Cédric D., artisan et père de sept enfants, a été abattu ce 10 avril par les gendarmes de Clermont-L’Hérault. L’homme de 43 ans, en simulant le braquage d’une banque, voulait mettre fin à ses jours.
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00:00 Bienvenue dans les enquêtes du nouveau détective.
00:05 Le nouveau détective, premier magazine d'enquête sur les grands faits divers et Engel présente
00:11 "Endetté, il se suicide en simulant un hold-up"
00:14 Une enquête de Mathieu Fourquet.
00:17 Ce n'est pas une explosion.
00:28 Plutôt un coup de boutoir qui heurte soudainement l'agence et fait bondir les trois employés et les quelques clients.
00:35 Ce 10 avril 2024, la banque Dupuis de Parceval accueille ses tout premiers clients
00:44 quand soudainement la devanture de l'établissement est pulvérisée par une sorte d'explosion.
00:50 A l'intérieur, c'est la panique.
00:54 Des cris et beaucoup d'interrogations.
00:57 Céline, mais qu'est-ce qui se passe ?
00:59 Je sais pas monsieur, je crois qu'il y a une voiture qui a percuté la façade.
01:02 Mais c'est dingue, mais appelez les secours vite !
01:05 En effet, un monospace noir vient de s'encastrer dans le bardage blanc de la façade.
01:11 Maladresse du conducteur ? Simple accident ? Non.
01:15 La voiture s'est à peine immobilisée qu'un homme en jaillit, menaçant.
01:20 De taille moyenne, les cheveux bruns et la barbe sombre,
01:24 il porte un pantalon de treillis, une veste kaki et un bonnet noir enfoncé sur le crâne.
01:30 En un éclair, il saisit un fusil de chasse dans le coffre de son véhicule et se rue dans l'agence.
01:36 Mais qu'est-ce que vous faites ?
01:38 Lui demande une cliente dans le sas.
01:40 C'est pas vos oignons, dégagez d'ici !
01:42 Les employés de la banque, eux, ne se posent déjà plus la question.
01:45 D'autant plus qu'ils sortent d'une formation de sécurité.
01:48 Il y a un type, il est armé, il a un fusil !
01:51 Céline, allez déclencher l'alarme et suivez-moi tous, on va se mettre à l'abri dans la salle des coffres.
01:55 Allez, vite, vite !
01:56 D'une pression sur un bouton discret, ils alertent les gendarmes qu'une attaque est en cours.
02:02 Quelques secondes plus tard, le braqueur se retrouve dans l'espace client, vide, face au guichet.
02:09 Normalement, il devrait comprendre qu'il a raté son effet de surprise et n'a plus qu'à s'enfuir.
02:16 Mais le type reste là, pivotant de droite à gauche, puis tire trois fois dans le faux plafond.
02:23 Étonnant. Qu'est-il en train de se tramer ce matin à la ZAG des Tannes-Bas, en périphérie de la petite ville de Clermont-Lerrault ?
02:33 Le tireur, en réalité, n'a pas modifié ses plaques et n'a strictement rien fait pour dissimuler son visage.
02:42 Il s'appelle Cédric D. Il a 43 ans. Il est maçon et réside à 15 minutes de là.
02:49 Mais son histoire est un peu plus complexe que ne laisse penser ce bref CV.
02:55 L'homme a passé toute son adolescence dans ce même village de 4 000 habitants, négligé par son père, bagarre et petite condamnation.
03:04 Ce sont ensuite ses proches et voisins qui l'ont aidé à se reprendre en main et lui ont donné le goût de l'effort.
03:12 Devenu auto-entrepreneur, spécialisé en maçonnerie et travaux de façade, Cédric D. a acquis la réputation d'un artisan fiable et ponctuel.
03:20 Il a pris des jeunes du village comme manœuvre pour leur éviter de traîner dans la rue.
03:24 Puis son entreprise s'est développée et il a pu embaucher des salariés à temps plein.
03:29 Il a monté son affaire comme il a bâti son foyer, avec volonté et courage.
03:36 Lori, une jolie petite brune, lui a donné 6 filles et un garçon.
03:41 Cédric leur a construit de ses mains une villa avec jardin, leur a offert un chiot et sacrifié tous ses loisirs.
03:48 Régulièrement, il emmène toute la famille en vacances en Espagne ou dans les Pyrénées à bord de son monospace noir.
03:56 Ce même véhicule qu'il vient d'utiliser pour défoncer la façade de la banque.
04:03 Mais pourquoi ce spectaculaire coup de sang ?
04:06 Pour comprendre, il faut remonter au début de la pandémie de Covid-19.
04:12 Alors que la France entière se met sous cloche, Cédric D. perd d'un coup tous ses chantiers.
04:19 Les aides auxquelles il a droit sont minces et exigent des démarches sans fin.
04:24 Passé le premier confinement, l'homme croit s'en tirer malgré tout.
04:29 Mais il doit faire face à une nouvelle difficulté.
04:32 L'envolée des prix des matériaux, catastrophique pour les petits entrepreneurs qui n'ont pas beaucoup de trésorerie.
04:39 Il pourrait bien sûr augmenter ses tarifs, mais ce sont justement ses devis raisonnables qui lui ont permis de constituer sa clientèle.
04:47 Alors, pour ne décevoir personne, il se met à travailler à perte.
04:52 Un crève-cœur pour un jeune papa qui a sept enfants à nourrir.
04:58 Mais comment annoncer à un client que sa facture va exploser de 40% ?
05:03 Incapable de s'y résoudre, le maçon s'acharne à tenir ses promesses et cimente, semaine après semaine, des briques qui le ruinent peu à peu.
05:12 Une solution serait que sa banque lui accorde des facilités de caisse dans l'attente de temps meilleur.
05:18 Mais Cédric a déjà des dettes et la banque Dupuis de Parceval, une petite structure régionale, n'est pas réputée pour sa souplesse.
05:28 Aux moindres découvertes non autorisées, elle le matraque de frais et de pénalités.
05:34 Si bien qu'en 2022, Cédric ne peut plus régler ses fournisseurs.
05:39 La mort dans l'âme, il commence à licencier ses employés et se retrouve forcé de liquider sa société au mois de janvier suivant.
05:48 Un autre maçon l'embauche, mais il a accumulé trop d'arriérés.
05:54 Son salaire mensuel ne suffit même pas à couvrir ses traites.
05:57 Semaine après semaine, la banque le harcèle au téléphone au point qu'il finit par changer de numéro.
06:04 Cédric ne veut plus entendre prononcer le nom de "Banque Dupuis de Parceval" et se retrouve à vivre dans une forme de déni.
06:13 En apparence du moins.
06:16 Quand on lui demande comment il va, il répond que ça ira ou tout n'est pas si grave.
06:22 Mais derrière ses yeux vides se dissimule une vraie terreur et il s'en confie à un ami.
06:29 Tu sais Fred, je suis effrayé par un truc. Je veux pas perdre la maison et finir à la rue avec les gamins.
06:35 Mais arrête de penser à ça Cédric. On est là, on va t'aider.
06:39 T'as pas idée de la merde dans laquelle je suis.
06:41 Mais t'inquiète, ça va passer.
06:44 Non, la meilleure solution ce serait que je me flingue.
06:49 Mais quitte à passer à l'acte, il aimerait que sa mort serve à quelque chose et suscite un choc.
06:55 Aussi, en attaquant sa banque ce 10 avril 2024, Cédric n'espère pas repartir avec des billets.
07:02 Il sait du reste que la petite agence plantée entre les champs et l'autoroute A75 ne conserve pas de liquidité.
07:11 Mais il s'en moque car en réalité, il n'espère pas repartir du tout.
07:16 Un ami de Cédric témoignera plus tard.
07:19 Cédric n'était pas un bandit. Il était à bout pour faire un truc pareil.
07:23 Vous voyez bien, il n'a même pas pris le soin de couvrir son visage ni de changer les plaques de sa voiture.
07:28 Il n'avait aucune intention de blesser ou de tuer qui que ce soit. C'était juste un geste de désespoir.
07:36 Alors que voulait-il au fond ? Sans doute aurait-il du mal à l'exprimer lui-même.
07:41 Peut-être attirer l'attention sur sa détresse, dénoncer ses banques sans cœur qui laissent d'honnêtes travailleurs sombrer sans lever le petit doigt.
07:48 Peut-être veut-il tout simplement choisir son destin, fusse de manière tragique.
07:54 À deux reprises, l'homme ressort de l'agence et fait feu en direction du ciel, pour être sûr que tout le monde l'entende.
08:03 Et c'est le cas. Tandis qu'il retourne à l'intérieur, quatre voitures de gendarmerie foncent déjà pour l'intercepter.
08:10 Quelques minutes plus tard, dans un concert de crissements de pneus, les quatre véhicules s'immobilisent devant la banque.
08:17 À leurs bords, les militaires connaissent l'histoire du Força et son casier judiciaire. Ils se méfient.
08:24 Un hélicoptère arrive en renfort et se positionne en vol stationnaire.
08:30 Pendant plusieurs minutes, rien ne se passe. Puis le maçon réapparaît dans le sas et tire encore.
08:38 Un passant est frôlé par un plomb. Un militaire réplique. Deux balles atteignent le forcené au bassin et au thorax.
08:47 Cédric D. s'effondre. Le sang imbibe sa tenue de chasse, devenue trop grande pour son corps fluet.
08:54 Dix minutes plus tard, Cédric est mort.
08:59 Dans sa voiture, les enquêteurs de la brigade de recherche de Lodève retrouvent deux revolvers chargés et deux armes longues supplémentaires.
09:07 Sans doute, les avaient-ils prévus en réserve pour les exhiber au cas où et s'assurer que les gendarmes l'abattent.
09:15 Dans les pays anglo-saxons, on appelle ça un « suicide by cop », une façon de se donner la mort en ne laissant aux autorités d'autre choix que de vous tuer.
09:28 Mais ce 10 avril 2024, ce qui s'est passé à Clermont-les-Rots peut se désigner par un mot bien français. On appelle ça une « tragédie ».
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09:54 Si l'affaire n'a pas encore été jugée ou venait à passer en appel, nous rappelons que les protagonistes bénéficient toujours de la présomption d'innocence.
10:01 Les noms et prénoms de certains personnages sont susceptibles d'avoir été modifiés.
10:05 Le Nouveau Détective.