Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI et professeur au MIT et à l’école d’économie de Paris, était l'invité de France Inter ce jeudi. Il revient sur les secousses provoquées par les décisions du président américain Donald Trump. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-08-mai-2025-6493060
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00:00L'économie mondiale est-elle à un tournant historique ? Est-elle peut-être en train de s'effondrer ?
00:06Et la prochaine guerre mondiale, pire, sera-t-elle économique ?
00:09On a du mal à y voir clair, il faut le dire, face à cette multitude de questions peut-être catastrophistes,
00:16peut-être pas, ces questions que suscitent l'époque instable et troublée que nous vivons.
00:22Alors écoutons le point de vue ce matin d'un grand économiste, Olivier Blanchard, bonjour.
00:26Bonjour. Ancien économiste en chef, je le disais, du Fonds monétaire international,
00:31professeur aux prestigieuses MIT aux Etats-Unis, à Cambridge et à l'école d'économie de Paris également.
00:38Posez vos questions, auditeurs de France Inter, comme d'habitude au 01 45 24 7000
00:43et sur l'application de Radio France en cliquant sur réagir.
00:48Nous allons parler évidemment de la guerre commerciale lancée par Donald Trump,
00:51de la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine, de la place de l'Europe et de la France
00:55dans cette concurrence mondiale.
00:58Mais je voudrais d'abord vous entendre sur le tableau, la situation générale, Olivier Blanchard.
01:02Est-ce qu'on assiste, comme je le disais, à un effondrement,
01:05à un bouleversement de l'ordre économique mondial ?
01:08Quel mot vous employez ?
01:11On est tous obsédés par Trump, mais il y a quelque chose derrière.
01:16Il y a une espèce de lame de fond
01:19qui remet en cause la globalisation telle qu'on l'avait construite depuis 80 ans,
01:24pour de bonnes raisons.
01:25C'est-à-dire qu'on s'est trop préoccupés de l'efficacité de la production,
01:30pas assez des effets de distribution.
01:32Il y a vraiment des gens qui ont souffert.
01:34Quand un pays perd une industrie, ce qui arrive,
01:37quand on a de la globalisation, un autre pays peut faire mieux,
01:40il y a des gens qui souffrent.
01:41Et bien sûr, on a essayé de les protéger,
01:43mais de fait, ce n'était pas suffisant.
01:45Et donc, il y a une espèce de réaction anti-globalisation qui vient de là, des perdants.
01:50Principalement, il y a des gagnants.
01:52Les consommateurs sont gagnants.
01:53Mais souvent, quand on perd son boulot, c'est un peu dur.
01:56Donc il y a ça.
01:57Il y a les problèmes de sécurité économique.
02:00On a réalisé que quand il y avait des problèmes à Fukushima
02:05ou des problèmes en Thaïlande,
02:09il y avait des problèmes d'approvisionnement, tout bête,
02:12et que peut-être on faisait trop confiance aux autres pays.
02:14Et puis, il y a des questions de sécurité militaire.
02:18C'est qu'on n'a pas envie de dépendre d'autres pays
02:22si on se retrouve dans une position où il faut se défendre et on a besoin de...
02:26Donc tout ça, c'était déjà là, en suspens.
02:29Ça prenait différentes formes, différentes réactions.
02:33Et Trump en a rajouté, a construit là-dessus.
02:37La grande question, quand on pense à l'avenir,
02:40c'est est-ce que Trump, c'est de la fièvre
02:43et puis on va retourner à quelque chose de plus raisonnable,
02:47peut-être avec des règles mieux adaptées au monde moderne,
02:50ou est-ce qu'il va laisser des séquelles ?
02:53Je pense qu'il y aura des séquelles.
02:54Vous parlez de cette globalisation,
02:56cette mondialisation construite depuis 80 ans.
02:59Justement, aujourd'hui, on est 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
03:03Est-ce qu'on entre dans une nouvelle ère de repli,
03:07de retour des frontières et du protectionnisme ?
03:10Là encore, la question, c'est est-ce qu'on a principalement une fièvre américaine ?
03:15Ça semble plus large que ça, quand même.
03:17C'est plus large que ça.
03:18Qu'un président qui s'agite à la Maison-Blanche, c'est plus profond.
03:22Là encore, parce qu'il y a des raisons derrière de se poser des questions.
03:26Donc on ne va pas retourner au point de départ, sûrement.
03:28Mais est-ce qu'on va retourner à quelque chose de raisonnable
03:30ou à quelque chose de plus ennuyeux ?
03:33Là, ça dépend beaucoup, en gros, des électeurs américains.
03:36Et puis s'il y a des élections en 2028, ce qu'on peut espérer.
03:39On parle beaucoup de la confiance en économie.
03:42C'est la base, la confiance des consommateurs, des investisseurs, des entreprises.
03:46Sans cette confiance, le système ne peut pas marcher correctement.
03:50Est-ce que vous pouvez mesurer aujourd'hui l'ampleur,
03:53la gravité des conséquences de cette instabilité
03:57que nous connaissons au niveau géopolitique ?
03:59On peut la mesurer, on peut plus difficilement la prédire.
04:03Mais c'est un des éléments qu'on n'avait pas assez pris en compte.
04:06Donc quand il y a eu les élections et que Trump a dit
04:09« je vais faire des tarifs », on s'est dit « ça va avoir des effets ».
04:12Parce que si on met des tarifs partout, ça veut dire que les exportations souffrent, etc.
04:16Donc on s'attendait à des effets négatifs.
04:20Ça a été, et c'est, pire.
04:23Plus d'ailleurs dans les perceptions de ce qui va se passer,
04:26de ce qui se passe aujourd'hui.
04:27Aujourd'hui, on est un peu au bord du précipice.
04:30Mais oui, l'incertitude à mon avis est le thème dominant à l'heure actuelle
04:35dans l'économie américaine, dans l'économie mondiale.
04:39Parce que ce qui se passe,
04:40ce n'est pas tellement le fait qu'il ait annoncé des tarifs,
04:43et je pense qu'on va y revenir,
04:44c'est qu'on ne sait pas exactement ce qui va se passer à la fin.
04:47Ces tarifs caglés sur la Chine,
04:49à combien est-ce qu'on va redescendre, etc.
04:51Donc chaque entreprise qui a des décisions d'investissement à faire,
04:57alors dans le cas le plus extrême,
04:58est-ce que je construis une usine dans l'Horizona,
05:02ou est-ce que je construis une usine au Mexique ?
05:04Ça dépend énormément des tarifs.
05:06Je ne sais pas du tout comment la guerre commerciale
05:09entre le Mexique et les Etats-Unis va tourner.
05:12Donc ce que je fais, c'est que je m'arrête.
05:15J'investis pas.
05:16Si j'investis pas, c'est raisonnable pour moi,
05:19mais l'investissement s'effondre,
05:21la demande s'effondre,
05:23et on peut avoir une récession.
05:24On va parler des tarifs,
05:26évidemment de ces droits de douane,
05:28exorbitants imposés notamment à la Chine,
05:30mais pas seulement par Donald Trump.
05:33Vous avez employé le mot à l'instant.
05:35Vous disiez juste avant, on est au bord du précipice.
05:37Le précipice, c'est celui de la récession,
05:40du recul de la croissance au niveau mondial.
05:44Ça, c'est un risque réel aux Etats-Unis, dans le monde ?
05:47Ralentissement pour sûr.
05:50Le fonds monétaire a réduit, je crois,
05:53le taux de croissance pour 2025
05:55de presque de 1%.
05:58Donc c'est assez substantiel.
06:02La récession, on l'a définie en dessous de zéro.
06:05C'est un peu arbitraire parce que zéro,
06:06c'est juste un chiffre.
06:08Est-ce que ça peut se produire ?
06:09Oui, on peut imaginer.
06:10Alors, on peut parfaitement imaginer un scénario
06:12où l'investissement s'effondre aux Etats-Unis.
06:16La demande diminue, les gens perdent leur boulot,
06:19les consommateurs deviennent de moins en moins confiants,
06:22ils dépensent moins.
06:23Donc on ne peut absolument pas exclure,
06:26au terme technique, une récession aux Etats-Unis.
06:27On ne peut pas exclure une récession ailleurs.
06:32Pour le moment, les prévisions du Fonds monétaire
06:35sur l'Europe sont d'une petite croissance,
06:38mais il y a beaucoup d'incertitudes.
06:41On est confronté, en tant qu'économiste,
06:43à des chocs d'une telle ampleur
06:46qu'on n'a pas d'évidence historique
06:48sur laquelle on peut vraiment compter.
06:50On a vu, bien sûr, des effets de tarifs
06:52et des trucs de genre,
06:53mais on n'a jamais vu ça.
06:54C'est un peu comme le Covid,
06:56c'est un peu comme la crise financière en 2028.
06:59Donc on fait de notre mieux,
07:01mais ça pourrait être pire,
07:03ça pourrait être moins grave.
07:04Mais pour le moment,
07:05les chiffres qui sont sortis hier aux Etats-Unis
07:09ne sont pas mauvais.
07:10Simplement, on a tous l'impression
07:11que la semaine prochaine,
07:13ou dans deux semaines, ou dans trois semaines,
07:15il va y avoir des problèmes d'approvisionnement,
07:17des problèmes d'investissement.
07:19Donc on a peur.
07:202008, la précédente crise financière,
07:22vous avez dit 2028,
07:23c'est pour ça que je reprends.
07:24Il y en aura peut-être une en 2028,
07:25justement, c'est la question qui nous occupe.
07:27Vous dites que c'est difficile de prédire
07:30parce qu'on n'a jamais vu ça.
07:32Est-ce que, finalement,
07:34le symptôme le plus flagrant
07:36de cette nouvelle ère
07:37dont on parle ensemble ce matin,
07:39c'est l'affranchissement des règles ?
07:43Absolument.
07:43Donald Trump fait fi de toutes les règles
07:45qui préexistaient au niveau économique mondial.
07:49On a passé 80 ans
07:50à essayer de construire des règles
07:52avec l'Organisation mondiale du commerce, etc.
07:55parce qu'on réalise qu'il y a des pays
07:58qui veulent protéger leur industrie,
08:00il y a des pays qui veulent...
08:01Donc, il y a eu toute une série de traités
08:03qu'on appelle des traités de libre-échange,
08:06mais qui ont des tarifs dedans
08:07parce que, quelquefois,
08:09des tarifs, c'est nécessaire.
08:10On a vraiment envie de protéger
08:11pour des raisons politiques,
08:12pour des raisons économiques,
08:13un secteur, une entreprise.
08:15Et donc, on a travaillé là-dessus.
08:17On a trouvé un espèce de modus vivendi
08:19où, si on n'est pas d'accord,
08:21on va voir l'Organisation mondiale du commerce,
08:23on s'assied, etc.
08:25Ça a été partiellement détruit
08:27par les États-Unis
08:27qui ont supprimé ce qu'on appelle
08:29la pellette courte,
08:30qui était l'endroit où on allait
08:32quand on n'était pas d'accord.
08:34Ils ont fait en sorte qu'ils soient paralysés.
08:36Il n'y a plus d'instance de conciliation au niveau...
08:38Il n'y a plus d'instance de conciliation
08:39parce qu'elle est coincée,
08:40parce qu'il manque des membres
08:41et les États-Unis ont refusé
08:43de mettre en place
08:44les membres qu'ils devaient mettre.
08:45Donc, c'est la loi du plus fort.
08:47Donc, à partir de ça,
08:49Trump a totalement dépassé ça
08:50et a dit « Je me contrefous de ce qui se passe ».
08:55Il a cette vision de « Fortress America ».
08:59Le reste du monde essaie d'exploiter les États-Unis.
09:03Il est temps que ça s'arrête.
09:05Donc, on va mettre des tarifs partout.
09:07C'est sa philosophie.
09:08Mais fondamentalement, en effet,
09:11c'est la loi de la jungle.
09:13C'est la loi du plus fort.
09:14Ce sont des règles incroyablement différentes.
09:16Quand on a une structure
09:17comme l'Organisation mondiale du commerce,
09:20les petits pays peuvent s'en sortir
09:21parce qu'ils ont le droit
09:23d'avoir le même traitement que les autres, en gros.
09:26Là, si vous n'avez pas de bouvard de marchandage
09:29par rapport à Trump,
09:30ça va très mal se passer.
09:32Ça fait 100 jours qu'il est à la Maison Blanche Donald Trump.
09:34La question, et vous l'avez soulevée plusieurs fois
09:36depuis le début de cette interview,
09:37c'est de savoir si cette loi du plus fort
09:39qu'il essaye d'instaurer au niveau mondial,
09:42alors évidemment, elle existe,
09:43mais vous dites, elle est compensée.
09:45Donc là, si cette loi du plus fort débridée
09:47au niveau planétaire va durer, jusqu'à quand ?
09:51Quand vous voyez que, pour la première fois,
09:53les États-Unis et la Chine, des émissaires,
09:55vont se réunir en Suisse le week-end prochain
09:57pour évoquer la guerre commerciale.
09:59Est-ce que vous dites qu'il commence à y avoir
10:01un recul au niveau américain ?
10:02Les Chinois disent que ce sont les Américains
10:04qui ont sollicité cette réunion.
10:06Oui, on peut se poser la question.
10:09Ce qu'il est en train de découvrir,
10:11c'est que la loi du plus fort,
10:12ce n'est pas la loi de Trump.
10:13C'est qu'en face de lui,
10:15il a des pays qui peuvent se défendre.
10:17Donc, ce qui va se passer...
10:18Notamment des autocraties où il y a une stabilité
10:21au niveau politique.
10:22Les pays qui sont larges ou qui ont les moyens de pression,
10:25la Chine en particulier, c'est pas...
10:26La Chine est puissante, pas parce qu'elle est une autocratie,
10:30bien que ça implique qu'elle puisse souffrir plus longtemps
10:32que les États-Unis, sans que les gens descendent dans la rue.
10:35Mais ce qu'il est en train de découvrir,
10:38c'est qu'il a poussé le bouchon dans toutes les directions.
10:43Il a posé ce tarif de 10% pour tout le monde
10:46et puis beaucoup plus élevé sur l'acier,
10:48sur les voitures, etc.
10:50Et puis beaucoup plus élevé sur la Chine,
10:52sur un certain nombre de pays.
10:54Et puis, ce qui se passe,
10:55c'est qu'il va reculer.
10:57On est arrivé en gros à marée haute.
11:00Et la question, c'est comment il va reculer.
11:02Et j'hésite à employer le mot sur France Inter,
11:04mais ça va être le bordel.
11:06Parce qu'il y a des pays,
11:08il va découvrir, il est en train de découvrir
11:09que la Chine, ils ont des moyens de répondre
11:13qui sont très puissants.
11:15Si la Chine décide d'arrêter l'envoi de matériaux roires,
11:20ça pose des problèmes à court terme aux États-Unis.
11:22Si la Chine décide de ne pas vendre
11:24un certain nombre de produits intermédiaires
11:26dont les États-Unis ont besoin,
11:28les États-Unis vont souffrir.
11:31Ils vont souffrir aussi la Chine,
11:33mais là encore, c'est une autocratie,
11:35ils peuvent souffrir plus longtemps.
11:36En tout cas, vous ne voyez pas d'accord
11:38à court terme
11:40qu'il reviendrait à une situation normale.
11:43Il va y avoir un recul.
11:44Là, on est à 145% de droits de douane
11:45côté américain imposés aux produits chinois,
11:48125% imposés en représailles par Pékin
11:51aux produits américains.
11:53Donc c'est intenable, ça va reculer,
11:54mais on ne reviendra pas à un niveau avant-crise.
11:58Non, parce que dans le cas particulier
11:59de la Chine et des États-Unis,
12:01il y a autre chose qui joue.
12:03Et ça jouait, même dans l'administration démocrate
12:06de Biden avant,
12:08il y a un sentiment anti-Chine
12:11qui est beaucoup plus large
12:13que le trampisme.
12:15Les États-Unis ont l'impression
12:16qu'ils ont été les rois du monde
12:18pendant très longtemps
12:18et que la Chine va devenir plus puissante qu'eux.
12:22Et ils ne l'acceptent pas.
12:23La réalité, c'est que la Chine
12:25va devenir plus puissante que les États-Unis.
12:27Ils n'ont plus de gens.
12:28Ils ont quatre fois plus de gens.
12:29Donc ça se passera nécessairement.
12:30Mais les États-Unis ont beaucoup de mal
12:32à l'accepter.
12:33En plus, la Chine ne se comporte pas parfaitement.
12:35Il faut être réaliste.
12:36Et donc, il y a un sentiment anti-chinois,
12:38ce qui fait qu'on va redescendre
12:39de 145 à quelque chose.
12:41Mais si j'avais à donner un chiffre,
12:42je n'en sais rien,
12:4360%.
12:44Donc, ça va diminuer certainement
12:47le commerce entre la Chine
12:49et les États-Unis.
12:51On voit que Trump est prêt
12:52à faire souffrir les Américains.
12:55En tout cas,
12:56à ce qu'il y ait une augmentation des prix.
12:59Absolument.
12:59Voilà, très concrètement.
13:01Pour alimenter cette guerre avec la Chine.
13:04C'est un prix qu'il est prêt à payer.
13:06Il a compris assez vite.
13:08Il n'est pas idiot.
13:09Il a compris assez vite
13:10que ça n'allait pas se passer
13:12exactement comme il l'avait prévu
13:13ou comme il l'avait prédit.
13:15Il avait dit
13:15« ça va être formidable,
13:17on va avoir une augmentation
13:17de la production immédiatement,
13:19des prix qui diminuent, etc. »
13:21Bon, il a réalisé
13:22que ça n'allait pas être le cas,
13:23que l'économie allait ralentir,
13:25que les prix des importations
13:27allaient augmenter.
13:28Et donc, il a changé de discours.
13:30Et le discours, c'est
13:31« on s'est fait attaquer
13:33par le reste du monde. »
13:35Du point de vue intérieur,
13:36on s'est fait attaquer
13:37par les élites,
13:38par ce qu'on appelle le « deep state »,
13:39l'État profond,
13:40qui sont les juges
13:41et les autres.
13:42Il faut se battre.
13:44Ça va être coûteux.
13:45Ça va être coûteux.
13:46Donc, il a été très explicite
13:47sur le fait que,
13:47même s'il y a une récession,
13:49ça fait partie du programme.
13:51Et puis, oui,
13:51vous allez payer plus cher,
13:53probablement initialement
13:54pour les poupées.
13:55Il y a cet exemple
13:56qui est sorti
13:58ces derniers jours.
13:59Oui, les poupées chinoises
14:00vont être plus chères,
14:01mais ça va nous permettre
14:02de faire revenir
14:03les entreprises aux États-Unis
14:05pour éviter les tarifs.
14:07Et il faut que vous restiez
14:08avec moi.
14:09Et ce qui se passe,
14:10c'est que ce message-là,
14:11pour le moment,
14:11il passe encore assez fort.
14:13Aux États-Unis.
14:14Aux États-Unis.
14:15Des électeurs américains.
14:16Il y a ces négociations,
14:18en tout cas,
14:19embryons de négociations,
14:21de discussions
14:22à venir avec la Chine.
14:24Donald Trump annonce
14:25pour aujourd'hui
14:27un accord majeur
14:28avec un grand partenaire économique,
14:30probablement,
14:31selon la presse,
14:32le Royaume-Uni.
14:33et l'Europe,
14:34l'Union européenne,
14:35en tout cas,
14:36dans tout cela.
14:37Est-ce qu'elle doit choisir
14:37un camp, en fait ?
14:39Non, il ne faut surtout pas
14:39qu'elle choisisse un camp.
14:42Il y a encore,
14:43au niveau plus général,
14:45il y a encore
14:45beaucoup de pays dans le monde.
14:46La majorité des pays
14:47dans le monde
14:48veulent garder quelque chose
14:49comme le système d'avant.
14:51C'est-à-dire,
14:52sont prêts à accepter des règles.
14:53Donc, ça doit être
14:54dans ce contexte
14:55que l'Europe doit se passer.
14:56L'Europe doit organiser,
14:58en gros,
14:59ou faire partie
15:00de ce que j'ai appelé
15:01une coalition de volontaires
15:02de pays,
15:03c'est-à-dire des pays
15:03qui acceptent de continuer.
15:06On ne doit pas être
15:07du côté des Etats-Unis
15:08ou du côté de la Chine.
15:10On ne doit être clairement
15:11pas d'accord
15:12avec les Etats-Unis.
15:13Avec la Chine,
15:14c'est plus compliqué.
15:17On a des problèmes
15:18avec la Chine.
15:19Mais je crois que là,
15:20quelque chose
15:21d'absolument essentiel à faire,
15:22et je crois qu'on va peut-être
15:23y arriver,
15:24c'est d'une négociation.
15:25Pas une guerre commerciale.
15:26Et se dire,
15:27il y a des problèmes,
15:28vous avez des voitures
15:29qui sont formidables.
15:31On ne peut pas les laisser
15:32rentrer comme ça,
15:32mais peut-être que
15:33si vous vous installez chez nous,
15:35si vous les produisez chez nous,
15:36ce serait peut-être pas mal.
15:37On va essayer
15:37de trouver un certain nombre d'accords,
15:39mais je crois que c'est très important.
15:39Mais en cas d'accord avec la Chine,
15:41Donald Trump risque
15:42d'augmenter les droits de douane
15:44sur l'Europe.
15:45Il y a un risque.
15:45Il y a un risque.
15:46Mais il est absolument exclu
15:48qu'on prenne le côté des Etats-Unis.
15:50C'est une situation
15:50qui paraît intenable.
15:51Soit on se rapproche de la Chine
15:52et dans ce cas-là,
15:53les droits de douane américains
15:54augmentent.
15:55Soit on fait un accord
15:55avec les Etats-Unis
15:57et on se coupe du marché chinois
15:59ou des clients chinois.
16:00Je crois que,
16:01sans la moindre question,
16:03il faut qu'on reste,
16:04je dirais,
16:04neutre.
16:06Alors en effet,
16:08c'est assez délicat à jouer,
16:10mais il ne faut surtout pas,
16:12à mon avis,
16:12à ce stade,
16:13être,
16:14entre guillemets,
16:15du côté des Etats-Unis.
16:16Il faut trouver un accord
16:17avec beaucoup de pays,
16:18dont la Chine,
16:19mais c'est avec la Chine
16:20que c'est le plus dur,
16:21pour essayer de continuer
16:22à respecter les règles.
16:23Justement,
16:24question de Martine
16:25sur l'application
16:26d'IndioFrance
16:26qui nous écrit de Grandville.
16:28Elle vous pose la question
16:29justement sur la Chine.
16:31Est-ce que,
16:32en comparaison avec les Etats-Unis,
16:33la Chine peut devenir
16:34un leader de confiance
16:35aujourd'hui au niveau mondial
16:37vers lequel les partenaires
16:39se tournent ?
16:40C'est peut-être un peu fort,
16:42mais je pense qu'on peut...
16:43La Chine ne s'est pas toujours
16:45comportée parfaitement.
16:46Dans le contexte actuel,
16:48la Chine envoie les signaux
16:49qu'elle est prête
16:50à continuer
16:51ce qu'on appelle
16:52le multilatéralisme.
16:54Il faut le faire
16:54avec les yeux ouverts.
16:56Mais je pense qu'on peut arriver
16:57à des accords avec la Chine.
16:58Et sur cette coalition de pays,
17:01donc Union Européenne
17:01et d'autres pays
17:03au niveau planétaire,
17:05d'autres puissances,
17:06ça peut être quel pays ?
17:07C'est pays de bonne volonté,
17:08si je reprends votre expression ?
17:10Manifestement,
17:11on peut travailler avec le Canada,
17:12on peut travailler avec l'Inde,
17:15on peut travailler avec l'Amérique latine.
17:17Je crois que c'est assez important
17:19de développer ces coalitions,
17:21en gros,
17:22avec tous les pays
17:22qui sont prêts à le faire.
17:23En disant,
17:24ça a marché,
17:25il y avait des problèmes,
17:26on s'assied,
17:27vous pouvez être membre
17:27de la coalition,
17:29auquel cas on vous traitera
17:30en fonction des règles.
17:31Si vous êtes à l'extérieur,
17:33on verra bien ce qui se passe.
17:34Et la France,
17:35que pèse-t-elle
17:36dans cet ordre économique mondial
17:39qui est en train de bouger,
17:41de se recomposer,
17:41à l'heure où elle cherche
17:4340 milliards d'euros
17:44supplémentaires d'économie,
17:46où le ministre des Finances,
17:47Éric Lombard,
17:48dit qu'il va falloir se battre
17:49pour aller chercher
17:500,7% de croissance,
17:52qui n'est quand même pas
17:53la panacée.
17:56Que pèse la France ?
17:57La France pèse peu,
17:59l'Europe pèse plus,
18:00et donc il est absolument évident
18:02que toutes les réponses,
18:04toutes les grandes décisions
18:05doivent être prises
18:07au niveau européen.
18:08Et ça, je pense que
18:09c'est la chance de l'Europe.
18:10Trump nous a obligés
18:12à réaliser
18:12qu'il y avait un certain nombre
18:14de choses qu'il fallait faire.
18:15Donc il faut par exemple
18:16qu'on soit unis
18:17par rapport à Trump,
18:18qu'on ne commence pas
18:19à avoir des accords...
18:20Vous faites partie justement
18:21d'un groupe d'économistes
18:22franco-allemands
18:23qui travaille sur ces questions.
18:24Vous croyez en un réveil
18:25de ce qu'on appelle
18:27le couple franco-allemand d'abord,
18:28le chancelier Merthe
18:29c'était hier à Paris,
18:31et de l'Europe en général ?
18:33Un réveil sûrement.
18:34Est-ce qu'on reste debout
18:35et on se met à courir ?
18:36J'en sais rien.
18:37Mais je crois qu'on comprend
18:38parfaitement que c'est le moment
18:40pour l'Europe
18:41de faire sa tombe de choses.
18:42Donc par rapport à Trump,
18:44qu'est-ce qu'on fait ?
18:45Alors il faut le faire
18:46de manière unifiée.
18:49Et puis,
18:50alors la question c'est
18:51qu'est-ce qu'on fait ?
18:52Est-ce qu'on réagit
18:53à ces tarifs
18:53en mettant nous aussi
18:55des tarifs dans tous les sens ?
18:57À mon avis,
18:59c'est absolument pas
18:59ce qu'il faut faire
19:00parce qu'en gros,
19:01il s'est tiré dans le pied
19:02avec ces tarifs,
19:03pourquoi est-ce qu'on ferait
19:03la même chose ?
19:04La question c'est
19:05est-ce qu'on peut le faire ?
19:06Pour le moment,
19:07si on ne fait rien,
19:08si on ne fait rien du tout,
19:09on aura des tarifs à 20%,
19:11ce qui est beaucoup,
19:12ce qui est très gênant.
19:13Donc est-ce qu'on peut
19:14le faire reculer ?
19:15En gros,
19:15c'est ça la question.
19:16Et là,
19:17dans toutes ces négociations,
19:18c'est un mélange
19:19de carottes
19:19et de bâtons.
19:21Et donc,
19:21oui,
19:22je...
19:22Non, non,
19:23allez-y,
19:23finissez.
19:24Carottes,
19:24ça veut dire
19:25qu'est-ce qu'on peut
19:26lui donner
19:26qui lui fasse plaisir ?
19:28On n'a pas grand-chose
19:29à lui donner.
19:30On peut lui donner
19:31du gaz,
19:31on peut lui acheter
19:32du...
19:32On peut dire
19:34qu'on va diminuer
19:35les achats
19:36de matériel militaire
19:37plus doucement
19:37qu'on l'aurait fait
19:38autrement.
19:39On peut travailler
19:41sur le soja.
19:43Est-ce que c'est suffisant ?
19:44Il a besoin,
19:46on le sait très bien,
19:47il a besoin
19:47de victoires symboliques.
19:49Donc,
19:49est-ce que ça suffit ?
19:50Est-ce que de l'autre côté,
19:51on a des bâtons ?
19:52Est-ce qu'on peut
19:53vraiment l'enquiquiner
19:54autant que la Chine
19:55peut l'enquiquiner ?
19:56Non.
19:57Mais on peut travailler
19:58pas mal sur
19:59ce qu'on appelle
20:00les GAFA,
20:01les grandes entreprises.
20:03Google,
20:03Amazon,
20:04Facebook,
20:04Apple.
20:05Et leur rendre
20:06la vie difficile.
20:08Si on leur rend
20:08la vie difficile,
20:09il y a une chance
20:10qu'ils appellent
20:10Trump
20:11et qu'ils disent...
20:12Justement,
20:13c'est la question
20:14que je voulais vous poser
20:14sur les grands patrons.
20:16Jeff Bezos,
20:17Musk,
20:19Mark Zuckerberg
20:20ou Bernard Arnault
20:21dans un autre domaine,
20:22celui du luxe
20:23qui était,
20:24il y a deux jours,
20:24reçu encore une fois
20:25à la Maison Blanche,
20:27le patron de LVMH
20:28qui était déjà
20:28à l'investiture
20:29de Donald Trump.
20:30Quel rôle jouent
20:30les grands patrons ?
20:31Est-ce qu'ils roulent
20:31seulement pour eux-mêmes
20:32ou pour leur multinationale ?
20:34Bien sûr,
20:34ils roulent pour eux-mêmes
20:35mais leur intérêt,
20:37c'est de diminuer
20:38un certain nombre de tarifs
20:39parce qu'ils dépendent
20:40terriblement
20:41de la partie de production
20:42qui est faite en Chine
20:43ou en Vietnam
20:44ou ailleurs.
20:44Donc,
20:46ils sont tout à fait
20:47contre les tarifs
20:48de manière générale.
20:49Il y a très peu
20:49d'entreprises américaines
20:50qui se disent
20:51on va être protégés,
20:52c'est formidable
20:52parce que la plupart
20:53produisent un peu
20:54partout dans le monde,
20:55ça leur complique la vie.
20:57Donc,
20:57ils vont tous appeler
20:58la Maison Blanche.
20:59Ils appellent la Maison Blanche
21:00ou ils n'y vont en personne.
21:00ils sont plus ou moins
21:03copains avec Trump.
21:05Est-ce que les GAFA
21:06dont on parlait
21:07sont suffisamment copains
21:08avec Trump
21:09pour lui dire
21:09« Hum ? »
21:11On verra.
21:12Mais le problème,
21:12à mon avis,
21:13c'est que ce qui va se passer,
21:14c'est que la retraite,
21:15elle va être faite
21:16en fonction de ce genre
21:17de choses.
21:18Coup de téléphone,
21:19pouvoir de marchandage
21:20des pays.
21:21Moi,
21:21ce qui m'inquiète beaucoup,
21:23c'est des pays
21:24comme le Vietnam,
21:25le Cambodge
21:26qui n'ont aucun pouvoir
21:27de marchandage
21:28et qui ont entièrement
21:29choisi
21:31une stratégie de croissance
21:33basée sur
21:35des exportations.
21:37Et eux,
21:38j'ai très peur
21:38qu'à la fin,
21:39on revient à la question
21:40où est-ce qu'on était à la fin,
21:41je pense qu'il y a
21:43énormément de recul,
21:44pas catastrophique
21:45pour l'Europe probablement.
21:47En Chine,
21:47oui,
21:48un peu plus,
21:48mais il y a toute une série
21:49de petits pays
21:50qui vont souffrir.
21:51Pour terminer,
21:52puisqu'il nous reste
21:53une minute,
21:54Olivier Blanchard,
21:55je réagis à la question
21:57de Jean-Jacques
21:58qui nous écrit,
21:58lui,
21:59de Marseille
21:59sur l'application
22:00de Radio France.
22:00Comment garder espoir
22:01dans ce monde
22:02complètement bouleversé ?
22:03Je vais la compléter
22:04la question de Jean-Jacques
22:05en vous demandant
22:07si dans cette réforme
22:09du système économique mondial,
22:11d'ailleurs que vous appelez
22:11de vos voeux,
22:12il peut y avoir
22:13finalement du bon
22:14qui sorte un système
22:16plus vertueux,
22:17plus respectueux
22:17au niveau social,
22:19au niveau écologique.
22:20On verra.
22:22La réponse,
22:23mais ce qui se passe
22:24certainement,
22:24c'est que le fait
22:26d'être confronté
22:27à un fou furieux
22:29oblige
22:31un certain nombre
22:32de pays
22:32à se poser
22:32des questions fondamentales.
22:34Et à mon avis,
22:35moi je crois
22:35au projet européen
22:36et je pense
22:37que l'Europe
22:39peut avancer.
22:41Un vieux cliché,
22:42c'est que l'Europe
22:43avance à chaque fois
22:44qu'il y a une crise.
22:45On a une crise.
22:46Est-ce qu'à la fin,
22:47on sera au paradis ?
22:49Non,
22:49je n'en suis pas sûr.
22:50Mais on peut espérer.
22:52Ce qu'on appelle
22:52en anglais
22:52un silver lining.
22:54Il y a quelque chose
22:54de positif,
22:55quelque chose
22:55de très dur,
22:57de très désagréable.
22:58Merci beaucoup
22:59en tout cas.
23:00Olivier Boulanchard,
23:01ancien chef économiste
23:02du Fonds monétaire international,
23:04professeur notamment
23:05à l'École d'économie
23:06de Paris.
23:06Merci d'être venu
23:08nous donner
23:09et nous partager
23:10votre regard
23:10sur ces bouleversements
23:12économiques mondiaux
23:13ce matin
23:13dans le grand entretien
23:14de la matinale.
23:15Merci.
23:15Merci.
23:15Merci.
23:16Merci.
23:16Merci.
23:16Merci.
23:16Merci.
23:17Merci.
23:17Merci.
23:17Merci.