser,
00:50:54une kamikaze.
00:50:55Vous, quel rôle
00:50:56vous y jouez
00:50:57à ce moment-là ?
00:50:58D'abord, la femme,
00:50:59Asna,
00:51:00ne s'est pas fait exploser.
00:51:01En fait,
00:51:01c'était la cousine
00:51:02du cerveau des attentats
00:51:04du 13 novembre.
00:51:05Elle s'appelait Abaoud.
00:51:07Donc, c'était sa cousine.
00:51:09Et il lui avait demandé
00:51:11à ce qu'elle trouve
00:51:13un lieu d'hébergement,
00:51:15en fait.
00:51:15D'accord.
00:51:16C'est elle qui avait trouvé
00:51:16un lieu d'hébergement,
00:51:17etc.
00:51:18Bon.
00:51:19Elle,
00:51:19elle accompagne son cousin
00:51:21et un autre individu.
00:51:24Donc,
00:51:24ils sont trois dans l'appartement,
00:51:25mais elle,
00:51:25elle n'a pas participé
00:51:26aux attentats du 13 novembre.
00:51:28Elle était au courant ?
00:51:29Alors,
00:51:30est-ce qu'elle était au courant ?
00:51:31Ben,
00:51:32sûrement que,
00:51:32oui,
00:51:33sûrement qu'elle était au courant
00:51:34et tout,
00:51:34parce qu'il lui demande
00:51:37de l'héberger,
00:51:38de lui trouver quelque chose
00:51:39et tout.
00:51:39Donc,
00:51:40bon,
00:51:40après,
00:51:41après,
00:51:41elle est morte.
00:51:42On ne va pas,
00:51:42on ne lui a pas posé la question.
00:51:43On n'a pas pu.
00:51:44Ça, c'est sûr.
00:51:45Mais bon,
00:51:46peut-être qu'elle est courant
00:51:48de quelque chose,
00:51:48en tout cas,
00:51:49elle doit bien se douter
00:51:50qu'il y a un truc
00:51:51un peu bizarre,
00:51:52quand même,
00:51:54puisqu'elle est au courant
00:51:55de ce qui s'est passé
00:51:55dans les rues de Paris,
00:51:56comme tout le monde,
00:51:57le 13 novembre.
00:51:59Bon,
00:52:01donc,
00:52:02elle,
00:52:02elle ne s'est pas faite exploser.
00:52:03Ce n'est pas elle
00:52:04qui avait de ceinture d'explosif.
00:52:06D'accord.
00:52:06Pas elle.
00:52:07Donc,
00:52:08c'est,
00:52:10ni à Baoud,
00:52:11d'ailleurs,
00:52:11c'est le troisième individu
00:52:12qui avait une ceinture d'explosif.
00:52:15Et c'est lui
00:52:15qui va se faire exploser ?
00:52:16Alors,
00:52:17il va se faire exploser,
00:52:18oui,
00:52:19il va ou déclencher
00:52:20sa ceinture d'explosif
00:52:22ou alors,
00:52:23ou alors,
00:52:24peut-être que c'est
00:52:25des munitions
00:52:27qui sont envoyées
00:52:28par le RAID
00:52:29qui entoure le...
00:52:31Le RAID va engager
00:52:32une discussion,
00:52:33un,
00:52:34comment dire,
00:52:35un contact
00:52:36avec un négociateur.
00:52:37Il va engager
00:52:38une négociation
00:52:39en demandant
00:52:40qu'ils se rendent,
00:52:41qu'ils sont cernés,
00:52:42que c'est terminé,
00:52:43et qu'ils ne sont pas
00:52:45OK pour le faire,
00:52:46forcément.
00:52:47Et donc,
00:52:48après,
00:52:49il va y avoir
00:52:49un échange de feu
00:52:50entre eux
00:52:51et le RAID,
00:52:53on voit des munitions,
00:52:55comme des grenades
00:52:56qui sont des grenades
00:52:58qui explosent
00:52:59pour assourdir
00:53:00l'environnement.
00:53:02Et pour...
00:53:02Pas pour tuer,
00:53:03ce ne sont pas des grenades
00:53:05létales comme ça,
00:53:06mais quand elles explosent,
00:53:08ça désoriente
00:53:09les gens à côté
00:53:10de qui elles explosent.
00:53:11Et alors,
00:53:12est-ce que c'est
00:53:13une grenade comme ça
00:53:14qui touche la ceinture ?
00:53:16Ou voilà,
00:53:16on ne sait pas.
00:53:17En tout cas,
00:53:17bon,
00:53:18cette ceinture est déclenchée
00:53:19et elle va créer
00:53:21une explosion
00:53:22et un affaissement
00:53:24de cet immeuble
00:53:25qui est assez vétuste
00:53:26et donc,
00:53:27il va y avoir
00:53:28la mezzanine
00:53:29au-dessus
00:53:30du troisième étage
00:53:31qui va tomber
00:53:32sur le troisième étage
00:53:33et cette pièce
00:53:34du troisième étage
00:53:35va tomber
00:53:35au deuxième étage.
00:53:36C'est-à-dire
00:53:36qu'on va avoir
00:53:37un millefeuille
00:53:38comme ça
00:53:38de différents objets
00:53:40entassés
00:53:42sur...
00:53:43Voilà.
00:53:44Sur une...
00:53:44Mais comment vous avez fait
00:53:45pour...
00:53:46Alors justement,
00:53:47on a commencé
00:53:49par étayer l'immeuble
00:53:50parce qu'il a fallu
00:53:51étayer l'immeuble
00:53:52et faire venir
00:53:53une société,
00:53:54une société,
00:53:55une société
00:53:56avec des charpentiers
00:53:58qui ont étayé l'immeuble
00:53:59pour le tenir
00:54:00parce que c'était
00:54:00tellement vétuste.
00:54:02Il menaçait
00:54:03de s'écrouler.
00:54:04Et après,
00:54:06c'était comme un trou
00:54:07donc en fait,
00:54:08où il y avait
00:54:08deux pièces
00:54:10entassées
00:54:10les unes sur les autres
00:54:11et on est dégagé
00:54:13par le dessus.
00:54:14On a fait construire
00:54:15une plateforme
00:54:16comme un plongeoir
00:54:17sur une piscine
00:54:18et depuis cette plateforme-là,
00:54:21on enlevait objet
00:54:22par objet
00:54:22en dégageant
00:54:24par le dessus
00:54:25et tout ce qu'on dégageait,
00:54:27on le jetait
00:54:28par la fenêtre
00:54:28et en bas,
00:54:29et en bas,
00:54:30dans la rue,
00:54:31était une benne
00:54:33qui recevait
00:54:34tous les objets
00:54:35qui nous encombraient
00:54:36et qu'on dégageait
00:54:36par le haut.
00:54:38Donc on a descendu
00:54:39ce millefeuille
00:54:40par le haut
00:54:41jusqu'à trouver
00:54:42les corps
00:54:43ou les parties de corps
00:54:44des gens
00:54:45qui étaient prisonniers
00:54:47là-dedans,
00:54:47dont Asna.
00:54:4814 juillet 2016
00:54:49a lieu
00:54:51l'attentat de Nice.
00:54:53Comment vous viviez
00:54:53encore une fois
00:54:54puisque c'est
00:54:55le troisième attentat ?
00:54:57Alors moi,
00:54:57je ne vais pas à Nice,
00:54:59je n'y suis pas,
00:54:59je n'y suis pas,
00:55:00mais j'ai trois collègues
00:55:02de mon service
00:55:03qui s'y rendent.
00:55:04Mais moi,
00:55:05on n'y va pas tous,
00:55:07donc ce sont mes collègues
00:55:09de Lyon,
00:55:10d'Éculi,
00:55:12qui est...
00:55:13C'est eux qui dirigent
00:55:14cette cellule police
00:55:17de la cellule
00:55:18d'identification
00:55:19de victimes
00:55:20de catastrophe,
00:55:21le groupe police,
00:55:22c'est eux qui le dirigent.
00:55:24Et comme ils sont déjà
00:55:25pas loin de Nice,
00:55:26en fait,
00:55:26ce sont les plus proches,
00:55:28donc c'est eux
00:55:28qui vont être envoyés
00:55:30sur place
00:55:30et qui vont gérer tout ça.
00:55:31Et ils vont se faire aider
00:55:32de quelques autres collègues
00:55:34au niveau national,
00:55:35dont trois
00:55:36de mon service parisien.
00:55:37D'accord.
00:55:38Donc voilà.
00:55:39Mais moi,
00:55:40je n'y vais pas.
00:55:40Vous revenez sur le fait
00:55:41qu'il y a des tensions
00:55:42entre les équipes,
00:55:44entre les équipes d'enquête.
00:55:47Pourquoi il y a des tensions ?
00:55:49Alors,
00:55:50des tensions.
00:55:51Oui,
00:55:52il y a des tensions.
00:55:53Personne ne peut le nier
00:55:54ou le cacher.
00:55:55Mais en fait,
00:55:55tout ça est normal,
00:55:56si vous voulez.
00:55:58Il y a des tensions
00:55:59parce que
00:56:00les...
00:56:02Ces événements
00:56:04sont tellement importants
00:56:05qui font porter
00:56:06sur les épaules
00:56:07des gens qui travaillent
00:56:09énormément de...
00:56:11De pression.
00:56:11De pression,
00:56:12si vous voulez.
00:56:13Donc en fait,
00:56:14chacun essaye
00:56:15de faire du mieux possible.
00:56:17Des fois,
00:56:17on en oublie un petit peu
00:56:18le protocole qu'on a appris
00:56:19puisque c'est ce que je vous disais.
00:56:21Ce qu'il faut,
00:56:22ce qu'il faut,
00:56:23c'est quand on arrive
00:56:24sur une scène de chaos
00:56:25et quand il y a toute cette pression,
00:56:27il faut commencer
00:56:27à appliquer
00:56:28ce qu'on a appris
00:56:29pour pouvoir s'en sortir,
00:56:31pour pouvoir avancer
00:56:32de manière utile.
00:56:34Et donc là,
00:56:35quand chacun veut essayer
00:56:36de mettre son grain de sel
00:56:38et avoir des idées nouvelles
00:56:40alors que ce n'est plus du tout
00:56:42le moment,
00:56:43ce n'est pas du tout le moment.
00:56:43Les idées nouvelles,
00:56:44on les aura après,
00:56:46quand on fera des debriefings,
00:56:47quand on en sera sorti
00:56:49et qu'on dira
00:56:50ça,
00:56:50il vaut mieux l'améliorer
00:56:51et ça,
00:56:51il vaut mieux l'améliorer.
00:56:53Mais ce n'est pas sur le moment
00:56:53qu'il faut améliorer les choses.
00:56:55Il faut faire
00:56:56ce que vous avez appris
00:56:57en amont.
00:56:59Comme le sportif
00:57:00qui met un pied devant l'autre
00:57:01et il s'en sort plus ou moins bien
00:57:03jusqu'à la ligne d'arrivée
00:57:04et après,
00:57:05il verra
00:57:06s'il peut améliorer
00:57:07son petit protocole.
00:57:08Nous,
00:57:09c'est ça.
00:57:10Mais,
00:57:11je dois dire que sur le...
00:57:14Je parle des tensions,
00:57:15mais à 95% des fois,
00:57:18tout se passe bien.
00:57:19Chacun sait ce qu'il a à faire.
00:57:21Il n'y a pas de problème particulier.
00:57:23D'accord.
00:57:24Non,
00:57:25il n'y a pas de problème particulier.
00:57:26Non,
00:57:27ce qui peut arriver,
00:57:28c'est aussi au niveau
00:57:29de l'encadrement
00:57:31où là,
00:57:32c'est pareil,
00:57:34voulant essayer
00:57:35de faire mieux
00:57:35que mieux,
00:57:37donc,
00:57:37ça pose des problématiques
00:57:39alors que ce n'est pas
00:57:40vraiment le moment.
00:57:41Voilà.
00:57:42Comment vous procédez
00:57:43pour parler
00:57:43aux familles des victimes ?
00:57:46Alors,
00:57:46les familles
00:57:47auxquelles on a affaire
00:57:49sont toujours
00:57:49très dignes,
00:57:50très responsables
00:57:52devant la situation.
00:57:54Donc,
00:57:55elles ne s'effondrent pas
00:57:56comme on peut se l'imaginer
00:57:58au départ.
00:58:01Bien sûr,
00:58:02dans un premier temps,
00:58:04il y a une forme de déni.
00:58:06Elles ne veulent pas croire
00:58:07que leur proche a disparu.
00:58:10Elles pensent
00:58:10qu'il est peut-être
00:58:11dans un hôpital
00:58:11qu'il n'a pas pu encore
00:58:12donner de nouvelles,
00:58:13qu'elles vont le retrouver
00:58:14d'une manière ou d'une autre.
00:58:16Après,
00:58:17elles se rendent compte
00:58:21que malheureusement,
00:58:22le temps passant,
00:58:23ça va être très compliqué
00:58:25et qu'il doit vraiment
00:58:28être disparu,
00:58:29vraisemblablement mort.
00:58:32Elles vont avoir
00:58:33ensuite
00:58:34une espèce de colère
00:58:36qui va monter en elles
00:58:37et puis après,
00:58:38une acceptation
00:58:39et puis la période de deuil
00:58:41qui va commencer.
00:58:43D'accord.
00:58:43Et nous,
00:58:44comment on fait ?
00:58:45Eh bien,
00:58:46on essaye
00:58:46de les accompagner.
00:58:49On n'est pas tout seuls,
00:58:50d'ailleurs.
00:58:50Il y a des psychologues aussi
00:58:51qui sont avec nous
00:58:53pour accompagner
00:58:54ces familles
00:58:54et pour nous aider,
00:58:56nous,
00:58:56sur des choses
00:58:57qu'on voit,
00:58:58qu'on entend,
00:59:00mais qu'on ne comprend
00:59:01peut-être pas aussi
00:59:02toujours très bien.
00:59:02Et ces psychologues
00:59:03ont les mots
00:59:04et ont cette forme
00:59:07de professionnalisme
00:59:08qui fait qu'elles sont
00:59:10très utiles
00:59:10quand elles sont là.
00:59:11comment vous gérez
00:59:12l'odeur,
00:59:15la vue,
00:59:16l'ambiance des lieux
00:59:17dans lesquels
00:59:18vous travaillez ?
00:59:20L'odeur,
00:59:21l'odeur,
00:59:22l'odeur de la mort,
00:59:25elle peut prendre
00:59:27différentes formes.
00:59:29Un corps
00:59:29qui est mort
00:59:31très récemment,
00:59:32mais quand il y a
00:59:36beaucoup de fluides
00:59:36de sang
00:59:37qui s'est écoulé autour,
00:59:38donc il y a
00:59:39une odeur métallique,
00:59:40si vous voulez,
00:59:41parce qu'il y a
00:59:41des molécules de fer
00:59:42dans le sang
00:59:43et c'est cette odeur-là
00:59:46de molécules
00:59:47qui est une forme
00:59:48d'oxydation
00:59:49de ce métal
00:59:50en fait
00:59:50qui remonte
00:59:51et c'est une odeur
00:59:52très spécifique.
00:59:53Après,
00:59:54quand l'écorce
00:59:55dégrade,
00:59:56c'est une autre
00:59:57forme d'odeur,
00:59:58une odeur méphitique
00:59:59on appelle,
01:00:00c'est-à-dire
01:00:01une espèce
01:00:02de puanteur
01:00:03et d'odeur
01:00:04qui est très forte
01:00:06et qui prend
01:00:07vraiment fort.
01:00:12Et la vue,
01:00:12c'est pareil,
01:00:13la vue,
01:00:13ça dépend du corps,
01:00:15mais
01:00:15en fait,
01:00:17c'est l'expérience
01:00:20au fur et à mesure
01:00:22des années
01:00:23qui fait
01:00:24qu'on est apte
01:00:26à appréhender ça.
01:00:30On n'arrive pas
01:00:31tout de suite
01:00:32sur des choses
01:00:33catastrophiques
01:00:34quand on commence
01:00:35dans une carrière.
01:00:36On ne nous montre
01:00:37pas des choses
01:00:38horribles.
01:00:40On est accompagné
01:00:41par les anciens
01:00:41d'abord
01:00:42et puis après,
01:00:43quand c'est vous,
01:00:43les anciens,
01:00:44c'est vous qui accompagnez
01:00:45les autres.
01:00:46Donc,
01:00:47ça se construit
01:00:47comme ça.
01:00:49Et puis,
01:00:50et moi,
01:00:50c'est ce que je dis
01:00:51toujours,
01:00:51à chaque fois
01:00:52qu'on me pose
01:00:52la question,
01:00:53je répète
01:00:53la même chose,
01:00:54mais c'est vrai.
01:00:56Moi,
01:00:56j'ai été élevé
01:00:56dans une ferme
01:00:57quand j'étais gamin.
01:01:00Donc,
01:01:01les odeurs,
01:01:04on les a,
01:01:04on les connaît
01:01:05et les odeurs
01:01:06de la vie
01:01:06et de la mort aussi.
01:01:07C'est-à-dire
01:01:08que,
01:01:09par rapport
01:01:10aux saisons,
01:01:11on est habitué
01:01:12aux naissances
01:01:13dans les fermes,
01:01:13les animaux,
01:01:15à leur disparition
01:01:15aussi,
01:01:16si vous voulez.
01:01:17Donc,
01:01:18je crois,
01:01:19j'essaye
01:01:20de me réfugier
01:01:20derrière
01:01:21cette explication
01:01:22qui vaut
01:01:22ce qu'elle vaut,
01:01:23mais la construction
01:01:25fait que,
01:01:28pour moi,
01:01:28la vie et la mort,
01:01:29ce sont des choses
01:01:30naturelles.
01:01:32Naître,
01:01:33vivre
01:01:33et mourir,
01:01:35ça fait partie
01:01:35d'un processus
01:01:36naturel,
01:01:37global et naturel.
01:01:39Dans une matrice,
01:01:40je ne sais pas trop
01:01:40comment ça se définit,
01:01:42mais voilà,
01:01:42il y a des sommes
01:01:43d'énergie,
01:01:44de choses passées,
01:01:46des choses
01:01:46qui existent
01:01:47maintenant
01:01:47et des choses
01:01:48qui arriveront
01:01:49par la suite,
01:01:50on ne sera plus là,
01:01:52mais voilà,
01:01:52je ne sais pas
01:01:53comment l'expliquer,
01:01:55mais pour moi,
01:01:56il y a des...
01:01:57Voilà,
01:01:57on fait tous partie
01:01:58d'une espèce
01:01:59d'univers,
01:02:00donc sans mettre
01:02:01là-dessus
01:02:02de forme religieuse
01:02:03ou quoi que ce soit,
01:02:04je ne suis pas religieux,
01:02:05je ne crois en rien,
01:02:07mais je suis ouvert
01:02:09à tout,
01:02:10si vous voulez.
01:02:10Est-ce que vous pouvez
01:02:12nous raconter
01:02:13une enquête
01:02:14qui vous a particulièrement
01:02:15marquée ?
01:02:18Alors,
01:02:19c'est pareil,
01:02:19des enquêtes marquantes,
01:02:23il y en a beaucoup,
01:02:26il y en a tellement,
01:02:28mais une plus que l'autre.
01:02:31Vous pouvez nous en raconter une ?
01:02:33J'ai raconté ça déjà
01:02:37sur d'autres interviews,
01:02:39je disais qu'il y a une affaire
01:02:41qui m'avait marqué,
01:02:43c'était le...
01:02:45Pas avec des morts,
01:02:46mais avec un vivant.
01:02:48C'était un petit papy
01:02:49où j'étais intervenu
01:02:52qui avait été victime
01:02:55d'un vol à la fausse qualité.
01:02:56Vous savez,
01:02:57les vieux,
01:02:57les faux employés du gaz
01:02:59ou les faux employés
01:03:00des eaux
01:03:01qui arrivent
01:03:01chez les personnes âgées
01:03:02qui les suivent dans la rue
01:03:03quand ils reviennent
01:03:05de faire leur course,
01:03:06ils les suivent
01:03:06et il y en a un qui entre
01:03:08en disant
01:03:09« Moi, je suis l'employé
01:03:10des eaux,
01:03:11est-ce que vous pouvez me montrer
01:03:13dans la cuisine
01:03:13s'il n'y a pas de sable
01:03:14qui est dans l'eau
01:03:15du robinet ? »
01:03:16Alors,
01:03:17la personne âgée
01:03:18va l'accompagner
01:03:19et pendant ce temps-là,
01:03:20l'autre fait le tour
01:03:21de l'appartement
01:03:22pour essayer
01:03:22de lui dérober,
01:03:23de lui voler
01:03:24ses objets.
01:03:26Et donc,
01:03:27voilà.
01:03:27Et donc,
01:03:27ça se passe
01:03:28un vendredi soir.
01:03:28j'ai fini mon service
01:03:30et c'est moi qui suis
01:03:32de permanence
01:03:34pour aller justement
01:03:35sur les vols
01:03:35à la fausse qualité.
01:03:36Je fais des recherches
01:03:37d'empreintes.
01:03:38Donc,
01:03:39j'y vais,
01:03:40c'est 6 heures du soir,
01:03:42il faut que je traverse
01:03:43tout Paris
01:03:44alors que j'ai fini ma semaine,
01:03:46je dois rentrer chez moi,
01:03:47vous voyez,
01:03:47de l'état d'esprit un peu.
01:03:48Bon,
01:03:48voilà.
01:03:49J'ai pas envie.
01:03:52J'y vais quand même.
01:03:52De toute façon,
01:03:53je n'ai pas le choix.
01:03:54Bon,
01:03:54j'y vais,
01:03:54j'y vais.
01:03:56Et,
01:03:56arrivé là-bas,
01:03:58c'est un petit grand-père
01:03:59qui est là.
01:03:59Je vois toujours
01:04:00un petit papy
01:04:02qui est là peut-être
01:04:03autour de plus de 80,
01:04:0585 ans.
01:04:06Et donc,
01:04:08il me dit
01:04:08« Ah ben non,
01:04:09il ne fallait pas vous déplacer.
01:04:10Ils ne m'ont rien volé.
01:04:12Oh,
01:04:13j'ai dit
01:04:13« Ah bon,
01:04:13ben maintenant que je suis là,
01:04:14je suis là,
01:04:14expliquez-moi. »
01:04:15Donc,
01:04:15j'entre chez lui
01:04:16et je vois qu'effectivement,
01:04:18c'est très simple chez lui.
01:04:20Il n'y a rien.
01:04:21Il y a une petite table,
01:04:22des petites chaises.
01:04:23C'est un petit studio
01:04:25avec une chambre séparée
01:04:26comme ça,
01:04:26mais il n'y a rien.
01:04:27Il n'y a rien.
01:04:28Il n'y a aucune valeur.
01:04:31Il dit
01:04:31« Voilà,
01:04:31je vous avais bien dit.
01:04:32Ils ne m'ont rien volé.
01:04:33De toute façon,
01:04:34je n'ai rien à voler. »
01:04:35Bon,
01:04:35mais expliquez-moi
01:04:36comment ils ont fait.
01:04:37Alors,
01:04:37il m'explique
01:04:37les os,
01:04:38le robinet
01:04:39pendant que...
01:04:40J'ai dit
01:04:42« Mais vous êtes sûrs ?
01:04:44Vous n'avez pas
01:04:45une chose
01:04:46qui vous tient
01:04:46le plus à cœur ? »
01:04:48Et là,
01:04:48dans ce coup,
01:04:49« Ah,
01:04:49oui,
01:04:50vous avez raison. »
01:04:50Il se lève,
01:04:51il va dans la chambre,
01:04:52il reste 30 secondes,
01:04:54il revient
01:04:54avec une petite boîte en bois.
01:04:57D'accord.
01:04:57Petite boîte en bois,
01:04:59simple,
01:05:00avec un petit...
01:05:01Au-dessus,
01:05:02c'est gravé.
01:05:03Je ne sais plus
01:05:04si c'est un motif de fleur
01:05:05dessus.
01:05:05Et je ne comprends pas
01:05:10parce que cette boîte
01:05:10n'a aucune valeur,
01:05:12rien du tout.
01:05:13Et donc,
01:05:14il la pose devant moi,
01:05:15il me voit,
01:05:16il voit que je ne comprends
01:05:17rien du tout,
01:05:17il la pose devant moi,
01:05:18il dit « Oui,
01:05:19je vais vous expliquer. »
01:05:20Et là,
01:05:21il lève sa manche
01:05:22comme ça
01:05:22et il me montre
01:05:24un numéro tatoué
01:05:25sur son bras,
01:05:26sur son avant-bras.
01:05:27Et il dit
01:05:28« Voilà,
01:05:29moi,
01:05:29j'étais déporté
01:05:32à Auschwitz-Birkenau
01:05:34et là-bas,
01:05:36avec mes copains,
01:05:37quand j'étais jeune,
01:05:38j'étais menuisier de formation
01:05:39avant d'être là-bas.
01:05:41Et cette boîte-là,
01:05:42j'en faisais plein
01:05:43parce que c'est comme ça
01:05:44qu'on pouvait manger.
01:05:46Je faisais une boîte
01:05:47et je l'échangeais
01:05:47contre une boule de pain.
01:05:49Et c'est comme ça
01:05:49qu'avec mes copains,
01:05:50on s'en est sorti.
01:05:52Et celle-là,
01:05:53c'est la dernière
01:05:54que j'ai ramenée,
01:05:55que j'ai fabriquée là-bas,
01:05:56que j'ai ramenée avec moi
01:05:57quand ils ont été libérés.
01:05:58Et là,
01:06:02alors là,
01:06:02j'ai pris un...
01:06:04Vous voyez,
01:06:04parce que vous me demandiez
01:06:05sur une scène de crime,
01:06:06moi,
01:06:06celle que j'ai vue,
01:06:07j'en ai vu des pas jolies,
01:06:09mais lui,
01:06:09là,
01:06:09pour le coup,
01:06:10il en a vu des scènes de crime
01:06:11autour de lui
01:06:12bien pire que moi
01:06:13à cette époque-là.
01:06:15Donc,
01:06:16là,
01:06:16j'ai pris une leçon
01:06:18d'humanité,
01:06:19en fait.
01:06:20Moi,
01:06:20qui n'avais pas envie
01:06:21de me déplacer
01:06:22sur cette affaire
01:06:23parce qu'il était tard
01:06:24et devait rentrer chez moi
01:06:25et tout ça.
01:06:26Là,
01:06:26quand je suis rentré,
01:06:27je peux vous dire
01:06:27que j'avais été remis
01:06:29à ma place
01:06:30et puis voilà.
01:06:32Vous voyez,
01:06:33donc en fait,
01:06:34en fait,
01:06:36on peut rencontrer des gens,
01:06:38on peut être mis face
01:06:40à des situations
01:06:41bien plus exceptionnelles
01:06:43que celles qu'on a vécues,
01:06:45nous,
01:06:45à un moment
01:06:46ou à un autre.
01:06:47Et donc,
01:06:48il ne faut jamais,
01:06:51quand on a les gens
01:06:51en face de soi,
01:06:52il ne faut jamais
01:06:53poser des verdicts
01:06:56comme ça
01:06:56ou des suppositions
01:06:58ou penser
01:06:59que telle personne
01:06:59est comme ci
01:07:00ou telle personne
01:07:00est comme ça,
01:07:01on peut avoir
01:07:02de très,
01:07:02très grosses surprises
01:07:03des fois.
01:07:04Est-ce que vous avez déjà
01:07:05été confronté
01:07:07à des erreurs
01:07:07judiciaires
01:07:09ou des identifications
01:07:12erronées ?
01:07:15Des identifications
01:07:17erronées,
01:07:17non,
01:07:18parce que
01:07:19quand on n'est pas sûr,
01:07:21surtout en matière
01:07:21d'empreintes digitales,
01:07:22moi,
01:07:22c'était ma spéciale,
01:07:23quand on n'est pas sûr
01:07:25de l'identification
01:07:26alors qu'on pense
01:07:27que ça peut être ça,
01:07:28eh bien,
01:07:28on ne le dit pas.
01:07:29On ne dit surtout pas
01:07:31aux enquêteurs
01:07:31qui sont chargés
01:07:32de l'affaire
01:07:33« Ah, ben oui,
01:07:34je suis certain
01:07:35que c'est ça,
01:07:36mais sauf que je ne peux pas
01:07:36le prouver. »
01:07:37Si on ne peut pas le prouver,
01:07:38on ne le dit pas.
01:07:40Pour prouver,
01:07:40nous,
01:07:41sur les empreintes digitales,
01:07:42il faut qu'on ait
01:07:4312 points similaires
01:07:44d'un dessin
01:07:45par rapport à un dessin.
01:07:47Un dessin qu'on va retrouver
01:07:48sur une scène de crime,
01:07:49une empreinte posée
01:07:50sur un objet
01:07:50et une personne
01:07:52qu'on va soupçonner
01:07:53ou qu'on va retrouver
01:07:54dans le fichier.
01:07:55Il faut qu'on ait 12 points
01:07:56exactement aux mêmes endroits
01:07:58pour prouver
01:07:59que c'est la même trace,
01:08:00c'est la même empreinte
01:08:01et pouvoir accuser
01:08:03la personne
01:08:04ou la mettre en cause.
01:08:06D'accord.
01:08:07Voilà.
01:08:07Mais si on est sûr,
01:08:09on le dit.
01:08:10Si on n'est pas sûr,
01:08:10on ne le dit pas.
01:08:11Donc, comme ça,
01:08:12on évite tous les problèmes
01:08:13parce que la problématique
01:08:15de la fausse identification,
01:08:17c'est un vrai cauchemar.
01:08:18Après,
01:08:20comment expliquer ça
01:08:21aux magistrats,
01:08:23aux familles,
01:08:24etc.
01:08:25Donc, voilà,
01:08:26parce que
01:08:27accuser quelqu'un à tort,
01:08:30accuser quelqu'un à tort,
01:08:31après,
01:08:33il vaut mieux,
01:08:34comme on dit souvent,
01:08:35un coupable en liberté
01:08:36qu'un innocent en prison aussi.
01:08:38Comment vous gérez
01:08:39votre métier,
01:08:40votre vie privée ?
01:08:41Ben alors,
01:08:44il faut
01:08:44essayer d'être bien
01:08:47dans ses baskets,
01:08:48bien dans sa tête,
01:08:50pas tout mélanger,
01:08:52pas mélanger les deux
01:08:53et pouvoir
01:08:54exercer ses passions,
01:08:57ses plaisirs,
01:08:58ses bonheurs,
01:08:58ses rencontres
01:08:59en même temps
01:09:00que sa vie professionnelle.
01:09:02Voilà.
01:09:03Et ne pas attendre
01:09:04d'être en retraite
01:09:06pour pouvoir faire les choses.
01:09:07J'entendais toujours
01:09:08« Ah, mais non,
01:09:08mais ça,
01:09:09je ne le fais pas maintenant
01:09:10parce que j'attendrai
01:09:11quand je serai plus vieux,
01:09:12quand je serai en retraite. »
01:09:13Non.
01:09:14Si on peut faire quelque chose,
01:09:15c'est un conseil
01:09:16que je donne aux jeunes,
01:09:17c'est que
01:09:18faites les deux en même temps.
01:09:20Travaillez,
01:09:20ayez votre vie professionnelle,
01:09:22mais n'oubliez pas
01:09:23vos amis,
01:09:24votre famille,
01:09:25vos sorties,
01:09:26votre sport,
01:09:27vos cultures,
01:09:28vos loisirs,
01:09:29tout ce que vous voulez,
01:09:30vos voyages,
01:09:31faites-les en même temps.
01:09:32Vous avez largement
01:09:33de quoi vous organiser,
01:09:35pouvoir les faire.
01:09:36On a tout le temps
01:09:37possibilité de faire les choses.
01:09:39si on a envie
01:09:40de les faire.
01:09:41Ne pas attendre
01:09:42demain,
01:09:43après-demain,
01:09:44dans deux ans
01:09:45ou dans quinze ans.
01:09:47Ça,
01:09:47c'est trop aléatoire
01:09:49à mon avis.
01:09:50Et puis,
01:09:51la vie est tellement fragile
01:09:52que tout peut se dérégler
01:09:55dès demain matin
01:09:56et vous n'aurez plus
01:09:58le temps
01:09:58de rien faire
01:09:59alors que vous aviez
01:10:00le temps
01:10:00de le faire avant.
01:10:02Donc,
01:10:02voilà,
01:10:03c'est ça.
01:10:03Donc,
01:10:03gérer sa vie professionnelle
01:10:04et sa vie personnelle.
01:10:07Faites tout en même temps
01:10:08et ne mélangez pas forcément
01:10:10tout aussi.
01:10:11Gardez des distances
01:10:13les lunes
01:10:13par rapport à l'autre.
01:10:15Comment vous gérez
01:10:17sur le plan psychologique ?
01:10:20Alors,
01:10:20sur le plan psychologique,
01:10:24enfin,
01:10:24moi,
01:10:24il me semble
01:10:25que durant tout ce temps,
01:10:26ça s'est pas mal passé.
01:10:28J'ai eu des difficultés
01:10:30parce que j'ai absorbé
01:10:31et vu des choses difficiles.
01:10:33Mais après,
01:10:35je n'en ai pas gardé
01:10:36de séquelles
01:10:37ou de traumatismes
01:10:38particuliers.
01:10:40Mais je vous parlais
01:10:41tout à l'heure
01:10:42des psychologues
01:10:44qu'on rencontre.
01:10:45C'est-à-dire que maintenant,
01:10:46il y a plusieurs psychologues
01:10:47à la préfecture de police
01:10:48de Paris,
01:10:49mais partout
01:10:49sur le territoire aussi.
01:10:51Et ces gens-là,
01:10:51on peut les rencontrer
01:10:53sur notre demande
01:10:54parce qu'on a
01:10:55des difficultés
01:10:57dans notre métier
01:10:58ou dans notre vie personnelle.
01:10:59donc elles peuvent nous aider
01:11:00ou alors
01:11:02sur des catastrophes
01:11:04sur lesquelles
01:11:05on est impliqués.
01:11:06Alors là,
01:11:06on ne nous demande pas
01:11:07notre avis,
01:11:07on nous y envoie systématiquement
01:11:09pour avoir
01:11:10une espèce
01:11:11de débriefing
01:11:12avec elles
01:11:12et puis d'analyse
01:11:13un peu
01:11:14avec ces psychologues.
01:11:15Et là,
01:11:16elles sont très utiles
01:11:17parce qu'elles vont
01:11:18nous aider
01:11:19en nous expliquant
01:11:21ce qui s'est passé
01:11:22et ce qu'on n'aurait pas compris.
01:11:24Donc,
01:11:24vous venez de dire
01:11:25que vous n'avez pas forcément
01:11:26gardé des séquelles
01:11:27de votre métier ?
01:11:28J'ai gardé des souvenirs
01:11:30mais j'espère
01:11:31pas de séquelles.
01:11:32D'accord.
01:11:32Il n'y a rien
01:11:34qui m'a empêché
01:11:34de dormir.
01:11:35Je n'ai pas eu
01:11:35de crise dépressive
01:11:37ou d'insomnie
01:11:38ou des choses comme ça
01:11:39sauf quand on est
01:11:40au cœur de l'action.
01:11:43Les attentats parisiens
01:11:44où là,
01:11:45effectivement,
01:11:46on ne dort pas beaucoup
01:11:47mais c'est parce qu'on passe
01:11:48beaucoup de temps au travail
01:11:49et on n'a que quelques heures
01:11:51pour nous.
01:11:51mais quand on ne dort pas,
01:11:54c'est parce qu'on cogite
01:11:55mais c'est parce qu'il y a
01:11:57la pression du moment
01:11:59en fait
01:12:00et de l'action
01:12:01qui fait qu'on est focus
01:12:03tout le temps.
01:12:05Mais après,
01:12:06il faut savoir
01:12:06se retirer de ça
01:12:08et il faut toujours savoir
01:12:09clôturer une mission.
01:12:11Dans une mission de police,
01:12:12il faut savoir clôturer
01:12:13une mission.
01:12:14Il faut savoir aussi clôturer
01:12:15les contacts qu'on a eus
01:12:17avec les victimes
01:12:18ou les familles.
01:12:18il faut clôturer
01:12:20avec beaucoup de choses.
01:12:21Sauf avec ses collègues
01:12:22et puis avec son environnement
01:12:24proche
01:12:24où là,
01:12:25on peut continuer
01:12:26à vivre normalement.
01:12:28Quel est l'aspect
01:12:28le plus méconnu
01:12:29de votre métier ?
01:12:35L'aspect le plus méconnu,
01:12:37c'est celui qui va
01:12:38arriver demain.
01:12:40Et demain,
01:12:40dans notre métier,
01:12:41en fait,
01:12:42ce sont des métiers
01:12:43qui sont liés
01:12:45à la science,
01:12:46à la technologie
01:12:47et à l'avancée
01:12:49qui se passe
01:12:51au quotidien
01:12:52et dans le futur.
01:12:55Tout ce qu'on fait
01:12:58jusqu'à actuellement,
01:12:59c'est très connu.
01:13:01Depuis les années 2000,
01:13:02les séries télévision
01:13:03et visuels,
01:13:04etc.,
01:13:05les experts,
01:13:06tous les bouquins
01:13:06qui ont été écrits
01:13:07sur la police technique
01:13:08et scientifique,
01:13:09on connaît tout
01:13:10de nos techniques.
01:13:11Celles qui sont en train
01:13:12de se développer
01:13:13et qui vont arriver,
01:13:15c'est par exemple
01:13:16l'intelligence artificielle,
01:13:17qui va arriver,
01:13:19qui commence déjà
01:13:20à entrer en ligne de compte
01:13:22dans les analyses d'affaires
01:13:24en police,
01:13:25et c'est tout ce qui arrivera
01:13:28par la suite.
01:13:29Et là,
01:13:29ça galope,
01:13:30ça va très vite.
01:13:31Moi,
01:13:32en 30 ans de carrière,
01:13:34entre les premiers ordinateurs
01:13:37que j'ai vus arriver
01:13:38dans les services de police,
01:13:40c'était des gros écrans noirs
01:13:41où ça s'affichait en vert,
01:13:44où on voyait les lettres en vert
01:13:45avec des grosses disquettes,
01:13:46grosses comme ça.
01:13:48Et maintenant,
01:13:49où chacun chez soi
01:13:50a son ordinateur perso,
01:13:52son téléphone,
01:13:52qui est aussi un vrai ordinateur
01:13:54et tout,
01:13:54ça a été très, très vite.
01:13:56Et je suppose
01:13:57que ça ne va pas s'arrêter là.
01:13:58Donc,
01:13:59les aspects méconnus,
01:14:00c'est ceux qui vont arriver
01:14:01demain matin.
01:14:03Et pour les jeunes,
01:14:04je dis ça pour les jeunes,
01:14:05pas pour des petits vieux
01:14:06comme moi
01:14:06ou pour ceux qui ont passé leur tour,
01:14:09mais pour les jeunes,
01:14:12ceux qui seraient intéressés
01:14:13pour intégrer ces métiers-là
01:14:15ou qu'ils s'intéressent
01:14:17à l'actualité.
01:14:18Mais bon,
01:14:18tous les jeunes s'intéressent
01:14:19à la nouvelle technologie,
01:14:21on le sait bien.
01:14:23Qu'ils s'y intéressent,
01:14:25mais qu'ils ne se laissent pas
01:14:26absorber non plus
01:14:27par ces techniques-là,
01:14:29c'est-à-dire
01:14:30qu'ils ne se laissent pas enfermer,
01:14:32qu'ils restent acteurs
01:14:33de leur vie,
01:14:35que ce soit eux
01:14:36qui maîtrisent les outils
01:14:37et pas se laisser maîtriser
01:14:39par eux.
01:14:40Pourquoi vous avez décidé
01:14:41d'écrire un livre ?
01:14:42En plus,
01:14:43c'est votre deuxième ?
01:14:44Alors,
01:14:45oui,
01:14:45le premier,
01:14:46c'était plutôt un livre
01:14:48que j'avais co-écrit
01:14:49avec une de mes collègues,
01:14:50Périne-Roger Thuber.
01:14:54Le premier,
01:14:55c'était plutôt un livre
01:14:56historique avec des affaires
01:14:57historiques qui avaient eu lieu
01:14:59et on expliquait
01:15:02qu'ils étaient basés
01:15:04sur des armes du crime
01:15:05qu'on peut voir
01:15:05dans différents musées
01:15:06ou dans différentes collections.
01:15:09On avait ressorti
01:15:10toutes ces affaires-là
01:15:11sous forme de petites nouvelles,
01:15:12de 4-5 pages,
01:15:13et on disait
01:15:14à la fin de chacune
01:15:15de ces histoires-là
01:15:16comment aujourd'hui
01:15:17la police technique
01:15:17et scientifique contemporaine
01:15:19résoudrait cette affaire ancienne.
01:15:22Celui-là,
01:15:23c'est plutôt
01:15:23sur les affaires
01:15:25dont on vient de parler,
01:15:26donc,
01:15:27c'est un peu plus personnel,
01:15:29voilà,
01:15:29c'est plus personnel
01:15:30et puis sur les affaires
01:15:32que tout le monde
01:15:32a connues aussi,
01:15:33là,
01:15:33et contemporaines.
01:15:36Mais pourquoi
01:15:36j'ai voulu le faire ?
01:15:38Pas vraiment pour moi,
01:15:40parce que moi,
01:15:40je les ai vécues
01:15:41ces moments-là,
01:15:42donc je n'ai pas besoin
01:15:43de les avoir
01:15:44couché sur du papier,
01:15:45mais c'est en forme
01:15:47de transmission
01:15:49d'expérience aussi
01:15:50pour les jeunes.
01:15:52Moi,
01:15:52j'ai beaucoup,
01:15:53beaucoup fait de formation
01:15:54pendant ma carrière.
01:15:56Depuis le début,
01:15:57j'ai toujours formé
01:15:58des jeunes,
01:15:59des nouveaux
01:15:59et puis des nouveaux arrivants
01:16:01dans ces métiers-là.
01:16:02Et je leur disais toujours
01:16:05que tout était possible,
01:16:07que tout est possible,
01:16:09qu'il suffit de vouloir,
01:16:11de s'engager
01:16:12et de faire les choses.
01:16:13Tout est possible.
01:16:15D'ailleurs,
01:16:16moi,
01:16:16je viens d'un milieu,
01:16:17j'ai été élevé,
01:16:18comme je vous disais,
01:16:18dans une ferme,
01:16:19il n'y avait pas de livres,
01:16:20forcément,
01:16:21il n'y avait pas ça.
01:16:23Et je ne connais personne
01:16:24de ma famille
01:16:25qui a écrit des livres.
01:16:27Et voilà,
01:16:28donc je viens
01:16:30d'un monde
01:16:31où ça,
01:16:32ça fait partie des ovnis,
01:16:35quoi,
01:16:35si vous voulez.
01:16:37Donc,
01:16:37c'est pour ça
01:16:38que ça prouve
01:16:39à tel point
01:16:40que tout est possible,
01:16:42à tout un chacun,
01:16:43à partir du moment
01:16:44où on ose,
01:16:45où on essaye,
01:16:46où on propose
01:16:47et où on partage.
01:16:49Donc voilà,
01:16:50c'est pour un partage,
01:16:52pour le grand public,
01:16:53mais pour les jeunes aussi
01:16:54qui voudraient intégrer
01:16:55ces métiers-là
01:16:56pour savoir un peu
01:16:56comment ça se passe.
01:16:58Un mot pour les familles
01:16:59des victimes,
01:17:00aujourd'hui ?
01:17:01Alors,
01:17:02elle,
01:17:03je pense toujours à elle,
01:17:04en fait,
01:17:04si vous voulez.
01:17:06parce que ce sont les...
01:17:09Souvent,
01:17:10on me dit,
01:17:11oh là là,
01:17:11mais comment vous avez
01:17:12pu faire ça ?
01:17:13Comment vous...
01:17:14Comment c'est possible
01:17:17de voir tout ça,
01:17:17etc.
01:17:19Premièrement,
01:17:19nous,
01:17:20on n'est jamais victime
01:17:21de rien.
01:17:22Les secours,
01:17:23les policiers,
01:17:24les gendarmes
01:17:24qui interviennent
01:17:25dans l'identification
01:17:26des victimes
01:17:26ou sur des scènes de crime,
01:17:29on n'est pas victime.
01:17:30On voit des choses
01:17:31difficilement,
01:17:33psychologiquement difficiles,
01:17:34etc.,
01:17:35difficiles à traiter,
01:17:36certes,
01:17:36mais ce n'est pas nous
01:17:37les victimes.
01:17:38Les premières victimes,
01:17:40ce sont ceux qui sont morts,
01:17:41premièrement.
01:17:43Ensuite,
01:17:43il y a d'autres victimes,
01:17:46ceux qui sont blessés
01:17:47dans ces faits-là
01:17:49et qui s'en sont sortis
01:17:50et eux vivront
01:17:51en permanence
01:17:52leur cauchemar.
01:17:54Et après,
01:17:56il y a leur entourage,
01:17:58les familles,
01:17:59évidemment,
01:17:59qui sont impactées
01:18:01et indirectement,
01:18:04mais vu qu'ils font partie
01:18:05être infectes
01:18:09de la famille
01:18:11et puis de l'univers
01:18:12des victimes,
01:18:13ils sont impactés
01:18:14et eux aussi
01:18:15revivent
01:18:16des anniversaires
01:18:17et des moments
01:18:18qui leur sont pénibles.
01:18:21Donc,
01:18:21en fait,
01:18:22voilà quoi.
01:18:23Eux,
01:18:24on pense à eux,
01:18:25moi,
01:18:26je pense toujours,
01:18:26effectivement,
01:18:28mais en priorité
01:18:29aux victimes,
01:18:30aux blessés
01:18:30et aux familles,
01:18:32c'est sûr,
01:18:33ils font partie
01:18:33d'un tout
01:18:34et il faut qu'ils continuent
01:18:37malgré tout
01:18:37leur aventure
01:18:38et leur vie
01:18:39du mieux qu'ils peuvent
01:18:40et c'est sûrement
01:18:41très, très difficile
01:18:42pour eux.
01:18:44Est-ce que vous auriez
01:18:45un dernier mot
01:18:46à dire
01:18:47ou un message
01:18:48à faire passer ?
01:18:49Non,
01:18:54moi,
01:18:55je veux juste dire
01:18:56que la vie
01:18:57est belle,
01:18:58la vie est fragile,
01:19:00fugace
01:19:00et qu'il faut la vivre
01:19:02maintenant
01:19:03et pleinement.
01:19:04Ne pas attendre
01:19:06demain
01:19:07et ne pas avoir
01:19:09de regrets
01:19:09sur ce qui s'est passé
01:19:10hier aussi.
01:19:12Donc,
01:19:15vivre au contact
01:19:17de la mort,
01:19:17ce n'est pas vivre.
01:19:21La mort,
01:19:21c'est une chose
01:19:22mais la mort,
01:19:23il faut que ça reste
01:19:24quelque chose
01:19:25qu'on ne connaît pas
01:19:27et qu'on n'a pas envie
01:19:28de rencontrer encore.
01:19:31Et tant qu'on est là,
01:19:32ceux qui le peuvent
01:19:33et ceux qui en ont
01:19:34vraiment la force
01:19:35et l'envie,
01:19:37voilà,
01:19:37c'est ce que je veux leur dire,
01:19:38vivez maintenant.
01:19:41Ok,
01:19:41bon,
01:19:42très bien,
01:19:42merci beaucoup Gilles.
01:19:43Merci à vous.
01:19:43C'était un plaisir
01:19:44d'avoir discuté avec vous.
01:19:47Merci.
01:19:47Merci à vous tous
01:19:48de nous avoir écoutés
01:19:49et retrouvez prochainement
01:19:50d'autres interviews
01:19:51sur notre chaîne YouTube
01:19:52du Nouveau Détective.
01:19:54Vous pouvez également
01:19:54retrouver le livre
01:19:55de Gilles Rex
01:19:56aux éditions Mareuil
01:19:57Parmi les Morts.

Recommandations